1829 Pierre Clerjon réécrit l'histoire d'Agobard


LIVRE NEUVIEME

Alors comme aujourd’hui, à différentes époques de l’année , mais surtout à la fin du mois de juin et au commencement du mois d’août, des ouragans exerçaient leurs ravages 1
1 Dans l'année 825, une grêle prodigieuse ravagea tout aux environs de Lyon; Elle fut suivie d'une peste générale en France et en Allemagne.
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  On doit placer au nombre des écrits remarquables pour le temps où ils furent composés, celui que publia Agobard sur les causes physiques de ces ouragans 2. Des étrangers revêtus d’habillemens bizarres , et qui venaient sans doute du fond de la Germanie, ou qui étaient des mendians barbares sortis des forêts de la Bohême, exaltèrent l’imagination des Lyonnais. Leur présence coïncidant avec les ravages de la grêle tout récens, on s’écria dans la ville et dans les campagnes environnantes que ces vagabonds étaient des sorciers. On les appela de vrais tyrans de l’air, qui faisaient tomber à leur gré la foudre ou la grêle sur les blés et sur les fruits de la terre. Le nom que la populace leur donnait montre l’idée qu’on s’en formait : ils étaient nommés tempestarii, fabricateurs de tempêtes; car la langue latine était encore la langue vulgaire à Lyon sous la seconde race; ce ne fut guère qu’après le milieu du neuvième siècle qu’elle commença à se corrompre; les mots latins prirent une terminaison franque, et la langue romane ou romance leur succéda
  Selon les Lyonnais superstitieux du neuvième siècle, la légion des sorciers de l’air causait toute sorte de dommages dans ses propres intérêts. « Ils savaient bien, disaient les habitans courroucés, ils savaient bien mettre à profit les malheurs publics. » Suivant leurs statuts diaboliques, tous les fruits que la grêle avait abattus leur appartenaient de plein droit. Ils les faisaient passer dans une région aérienne, où ils les vendaient à leurs compatriotes et à leurs parens en sorcellerie. Ils se servaient de vaisseaux plus légers que l’atmosphère, et de pilotes de la même espèce pour transporter ces denrées.
  Les étrangers bohêmiens, premier type de ces vagabonds que l’on remarqua si souvent en Europe, n’ayant ni le froc des moines , ni la parure orientale des juifs, ni la toge des clercs, ni l’habillement des guerriers qui commençaient alors à porter l’arc et la cuirasse, furent pris pour ces sorciers aériens. Le bruit se répandit bientôt dans Lyon qu’ils étaient tombés des régions de leur sorcellerie dans la matinée même de l’orage. Le peuple accourut s’empara de trois hommes et d’une femme, les traîna en prison et voulut les lapider. Agobard, qui veillait sur la cité dont il était comme le premier et l’unique magistrat , fit amener devant lui ces prétendus sorciers, les interrogea, et les fit mettre en liberté. Mais pour justifier cette conduite qui scandalisait un peuple barbare et superstitieux , il prêcha contre les sortiléges. Quelque temps après , il publia et fit lire dans les églises son livre sur la grêle et sur le tonnerre. Il y démontre aux Lyonnais ce que saint Augustin avait déja démontré contre les manichéens , que le mal physique, comme la grêle, la disette , et les maladies, entre dans les vues et les dispositions de la Providence comme le mal moral.
2 Années 824 et 825.


SOURCE: P. Clerjon, Histoire de Lyon, T. Laurent, 1829, tome 2, p. 280

Remarques:

Les détails donnés à propos de la corruption de la langue latine, ou de Saint Augustin contre les manichéens, montrent que Clerjon a puisé dans Histoire littéraire de la ville de Lyon du père De Colonia, ce qui se confirme dans ce qu'il dit des tempestaires et de leurs navires aériens.
Mais le père de Colonia, faisait réellement tomber du ciel les quatre étrangers, alors qu'ici, il en sont seulement soupçonnés à leur aspect, comme dans l'ouvrage de Poullin de Lumina, qui est donc une autre source probable.
L'auteur confond manifestement orage, et ouragan.


grêle prodigieuse (Lycosthènes)
Quant à la grêle prodigieuse, On la retrouve cité pour l'an 825, dans Prodigiorum ac ostentorum chronicon, de Conrad Lycosthènes, qui écrit:
In Galliam mirae magnitudinis decidens grando, pecora multa et nonnullos homines interemit.
Une grêle d'une grandeur merveilleuse tombant en Gaule anéantit de nombreux troupeaux et beaucoup d'hommes.
mais Lycosthenes se trompe souvent de 2 ou 3 ans dans les dates. Mieux vaut se fier aux chroniques d'époque. Nous lisons dans les annales d'Eginhard pour l'an 823:
dans plusieurs endroits la grêle détruisit tous les fruits de la terre, et avec cette grêle on vit tomber des pierres véritables et d'un grand poids,...
A ces fléaux succédèrent une peste affreuse et une grande mortalité.

Et dans la chronique de "l'astronome" pour la même année:
Une pluie de pierres et de grêle tomba du ciel; une maladie contagieuse attaqua les hommes et les animaux.
C'est bien la grêle prodigieuse, suivie d'une peste, qui eut donc lieu en 823, et non en 825.

De plus, l'auteur en rajoute beaucoup, et n'a manifestement pas lu le livre d'Agobard. Agobard ne parle pas de la cause physique des ouragans. Il ne dit pas que les quatre personnes capturés avaient des vêtements bizarre, ni d'où elles venaient. Il ne dit pas qu'il venait d'y avoir une grêle prodigieuse. Il ne dit pas qu'on les traita de "tyrans de l'air". Il ne dit pas que les tempestaires avaient des statuts diaboliques, ni que les habitants de Magonie étaient leurs parents en sorcellerie. Il ne dit pas que les navires qui venaient à travers les nuages, ni leurs pilotes, étaient plus légers que l'air. Et Agobard qui avait démontré devant tout le monde que ceux qui avaient capturé les quatre personnes avaient menti, n'avait pas besoin de se justifier. Il n'a donc probablement pas fait lire dans les églises, son traité contre les sottes croyances populaires à propos de la grèle et du tonnerre. Et d'ailleurs, bourré de raisonnements théologiques, il n'est pas destiné au peuple, mais aux ecclésiastiques.
Bref, Clerjon a réécrit l'anecdote citée par Agobard, pour la rendre plus logique de son point de vue, mais il n'y a plus grand chose de vrai.

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