1977 Paul Leutrat n'a pas lu les livres qu'il cite


II
PAGANISME ET SORCELLERIE

  Au IXe siècle, on croyait que la grêle était produite par des sorciers, les tempestaires, si bien qu’aussitôt que l’on entendait gronder le tonnerre, on disait: « voilà l’heure léviatique », c’est-à-dire l’ouragan que les sorciers font élever.
Note: Il n'est pas question d'heure dans le texte d'Agobard, qui écrivait aura levatitia est (les airs sont soulevés). Ce passage est manifestement un copiage corrompu d'André Steyert qui écrivait "Voilà l'aure léviatique" .
On ajoutait qu’après cela ils ramassaient les récoltes abattues par l’orage et les vendaient aux habitants d’un pays fabuleux appelé Magonie - le pays des Mages - qui venaient sur des navires aériens et les emportaient chez eux. Un jour, à Lyon, on amena à l’évêque Agobard trois hommes et une femme que l’on prétendait être tombés de l’un de ces navires et l’on se disposait à les lapider. Saint Agobard parvint à convaincre la foule de l’absurdité de cette accusation. Antérieurement, à la suite d’une épizootie qui s’était déclarée sur les bœufs, l’opinion s’accrédita que cette maladie était occasionnée par une poudre empoisonnée que les gens du duc de Bénévent, avec lequel Charlemagne était en guerre, répandaient sur les champs. Mais cette fois Agobard ne put convaincre la population de l’absurdité de l’accusation en donnant comme argument que tous les animaux seraient morts et que les gens de Bénévent n’auraient jamais eu assez de poudre pour toute la région. Il y eut à cette occasion des massacres et autres règlements de comptes. Agobard écrivit même un traité contre les superstitions qui nous fournit ces renseignements repris par Montfaucon de Villars dans le Comte de Gabalis au XVIIe siècle:
Note: Il est exact que Montfaucon de Villars s'est inspiré du livre d'Agobard, en le déformant atrocement, mais il ne s'est pas inspiré que de cela.
    « Les Sylphes, voyant le peuple, les pédants et les têtes couronnées même se gendarmer ainsi contre eux, résolurent, pour faire perdre cette mauvaise opinion qu’on avait de leur flotte innocente, d’enlever des hommes de toutes parts, de leur faire voir leurs belles femmes, leur république et leur gouvernement, et puis les remettre à terre en divers endroits du monde. Ils le firent comme ils l’avaient projeté. Le peuple, qui voyait descendre ces hommes, y accourait de toutes parts, prévenu que c’étaient des sorciers qui se détachaient de leurs compagnons pour venir jeter des venins sur les fruits et dans les fontaines, et, suivant la fureur qu’inspirent de telles imaginations, entrainaient ces innocents au supplice. Il est incroyable quel grand nombre il en fit périr par l’eau et par le feu dans tout ce royaume.
    « Il arriva qu’un jour, entre autres, on vit à Lyon descendre de ces navires aériens trois hommes et une femme; toute la ville s’assemble autour, crie qu’ils sont magiciens et que Grimoald, duc de Bénévent, ennemi de Charlemagne, les envoie pour perdre les moissons des Français. Les quatre innocents ont beau dire pour leur justification qu’ils sont du pays même, qu’ils ont été enlevés depuis peu par des hommes miraculeux qui leur ont fait voir des merveilles inouïes et les ont priés d’en faire le récit. Le peuple entêté n’écoute point leur défense, et il allait les jeter dans le feu quand le bonhomme Agobard, évêque de Lyon, qui avait acquis beaucoup d’autorité étant moine dans cette ville, accourut au bruit et, ayant ouï l’accusation du peuple et la défense des accusés, prononça gravement que l’une et l’autre étaient fausses. Qu’il n’était pas vrai que ces hommes fussent descendus de l’air, et que ce qu’ils disaient y avoir vu était impossible.
    « Le peuple crut plus à ce que disait son bon père Agobard qu’à ses propres yeux, s’apaisa, donna la liberté aux quatre ambassadeurs des Sylphes et reçut avec admiration le Livre qu’Agobard écrivit pour confirmer la sentence qu’il avait donnée, ainsi le témoignage de ces quatre témoins fut rendu vain.
    « Cependant, comme ils échappèrent au supplice, ils furent libres de raconter ce qu’ils avaient vu, ce qui ne fut pas tout à fait sans bruit ; car s’il vous en souvient bien, le siècle de Charlemagne fut fécond en hommes héroiques; ce qui marque que la femme qui avait eté chez les Sylphes, trouva créance parmi les dames de ce temps-là, et que par la grace de Dieu beaucoup de Sylphes s’immortalisèrent. Plusieurs Sylphides aussi devinrent immortelles par le récit que ces trois hommes firent de leur beauté, ce qui obligea les gens de s’appliquer un peu a la Philosophie; et de là sont venues toutes ces histoires de fées que vous trouvez dans les légendes amoureuses du siècle de Charlemagne et des suivants. »
Note: C'est à peu près le texte de Montfaucon de Villars, mis en orthographe moderne, sauf qu'au lieu de "sans bruit", il faut lire "sans fruit".
    Ajoutons que notre auteur mourut dans des conditions mystérieuses alors qu’il se rendait a Lyon, assassiné affirma-t-on par les tenants des sciences occultes dont il avait révélé les secrets, cela en 1695. On accuse en particulier les rose-croix.
    Une récente version veut que ce soit des extraterrestres qui aient débarqué an IXe siécle sur le sol lyonnais!
    Pour notre part, nous nous en tiendrons à ce qu’Agobard nous en dit lui-méme, en constatant que l’événement se situe dans un contexte de sorcellerie : phenoménes de l’orage et de la gréle qui, tout au long de la tradition, ne cesseront d’accompagner les apparitions du démon, présence aussi d’un lieu mystérieux, qui peut étre « la cour du diable » des Roches-Fayettes, mais aussi bien un endroit imaginaire. et qui constitue de toute facon le royaume de Satan, là où se déroulent les sabbats et où l’on arrive en volant.
Note: Voila une nouvelle hypothèse sur la situation de la Magonie. Mais remarquons que les fayettes, ce sont les fées, et qu'il y a plusieurs endroits nommés Les roches Fayettes. A Saint Just D'Avray, à Blacé, à Poule, à Ville-sur-Jarnioux, et d'autres mentionnées par les folkloristes, mais difficiles à situer. Ce sont souvent des pierres à cupules. Quand à La cour du diable, c'est à Ollioules, mais il existerait aussi une maison du diable à Thurins.
De toutes façons, la Magonie n'est en rien le royaume de Satan, ce qui est une interprétation chrétienne ou luciférienne, alors qu'à l'origine elle sort d'un paganisme qui ne connait ni Dieu, ni diable.

Y engranger les récoltes des humains, au demeurant sans doute fort abimées par la tempête, ne peut qu’avoir pour but de ravitailler le garde-manger du dit sabbat, dont on sait qu’il fournit à ses participants des mets certaines fois un tantinet répugnants.
Note: Nous sommes toujours ici dans l'hypothèse sataniste, c'est à dire d'une réinterprétation moderne des superstitions dénoncées par Agobard.
Enfin, le rôle des tempestaires rejoint la légende de Merlin déchainant les orages simplement en versant quelques gouttes d’eau sur la margelle de la fontaine de Baranton. Dans leur ouvrage intitulé les Celtes et les Extra-Terrestres, E. Coarer-Kalondan et Gwezenn-Dana affirmcnt avoir procédé efficacemcnt à une opération semblable. Ce peut étre évidemment une coincidence.
Note: Ce peut surtout être une navrante stupidité n'ayant rien à voir avec les pratiques des tempestaires, qui étaient censés procéder par incantations.
    Bien entendu, qui déchaine la tempéte peut aussi la calmer et c’est le sujet du poétique court métrage de Jean Epstein intitulé Le Tempestaire (1947).
    C’est Lyon qui se trouve de par cette anecdote à l’origine directe de ces diverses traditions.
    Papyre Masson publia les ouvrages d’Agobard en 1606; on y lit aussi qu’en 842 le diable fit apparaitre au mois de mars dans le ciel des armées de différentes couleurs et qu’en 848 ces armées infernales défilérent au clair de lune. Les tempestaires seraient arrivés, vétus de costumes inconnus, sur un dragon.
Note: Il n'y a rien de vrai: L'ouvrage de Papire Masson parut en 1605, et ne parle pas des armées célestes de 842 et 848. On aimerait savoir d'où sortent ces tempestaires arrivés sur un dragon.
    Le texte d’Agobard, Traité de la Gréle, est également reproduit en 1661 dans Sancti Agobardi, archipiscopi Lugdunensis Opera, Item Epistoloe et Opuscula Leidradi et Amulonis, episcoporum Lugdunensium, Stephanius Balazuis, et reproduit a nouveau dans l’Almanach historique et politique de la Ville de Lyon pour l'an 1837.
Note: Là non plus, il n'y a pas grand chose de vrai. Le livre d'Agobard ne s'appelle pas Traité de la Gréle, n'a pas été reproduit en 1661 mais en 1666, et le titre est faux. Seul le titre de l'almanach est exact.
    Voici ce qu’écrit réellement Agobard : (Liber contra insulam vulgi opinionem de grandinem, in Patrologia Latine de Migne.)
Note: Là encore c'est faux.
    « Nous avons vu et entendu beaucoup de gens assez fous et assez aveugles pour croire et pour affirmer qu’il existe une certaine region appelée Magonie, d’ou partent, voguant vers les nuages, des navires qui ont servi a transporter dans cette méme contrée les fruits abattus par la gréle et détruits par la tempéte, aprés toutefois que la valeur des blés et des autres fruits a été payée par les navigateurs aérieus aux Tempestaires de qui ils les ont recus. Nous avons vu méme plusieurs dc ces insensés qui, croyant à la realité de choses aussi absurdes, montrérent à la foule assemblée quatre personnes enchainées, trois hommes et une femme, qu’ils disaieut étre tombées dc ces navires ; depuis quelques jours, ils les retenaient dans les fers lorsqu’ils les amenèrent devant moi, suivis de la multitude, afin de les lapider; mais, après une longue discussion, la vérité ayant enfin triomphé, ceux qui les avaient moutrés au peuple se trouvérent, comme dit un prophéte, aussi confus qu’un voleur lorsqu’il est surpris. »
Note: ici c'est le texte d'Antoine Péricaud, paru en 1841, reproduit avec quelques erreurs. Péricaud n'écrit pas: "voguant vers les nuages, des navires qui ont servi a transporter...", mais "voguant sur les nuages, des navires qui transportent". Pour le reste la traduction est correcte, sauf que, quand Agobard écrit fruges, il ne faut pas comprendre "fruits", mais dans un sens plus général, "récoltes".


SOURCE: Paul Leutrat, La sorcellerie lyonnaise, Robert Laffont, 1977, page 56-60

Remarques:

Précédemment, Paul Leutrat avait écrit un article dans un journal régional.

Dossier soucoupes volantes publié dans « Le Réveil du Rhone » : « Lyon a 2000 ans »

Mr Paul Loutrat, Inspecteur, éminent historien, a retrouvé dans les archives de LYON qu'au Moyen-Age furent brulés à Lyon « des individus mâles et femelles, capturés par des paysans des Monts du Lyonnais, qui venaient en machines volantes se ravitailler auprès des cultivateurs.

(Communiqué par M. R. BERNALIN)

SOURCE: Lumières dans la nuit -Contact Lecteurs- 93-94 bis, mai 1968
Problèmes:
Le bimillénaire de Lyon a été fété fin 1957, or Le Réveil du Rhone ne figurait déja plus dans l'Annuaire de la Presse de 1954.
C'est Paul Leutrat, et non Loutrat, dont les premiers livres furent écrits en 1961.
Les informations données sont absurdes et ne correspondent absolument pas à ce que l'auteur écrivit dans son livre.
Contacté par téléphone en 1985, Paul Leutrat se souvenait avoir écrit un article, mais ne se souvenait plus des sources utilisées. Il pensait avoir trouvé l'information au hasard dans une revue.
C'est dire ce que valait cette information.

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