1802 Johann Bernoulli invoque une hypothèse d'Euler.

Bernoulli
Johann Bernoulli
Johann Bernoulli, troisième du nom, dernier descendant notable d'une illustre famille de savants, est souvent crédité d'avoir émis l'hypothèse, et même d'avoir compris, que le prétendu satellite de Vénus n'était en fait que la planète Uranus, non encore découverte à cette époque. En fait l'hypothçse a réellement été émise à l'époque de la découverte d'Uranus, mais par un autre. Pour comprendre, il nous faut jeter un coup d'oeil sur la généalogie des Bernoulli.
Johann Bernoulli (1667-1748), né à Bale, frère de Jacob, fut un mathématicien, correspondant de Leibniz, et eut pour éléve rien moins que Leonhard Euler.
Johann Bernoulli II (1710-1790), né à Bale, mathématicien comme son père, fut le collaborateur du même Leonhard Euler.
Johann Bernoulli III (1744-1807), né à Bale, mathématicien aussi, avait 36 ans quand William Herschel découvrit Uranus, dont l'orbite fut calculée par Lexell et Euler.
C'est seulement en 1802 qu'il publie le contenu d'une lettre qui mentionne l'hypothèse qu'Uranus ait été prise pour le satellite.

XXXV. Ueber den Uranus   343
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XXXV

Muthmassung über den Uranus.

Aus einem Schreiben des Directors Bernoulli
in Berlin.
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In ältern Briefen eines berühmten Mathematikers an mich, der aber sonst nicht über astronomische Gegenstände mit mir correspondirte, fand ich neulich folgende Stelle, die meines Erachtens noch wol verdienet, ausgehoben und in der M. C. aufbewahrt zu werden: sie kann andern guten Köpfen zu weitern Speculationen Anlafs geben. Der Brief war am 10 November 1781 geschrieben.
  "Mit dem, wie es scheint, neuerlich eroberten Planeten ist es doch eine sonderbare Sache. Ich bin begierig, was man ihm für einen Namen geben wird. Hätte ich einen Vorfchlag zu thun, ich würde ihn, da er über den Saturn hinausliegt, Υπερκρονιος nennen in der Göttersprache, oder schlechtweg Transsaturnius."

XXXV. à propos d'Uranus
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XXXV

Hypothèse à propos d'Uranus.

Extrait d'une lettre du directeur Bernoulli
à Berlin.
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Dans des lettres plus anciennes d'un mathématicien célèbre à moi adressées, mais qui autrement ne correspondait pas avec moi sur des sujets astronomiques, j'ai récemment trouvé le passage suivant, qui, à mon avis, mérite encore d'être déterré et conservé dans le M.C. cela peut donner à d'autres bons esprits un motif de spéculations supplémentaires. La lettre a été écrite le 10 novembre 1781.
  "C'est une chose étrange à propos de ce qui semble être une planète nouvellement conquise. Je me demande quel genre de nom il sera donné. Si j'avais une suggestion à faire, je l'appellerais Υπερκρονιος dans la langue des dieux, car elle se trouve au-delà de Saturne, ou simplement Transsaturnius."
Note: L'ypothèses de planètes tran-saturniennes avait déjà été émise par Clairaut, à l'occasion du calcul des perturbations causés par les grosses planètes sur la comète de Halley. Mais ici l'auteur de la lettre ne semble pas imaginer qu'il puisse exister plusieurs planètes de ce type. Son appellation n'est valable que s'il n'en existe qu'une, ce qui s'avèrera faux en 1846, avec la découverte de Neptune.
  " Eben itzt fällt mir ein Gedanke ein, den ich Ihnen doch mittheilen muss. Wäre es nicht möglich, dass dieser wandelnde Stern Gelegenheit zu dem Venus Monde könnte gegeben haben, den man inmer, wie Wargentin irgendwo sagt, gleichsam wie in der Eile und auf der Flucht gesehen hat. Fast scheint mir's unglaublich, dass Cassini, Short, Montaigne, Baudouin, u. a. m. ein Ding, wie der Abglanz vom Auge darstellen muss, eigentlich nur ein Schattenbild von einem Stern, von einem wirklichen Stern nicht hätten sollen unterscheiden können. Denkt man sich aber den neuen Planeten, dessen Sichtbarer Durchmesser nur ein Paar Secunden, vielleicht 4 - 6 beträgt, neben der Venus (welches freylich nicht gar zu oft geschehen wird): so kann jener gar leicht für einen Trabanten der letzten angesehen werden, und man erkennt sogleich, wie man ihn nur zufällig habe dafür halten können, wie er plötzlich habe erscheinen und wegen der geschwinden Bewegung der Venus eben so plötzlich verschwinden können. Da hier alles auf die Lage des Hypercronius und der Venus gegen die Erde, zu den Zeiten des beobachteten Venus-Mondes, ankommt: so müsste diese vorzüglich untersucht werden. Da des ersten Bahn nur einen sehr kleinen Winkel mit der Ekliptik zu machen scheint, also seine Breite unbeträchtlich seyn wird: so wird es schon ein gutes Zeichen seyn, wenn auch die Breite der Venus zu den Zeiten klein gewesen ist, und wird sich vielleicht der Mühe lohnen, den Stand des neuen Planeten rückwärts für diese Zeiten zu berechnen, um zu sehen, ob diese Vermuthung Grund habe oder nicht, Bestätigte sich meine Muthmassung: so wäre das vielleicht der erste Vortheil , den man von der Entdeckung dieses Sterns gezogen hätte".
  "Tout à l'heure, une pensée me vient à l'esprit que je dois partager avec vous. Ne serait-il pas possible que cette étoile ambulante ait donné l'occasion à la lune de Vénus, que l'on a toujours vue, comme le dit Wargentin quelque part, comme si elle était pressée et en fuite. Il me semble presque incroyable que Cassini, Short, Montaigne, Baudouin, etc. n'aurait pas pu distinguer d'une véritable étoile, une chose, comme le reflet dans l'œil doit montrer, en fait seulement le fantôme d'une étoile. Mais si l'on pense à la nouvelle planète, dont le diamètre visible n'est que de quelques secondes, peut-être 4-6, à côté de Vénus (ce qui bien sûr ne se produira pas trop souvent): elle peut facilement être considérée comme un satellite de la dernière, on reconnaît aussitôt comment on n'a pu le tenir qu'accidentellement, comment il est apparu soudainement et a pu tout aussi brusquement disparaître à cause du mouvement rapide de Vénus. Puisque tout dépend de la position d'Hypercronius et de Vénus par rapport à la terre, au moment d'observer la lune de Vénus, cela doit être extrêmement bien examiné. Puisque la première orbite semble ne faire qu'un très petit angle avec l'écliptique, c'est-à-dire que sa largeur sera insignifiante: ce sera un bon signe si la largeur de Vénus était petite à l'époque, et cela vaudra peut-être la peine de calculer la position de la nouvelle planète à rebours pour ces temps, afin de voir si cette présomption est juste ou non, si mon hypothèse est confirmée: ce serait peut-être le premier avantage que l'on aurait tiré de la découverte de cette étoile ".
Von Zach, Monatliche correspondenz, fünfter Band, Gotha, 1802, p 343-344

L'hypothèse est claire: la planète Uranus aurait pu être prise pour le satellite de Vénus. Mais il est clair aussi que cette hypothèse n'est pas de Bernoulli, comme on l'écrit souvent, mais d'un "mathématicien célèbre" qui lui écrivait. Un mathématicien célèbre, ami de la famille Bernoulli, et qui s'intéressait à la planète Uranus. Le suspect est vite découvert: il s'agit manifestement de Léonhard Euler, né à Bale, comme les Bernoulli, élève de Johann Bernoulli (Jean I), et qui avait travaillé avec son fils, Jean II. Il est donc logique qu'il ait correspondu avec Jean III, le petit fils de son maitre, et le fils de son collabotateur. Euler avait travaillé avec Lexell sur l'orbite de la planète Uranus, et, dit-on, y travaillait encore le jour de sa mort.

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Dernière mise à jour: 30/10/2020