1765. Le père Hell met en garde contre les illusions.

livre
De Satellite Vénéris
Hell
Maximilien Hell
Le père Jésuite Maximilien Hell (1720 - 1792) fut astronome et mathématicien. Il fit dès études de philosophie, et de mathématiques à Vienne en 1740, puis s'orienta vers l'astronomie, avant de faire des études de théologie. Il fut ordonné prètre en 1751.
En 1755 Hell devient directeur de l'observatoire de Vienne. Il commence dès 1757 la publication annuelle des, Ephemerides astronomicae ad meridianum Vindobonemsem (Éphémérides astronomiques pour le méridien de Vienne).
Après avoir observé le transit de Vénus de 1761, Hell fut invité par le roi Christian VII à se rendre en Laponie pour y observer le transit de 1769. Entretemps, il publia, en annexe à ses éphémérides pour 1766, De Satellite Veneris, où il traite en 83 pages, des observations du satellite de Vénus, et des illusions qui peuvent en faire voir.

Il commence par parler de l'intérét causé par les mémoires de Baudouin et les observations de Montaigne, puis embraye en décrivant les différentes observations, avec des commentaires (le tout en latin). Défilent alors les observations de Cassini, de Short, de Montaigne, de Roedkiaer et de Montbarron.
Après quoi, le père Hell rapporte une illusion dont il fut victime.

Primae Visiones P. Hell e & S.J. Phaenomeni similis Satellitis Veneris Anno 1757. & 1758. Vindobonae habitae.

Postquam aliorum Observatorum visiones cum publico communicatas, fide integra in fupra indicatis paragraphis retuli, superest, ut meas proprias similis Phaenomeni visiones hactenus a me silentio pressas candide referam. Itaque cum anno 1757. post obitum Eminentissimi Cardinalis de Trautson Studiorum Universitatis hujus Protectoris sapientissimi, doctissimique, e copiosisimis Instrumentis physicis & mathematicis Universitati huic testamento legatis, Observatorio huic Caefareo-Regio bina telescopia anglicana égregia ad usum astronomicum illata fuerint, quorum unum est telescopium gregorianum 2. pedum , fabrefactum in Anglia, alterum Newtonianum 4 1/2. pedum; quo constanter observationes Satellitum Jovis perago , evenit anno 1757. mense (ni fallor) Decembri, ut dum telescopium laudatum gregorianum 2. pedum augmenti circiter 70. Vel 8o. ad Phases Veteris periclitarer, astrum quoddam ad Venerem conspicerem, luce debiliore & confusa fulgens, persimile fere parvo cuidam cometae crinito, id cum contemplarer prima cogitatio suborta est, an non astrum hoc foret cometa quidam minor (nam fixam non esse debilis lux , & amplior diameter manifeste ostendebant) quapropter alio tubo 4 1/2. ped. Newtoniano supra dicto excellente, cujus augmentum eft 54es Venerem contemplatus sum, ut de novo hoc phaenomeno certus redderer: at licet omnem circa Venerem regionem hoc tubo perscrutatus fuerim, nihil omnino reperire potui, quod Phanomenon per telescopium gregorianum visum imitaretur ; accessi secundo telescopium gregorianum 2. ped, & per hunc iterum idem phaenomenon apparuit, tum sumpto tubo alio Newtoniano 4. pedum in Anglia elaborato minoris quidem augmenti sed claritatis insignis, Venerem contemplabar, at incassum Phaenomenon hoc quaeritabam; repetii iterum telescopium gregorianum 2. pedum, iterumque phaenomenon idem apparuit, tentamina haec saepius repetita per horae fere spatium duravere; quapropter conclusi, per tubum gregorianum imagine aliqua optica lucis cujuspiam falsae me illusum fuisse, que ex reflexione partis alicujus interioris tubi fortassis politae & splendidae per reflexionem ad lentem delata fuisset; itaque observationem hanc tanquam illusionem, indignam putavi, que in diarium observationum mearum insereretur.

Premières observations du père Hell S.J. d'un phénomène similaire au satellite de Vénus en 1757 é 1758, opérées à Vienne.

Après que je publie les observations communiquées des autres observateurs, reproduites entières fidèlement dans le paragraphe mentionné ci dessus, il reste, que je mentionne mes propres observations de phénomènes similaires, jusqu'ici maintenues sincèrement par moi dans le silence. Et ainsi, quand en l'an 1757 Après la mort du très éminent cardinal von Trautson très savant et très érudit protecteur des études de cette Université, des nombreux instrumebts de physique et de mathématiques légués par ce testament à l'université, une paire de télescope anglais de valeur à usage astronomique fut envoyée à cet observatoire de Caefareo-Regio, dont l'un est un télescope de Gregory de 2 pieds, fabriqué en Angleterre, l'autre un télescope de Newton de 4 1/2 pieds; où j'accomplis régulièrement des observations des satellites de Jupiter, il arriva en 1757, au mois de décembre (si je ne me trompe), que, alors que j'essayais un télescope de Gregory estimé de 2 pieds grossissant 70 ou 80 fois sur les phases de Vénus, j'apercus un certain astre près de Vénus, d'une lumière plus faible et d'un éclat diffus, presque très semblable à une petite chevelure de comète, comme j'examinais celle ci la première idée qui survint, si cet astre ne serait pas quelque petite comète (car la lumière faible n'était pas fixe et montrait un diamètre manifestement agrandi), c'est pourquoi avec l'autre excellent télescope de Newton de 4 1/2 pieds grossissant 54 fois mentionné ci dessus, j'examinais Vénus, afin que le phénomène se reproduise à nouveau avec certitude, bien que j'explore avec ce télescope toute la zone autour de Vénus, je ne pus absolument rien retrouver, parce que le phénomène vu avec le télescope de Gregory était contrefait, je revins une deuxième fois au télescope de Gregory de 2 pieds, et de nouveau ce même phénomène apparut, alors reprenant l'autre télescope de Newton de 4 pieds fabriqué en Anglterre avec un grossissement moindre mais notablement plus lumineux, j'examinais Vénus, mais je cherchais en vain ce phénomène, reprenant à nouveau le télescope de Gregory de 2 pieds, le même phénomène apparut de nouveau, ces tentatives répétées durèrent presque l'espace d'une heure; d'où je déduisit, que dans l'image du télmescope de Gregory quelque fausse lumière faisait une illusion, qui de la réflexion de quelque partie intérieure du télescope probablement polie et limpide avait été renvoyé par réflexion vers la lentille; et ainsi cette observation, pour ainsi dire une illusion, je l'ai jugé indigne, d'ètre insérée dans les journaux de mes observations.

  Anno sequente, scilicet 1758. dum Venus mense Martio in sua maxima digressione versaretur, plurimas Veneris cum fixis conjunctiones observando determinavi, dumque die quadam Phases Veneris per telescopium gregor. 2. ped. supra dictum contemplarer, iterum se mihi dictum Phaenomenon spectandum praebuit; igitur cum jam per priores observationes certus essem, lucem hanc debiliorem esse illusionem opticam, quam suspicabar ex interiore quadam tubi parte per reflexionem ortum ducere, cuperemque vitio hoc tubum hunc liberare, idcirco die sequente, dissoluto in partes tubo, omnes tubi hujus partes diligentissime perscrutatus sum, & quas vel minime suspectas habebam, obducta fuligine denigraveram : hoc composito Venerem vespere iterum contemplatus sum, & quidem per dies aliquot (fortassis ob coelum vaporosum) lucem ante dictam non conspexi. At quadam die serenissima, dum iterum hoc tubo Venerem contemplabar, lucem quoque illam spuriam conspexi iterum, cumque sàtis probabile mihi videbatur lucem hanc a partibus interioribus tubi, quas adeo diligenter antehac perscrutatus sum , oriri haud posse, idcirco paullo attentius meditari coepi originem, & causam lucis hujus false ; itaque cautissime & motu lentissimo oculum ad aperturam tubi admovebam usque dum imaginem hanc lucidam distintissime cernerem; at quanta me invasit admiratio, dum spuriam hanc lucem in Satellitem Veneris, phasim eandem cum Venere habentem , mutatam conspexi ! en (ajebam apud memet,) Phaenomenon simillimum illi ,cujusmodi olim viderat D. Cassini Parisiis & recentius anno 1740. in Anglia D. Short! ut igitur adhuc certior essem de spectro hoc ( nam hoc nomine phaenomenon istud meum tunc compellavi, & deinceps etiam ex merito compellabo ) oculum jam lente removebam a tubo, & spectrum etiam sensim disparuit, tametsi Venerem distincte cernerem, admoto iterum oculo apparere coepit, & in certa oculi ab apertura distantia clarissime & distinctissime videbatur cum Venere, admoto autem adhuc magis oculo sensim disparere coepit, donec in certa vicinia penitus videri desierit , limites autem disparitionis adeo erant exigui, ut a distantía oculi a tubo media, in qua Satelles distincte cernebatur, spatium dimidiae linae utrinque vix aequaverit, totumque spatium distantiae limitum visionis vix lineam aequabat.

L'année suivante, c'est à dire 1758, alors qu'au mopis de mars Vénus se trouvait dans sa plus grande élongation; j'ai dessiné la plupart des conjonctions de Vénus avec des étoiles fixes pour les examiner, et donc j'ai observé à cette époque quelques phases de Vénus avec le télescope de Gregory de 2 pieds sus nommé, et à nouveau le dit phénomène remarquable se montra à moi; c'est pourquoi puisque j'était déjà averti d'observations antérieures, cette faible lumière était une illusion optique, que je soupçonnais produite par une rélexion apparue à l'intérieur de ce télescope, et je souhaitais libérer ce télescope de ce défaut, c'est pourquoi le jour suivant, le télescope démonté, j'ai examin& avec la plus grande attention toutes les pièces de ce télescope, et je les ai recouvertes de noir de fumée jusqu'aux moins soupconnées: Ceci fait Vénus fut à nouveau observé le soir, et au moins pour quelques jours (probablement à cause du ciel brumeux) je ne vis plus la lumière susdite. Cependant un certain jour très serein, alors que j'observais à nouveau Vénus avec ce télescope, je revis aussi cette fausse lumière, et comme il me semblait assez probable que cette lumière, qu'avant cela j'avais tant cherché avec diligence, pouvait apparaitre pour rien par les parties intérieures du télescopes, je mis donc peu d'attention à réfléchir à son origine et à la cause de cette fausse lumière, et ainsi j'approchais mon oeil de l'ouverture du tube, avec beaucoup de précaution et d'un mouvement très lent, jusqu'à ce que j'aperçoivent très distinctement cette brillante lumière, mais quel étonnement m'envahit, je vis encore cette fausse lumière, ayant la même phase que Vénus, changée en satellite de Vénus; Voila (selon moi) un phénomène des plus semblables à celui que vit autrefois M. Cassini à Paris et plus récemment D. Sort en Angleterre! que donc jusqu'ici j'étais plus sûr d'un spectre (car j'ai alors appelé ce phénomène là par ce nom , et ensuite je l'appellerai encore de ce qu'il mérite), à ce moment j'enlevais lentement mon oeil du tube, et le spectre disparut encore doucement, bien que je vis encore clairement Vénus, il réapparut en approchant mon oeil, et il se voyait très clairement et très distinctement avec Vénus par l'ouveture à distance de l'oeil, et il recommenca à disparaitre lentement en éloignant davantage l'oeil, jusquà ce qui cesse complètement d'être vu dans le proche voisinage, en outre les limites de sa disparition étaient assez étroites, en sorte qu'à la distance de l'oeil au milieu du tube, où le satellite se voyait distinctement, aurait difficilement égalé l'espace de la ligne moyenne des deux cotés, et égalait difficilement l'espace limite de la distance de vision.

  Hoc quidem capto experimento satis certus eram imaginem hanc esse illusionem seu spectrum; ut autem nossem, unde suam originem duceret, aut quaenam esset causa, quae imaginem hanc in retina oculi inspicientis efformaret, sequentia cum spectro hoc tentamina saepius repetita institui. Imaginem Veneris in medio campo tubi constitui, & viso spectro ad limbos circiter campi , oculum in circulum circa Venerem movebam, quo facto & spectrum circa Venerem in eadem quasi a Venere distantia circumferri vidi; si oculum perpendiculariter deorsum movebam, & spectrum perpendiculariter deorsum movebatur , si sursum, spectrum quoque ibat sursum, verbo: in quamcunque partem movebam oculum, in eandem & spectrum ferebatur, hoc solo discrimine, quod spectrum hoc dum Veneri valde vicinum erat, plerumque disparuerit, ob causas infra referendas.
  Porro si imaginem veram Veneris ad limbum campi tubi adduxi, tum spectrum apparebat circiter in medio campo tubi, adeoque si Venus fuit in parte inferiore campi, spectrum erat in superiore &c. — Haec omnia experimenta me de illusione optica certissimum reddebant; hae enim situs mutationes respondentes motui oculi, tam celeres, & in partes contrarias, nulli objecto reali prope Venerem in coelis existenti competere possunt.

Maintenant j'étais assez certain par cette expérience que cette image était une illusion ou un spectre; Mais pour que je sache, où que nous mène son origine, ou quelqu'en soit la cause, qui crée une image dans la rétine de l'oeil de l'observateur, j'ai entrepris une série de tentatives souvent répétées avec ce spectre. J'ai mis l'image de Vénus au milieu du champ de la lunette, et vu le spectre presque au bord du champ, Je deplaçais mon oeil dans le cercle autour de Vénus, ce par quoi je vis le spectre tourner autour de Vénus quasiment à la même distance; si je déplaçais mon oeil perpendiculairement vers le bas, le spectre se déplaçait perpendiculairement vers le bas, si c'était vers le haut, le spectre allait aussi vers le haut, en un mot: dans quelque partie que je déplace mon oeil, le spectre se portait dans la même, par cette seule détermination, que le spectre était très proche de Vénus à ce moment, généralement il disparut, pour les causes rapportées ci dessous.
D'autre part, si j'amenai la vraie image de Vénus au bord du champ de la lunette, alors le spectre apparaissait à peu près au milieu du champ, et surtout, si Vénus était dans la partie inférieure du champ, le spectre était dans la partie supérieure, etc. Toutes ces expériences me rendirent absolument certain d'une illusion d'optique; car ces changements de position répondant aux mouvements de l'oeil, si rapides, en des parties opposées, j'objecte que rien de réel existant dans les cieux près de Vénus ne peut y arriver.

Nous arrétons ici la traduction de cette dissertation interminable, où le père Hell vient de nous expliquer en trois pages et demie, en long, en large, en travers, et en latin, comment il avait compris que l'image qu'il voyait était illusoire. A la suite, il commence à nous expliquer comment s'est formée cette illusion: Les deux miroirs concaves de son télescope de Grregory ne pouvant être en cause, les responsables étaient les deux lentilles de son oculaire, dont la plus proche de son oeil était un ménisque. Il pense d'abord à un double reflet dans ces deux lentilles, puis se rend compte que la réflexion vitreuse sur la cornée de son oeil doit aussi être prise en compte.
Ensuite il se lance dans la description de six expériences d'optique, la première avec une lunette de Galilée, dite aussi hollandaise, braquée sur la lune ou sur une chandelle. Puis une deuxième où la lumière de la chandelle est réfléchie par une vitre, et il continue en changeant les lentilles de l'oculaire, de plan concave à biconvexe, en passant par ménisque. Le tout avec une série de figures présentées à la fin de la notice.
Il fait ensuite une démonstration de l'illusion par double reflet, en s'appuyant sur les figures 13, 14 et 15 (ci dessous).
Puis il étudie en détail le parcours des rayons lumineux dans cinq cas de figure, selon l'oculaire utilisé, illustré des figures 9 à 12, et 16.

(Maximiliano Hell, Appendix ad ephemerides astronomicas 1766 de satellite Veneris, 1765, p. 28-32)

Arrivé là, nous sommes prévenus, les oculaires nous trompent, et après des dizaines de pages de démonstrations, et remarques diverses, le père Hell applique ses remarques aux observations qu'il avait cités en tête de son ouvrage. Passe ainsi à la casserole les observations de Cassini, Short, Montaigne, Montbaron, et Rodkier, surtout celles de Montaigne que le père Hell s'emploie à faire bien rissoler (Il ne s'appelait pas Hell pour rien). Remarquons que les observations de Montaigne concernaient bêtement des étoiles, et n'avaient donc pas besoin de telles explications pour être mises au placard.
Enfin, le père Hell sort les objections classiques à l'existence du satellite, et critique les objections de ses supporters, le satellite à moitié sombre et la lumière zodiacale. Et il termine par une série de questions embarrassantes.

Finalement, le père Hell a raison: le satellite de Vénus ne peut pas exister. Mais curieusement, sa principale explication, celle du double reflet, semble ne devoir s'appliquer qu'à l'observation de Cassini. Les autres observations s'expliquant le plus probablement par des étoiles, mais il faudra attendre encore plus d'un siècle pour le découvrir.

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Dernière mise à jour: 22/10/2020