Les manuels d'astronomie nous apprennent que Vénus fait devant le disque solaire, deux passages, appelés transits, séparés de 8 ans, tous les 120 ans, environ. Mais on ne l'a pas toujours su, et le premier passage, qui ait été observé avec un instrument, le fut en 1639 par les anglais Jeremiah Horrocks et William Crabtree. En révisant les tables rudolphines de Képler, Horrocks se rendit compte de l'imminence d'un passage que Képler n'avait pas prévu. L'observation des deux anglais permis de mieux connaitre la valeur de l'unité astronomique.
Après les tables rudolphines, on calcula beaucoup d'autres tables, plus précises. On vit ainsi les tables de Bouillaud, de Newton, du compte de Pagan, de La Hire et de Lemonnier. On savait donc que Vénus ferait de nouveaux passages en 1761, et en 1769, et on les attendait de pied ferme. C'est à l'occasion du passage de 1761 qu'on fit la plus grande partie des observations du supposé satellite.
1759. Andreas Mayer se demande s'il a redécouvert le satellite de Vénus.
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Après l'observation du satellite de Vénus, par Short en 1740, on en était sans nouvelles, mais une "vague" d'observations allait enrichir le dossier pendant une dizaine d'années.
La première de ces observations a été faite à Greifswald, en Poméranie par Andréas Mayer.
Andreas Mayer, professeur de mathématiques et de physique à l'université de Greifswald, ne guettait absolument pas le satellite de Vénus quand il découvrit l'objet. Son observation fut fortuite, ne décrivait pas l'objet avec une phase, et ne fut connue que des années plus tard. Elle n'a donc joué aucun role dans le développement de la vague.
Février 1761. Le père Lagrange fait trois observations sans rien publier.
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De nombreux dossiers, articles ou pages Web, écrivent que le satellite de Vénus fut observé à Marseille par Joseph Louis Lagrange, le célèbre mathématicien, à qui nous devons les "points de Lagrange". Cela serait le gage d'une observation sérieuse, mais il n'en est rien, et Lagrange, le mathématicien n'a rien à voir la dedans. Il s'agit du père jésuite Louis Lagrange, qui travaillait alors à l'observatoire de Marseille avec le père Esprit Pezenas, son directeur. En février 1761, il fit trois observations du satellite de Vénus, mais n'en publia rien, et ce n'est que par un article de l'Encyclopédie, dans son édition de 1765, que nous les connaissons.
Mai 1761. Montaigne fait quatre observations en neuf jours.
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Les observations de Montaigne sont citées dans tous les bons dossiers sur le satellite de Vénus. Il faut dire qu'une observation signée Montaigne, ça fait sérieux. Seulement, il ne s'agissait pas de Michel Eyquem, seigneur de Montaigne, mais de Jacques Laibats, alias Montaigne, qui d'ailleurs ne publia pas ses observations lui même, mais les confia à Armand-Henri Baudouin de Guemadeuc, qui les lut à l'académie des sciences, et les publia ensuite.
Bien qu'illusoires, ces observations sont importantes, car elles furent prises au sérieux pendant un siècle et furent utilisées par Lambert qui en déduisit une orbite, malheureusement absurde.
6 Juin 1761. On croit voir passer le satellite de Vénus devant le soleil.
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Le 6 juin 1761, on imagine le nombre d'astronomes, professionnels ou amateurs qui braquèrent leur télescope vers le soleil, sur le disque duquel devait passer la planète Vénus. Non seulement c'était un évènement rare qu'on attendait depuis 122 ans, mais en plus, on allait enfin savoir si ce mystérieux satellite de Vénus qu'auraient observé Cassini, Short, et tout récemment Montaigne, existait, ou non. Hé bien, deux observateurs prétendirent l'avoir vu!
Quel dommage que l'un soit anonyme et que l'autre donne des renseignements faux.
Quant aux autres observateurs, vous vous doutez peut-être qu'ils n'ont rien vu...
1761 et 1764. Roedkiaer fait une douzaine d'observations à Copenhague.
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A lui tout seul, l'astronome Peder Roedkiaer a fourni le tiers des observations connues du supposé satellite de Vénus. Assistant du professeur Horrebow, il fit plusieurs observations, dont certaines avec d'autres membres de l'observatoire.
Mais pour certaines aussi, les autres membres de l'observatoire ne virent rien, ce qui jette un grand doute, sur les observations qu'il fit tout seul. Pour quelques unes, il s'agissait manifestement d'étoiles, pour d'autres, on se demande s'il n'a pas été vicime d'une illusion.
1762. Dortous de Mairan prétend expliquer les disparitions du satellite.
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Le gros problème des partisans de l'existence du satellite de Vénus était: Pourquoi reste-t-on des dizaines d'années sans le voir?
Entre 1672 et 1740, on ne l'avait vu qu'une seule fois. Alors qu'on voyait les satellites de Jupiter tous les jours où Jupiter est visible, celui de Vénus s'obstinait à ne pas se montrer dans les plus puissantes lunettes. Dortous de Mairan, qui s'intéressait particukièrement à la lumière zodiacale et aux aurores boréales, tenta d'expliquer l'invisibilité du satellite par l'extension de l'atmosphère solaire. Malheureusement son explication est à peu près aussi crédible que celle d'Aristote pour les comètes.
15 Mars au 29 mars 1764. Montbarron fait 3 observations à Auxerre.
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Toute étude sur le satellite de Vénus qui se respecte se doit de mentionner Cassini, l'opticien Short, Montaigne, dont certains se demandent ce qu'il vient faire au XVIIIe siècle, Lagrange, qu'on confond avec l'illustre mathématicien, et Montbarron. Mais qui est donc ce Montbarron, inconnu des dictionnaires de biographie?. Le seul renseignement que nous avons sur lui nous vient de l'Encyclopédie, qui nous apprend qu'il aurait été conseiller au présidial d'Auxerre. Mais c'est justement dans l'article consacré au satellite de Vénus qu'il figure. Il ne semble pas avoir laissé d'autre traces, que d'avoir cru voir trois fois le satellite de Vénus.
1765. Le père Hell met en doute les observations.
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Jusqu'ici, on n'avait évoqué les illusions d'optique que pour les réfuter avec vigueur et indignation, face à l'autorité des observateurs. Mais voila que, le père jésuite Maximilien Hell, directeur de l'observatoire de Vienne et auteur des Ephemerides astronomicae ad meridianum Vindobonemsem, vient semer le doute. A ses éphémérides pour l'année 1766, il ajoute un appendice de 95 pages consacré au satellite de Vénus. Il y révèle une illusion dont il a été victime, puis sème le doute en évoquant plusieurs types d'illusions.
3 janvier 1768. Christian Horrebow fait sa propre observation.
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A Copenhague, les observations du satellite de Vénus étaient toujours le fait de Peder Roedkiaer, avec parfois la collaboration d'un autre astronome, et même parfois du directeur lui même, qui cependant n'était pas sûr d'y voir un satellite de Vénus.
Voila qu'en 1768, le directeur de l'observatoire, Christian Horrebow, va faire une observation du satellite, en compagnie de deux autres astronomes, et sans Roedkiaer, s'il vous plait!
Quel dommage que le supposé satellite n'était qu'une étoile connue...
Conclusions de toutes ces observations.
Arrivé là, nous avons vu qu'après une décennie d'observations, le dossier n'est toujours pas convaincant, car de nombreuses observations peu fiables ne valent pas quelques observations de qualité:
- Mayer n'était pas sur que ce ne soit pas un artefact optique.
- Le père Lagrange a donné si peu d'informations qu'on peut penser qu'il n'a observé que des étoiles.
- Montaigne fut exploité par Baudouin de Guémadeuc pour abreuver l'académie des sciences, mais il n'a jamais vu que des étoiles.
- L'observation de St Neots est suspecte, et le compte rendu d'Abraham Scheuten est faux.
- Les observations faites à Copenhague sont bonnes pour la poubelle.
- Montbarron, à Auxerre n'a guère vu, lui aussi, que des étoiles
- Quant à Horrebow, directeur d'observatoire, il a vu une étoile qui figurait déjà sur un atlas céleste de 1603!
On n'a donc toujours pas une seule observation indiscutable.
Lors du transit de Vénus de 1769, personne ne verra de satellite accompagner Vénus, et la seule observation ultérieure (d'une étoile aussi) ne sera révélée que des dizaines d'années plus tard.
Par contre de nombreux auteurs auront, jusqu'à notre époque, l'occasion de noircir du papier à propos de ce mystérieux satellite.