LE SATELLITE DE VENUS
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Depuis l'invention du télescope, on à cru plusieurs fois découvrir un satellite de Vénus. L'interprétation de ces observations est une énigme sur laquelle s'exerce, depuis deux siècles, la sagacité des astronomes.
Nous voudrions rappeler brièvement les faits, exposer les explications qu'on en donne, montrer les difficultés que soulèvent toutes ces conjectures, ct signaler un rapprochement qui peut mettre sur la voie d’une solution nouvelle de cet étrange problème.
Nous avons exposé en détail la plupart des observations du satellite de Vénus dans notre dernier bulletin d’astronomie (1). Il suffira donc d'en rappeler ici les traits principaux, et de combler en mème temps les lacunes de ce premier article.
l) Revue des questions scientifiques, oct. 1884. pp. 623 et suiv.
Notons d'abord qu'elles ont toutes été faites à l'aide de télescopes réflecteurs ou réfracteurs plus ou moins puissants, Vénus et son compagnon se montrant en même temps dans le champ de l'instrument.
Les deux premières sont dues à Fontana, Le 15 novembre 1645, cet astronome aperçut deux petits corps assez irréguliers, très voisins de Vénus, l’un au-dessus, l'autre au-dessous du disque de la planète. Le 25 décembre de la même année, il revit un seul de ces petits corps, au-dessous de la planète.
Note: D'abors Fontana n'a jamais prétendu avoir observé un satellite à Vénus, mais seulement des globules grisâtres, inobservés jusque là. Ensuite, il en a fait 4 observations, les 11 novembre, 15 novembre, 25 décembre et 22 janvier.
Vingt-sept ans plus tard, le 25 janvier 1672, J.-D. Cassini vit au-dessous et très près de Vénus une lumière imitant la phase de cette planète, et dont le diamètre mesurait à peu près le quart de celui de Vénus. L'observation dura dix minutes. Le 25 août 1686, Cassini vit de nouveau le mème phénomène pendant un quart d'heure.
Le 3 novembre 1740, Short, qui observait à Londres, aperçut à 10' 20," du disque de Vénus, au-dessus et précédant un peu en ascension droite, un petit astre présentant une phase semblable à celle de Vénus. Son diamètre était à peu près le tiers de celui de la planète ; sa lumière était moins vive, mais son image bien terminée. L'observation se poursuivit pendant une heure, avec deux télescopes armés successivement d'une série d'oculaires. Pendant tout ce temps, Vénus et son compagnon parurent se mouvoir d'un mouvement commun.
Note: Ce mouvement commun n'est que supposé par l'auteur, car Short ne le précise pas.
Le 20 mai 1559, André Mayer, de Greifswald, vit au-dessus de Vénus, et à la distance d'une fois et demie environ le diamètre de cette planète, un petit corps d'éclat beaucoup moindre. Pendant la demi-heure que dura l'observation, la distance des deux astres resta la mème (1).
Ou ne compte pas moins de six observations semblables en 1761: deux faites à Marseille, par Lagrange, les 10 ct 12 février ; et quatre faites à Limoges, par Montaigne, les 3, 4, 7 et 11 mai. Le satellite imitait encore la phase de la planète, et son diamètre mesurait le quart environ de celui de Vénus; c'est sur les observations de Montaigne que Baudouin caleula l'orbite de ce prétendu satellite (2).
Note: Le père Lagrange a fait trois observations, les 10, 11 et 12, sans voir de phase. Montaigne a prétendu avoir vu une phase, mais n'a vu que des étoiles.
(1) Berliner Astron. Jahrbuch, 1777, 178. — Mème publication, 1778, 186,
(2) Les manuscrits de l'observatoire de Paris contiennent la note suivante: « Jacques Leibar Montaigne, astronome de Limoges, né le 6 septembre 1716 à Narbonne ou dans le diocèse de Narbonne, a été dans sa jeunesse aux Pères de la doctrine chrétienne ; il y a puisé cette teinture jansénistique qui est son seul faible, mais il faut bien païer tribut à l'humanité. » Extrait d'une lettre de M, de L'Épine à M. Baudouin, maitre des requêtes, du 8 may 1772. — En note : « M. de Lalande a eu communication de ce portefeuille pour &a bibliographie, en juin 1798. » Tout parait de l'écriture de Messier. Bulletin astron., t, 1, sept. 1884, 459.
Rappelons en passant que le 6 juin de la même année 1761, pendant le passage de Vénus, Scheuten aperçut sur le disque du Soleil un point noir qu’il prit pour un satellite de Vénus. On trouve également dans le Journal étranger, août 1761, une observation semblable faite pendant le même passage à Saint-Neost, dans le comté d’Huntingdon, et communiquée au London evening Post. Ces observations méritent peu de confiance ; ceux qui ont écrit sur le satellite de Vénus ne s’y arrètent pas, et on les range généralement parmi les ohservations supposées de planètes intra-mercurielles.
En 1764, le compagnon de Vénus fut aperçu quatre fois à Copenhague, le 3 et le 4 mars, par Roedkiaer ; le 10 et le 11 mars, par C. Horrebow ; et trois fois à Auxerre, les 15, 28 et 29 mars, par Montbarron.
Enfin, C. Horrebow revit une dernière fois le satellite, le 4 janvier 1768 (1).
(l) Copernicus, t. II, 164.
Après cette observation, plus d’un siècle se passe sans qu'aucun astronome aperçoive cet astre mystérieux, qui semble s'être montré de nouveau l'année dernière.
Le 3 février 1884, à 6 heures du soir, M. Stuyvaert, astronome de l'observatoire de Bruxelles, vit sur le disque de Vénus, près du bord éclairé, un point brillant qui rappelait l'aspect des satellites de Jupiter lorsqu'ils sont devant la planète. Neuf jours plus tard, le 12 février, M. Niesten, du même observatoire, remarqua. près de Vénus, un peu au sud, un petit astre qui semblait composé d’un noyau et d’une nébulosité très faible, et qu’il n’a pas revu les jours suivants.
Note: Selon Stroobant, il est prouvé que l'astre de M. Stuyvaert n'était qu'une tache sur Vénus, et celui de M. Niesten ne correspondait absolument pas à un supposé satellite de Vénus.
Telle est la liste, complète croyons-nous, des observations du prétendu satellite de Vénus. On peut les résumer ainsi :
Note: Paul Stroobant, va montrer deux ans plus tard que la liste n'est pas complète.
On a vu, à plusieurs reprises, dans le voisinage immédiat de Vénus, tantôt au-dessus, tantôt au-dessous, une fois même au-dessus et au-dessous, un ou deux petits corps imitant généralement la phase de la planète, et qui semblaient l'accompagner dans le ciel.
Note: la fois au dessus et au dessous n'était pas une observation de satellite.
Que faut-il penser de ces observations ?
Parmi les astronomes qui ont cherché à les interpréter, les uns ont cru à l'existence d’un astre réel, planète ou satellite de Vénus ; les autres à une pure illusion. Nous allons discuter ces différentes hypothèses.
La première peut s'énoncer ainsi: Ce que l’on à pris pour un satellite de Vénus est un des astéroïdes qui circulent entre Mars et Jupiter. Quelqu'une de ces petites planètes, alors inconnues aux astronomes, se sera trouvée, au moment de chacune de ces observations singulières, dans le voisinage immédiat de Vénus.
Ce n’est là qu’une conjecture qu’on n’a pas même cherché à controler; ce qui, d’ailleurs, serait long et vraisemblablement fort inutile, car les petites planètes connues n’ont pas les dimensions que les observateurs donnent au compagnon de Vénus, et leurs phases, nécessairement moins prononcées que celles de Mars qui n’ont rien de remarquable, échappent à 'observation.
Note: Mais certains observateurs n'ont vu qu'un astre ponctuel et l'objection s'effondre.
L'hypothèse d'un satellite de Vénus n’est pas plus satisfaisante.
Le 15 novembre 1645, Fontana a vu deux compagnons de Vénus; cette planète aurait-elle deux satellites ?
Note: répétons que le 15 novembre Fontana n'a vu que deux étoiles grisâtres, et que ses observations ne doivent pas être prises en compte ici.
Si ce satellite existe, comment se fait-il qu’il n'ait pas èté aperçu pendant les derniers passages de Vénus sur le Soleil? Comment surtout at-il pu échapper à W. Herschel, à Schrœter, à de Vico et à tant d’autres astronomes habiles qui disposaient d'instruments bien plus parfaits que ceux de Fontana, et qui ont fait de Vénus l'objet de très longues observations ?
On a recours pour expliquer la rareté de ces apparitions à une diaphanéité spéciale qui ferait ressembler ce satellite à nos nuages ; ou bien encore à l’interposition de la matière zodiacale sur la route des rayons qu'il envoie à la terre ou enfin à des variations d'éclat. Ce sont là de pures hypothèses, très commodes peut-être, mais qui ne reposent sur aucun fondement. Au reste, l'orbite elliptique de ce prétendu satellite, calculée par Lambert, est des plus invraisemblables, puisque, en la supposant exacte, Vénus devrait avoir sept fois plus de masse.
Nous ne nous arrètons pas à une troisième conjecture qui voit dans le compagnon de Vénus une planète intramercurielle. Cette idée, émise par M. Houzeau, a été réfutée par M. Houzeau lui-même, dans un intéressant article dont on trouvera une analyse dans le bulletin d’astronomie auquel nous avons déjà renvoyé le lecteur (1).
Dans ce mème article, M. Houzeau propose une quatrième hypothèse : le compagnon de Vénus serait une planète circulant au delà de Vénus, sur une orbite sensiblement concentrique à celle de cette planète, d’un rayon fort peu différent, et dont le plan se confondrait à peu près avec celui de l'orbite de Vénus {2).
Cette idée ingénieuse n’est pas une simple conjecture ; elle est fondée sur une coïncidence curieuse qui se dégage des observations.
Si l’on forme, en effet, le tableau des observations du satellite de Vénus, on trouve que les intervalles qui les séparent sont à fort peu près des multiples d'une même durée.
(1) Revue des questions scientifiques, oct. 1SSt, pp. GR et suiv.
(2) Voir : Revue des questions scient., octobre 184, Bulletin d'astronomie
— Voir aussi The Observatory, t. VII, août 1884.
Voici ce tableau tel que M. Houzeau le donne dans son article :
Dates des observations | Intervalles en années | Nombre de périodes | Durée de la période |
1645,87 | 26,20 | 9 | 2,91 |
1672.07 | 14,58 | 5 | 2,92 |
1686.65 | 54.16 | 18 | 3.02 |
1740,81 | 20.53 | 7 | 2,97 |
1761,34 | 2.90 | 1 | 2.90 |
1764,24 | | Durée moyenne | 2,96 |
Cette périodicité, en la supposant établie, s'explique très bien dans l'hypothèse de M. Houzeau. Malheureusement, elle disparait si l'on tient compte de l'observation de Mayer (1759, 38) et de la dernière observation de C. Horrehow (1768.01), qui ne figurent pas dans le tableau précédent.
Mais supposons qu'en ne négligeant aucune observation, on retrouve encore cette mème période de 2,96 ans ; et considérons avec M. Houzeau les deux observations de 1645, les six observations de 1761 (1), et les sept observations de 1764 comme appartenant respectivement à une mème approche mutuelle de Vénus et de la planète hypothétique. Nous avons vu tantôt que les deux observations de 1645 ont été faites le 13 novembre et le 25 décembre, que celles de 1761 commencent le 10 février pour finir le 11 mai, et que celles de 1764 s’échelonnent du 3 au 29 mars. Il faudrait donc nécessairement admettre que Vénus et la nouvelle planète sont restées pendant 40 jours en 1645, pendant 90 jours en 1761, et pendant 26 jours en 1764, suffisamment voisines pour qu'on püt les apercevoir en même temps dans le champ d’une lunette. Cela n'est pas possible dans l'hypothèse de M. Houzeau.
Note: Ce serait même pire pour les observations de 1645, cat il y avait 4 observations du 11 novembre au 22 janvier. Mais nous avons vu qu'elles doivent être éliminées.
1) Nous ne tenons pas compte des observations du 6 juin.
Mäis supposons même que cela soit possible, supposons qu'on parvienne, en modifiant convenablement le mouvement de la nouvelle planète, à faire disparaitre ces désaccords ; deux questions importantes resteraient encore sans solution : comment Fontana a-t-il pu voir deux compagnons de Vénus, le 15 novembre 1615? et comment expliquer, si cette planète nouvelle existe, qu’on ne l'ait jamais aperçue que dans le voisinage immédiat d’un astre aussi brillant que Vénus ?
Note: Nous avons déjà vu que la première objection s'effondre, mais la seconde se maintient et sera reprise par Charles Augustus Young.
Pour écarter les difficultés insolubles que soulève toute hypothèse d’un corps réel quelconque, certains astronomes se sont efforcés d'expliquer les apparitions du compagnon de Vénus par des jeux de lumière. Ce que l’on a pris pour une planète ou un satellite ne serait, d'après eux, qu’une fausse image de Vénus, formée dans l'oculaire, ou bien encore produite par les réflexions qui s’opèrent sur la pupille.
Note: Une réflexion ne risque pas de s'opérer sur la pupille, qui n'est qu'une ouverture. Il faut comprendre: sur la cornée.
Ce soupçon se fonde sur des fails bien constatés. Le P. Hell, qui l'énonça le premicr, avait cru lui-même découvrir un satellite de Vénus en 1767; mais l'illusion ne dura que quelques instants. En mouvant un peu la tête il reconnut bientôt que cet astre n’avait aucune réalité : c'était une fausse image de la planète, qui se déplaçait avec l'œil de l'observateur.
Wargentin possédait une lunette achromatique assez bonne qui donnait toujours à Vénus une sorte de satellite d’une lumière faible ; mais en tournant la lunette on le voyait dans toutes les parties du champ.
On le voit, cette solution tranche la difficulté, mais elle ne la résout pas. L’illusion à laquelle on a recours est des plus grossières, puisque le moindre mouvement de linstrument ou de l'œil de l'observateur suffit à la déceler. Dès lors, comment admettre qu'un astronome aussi habile que Short ait pu, pendant toute une heure, observer une image aussi instable, la soumettre à des mesures délicates, changer d'instrument, varier les oculaires, sans découvrir l'illusion ? L'hypothèse d'une fausse image, dont la position n’est pas indépendante des mouvements de l'instrument et de l’observateur, échoue donc devant l'observation de l'astronome anglais.
Note: C'est l'hypothèse d'une réflexion sur la cornée qui s'effondre, mais il y en a d'autres comme celle de Denning.
Elle n’est pas applicable non plus à l’observation de Maycr, qui constate que la distance de Vénus et de son compagnon n’a pas varié pendant une demi-heure.
Telles sont les hypothèses que l'on à émises jusqu'ici pour expliquer les observations du satellite de Vénus. Tontes se heurtent à des difficultés insurmontables. Essayons donc une autre solution de cette énigme.
Vénus n'est point le seul astre qui ait donné lieu à ces phénoménes de dédoublement. En parlant de l’observation du compagnon de Vénus faite par Cassini, Delambre affirme que ce n’était 1a qu’une « illusion optique» qui « s'est reproduite, non seulement pour Vénus, mais pour les autres planétes et pour plusieurs étoiles. » Lalande rapporte plusieurs exemples de ces observations singulières (1). Enfin, le Soleil lui-méme a donné lieu plusieurs fois A des apparences toutes semblables. C’est sur ces derniéres observations, plus précises ct micux étudiées, que nous voulons insister.
Voici la liste des cinq observations connues de ces faux Soleils (2):
Rothman, le 2 janvier 1586, Smith, Optique (traduction du P. Pezenas, n. 571).
Hévélius, le 5 février 1674 (Philos. Trans., t. IX, 26).
Cassini, le 18 janvier 1693 (Mémoires de l'Académie des sciences, t. X, 200).
Note: En réalité, c'est page 234, et ce mémoire mentionne 3 autres observation. Il semble que le père Thirion ne le connaisse qu'indirectement.
Malezieu,le 24 octobre 1722 (Histoire de l'Académie des sciences pour 1722, 13).
Bouguer, le 13 avril 1736 (Voyage au Pérou, XII) (3).
Note: les observations de Rothman, Hévélius, Cassini, Malezieu et Bouguer, décrivent toutes le soleil près de l'horizon.
(1) Astronomie, 3e édit., t, I, nos 828 et suiv.
(2) Daprés Bravais, Mémoire sur des Halos, JOURNAL DE L'ECOLE ROYALE POLYTECHNIQUE, t. XVIII, 3le cahier (1847).
(3) Nous signalerons tantôt une sixiéme observation, la seule que nous ayons à ajouter à la liste de Bravais.
Ces observateurs ont vu, au lever et au coucher du Soleil, dans le voisinage immédiat de cet astre, parfois méme en contact avec ses bords, un ou deux faux Soleils, l’un au-dessus, l'autre au-dessous du Soleil vrai. Ces deux ou ces trois Soleils se mouvaient d'un mouvement commun. Une seule fois, dans l’observation d’Hévélius, la distance du faux Soleil au Soleil vrai varia; le vrai Soleil s’approcha de plus en plus du faux Soleil et finit par se confondre avec lui. Les contours de ces faux Soleils étaient bien terminés ; leur diamétre était sensiblement le méme que celui du Soleil vrai, mais leur éclat était plus faible.
Rapprochons tout d’abord ces singuliers phénoménes des observations du satellite de Vénus.
Les apparitions de ce satellite sont aussi rares, aussi inconstantes que celles des faux Soleils ; plus d’un siécle s'est passé sans que ni les unes ni les autres se soient reproduites.
Note: Sophisme. A ce compte là on pourrait les rapprocher des apparitions du diable, ou du serpent de mer.
Fontana, le 15 novembre 1645, a vu deux satellites de Vénus ;
Note: Combien de fois faudra-t-il répéter que Fontana n'a jamais vu de satellite de Vénus?
Cassini, Rothman et Malezieu ont vu deux faux Soleils. Cassini, Short, Mayer, etc. n'ont vu qu’un seul compagnon de Vénus ; Hévélius et Bouguer n’ont vu qu’un faux Soleil.
Note: Et les témoins du serpent de mer n'en ont vu également qu'un seul.
Le compagnon de Vénus était une reproduction de la planéte, dont il imitait la phase ; mais son image, nettement terminée, avait un plus faible éclat. Les faux Soleils reproduisaient le Soleil vrai dans les mémes conditions, avec cette différence cependant que les dimensions du faux Soleil étaient sensiblement les mémes que celles du Soleil vrai, tandis que le compagnon de Vénus n’était qu'une miniature de la planéte.
Cette différence, qui parait essentielle à premiére vue, n’infirme nullement le rapprochement que nous signalons ; mais, avant de le faire voir, nous devons rappeler comment on explique les faux Soleils.
Venturi y voit un effet de mirage (1).
(1) Commentarii sopra ottica, Bologne, 1814, 205.
Fraunhofer les rapproche des phénoménes des réseaux (1).
Bravais, qui rejette avec raison les deux hypothéses précédentes, propose une explication « gratuite sans doute, mais qui du moins est admissible à priori et représente très bien les observations (2) ». La voici :
Supposons,dans les régions supéricures de l’atmosphére, des prismes de glace verticaux, terminés par des pointements hexagonaux en relief dus à des faces inclinées sur l'axe de 89° 53’. Si l’on considére un rayon solaire, cheminant dans le plan de la section droite du prise, et venant se réfléchir à l’intérieur de langle diédre de 179° 46’, apres avoir traversé l'une des six faces verticales, pour sortir ensuite par la face opposée; on trouve que ce rayon éprouve dans le sens vertical, une déviation angulaire de 36',7 (3). Dans ces conditions, on verra donc le Soleil directement et par réfraction ; et la distance des centres du Soleil vrai et de son image réfractée sera 36’,7.
Les pointements supéricurs des prismes réfracteurs produiront un faux Soleil supérieur au vrai ; les pointements inférieurs donneront lieu à la formation d’un faux Soleil inféricur. Si les pointements supérieurs ou inférieurs avaient un autre mode de terminaison, l’un des deux faux Soleils disparaitrait.
(1) Schumacher’s Astron. Abhandlungen, 1,78.
(2) Mémoire cité, p. 181.
(3) Cette déviation est donnée par les formules suivantes, trés faciles à établir:
D = 360° — 2b + Δm
n sin 2b = sin ((Δm + 2b)/2)
ou b représente l’inclinaison des faces du pointement sur l'axe, et n l'indice de réfraction de la glace.
Il faut changer bien peu de chose au point de départ de cette théorie pour qu'elle s’applique au compagnon de Vénus.Supposons, par exemple, que l’inclinaison sur l’axe des faces obliques soit de 89°58’ au lieu de 89°53’. On trouve alors, pour la déviation angulaire minimum dans le plan de la section droite, 10’,48. Dans ces conditions, qui sont a peu prés celles de l’observation de Short,on verra certainement Vénus directement et par réfraction, en méme temps, dans le champ d’une lunette.
Note: Mais dans l'observation de Short, l'objet n'était pas à la verticale de Vénus.
Ce point de départ établi, revenons aux faux Soleils, et étudions de plus prés la formation de ces images.
On sait que la lumiére solaire est hétérogéne et formée de la superposition d’une infinité de lumiéres colorées qui ont chacune un indice de réfraction spécifique. Lorsqu’un rayon de soleil traverse un prisme, la déviation qu'il subit, ct qui est un corollaire géométrique des lois de la réfraction, est nécessairement accompagnée du phénomeéne physique de la dispersion : la réfraction sépare et résout les lumiéres colorées qui constituent la lumiére blanche. Chaque point lumineux de la surface solaire vue par réfraction a donc pour image une petite ligne de longueur finie, un spectre, offrant de l'une de ses extrémités à l’autre la série des couleurs simples.
Si l'on tient compte de la dispersion, en faisant intervenir dans le calcul de la déviation les indices de réfraction différents pour les rayons rouges et les rayons violets, on trouve que l'image du faux Soleil supérieur est blanche au centre, où toutes les couleurs se superposent, et qu’elle est terminée, vers le haut, par une petite bande de lumiére rougeatre et, vers le bas, par une petite bande de lumiére violacée. La largeur de ces petites bandes est de 5 ou 6 secondes ; il n’est. pas possible de ]a déterminer avec une plus grande précision à cause de l’erreur probable, assez forte, qui affecte la derniére décimale de l'indice 1,317 des rayons violets.
De fait on n’apercoit pas cette irisation dont l’éclat est trés faible. Il s’ensuit donc que le diamétre de la fausse image est, en réalité, d’une douzaine de secondes plus petit que le diamétre du Soleil vrai. On concoit, cependant, que les observateurs des faux Soleils aient pu dire que les dimensions de ces images étaient sensiblement égales a celles du Soleil vrai; dans une observation de ce genre 12 secondes disparaissent devant les 31 minutes que mesure le diamétre apparent du Soleil. Mais il n’en serait plus ainsi, si la largeur de ces bandes était de méme ordre que les dimensions de l'astre. C’est précisément ce qui a lieu pour Vénus.
L’image réfractée de cette planéte sera terminée, elle aussi, par ces mémes petites bandes rougeâtre et violacée ; on ne les apercevra pas non plus, à cause de leur trop faible éclat ; mais, comme leur largeur, qui reste la méme puisqu’elle dépend uniquement de la dispersion des prismes de glace, est une portion considérable du diamétre de Vénus, leur effacement rapetissera trés sensiblement l'image réfractée. On verra donc une miniature de Venus ; moins brillante que la planète, un peu déformée, mais reproduisant cependant encore suffisamment le croissant pour que
les observateurs aient pu dire qu’elle en « imitait la phase ».
Note: l'image aurait donc fait 12" de moins en hauteur avec une largeur identique. Mais dans l'observation de Roedkiaer, Vénus faisait précisément 12" et le satellite n'était pas à la verticale. Dans celles de Cassini et Short, les observateurs auraient probablement signalé une telle déformation de l'image, mentionnant que le satellite était 3 ou 4 fois plus petit en hauteur, tout en étant de même largeur.
Short donne au diamétre du compagnon de Vénus le tiers environ de celui de la planéte. Puisque la dispersion diminue d'une douzaine de secondes le diamétre appréciable de l'image réfractée, le diamétre apparent de Vénus devait mesurer 18” environ au moment de cette observation ; c'est un pen plus que la valeur du diamétre apparent de Vénus à la distance moyenne de la Terre au Soleil.
Note: En quoi les 12" de diminition dans l'image réfractée imposent elles un diamètre de 18"? Le père Thirion semble prendre le problème à l'envers.
Cette coincidence peut n’avoir aucune signification ; car ce diamétre apparent de Vénus varie entre des limites assez larges. Il importe done de calculer la valeur de ce diamdtre, le 3 novembre 1740,date de l’observation de Short; on trouve 20” environ, L’accord est satisfaisant si l'on réfléchit à l’influence que peuvent exercer les conditions atmosphériques et surtout l’éclat du champ, tout inondé de la lumiére de Vénus, sur la définition d'une image dont l'intensité lumineuse, maximum au centre, décroit du centre à la circonférence.
Note: Le diamètre apparent de Vénus était de 37", et l'image réfractée en aurait donc fait 25, on est loin du tiers mentionné par Short, et de toutes façons, l'objet n'était pas à la verticale de Vénus.
Les dimensions réduites du compagnon de Vénus ne nous empéchent donc pas de voir dans ce prétendu satellite, un météore atmosphérique à ranger parmi les halos, les parhélies et les faux Soleils.
Note: Dans l'observation de Short, si.
Si cette conjecture est exacte, on concoit que Fontana ait vu deux compagnons de Vénus, l'un au-dessus, ]’autre au-dessous de la planéte; tandis que les autres observateurs n’en ont aperçu qu’un seul, tantôt au-dessus, tantot au-dessous de Vénus.
Note: Fontana n'a pas vu de fausses images de Vénus, mais des points grisâtres, dus aux défaut de sa lunette. Une fois il en a vu un juste au centre de Vénus, une autre fois à coté de Vénus. Quant aux autres observateurs, ils n'ont quasiment jamais vu l'objet à la verticale de Vénus.
On comprend comment Short ait pu soumettre ce phénoméne à des mesures délicates; car la position de l'image réfractée ne dépend plus des mouvements de l’instrument ou de ]’oeil de l’observateur. On se rend compte de la remarque de Short et de Mayer, qui constatent que Vénus et son compagnon marchaient du méme pas dans le ciel.
Note: Répétons que Short n'a jamais dit ça.
On s'explique aisément comment M. Niesten a pu voir le satellite sous la forme d’un noyau entouré d’une nébulosité trés faible, et M. Stuyvaert sous celle d’une tache brillante sur le disque méme de Vénus ; il suffit, en effet, que l’inclinaison sur l’axe des faces des pointements augmente un peu, pour que l'image réfractée se projette sur la planéte.
Note: Et voila le père Thirion qui change de théorie, comme de stylo. Plus haut, il admettait que l'image était toujours à la verticale de la planète.
On n’a aucune peine a admettre que le compagnon de Vénus se soit pour ainsi dire évanoui presque sous les yeux de Cassini: « Je l’observai, dit-il, attentivement pendant un quart d’heure et, aprés avoir interrompu l’observation l’espace de quatre ou cinq minutes, je ne le vis plus; mais le jour était grand.»
Note: Evidemment qu'on a aucune peine à admettre qu'un objet faible ne se voit plus dans le grand jour. Pas besoin de réfraction pour ça.
En un mot, tous les détails des observations trouvent une explication facile; et les difficultés que soulévent toutes les autres hypothéses tombent d’elles-mémes.
Note: Les difficultés des autres hypothèses sont évidemment éliminées avec les hypothèses.
Mais cela seul ne suffit pas pour légitimer notre conjecture ; nous devons nous assurer encore qu'elle ne souléve pas elle-méme de nouvelles difficultés tout aussi séricuses
que celles qu’elle prétend aplanir. Si les conditions qu'elle suppose ou les conséquences qu'elle entraine ne se rencontraient pas dans la nature ou dans les observations, il faudrait conclure qu'elle est au moins inexacte, peut-étre méme tout a fait erronée.
Nous avons supposé tout d’abord, sur le trajet des rayons lumineux que Vénus envoie vers l’observateur, des prismes glacés d’une forme spéciale et orientés d’une maniére bien déterminée. Tout cela est-il légitime ?
La présence fréquente, dans l’atmosphére, de petits cristaux de glace n’est pas douteuse ; les cirrus en sont formés.
Ces nuages sont ordinairement situés dans les hautes et froides régions de lair; c’est ce qui explique pourquoi les météores, tels que les halos et les parhélies qui en dépendent, se montrent en toutes saisons et sous tous les climats. Trés souvent des cirrus se forment sans que nous en soupconnions la présence; il n'est pas rare, en effet, que l'on observe des halos par un ciel sans nuage visible, et ou l’on n’apergoit rien du substratum sur lequel le météore se dessine.
Les formes de ces cristaux de glace sont aussi variées que celles de la neige. Parmi les mieux constatées se trouve le prisme hexagonal terminé par des pointements en relief. 11 est vrai que ces pointements sont souvent rendus incomplets par une troncature perpendiculaire à l'axe du cristal ; mais cela n'altère en rien le jeu optique de ces faces terminales.
Les observations montrent que l’inclinaison de ces faces sur l'axe du cristal est très variable. Nous l’avons supposée tantôt égale à 89 58’; c'est là une hypothèse ni plus ni moins arbitraire que celle de Bravais, qui choisit, pour expliquer les faux Soleils,un angle de 89 53’, A ce point de vue, notre conjecture est « gratuite, sans doute, mais admissible à priori, » au même titre que celle de Bravais. Si l'on admet l'explication des faux Soleils, l'existence de prismes hexagonaux tels que nous les avons supposés serait confirmée par uue observation où l'on verrait l'image du faux Soleil se projeter aux deux tiers environ sur le Soleil vrai ; il faudrait, en effet, pour obtenir une déviation convenable des rayons réfractés, donner 89° 58’ environ d’inclinaison aux faces des pointements. Or cette observation a été faite à Nimes, le 16 octobre dernier, au coucher du Soleil. Elle est rapportée dans la Nature du 22 novembre 1884 (1); c'est peut-être la seule observation de faux Soleil qui ait été faite depuis plus d’un siècle. Partons donc, comme d'une hypothèse admissible, de la possibilité de cette forme spéciale pour les cristaux de glace.
On conçoit que, dans une région déterminée d’un nuage glacé, un très grand nombre de petits cristaux soient semblables entre eux, à cause de l'identité des circonstances
de leur cristallisation. Mais rien n’exige, semble-t-il, qu’ils soient semblablement orientés.
On doit admettre cependant une tendance à une orientation déterminée, lorsqu'il règne un grand calme dans les régions atmosphériques où flottent ces petits cristaux. Tous, en effet, sont soumis à l’action de deux forces contraires : la pesanteur qui tend à les précipiter vers le sol, et la poussée du inilieu ambiant qui les maintient en suspension. Si leur centre de gravité ne coïncide pas avec leur centre de poussée, ce qui sera certainement le cas ordinaire, ils se disposeront nécessairement, dans le cas d'une chute lente et régulière, suivant le sens de moindre
résistance; et, s'ils sont au repos, leurs axes tendront à se placer verticalement. Toutefois il est bien évident que l’action directrice de la pesanteur ne donnera pas à tous ces petits cristaux une position d'équilibre tellement stable que leurs axes ne puissent éprouver des balancements plus Ou moins étendus autour de leur position moyenne.
(1) Supplément, 443e Bulletin météorologique : Observation d'un Soleil double.
Note: Ce supplément n'est plus consultable, car il ne figure pas dans les collections reliées.
L'explication des faux Soleils de Bravais s'accommode très bien de ces balancements. On a parfois observé ces faux Soleils au moment où le Soleil vrai était élevé de 4 ou 5 degrés au-dessus de l'horizon. Les rayons qui concouraient à former ces images avaient donc rencontré des prismes réfracteurs dont les axes étaient inclinés à l’horizon d’un angle à peu près égal à la hauteur du Soleil. Cette inclinaison peut très bieu être mise sur le compte des balancements.
Il n’en est plus ainsi pour le compagnon de Vénus qui n’a pas été observé aussi près de l’horizon. Pour amener les prismes réfracteurs à une position convenable par des balancements réguliers, il faudrait donner à ceux-ci des amplitudes très considérables et, par suite, beaucoup moins admissibles à priori. Il y a là une difficulté que les considérations suivantes feront disparaitre.
Nous avons raisonné jusqu'ici comme si tous les petits prismes réfracteurs du nuage glacé étaient isolés et indépendants. Cette conception est idéale. En réalité, à côté des prismes qui obéissent librement à l'action directrice de la pesanteur et oscillent régulièrement autour de leur position moycune, il en est une foule d’autres qui se heurtent dans leurs mouvements, qui se soudent les uns aux autres pour former des assemblages variés, et qui reçoivent, en définitive, la lumière incidente sous les inclinaisons les plus diverses, Si nôus pouvions voir tous les mouvements qui doivent s’exécuter en quelques instants dans un cirrus, ce spectacle produirait sur nous l’effet d'un désordre parfait, d'un chaos qui n’aurait d’autre règle que l'irrégularité.
La conséquence de cette irrégularité est facile à saisir. Il va se passer ici quelque chose d’analogue à ce qui se produit dans le phénomème de l’arc-en-ciel, où les gouttes de pluie se substituent à chaque instant les unes aux autres sans nuire à la netteté et à la fixité du météore. Parmi les petits cristaux du cirrus, tout aussi nombreux que les gouttelettes liquides du nimbus, les uns cessent à chaque instant d'être efficaces, mais à chaque instant aussi, leurs voisins, convenablement orientés entrent en jeu et continuent le rôle des premiers sans que l’image réfractée en soit sensiblement altérée. C’est là un cas de la loi des grands nombres, loi qui a souvent pour effet de faire de l'ordre avec du désordre. Ainsi ces substitutions, ces mouvements variés, ces balancerhents ne détruiront ni la netteté ni la fixité de l'image réfractée. Ils auront, sans doute, pour effet d'éparpiller une partie de la lumière incidente ; mais ils n’empêcheront pas l'accumulation des rayons efficaces dans la direction de la déviation minimum ; l'image qui lui correspond restera donc brillante.et fixe dans cette direction bien déterminée. Il est vrai que la réfraction oblique donne lieu aussi à un minimum de déviation (1); mais c’est un minimum relatif à une valeur donnée de l'angle du rayon incident avec le plan de la section droite; il diffère essentiellement du minimum absolu où minimum minimorum de la déviation dans le plan de la section droite. Quand il se produit, l'image réfractée correspondante est fort affaiblie par la divergence plus grande des rayons émergents et, en général, par une perte considérable de lumière due à la réflexion sur la face d'entrée, que les rayons rencontrent sous des incidences très obliques. De plus, grâce à la forme spéciale des prismes que nous avons à considérer ici, la plupart des rayons dont l’incidence s'écarte sensiblement de celle qui correspond à la déviation minimum dans le plan de la section droite, ne vont pas se réfléchir à l’intérieur du cristal sur les faces des pointements et sortent, par conséquent, inefficaces. Quant à la perte de lumière subie par les rayons qui rencontrent les prismes dans le plan de la section droite et sous une incidence voisine de celle de la déviation minimum, elle est nécessairement très faible, puisque cette incidence est très aiguë et que toutes les réflexions intérieures sont des réflexions totales. Parmi les prismes en nombre immense qui constituent le nuage glacé, ceux-là seuls sont donc efficaces à chaque instant qui, par la position azimutale de leurs faces et l'inclinaison de leur axe, correspondent à la déviation minimum; Ceux qui sont écartés de cette position sont inefficaces, mais ne troublent pas sensiblement le développement régulier du phénomène.
Note: Toute cette démonstration s'applique bien plus aux halos circulaires qu'aux soleils doubles.
1) La réfraction oblique dans les prismes est soumise aux deux lois suivantes :
1° Le rayon incident et le rayon émergent sont également inclinés sur le plan de la section droite.
2° La projection du rayon brisé sur le plan de la section droite traverse le prisme en suivant la loi de Descartes, et comme si la puissance réfractrice du prisme avait augmenté dans le rapport de l'unité au carré de la sécante de l'obliquité du rayon incident sur le plan de la section droite.
En représentant par A l'angle réfringent du prisme, par n l'indice de réfraction, par p; l'angle de projection du rayon incident sur le plan de la section droite, par à la déviation de la projection du rayon émergent sur le plen de la section droite pur rapport à la projection du rayon incident sur le méme plan, et par À la déviation du rayon émergent par rapport au rayon incident, on a
cos(Δ / 2) = cos( δ / 2) cos(pi)
Et pour le minimum δ0 de δ,
_____________
sin(A/2) √1+(n²-1) sec²(pi) = sin((A + δ0)/2)
Reste une dernière difficulté. La théorie de Bravais, d'accord avec l'observation, place les faux Soleils dans le vertical du Soleil vrai, 11 faut de même que le compagnon de Vénus ait été vu dans le vertical de la planète, si notre conjecture est exacte.
Cette position se dégage, en effet, des dessins de Fontana et des expressions que les observateurs emploient pour la décrire : ils placent le satellite au-dessus ou au-dessous de la planète ; au nord et précédant un peu en ascension droite, etc.
Note: Répétons une dernière fois que les dessins de Fontana ne montrent que les défauts de sa lunette, et pas le satellite de Vénus. Et les autres observateurs ne font que situer le satellite au dessus ou au dessous de la ligne horizontale passant par Vénus.
Rappelons en outre que le plan de l'orbite elliptique de ce satellite calculée par Lambert est incliné de 64° sur celui de l’orbite de Vénus.
Note: Et rappelons aussi que l'orbite calculée par Lambert était absurde, et qu'elle était basée sur les observations de Montaigne, qui s'imaginanit que le satellite de Vénus devait tourner dans un plan frontal, et avait choisi des astres dont la distance angulaire à Vénus correspondait à la distance de la lune à la Terre.
Toutes ces considérations ne constituent certes pas une démonstration de la-conjecture que nous proposons ; mais elles la rendent, croyons-nous, plausible et vraisemblable.
On trouvera peut-être bien nombreuses et bien complexes les conditions qu’elle suppose ; mais le phénomène qu’elle prétend expliquer est si rare et si inconstant!
Quant à la théorie des faux Soleils de Bravais, elle s’accorde trop bien avec les faits observés pour qu'on se refuse à en admettre au moins le principe, qui nous a servi de point de départ. Mais, en supposant même qu'on vienne à la renverser et à lui substituer une intérprétation certaine, le compagnon de Vénus nous semble avoir trop d'analogie avec les faux Soleils pour que l'explication qui conviendrait à ceux-ci ne s'applique pas également à celui-là.
Note: La théorie exposée par le père Thirion ne correspond en rien aux observations du satellite de Vénus, qui n'a jamais paru à la verticale de Vénus, ni près de l'horizon.
J. Thirion, S. J.
(J. Thirion S.J., Le Satellite de Vénus, Revue des questions scientifiques, 20 janvier 1885, p. 44-62)