Le retour de l'intérêt pour le satellite de Vénus
1875. F. Schorr sort Fontana de son oubliette.
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C'est un siècle après qu'on ait cessé de croire au satellite de Vénus qu'un astronome - amateur, mais qui avait déjà écrit deux ouvrages - publia un livre entier consacré à ce mystérieux satellite. En dépit de l'absence du satellite lors du récent passage de Vénus devant le disque solaire en 1874, l'auteur, Dr. F. Schorr, y croyait encore. Le livre n'est d'ailleurs pas entièrement consacré au satellite lui même et contient divers chapitres sur des sujets périphériques. Néanmoins l'auteur insiste lourdement sur les observations de Francesco Fontana, qu'il encense comme un précurseur, bien qu'il ne semble même pas avoir lu son livre
1875. Joseph Bertrand entérine les rèveries de F. Schorr.
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Elève prodige, puis professeur brillant, Joseph Bertrand, qui fut mathématicien, et économiste, pouvait bien imposer le respect, quand il s'occupait d'histoire des sciences. De fait, on lit avec intérêt ses travaux, comme Les fondateurs de l'astronomie moderne, auquel livre on peut trouver un ton conventionnel, et très respectueux de l'autorité, mais ce respect de l'autorité va lui jouer des tours, quand il va écrire un article sur le satellite de Vénus, pour Le Journal des savants: Il va faire une confiance excessive au Dr F. Schorr.
1876. Thomas William Webb rappelle son observation de 1823
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Thomas William Webb, l'auteur de Celestial Objects for Common Telescopes, se sentait d'autant plus impliqué dans le problème du satellite de Vénus, qu'il en avait fait une observation dans sa jeunesse. Le passage récent de Vénus devant le soleil lui donna l'occasion d'écrire un article dans Nature où il expliquait -en expert- les images fantômes qui peuvent apparaitre dans l'oculaire, mais mentionnait aussi les observations d'astronomes réputés. Il terminait en racontant son observation, faite en 1823, à l'age de 15 ans.
1878. Proctor attribue la disparition du satellite au progrès des instruments.
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Richard Proctor, écrivit plusieurs livres sur des sujets tournant autour de l'astronomie, et en particulier "Myths ans marvels of astronomy". Il y traite des diverses croyances et illusions qui ont fleuri dans l'astronomie, et en particulier du satellite de Vénus. Il doit bien constater le sérieux de certains observateurs, mais doit constater aussi que le satellite de Vénus disparut avec le progrès des télescopes. Remarquant que les meilleurs télescopes produisent occasionnellement des illusions, il penche pour l'illusion d'origine optique.
1880. Camille Flammarion admet l'observation de Fontana.
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On ne présente plus l'Astronomie populaire de Camille Flammarion. Ce n'était d'ailleurs pas son premier ouvrage d'astronomie, mais c'est le plus connu. Dans Les merveilles célestes, il évoquait rapidement le problème du Satellite de Vénus, sans citer d'observations.
Cette fois, tout en reconnaissant que Vénus n'a pas de satellite, il cite les observations et leurs dates, en faisant remonter la première à la prétendue observation de Fontana, ce en quoi il se trompe.
1881. W.F. Denning découvre une nouvelle explication instrumentale.
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William Frederick Denning ne fut officiellement qu'un astronome amateur, mais c'était un de ces amateurs dont la compétence dans leur domaine était reconnue par le monde savant. Sa spécialité était l'observation des météores, et sa compétence en la matière lui valut de devenir membre de la Royal Astronomical Society en 1878.
C'est donc un membre de la prestigieuse R.A.S. qui fait part à la revue l'Astronomie de ses observations de Vénus, et d'une curieuse observation d'un croissant illusoire, dont il donne l'explication, et qui lui parait pouvoir expliquer des observations antérieures.
1882. Joseph Bertrand récidive
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Nous venons de voir que Joseph Bertrand, avait écrit un article dans Le Journal des savants en présentant le travail du Dr F. Schorr sur le satellite de Vénus, avec très peu d'esprit critique: juste un zeste, à la fin. Mais voila que Camille Flammarion vient de fonder la revue L'Astronomie, et Joseph Bertrand va lui faire l'honneur d'y insérer une nouvelle mouture de son article, mais sans l'excuse d'être un compte rendu de lecture. On croirait que ce sont ses propres idées. Il va même l'illustrer d'un faux dessin.
1884. Camille Flammarion devient plus réservé mais copie Bertrand.
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Après le succès de l'Astronomie populaire, Camille Flammarion sa lança dans d'autres publications qui lui tenaient à coeur. Et ce qui lui tenait à coeur, c'étaient les autres mondes et leurs possibles habitants, aussi publie-t-il Les Terres du Ciel, abondamment consacré aux planètes, à leurs satellites et à leurs habitants. S'il commence par sa préférée, la planète Mars, il enchaine avec Vénus, "soeur" de notre planète, ce qui l'amène à parler de son satellite. Malheureusement, il fait confiance à Joseph Bertrand et copie ses erreurs.
1884. Jean-Charles Houzeau imagine un quasi satellite et le baptise Neith.
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Jean-Charles Houzeau, qui avait commencé sa carrière à l'observatoire royal de Belgique, eut ensuite une vie assez aventureuse en tant que journaliste républicain, au gré des grands bouleversements européens, avant de terminer sa carrière comme directeur de l'observatoire, à l'initiative du roi Leopold II.
Si les astronomes amateurs connaissent sa bibliographie de l'astronomie, il savent moins qu'il est l'auteur d'une théorie originale, remplaçant le satellite de Vénus, par un quasi satellite... et encore moins qu'il a triché.
1884. The Observatory évalue l'hypothèse de Houzeau.
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L'hypothèse de Houzeau fut, bien sûr, étudiée et critiquée, en particulier dans la si sérieuse revue The Observatory, mais dans un article anonyme, qui sera ensuite abondamment mentionné. L'auteur trouve la théorie de Houzeau si ingénieuse et rendant tellement bien compte des faits qu'on pourrait bien souhaiter qu'elle soit vraie. Malheureusement, il est bien obligé de la faire passer sous les fourches caudines de la critique, et de relever les faits qui la rendent caduque. Hé non, cette théorie là ne marche pas non plus, et l'énigme reste une énigme.
1885. Le père Thirion invoque des réfractions qui sont incompatibles.
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Le père Jésuite Julien Thirion va, lui aussi, innover dans le dossier du satellite de Vénus, en invoquant, plutôt que des reflets dans l'oculaire, un phénomène de réfraction très rare, dans des cristaux de glace en suspension dans l'atmosphère. Il reprend cette idée à la théorie des soleils doubles de Bravais, et cite des observations de ce phénomène
Malheureusement, ces soleils doubles se produisent toujours près de l'horizon, et à la verticale du vrai soleil. Mais le père Thirion passe à travers ces détails.
1887. Charles Augustus Young réfute Neith qui serait visible à l'oeil nu.
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La théorie de Jean-Charles Houzeau n'aura guère tenu que trois ans. Elle s'est s'effondrée sous le choc d'un argument qu'il aurait du voir lui même, contre l'hypothétique satellite de Vénus, quand il fut prétendument vu avec une phase. Au lieu de cela, Houzeau, comme d'autres zélateurs, s'est efforcé de sauver le satellite. Mais l'astronome Charles Augustus Young, de Princeton, l'attendait au tournant: que J. C. Houzeau ait transformé le satellite en pseudo-satellite n'y change rien: un tel objet aurait du être visible à l'oeil nu. .
1887. William Thynne Lynn réfute Montaigne et invoque des illusions.
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William Thynne Lynn, bien qu'il ne fut jamais qu'assistant à l'observatoire de Greenwich, abreuva, pendant sa retraite, les revues scientifiques, et en particulier The Observatory, revue de l'observatoire où il avait travaillé, de communications, signées W.T. Lynn.
Beaucoup de ces communications concernaient l'histoire de l'astronomie, domaine où il fit d'utiles mises au point.
Il ne pouvait donc ignorer le dossier du satellite de Vénus, ni ne pas se montrer sceptique quant à son existence.
1887. Paul Stroobant, renvoie le satellite de Vénus aux oubliettes.
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L'étude de Paul Stroobant marque un coup d'arrêt dans l'étude du satellite de Vénus.
Avant lui, on laissait planer le doute, en constatant simultanément que le satellite était impossible à voir, et que la compétence de ceux qui l'avaient autrefois observé était impossible à nier.
Après lui, on n'a plus aucun scrupule à ranger ce satellite au musée des idées fausses.
Pourtant son étude n'est pas aussi exaustive et aussi définitive qu'il y parait.
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