6 Juin 1761. On croit voir le transit du satellite de Vénus.

Le 6 juin 1761, Cela faisait 122 ans qu'on attendait le passage de Vénus devant le soleil, pour pouvoir en faire des observations précises, qui allaient nous permettre de mieux connaitre les dimensions exactes de l'orbite terrestre. on imagine le nombre d'astronomes, professionnels ou amateurs qui fourbirent leur matériel pour cet instant historique. Cerains, comme Le Gentil de la Galaissière, partirent même pour des expéditions lointaines. Accessoirement, ce passage devait nous permettre de savoir si ce mystérieux satellite de Vénus, observé par Cassini, par Short et par Montaigne, existait ou non. Quelques jours plus tard, The London Chronicle publiait la lettre d'un lecteur qui l'avait vu!

COUNTRY NEWS

Extract of a letter from St Neots in Huntingdonshire, June 6
   " This morning as I was observing the transit, I perceived a phaenomenon, which by its motion appeared to move in a curve different from any spots I had ever before discovered on the sun. An idea occured to me, that it was secondary planet to Venus; for it plainly appeared to attend its primary as the center of its motion; and by the help of my telescope I could perceive it to make near the same transit as the planet Venus, but nearer the ecliptic. -End of the transit of Venus 31 minutes past eight, and the end of the secondary 9 minutes past nine in the morning, apparent time. "

NOUVELLES LOCALES

Extrait d'une lettre de St Neots, Huntingdonshire, le 6 Juin
   "Ce matin, alors que j'observais le transit, j'ai perçu un phénomène qui, par son mouvement, semblait se déplacer selon une courbe différente de toutes les taches que j'avais jamais découvertes auparavant sur le soleil. Une idée m'est venue, que c'était un satellite de Vénus; car il semblait clairement suivre sa planète comme le centre de son mouvement; et à l'aide de mon télescope, je pouvais le percevoir faire le même transit que la planète Vénus, mais plus près de l'écliptique. -Fin du transit de Vénus, 8 heures 31, et la fin du satellite 9 heures 9 minutes du matin, en temps vrai."

The London Chronicle, n° 699, 16/06-18/06/1761
Note: l'heure de fin du transit pour Vénus a l'air correcte. Il est dommage que l'observateur n'indique pas la distance angulaire du supposé satellite à Vénus. On peut seulement calculer que, s'il avait suivi Vénus sur la même ligne, il se serait trouvé à 2.5' derrière.
Le mouvement décrit exclut une confusion avec une tache solaire. Cependant, si l'objet suivait Vénus à la même allure, c'est que, satellite ou non, il était à une distance similaire. Et dans ce cas, d'autres observateurs auraient du le voir aussi, alors qu'il n'en est rien.
Dans ces conditions, on peut craindre que ce récit ne soit qu'une invention, d'où l'anonymat.

Quinze ans plus tard, on apprit que le même jour, Abraham Scheuten, à Crefeld, croyait lui aussi voir passer le satellite devant le soleil.

II Auszug eines Schreibens aus Crefeld
vom 14 Nov. 1775.

  Aus dem astronomischen Jahrbuche von 1777 sehe ich, dass die Astronomen noch ungewiss sind : ob Venus einen Trabanten habe oder nicht. Da ich nun für mich davon völlig überzeugt bin, so theile hier die Beweise meiner Ueberzeugung mit, weil sie mir wichtig genug zu seyn scheinen. Ich habe mit meinen Freunden den Trabanten durch ein gemeines Fernrohr binnen 3 Stunden öfters sehr deutlich vor der Sonne sehen vorbeygehen. In meinem Memorial finde ich davon folgendes :

Im Jahre 1761 den 6 Jun. Vormittags um 5 1/2 Uhr habe Venus in der Sonne gesehen. Von 8 bis 12 Uhr konnte man hier wegen der Wolken keine Beobachtung anstellen. Um 12 Uhr sah ich Venus ihr Möndgen in der Mitte der Sonnenscheibe. Um 3 Uhr war es beynahe auf dem Rande.

  Was wir binnen dieser 3 Stunden in der Sonne sahen, konnte nichts anders als der Trabant seyn. Er kam mir so schwarz, rund und distinct vor als Venus, ober viel kleiner, ungefähr 1/4 so gross. Er sahe auch den Sonnenflecken, welche ich vielmal gesehen, gar nicht ähnlich. Auch kam sein Lauf mit dem Laufe der Venus überein : er war aber etwas geschwinder. Daraus vermuthe ich, dass er an der Seite seines Weges, welche unserer Erde am nächsten war, und also nicht weit von seiner untern Conjunction mit Venus gewesen ist, welches auch verursachte, dass der Trabant desto schwärzer schien. Aus Mangel der Instrumente war ein grössere Genauigkeit nicht möglich, aber genug mich von dem Daseyn des Trabanten zu überzeugen. Ich hätte es eher bekannt gemacht, vermuthete aber, es würden ihn viele gesehen haben.

...

Zweytes Schreiben aus Crefeld vom 25 Dec. 1775

  Es thut mir leid, dass ich auf die an mich gerichtete Fragen keine ganz genugthuende Antwort geben kann. Hätte ich bey meiner Beobachtung diesen Erfolg nur vermuthet, so würde sie, so viel sich bey dem Mangel von Instrumenten thun liesse, genauer und umständlicher aufgezeichnet worden seyn. Noch lebende Zeugen der Erscheinung sind da. Ohne etwas von der Astronomie zu verstehen, sahen sie den Mond der Venus, nach ihrem Ausdrucke, wie eine schwarze Erbse in der Sonne. Dieser Umstand ist an und für sich unerheblich. Folgendes ist alles, was mir möglich ist, von meiner Beobachtung noch anzugeben.

  Die erste Beobachtung war um 12 Uhr oder ein paar Minuten später, und das Möndgen nach dem Augenmaasse gerade vor dem Mittelpuncte der Sonne. Wie viel es um 3 Uhr von dem Rande stund, weiss ich nicht genau, aber es war noch eben sichtbar; ich bin also nicht mehr im Stande, eine Figur davon zu geben. Die Geschwindigkeit schloss ich also : Ich theilte den Diameter der Sonne in 100 Theile. Davon gieng Venus in ungefähr 6 St. 20 Min. 80 Theile, ist in einer Stunde 12 12/19 Theile. Das Möndgen lief in 3 Stunden 50 Theile, damit I Stunde 16 2/3 Theile, und demnach schneller als Venus.

Abraham Scheuten, Adams Sohn.

Extrait d'une lettre de Crefeld
du 14 novembre 1775

  D'après l'annuaire astronomique pour 1777, je vois que les astronomes sont encore incertains: si Vénus a un satellite ou non. Puisque j'en suis maintenant totalement convaincu pour moi-même, je partage ici les preuves de ma conviction, car elles me paraissent suffisamment importantes. Avec mes amis, j'ai vu plusieurs fois très clairement, pendant 3 heures, le satellite devant le soleil à travers un télescope commun. Je trouve ce qui suit dans mon journal

En 1761, le 6 juin au matin à 5 h 30 ai vu Vénus devant le soleil. De 8 h à 12 h, on ne pouvait pas faire d'observations ici à cause des nuages. A 12 heures, j'ai vu Vénus et sa petite lune au milieu du disque solaire. Á 3 heures, elle était presque au bord.

Ce que nous avons vu devant le soleil pendant ces 3 heures ne pouvait être autre chose que le satellite. Il me semblait aussi noir, rond et distinct que Vénus, mais beaucoup plus petit, environ 1/4 de la taille. Il ne ressemblait pas du tout aux taches solaires que j'ai vues plusieurs fois. Son cours coïncidait également avec celui de Vénus: mais il était un peu plus rapide. De cela, je soupçonne qu'il était du côté de son chemin, qui était le plus proche de notre terre, et donc non loin de sa conjonction inférieure avec Vénus, qui a également fait apparaître le satellite plus noir. En raison du manque d'instruments, une plus grande précision n'était pas possible, mais suffisante pour me convaincre de l'existence du satellite. Je l'aurais fait savoir plus tôt, mais je soupçonnais que beaucoup l'auraient vu.

...

Deuxième lettre de Crefeld du 25 décembre 1775

Je regrette de ne pas pouvoir donner une réponse satisfaisante aux questions qui m’ont été posées. Si je n'avais soupçonné ce succès qu'à partir de mon observation, autant qu'on aurait pu le faire en l'absence d'instruments, il aurait été enregistré plus précisément et de manière plus compliquée. Il y a encore des témoins vivants de l'apparition. Sans rien comprendre de l'astronomie, ils ont vu la lune de Vénus, selon leur expression, comme un pois noir sur le soleil. Ce fait n’est pas pertinent en soi. Voici tout ce que je peux dire de mon observation.

La première observation était à midi ou quelques minutes plus tard, et la petite lune était juste avant le centre du soleil, tel que mesuré par l'œil. Je ne sais pas exactement combien c'était du bord à 3 heures, mais c'était juste visible; Je ne suis donc plus en mesure d'en donner un chiffre. J'ai donc déduit la vitesse: j'ai divisé le diamètre du soleil en 100 parties. De cela, Vénus a parcouru 80 parties en environ 6 heures et 20 minutes, et 12/19 parties en une heure. La petite lune a parcouru 50 parties en 3 heures, donc 16 2/3 parties en 1 heure, et donc plus vite que Vénus.

(Berliner_astronomisches_Jahrbuch_für 1778, zweyter theil, Berlin, 1776, p.186-188)
Note: On se demande bien si Abraham Scheuten ne nous raconte pas des histoires, car les heures du transit sont grossièrement fausses. Il n'a pas pu noter dans son journal qu'il observé le transit de 12 H à 15 H, car à Crefeld, si Vénus se trouvait bien devant le soleil à 5H 30, le transit de Vénus s'est terminé vers 8 H 57 du matin, en temps local, et non à 3 H de l'après midi. Il faut aussi se rappeler que ses lettres ont été écrites 14 ans après l'observation.

Abraham Scheuten n'aurait donc pas été le seul à Crefeld, à avoir vu le supposé satellite de Vénus passer devant le soleil. Il est formel, et pensait que d'autres l'auraient vu aussi.
Mais voila, non seulement Vénus n'est pas passé devant le soleil à l'heure qu'il a indiqué, mais aucun des autres observateurs, pourtant si nombreux, n'avaient rien vu de tel. Pire, certains ont précisé qu'ils avaient cherché le satellite sans le voir. Paul Stroobant cite à ce sujet:

La Caille:
« Pour observer la sortie de Vénus, j'ai ôté l'oculaire qui m'avait servi jusque-là et j'y ai substitué les deux oculaires envoyés par M. Dollond qui font faire à la lunette l'effet d’une de 12 à 15 piés de longueur.
Nous n'avons pas vu d'apparence de satellite sur le Soleil, ni le 5 au soir, ni le 6 jusqu'à trois heures après midi. »

Cassini de Thury:
« J'ai cherché, pendant tout le jour d'observation, le satellite que l'on avait annoncé paraitre sur le Soleil, mais je n'ai pu rien apercevoir. »

Samuel Dunn:
« With the six feet Newtonian reflector, and its magnifying power of 100 and also of 220 times I carefully examined the sun's disk, to discover a satellite of Venus, but saw none; for I had a very clear dark glas next my eye, and the sun’s limb appeared most perfectly defined.
...
After the transit till two o’clock afternoon the same day, I continued observing the disk with this telescope, but saw no satellite pass over the Sun. »

« Avec le réflecteur newtonien de six pieds, et son pouvoir grossissant de 100 et aussi de 220 fois, j'ai soigneusement examiné le disque solaire, pour découvrir un satellite de Vénus, mais je n'en ai vu aucun; car j'avais un verre sombre très limpide contre mon œil, et le limbe du soleil paraissait la plus parfaitement définie.
...
Après le transit jusqu'à deux heures de l'après-midi le même jour, j'ai continué à observer le disque avec ce télescope, mais je n'ai vu aucun satellite passer sur le Soleil. »

le professeur Ferner:
« P. S. — I hope M. Bauduoin’s pieces upon the satellite of Venus is come to your hands. Notwithstanding all the care taken here, to discoverer this satellite upon the disk of the sun, in the 6th past, we could see nothing of it. »
« P. S. — J'espère que les pièces de M. Bauduoin sur le satellite de Vénus vous seront parvenues. Malgré tout le soin apporté ici, pour découvrir ce satellite sur le disque du soleil, le 6 dernier, nous ne pumes rien voir de lui. »

John Winthrop:
« I viewed the sun with great attention in the reflector both in the 5th and 6th of june, in hopes to find a satellite of Venus; but in vain. There were several spots then of the sun; but none that I saw could be a satellite. »
« J'ai regardé le soleil avec beaucoup d'attention au télescope réflecteur les 5 et 6 juin, dans l'espoir de trouver un satellite de Vénus; mais en vain. Il y avait alors plusieurs taches sur le soleil; mais rien de ce que j'ai vu ne pouvait être un satellite. »

Et nous ne citons pas les nombreux observateurs qui ont fait un compte-rendu de leur observation, sans mentionner le satellite de Vénus. S'ils en avaient vu un, ils l'auraient évidemment signalé.

Donc, pour le 6 juin 1761, nous avons comme observation du satellite de Vénus, que celle d'un amateur anonyme, et une observation incohérenre rapportée 14 ans plus tard, alors que de nombreux observateurs compétents n'ont rien vu du tout. Paul Stroobant pense que ces deux observations concerne des taches solaires. La description précise de l'anonyme l'exclut, mais pourrait être une invention. Celle d'Abraham Scheuten est tellement fausse qu'il n'est même pas utile d'y chercher une explication.

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Dernière mise à jour: 07/11/2020