Un demi siècle pour découvrir l'anneau de Saturne

(les aspects télescopiques sont représentés pour un écran 17" en 800x600)
(les dessins de Saturne ont été reproduits horizontalement, à la même échelle)

1610, (date exacte incertaine)
premier dessin de saturne par Galilée
dessin de Galilée
A Padoue, Galilée découvre que Saturne est flanqué de deux appendices, qui ne se comportent pas comme des satellites. Il en parle pour la première fois dans une lettre datée de Juillet
Tous les manuels d'astronomie montre le dessin de gauche, mais il faut se rappeler que la lunette de Galilée ne grossissait que 20 fois. En remettant l'image à l'échelle, Galilée a du observer quelque chose comme l'image de droite
Il ne pouvait donc pas comprendre qu'il s'agissait d'un anneau
Ce que Galilée pouvait voir
ce que voyait Galilée

1612 Les appendices disparaissent pour Galilée (l'anneau est vu par la tranche). Galilée, qui ignore que la disparition n'est que temporaire, cesse de surveiller Saturne pendant quelque temps

1614
dessin de saturne par Scheiner
dessin de Scheiner
Le père jésuite Christoph Scheiner, qui découvrit les taches solaires en même temps que Galilée, observe lui aussi Saturne et le dessine.
On peut supposer que la lunette qu'il utilisait à cette époque était de puissance comparable à celle de Galilée.
Il fut cependant le premier à utiliser dès 1615, une lunette à oculaire convergent selon le principe énoncé par Képler en 1611
le père Christoph Scheiner
le père Scheiner

1616
dessin de saturne par Galilée en 1616
dessin de Galilée
A gauche, nouveau dessin de Saturne par Galilée. Il en publiera une gravure en 1623 dans il saggiatore (l'essayeur)
Si Galilée utilisait alors la plus puissante lunette qu'il eut, qui grossissait 30 fois, voici à droite ce qu'il pouvait voir
On note ses qualités d'observateur, capable d'interpréter correctement une image aussi petite
Ce que Galilée pouvait voir en 1616
ce que voyait Galilée

avant 1620
dessin de saturne par Biancani, reproduit par Huygens
dessin de Biancani
Le père jésuite Giuseppe Biancani, qui publiera en 1620 Sphaera mundi, seu Cosmographia demonstrativa..., dessine Saturne avec deux satellites reliées par des anses.

frontispice du livre de Giuseppe Biancani
livre de Biancani

1633
 premier dessin de saturne par Gassendi
dessin de Gassendi
Gassendi et Saturne
bouton Gassendi
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Pierre Gassendi, plus connu comme philosophe et disciple d'Epicure que comme astronome, entreprend d'observer Saturne. Ses observations vont s'échelonner de 1633 à 1655, l'année de sa mort. Pendant cette période il verra Saturne sous les aspects les plus divers et en fera pas moins de 23 dessins. Il semble d'ailleurs ètre le premier à avoir dessiné Saturne sans anses, en 1642. Il mourra quelques mois avant que Saturne ne retrouve cette apparence, sans en avoir compris le mystère, et au moment même ou Christian Huygens en découvre la solution.
Son problème fut de n'avoir pu, comme Huygens, fabriquer ses objectifs de lunette lui même, et d'avoir du observer toute sa vie avec des instruments trop faibles. De même ses nombreuses mesures de position ne furent jamais utilisées, car bientôt, la précision des mesures décupla, rendant les siennes obsolètes

1640
dessin de saturne en 1640 par Riccioli
dessin de Riccioli
Le père jésuite (hé oui, ils étaient partout) Giovanni Battista Riccioli, qui s'illustrera plus tard en publiant l'Almagestum novum, contenant une carte de la lune, dessine Saturne avec deux appendices séparés
frontispice de l'almagestum novum de Riccioli
livre de Riccioli

1645
Le capucin tchèque Anton Maria Schyrleus, dit père de Rheita, publie Oculus Enoch et Eliae, siue, Radius sidereomysticus.
De Rheita est l'inventeur du "redresseur", une lentille intermédiaire qui permet de voir l'image à l'endroit dans une lunette.
Dans son ouvrage il admet que Saturne a bien deux compagnons, et qu'alors ils devraient ètre périodiquement éclipsés par la planète, ce qu'on n'aurait jamais observé. Il en déduit, soit qu'ils effectuent leur révolution indépendamment de Saturne, soit qu'ils brillent d'une lumière propre et éclairent Saturne, qui en a bien besoin car elle est cent fois moins éclairée par le soleil que la Terre. Cette hypothèse est pour lui quasi-certaine
Bien sûr, son idée ne tient pas debout puisque les "compagnons" disparaissent bien tous les quinze ans, et ne sont pas plus lumineux que Saturne. De plus leur luminosité propre ne mes empécheraient pas de tourner autour de Saturne et d'ètre éclipsés
frontispice de Oculus Enoch et Eliae
livre de de Rheita

1646
dessin de Saturne publié par Fontana en 1646
dessin de l'ouvrage
dessin de Saturne dessiné par Fontana le 3 décembre 1645
dessin du 3/12/1645
Francesco Fontana, premier italien à utiliser des oculaires convexes, publie Novae coelestium terrestriumque rerum observationes., où il présente ses observations faites "specillis a se inventis" (avec des verres inventés par lui).
Hélas, n'est pas Galilée qui veut. Son dessin de Mars est un cas d'école pour s'initier aux aberrations des instruments, et les anses de Saturne qu'il dessine sont assez fantaisistes. Du moins, il les dessine
frontispice du livre de francesco fontana
livre de Fontana

1647
dessin de saturne par Eustachio Divini
dessin d'Eustachio Divini
Eustachio Divini dessine un anneau tangent à la planète
Là aussi, il faut tenir compte du grossissement des instruments de l'époque. Celui d'Eustachio Divini grossissait à peine 60 fois
Cependant il prétendra plus tard que la lunette, plus puissante, de Huygens donnait une image fausse, puisqu'elle montrait ce qu'il ne voyait pas (objection qu'on avait faite à Galilée, dont la lunette montrait des étoiles invisibles à l'oeil nu)
ce que voyait Eustachio Divini
ce qu'il voyait

1647
René Descartes
René Descartes
René Descartes, après avoir inventé son système très personnel des tourbillons, où la terre était immobile dans un tourbillon mobile, veut que son système ait réponse à tout. Aussi prétend il vouloir expliquer l'immobilité des pseudo-satellites observés par Galilée.
Dans la troisième Partie de la seconde édition de ses Principes de la Philosophie, il attribue, l'état stationnaire de ces prétendus satellites à ce que Saturne présente toujours la même face au centre de son tourbillon.
Malheureusement,entretemps, les compagnons de Saturne s'étaient mués en anses qui avaient déja eu le temps de disparaitre trois fois
les tourbillons de Descartes
tourbillons de Descartes

1650
dessin de saturne en 1650 par Riccioli
dessin de Riccioli
le père Giovanni Battista Riccioli, dessine lui aussi un anneau tangent
La comparaison avec les autres dessins laisse supposer qu'il utilisait une lunette plus puissante qu'en 1640

1655, 25 mars
dessin de saturne par Huygens le 25 mars 1655
dessin de Huygens
Le 25 mars, vers 8 heures du soir, Christian Huygens pointe sa lunette de 12 pieds vers Saturne. Il observe Saturne avec deux "bras" (brachii). A droite, ce qu'il pouvait voir avec le grossissement de 50 de sa lunette
Ce que Huygens voyait de Saturne le 25 mars 1655
ce que voyait Huygens

1655
schéma de l'anneau imaginé Huygens en 1655
schéma de Huygens
Christian Huygens découvre la vraie géométrie de l'anneau. Constatant la révolution de son satellite en 16 jours, il en déduit que Saturne doit aussi tourner sur son axe. Argument: toutes les planètes doivent tourner sur elles même afin que toute leur surface jouisse de la lumière du soleil.
( atque ita tota eorum superficies lumine solis per vices gaudeat )
C'est l'argument boiteux des "causes finales", mais la conclusion est tout de même exacte. Il en déduit que puisqu'il observe la même apparence de "bras" malgré la rotation, c'est que ces bras forment en réalité un disque plat vu par la tranche. Et comme les anciennes observations montrent un espace entre les anses et le globe de la planète, c'est que ce disque n'est pas tangent à la planète mais forme un anneau

1655
Giovanni Battista Hodierna
Hodierna
Giovanni Battista Hodierna dit avoir vu Saturne, avec deux petites boules, la plus à l'est étant plus petite, alors que Huygens, à la même époque, observait Saturne, avec deux "bras" égaux.
Auteur de De systemate orbis cometici; deque admirandis coeli characteribus, contenant une liste de 40 objets célestes, Hodierna pensait que Saturne était en forme de ballon de Rugby, avec des taches noires.
Sa lunette grossissait 20 fois. Connaissant l'ouverture des anneaux à cette époque, nous pouvons reconstituer ce qu'il voyait: quasiment rien du tout
Ce que Hodierna pouvait voir
ce que voyait Hodierna

1656
dessin de saturne sans anneaux par Huygens
dessin de Huygens
De janvier à octobre, les "bras" ne sont plus visibles pour Christian Huygens. Saturne lui apparait "ronde".
Sa lunette d'alors est nettement meilleure que celle de Galilée: 7 mètres de long avec un objectif diaphragmé à 60 mm et un grossissement de 90
Ce que Huygens voyait en 1656
ce que voyait Huygens

Quatre théories en trois ans

1656, 25 mars
Pour prendre date, Huygens publie sa découverte sous forme d'un anagramme:
aaaaaaacccccdeeeeeghiiiiiiillllmmnnnnnnnnnooooppqrrstttttuuuuu
qui cache la phrase suivante:
Annulo cingitur, tenui, plano, nusquam cohaerente, ad eclipticam inclinato
(Elle est entourée par un anneau, mince, plat, nulle part attaché, incliné sur l'écliptique)

1656, août
sys roberval
hypothèse de Roberval
Gilles Personne de Roberval, professeur au collège royal (et inventeur de la fameuse balance) imagine que les appendices sont des nébulosités s'élevant très haut depuis les régions équatoriales de Saturne. Cette hypothèse, qui rappelle un peu l'explication des comètes par Aristote, explique à la rigueur les variations d'apparences selon l'inclinaison, mais pas les lacunes à l'intérieur des anses Roberval
Roberval

1656
Johannes Hevelius
Johannes Hevelius
Johan Hewelcke, en latin Johannes Hevelius, publie à Dantzig, "de nativa Saturni facie" (de l'apparence réelle de Saturne).
Il suppose que les "anses" sont en fait deux croissants attachés à un corps central ellipsoïdal, dont la rotation suivant le petit axe explique les variations d'apparence de Saturne, des anses aux deux petits disques
Ce système n'explique pourtant pas les apparences de "bras"
bouton système d'Hévelius
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1658
sys Wren
système de Wren
Christopher Wren, l'architecte de la cathédrale St Paul de Londres, suppose un anneau elliptique tangent très mince expliquant les disparitions périodiques
Cette fois, les apparences de "bras" sont expliquées par l'aplatissement apparent du à la perspective
Mais Wren, l'architecte, a visiblement du mal à concevoir un anneau qui tienne tout seul sans point d'attache
Wren
Christopher Wren

1659, 12 février
dessin de saturne par Huygens le 12 février 1659
dessin de Huygens
Le 12 février, vers 6 heures du matin, Huygens observe et dessine Saturne avec les anses nettement ouvertes. A droite, ce qu'il pouvait pouvait voir avec le grossissement de 90 de sa lunette de 7 mètres
Cette observation, dernière qu'il mentionnera dans son livre, confirme clairement son interprétation
Ce que Huygens voyait de Saturne le 12 février 1659
ce que voyait Huygens

1659, 28 juillet
Christian Huygens
Christian Huygens
Christian Huygens publie "systema saturnium" où il présente ses observations de Saturne et de son satellite (Titan), et explique correctement la disparition périodique des anneaux.
Il présente aussi les observations de ses prédécesseurs, et c'est de son livre que viennent la plupart des dessins publiés
Systema Saturnium de Christian Huygens
Le livre de Huygens

schéma huygens
Position de Saturne dans l'espace, et aspect correspondant vu de la Terre, d'après Huygens

Ainsi, la géométrie de ce qui avait été découvert en 1610, n'est clairement expliqué qu'en 1659. La première tentative (géniale) pour expliquer ce mystérieux anneau apparaitra l'année suivante

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