Trois ans de spokes!
1896, 18 avril
dessin d'Antoniadi |
Eugène Antoniadi, le meilleur dessinateur de planètes après la mort de Trouvelot, observant avec l'équatorial de l'observatoire de Juvisy, dessine l'anneau C avec des gradins, et l'anneau A avec des marbrures rayonnantes (des spokes, quoi!)
Bienvenue au club, Eugène!
Mais dans son commentraire, Camille Flammarion insiste plutöt sur les apparences de nouvelles divisions, dont il se demande si elles ne sont pas réellement variables, en relation avec l'attraction des huit satellites de Saturne. ( 1 ). |
1896, septembre
dessin de Wonaszek |
A. Anatole Wonaszek, de l'observatoire de Kis-Kartal, en Hongrie, dessine Saturne avec une ombre concave. Comme Trouvelot, il cite ses prédécesseurs, Schroeter, Lassell, De La Rue, Webb, Jacob, Mascari, et curieusement pas Trouvelot, bien qu'il cite son dessin.
Remarquant que le phénomène s'observe aux époques des quadratures, il imagine que les anneaux ne sont pas plans, mais suivent une courbe conique. ( 2 ). Pourtant lorsqu'ils sont vus par la tranche, les anneaux disparaissent toujours comme s'ils étaient plans
Un nouveau club est en train de se former: les observateurs d'ombres concaves, sous le patronage de William Herschel en personne!
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1897, 23 juillet
dessin d'Antoniadi |
Encore des spokes observés à Juvisy
Pourtant, Camille Flammarion continue de montrer peu d'intérèt pour ces marbrures rayonnantes. Il préfère s'intéresser aux minuscules détails que les grands instruments ne montrent pas:
Il faut peu de lumière pour ces aspects fugitifs. Dans les grands instruments les taches sont noyées par l'éblouissement de l'image. C'est pourquoi M. Barnard n'a pas pu apercevoir ces estompages dans le 36 pouces de Lick, tandis que M. Stanley Williams les a découverts avec un réflecteur de 6 pouces seulement. ( 3 ).
On croit réver! Flammarion avoue officiellement qu'on voit plus de détails dans la pénombre et dans les les petits instruments que dans les grands. On comprend mieux pourquoi ils s'est intéressé aux phénomènes médiumniques qui se produisaient d'autant mieux que l'obscurité était plus profonde |
1898, mai
dessin de J.C.Sola |
Nouvelle arrivée au club des "spokes observers". José Comas Sola, utilisant l'équatorial de 22 cm de l'observatoire Catala, avec un grossissement de 300, dessine Saturne, et note:
L'anneau extérieur présentait l'aspect habituel, avec les taches blanchatres et les épanchements sombres sortant de la division de Cassini, détails que je signalai déja en 1894 ( 4 ).
Hé oui, à cette époque, c'est quand il n'avait pas ses spokes que l'anneau avait l'air bizarre
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1898, 14 juillet
dessin d'Antoniadi |
Feu d'artifice de spokes à Juvisy
(impossible de la rater, celle la)
Antoniadi commente:
L'anneau extérieur A s'est montré d'un gris plus ou moins uniforme en 1898, mais avec ses grosses taches blanches aux extrémités des anses. Les séparations de ces taches donnaient lieu aux estompages radiaux bien connus, venant de la division de Cassini ( 5 ).
Antonioadi en profite pour réfuter l'hypothèse conique de Wonaszek, et voit dans l'ombre concave un phénomène d'irradiation similaire à celui de la "goutte noire". En fait cette assimilation est fausse elle aussi, car ce dernier phénomène n'a lieu que pour les hautes luminances. L'idée d'Antoniadi ne s'applique en pratique qu'aux ombres polygonales convexes, quand l'ombre rejoint la division de Cassini
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Références
1) Camille Flammarion, Nouvelles divisions dans les anneaux de Saturne, Bulletin de la S.A.F., mai 1896, p 165
2) A. Anatole Wonaszek, Limite anormale de l'ombre de Saturne sur les anneaux, Bulletin de la S.A.F., décembre 1897, p 483
3) Flammarion et Antoniadi, Saturne en 1897 à l'observatoire de Juvisy, Bulletin de la S.A.F., décembre 1897, p 481
4) José Comas Sola, Observation de la planète Saturne, Bulletin de la S.A.F., octobre 1898, p 438
5) Eugène Antoniad, Saturne en 1897 à l'observatoire de Juvisy, Bulletin de la S.A.F., janvier 1899, p 36
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