Un siècle pour dissiper un mystère
...et en faire apparaitre un autre

Trouvelot premier observateur des marbrures radiales.

1874, 30 décembre
Le dessin de Trouvelot
bouton dessins de Trouvelot
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l'astronome Trouvelot réalise un superbe dessin de Saturne que divers "bons manuels d'Astronomie", à partir de celui de Guillemin en 1877, vont reproduire à l'envie... et en couleurs!.
Ce dessin est aisément identifiable: l'anneau semble incomplet. Il en manque un morceau près du disque de Saturne. On pourrait même se demander si le dessin est terminé, pourtant Trouvelot s'en est expliqué: il a bien vu cet aspect déchiqueté
Il est dommage que les reproductions soient incorrectes, car Trouvelot serait le premier à avoir dessiné des marbrures sur l'anneau. Heureusement, le dessin original est toujours disponible, et les marbrures y apparaissent. En fait, Trouvelot en avait déja dessiné dès 1872. Ces marbrures, bien qu'ici réduites à des dentelures, semblent bien être analogues aux "spokes", officiellement découverts un siècle plus tard

1877
anneau liquide Dans la 5ème édition de son ouvrage, Le Ciel, Amédée Guillemin continue de montrer l'anneau de Saturne sous forme liquide ( 1 ). Il prévient néanmoins,
Nous avons supposé le sol de l'anneau liquide. On a fait cette hypothèse; mais, en vérité, nous avons vu qu'on ne sait rien à cet égard, et je me hâte de le rappeler au lecteur, pour qu'il ne se fasse point une fausse idée des connaissances des astronomes à ce sujet
Il aurait été bien inspiré de prévenir aussi que les couleurs de son dessin de Saturne étaient tout aussi hypothétiques
C'est le même Guillemin qui présente en juin de la même année le travail de Hirn, dans les colonnes de La Nature, concluant à l'impossibilité de l'anneau liquide

1883
photographie de Saturne par Commons
photo de Commons
1ère photographie de Saturne par Commons
On remarque que cette première photo en montre à peine plus que le dessin de Campani en 1664. On y discerne à peine la différence entre les deux anneaux

1885
Comme plusieurs démonstrations sont plus sures qu'une seule, Henri Poincaré démontre une nouvelle fois, après Roche, Maxwell, Proctor et Hirn, que les anneaux ne peuvent ètre formés que de petits corpuscules. C'est surtout l'hypothèse de l'anneau liquide qu'il évacue (l'hypothèse, pas le liquide)
On peut faire de ce principe une application aux anneaux de Saturne. Clerk Maxwell a démontré que ces anneaux ne peuvent être solides, et que, s'ils sont fluides, leur densité ne peut dépasser les 3/100 de celle de la planète. D'autre part, je démontre que, si les anneaux sont fluides, ils ne peuvent être stables que si leur densité est supérieure au 1/16 de celle de Saturne. L'analyse semble donc confirmer l'hypothèse de M. Trouvelot, qui considère les anneaux comme formés de satellites infiniment petits et ne croit pas pouvoir expliquer autrement certaines apparences. ( 2 )

1887, 8 et 15 février
Stuyvaert
dessin de E. Stuyvaert le 15 février
E. Stuyvaert, observant à Bruxelles, note pour le 8 février:
La raie de Cassini se montre très nettement, et régulièrement limitée par le bord de l'anneau intérieur. Elle s'étend en festons dans l'anneau extérieur en faiblissant de teinte. L'anneau intérieur présente des taches brillantes le long de la raie de Cassini.
Et pour le 15:
Je trouve le bord extérieur de la raie de Cassini moins festonné; on y aperçoit encore deux ou trois dentelures bien distinctes, s'étendant dans l'anneau extérieur.
Si ce ne sont pas des spokes, c'est drolement bien imité

James Keeler découvre la vraie division d'Encke

1888, 2 mars
Le dessin de Keeler
bouton dessin keeler
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La nuit est exceptionnellement claire sur le Mont Hamilton
James Keeler, et trois de ses collègues Edward Barnard, Holden et Schaeberle, observent Saturne avec la lunette de 91 cm, et 17.2 m de focale, de l'observatoire Lick. Un grossissement de 400 leur montre nettement la bande d'Encke, mais en poussant le grossissement à 1500, ils observent nettement une fine ligne noire vers le bord externe, à 1/6 de la largeur de l'anneau A.
Keeler semble le premier a avoir correctement dessiné la "division d'Encke" sur l'ensemble de l'anneau. Elle aurait donc du porter son nom. Pour réparer cet oubli, on a donné son nom à une mince division, à l'extrème bord de l'anneau A.
Certes Keeler n'a jamais vu la "division de Keeler", mais Encke n'a jamais vu la "division d'Encke" non plus.

1888, 21 mars
dessin spokes
dessin de T. Gwyn Elger
T. Gwyn Elger, observant en Angleterre avec un télescope de 8 1/2 pouces, dessine l'anneau C avec des échancrures sombre qui évoque à nouveau les futurs "spokes". Dans son compte-rendu à la revue L'Astronomie Il note:
Je crois donc pouvoir conclure avec Mr Trouvelot, Terby, Gaudibert, Stroobant et Stuyvaert, que les anneaux de Saturne, loin d'être stables, sont, au contraire, essentiellement variables et subissent des changements continuels ( 4 )
Bienvenue au club des "spokes observers"
Malheureusement, les techniques de reproduction de l'imprimerie de l'époque ne permettent pas de reproduire correctement la plupart de leurs dessins

1888, 11 juin
Dom Lamey récidive. Il présente à l'académie des sciences, une note résumant ses observations de nouveaux anneaux du 12 février 1884 au 5 juin 1888, mais avec un objectif de 16 cm, cette fois ( 5 ). Les anneaux ont pour rayon 2.45, 3.36, 4.90 et 8.17 fois le rayon équatorial de Saturne. Peu lui chaut que Lassel, Bond, Trouvelot ou Keeler n'en aient jamais rien vu. Leurs instruments étaient trop puissants pour les montrer.

1889, 1 novembre
Edward Barnard observe la passage du satellite Japet dans l'ombre des anneaux avec l'équatorial de 12 pouces de l'observatoire Lick, et un grossissement de 150. Par comparaison avec l'éclat des satellites Téthys et Encelade, il note la diminution progressive de l'éclat de Japet dans l'ombre de l'anneau C, et son extinction dans l'ombre de l'anneau B, d'où il déduit transparence de l'anneau C, et l'opacité de l'anneau B ( 6 ). éclat de Japet

1890, 3 avril
ombre concave
observation de Stroobant
Paul Stroobant, observant avec l'équatorial de 38 cm de l'observatoire de Bruxelles, observe l'anneau C avec une échancrure, et une ombre concave de Saturne sur les anneaux ( 7 ).
Ce type d'observation, avec ombre à faible concavité, est néanmoins tout à fait explicable par contraste visuel comme l'expliquera Antoniadi

1891
Après le précédént passage de la Terre dans le plan des anneaux, Camille Flammarion résume les connaissances sur la nature des anneaux:
L'observation, aussi bien que l'analyse mathématique, indique que la matière dont sont composés les anneaux est à l'état de courants circulaires de particules solides...
Les observations ont aussi montré, par l'étude des ombres du globe, que la plus grande épaisseur de chaque anneau se trouve auprès de son bord externe
( 8 )
Cette dernière affirmation est encore vraie pour les anneaux C et B. Elle sera démentie 23 ans plus tard pour l'anneau A

1895, 9 et 10 avril

Keeler
James E. Keeler
Démonstration de Keeler
bouton schéma de Keeler
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James Keeler confirme expérimentalement la rotation différentielle de l'anneau, en accord avec la théorie maintenant bien admise d'anneaux de particules respectant les lois de Kepler
Keeler est depuis 1891 directeur de l'Allegheny Observatory. En 1893 l'observatoire s'équipe d'un grand spectroscope, mais les premières tentatives d'enregistrement photographique sont décevantes car les objectifs sont corrigées pour l'observation visuelle, alors que les plaques photographiques ont leur maximum de sensibilité dans le bleu. L'arrivée des plaques orthochromatiques va permettre à Keeler de faire un spectre de Saturne suffisamment net pour montrer les déviations des raies les long de l'image du système de Saturne, par effet Doppler. Deux plaques, exposées chacune deux heures, avec un spectre de la lumière lunaire pour comparaison, font apparaitre que les déviations se font dans le sens prévu par l'hypothèse de la rotation différentielle, et non dans celui qui correspondrait à l'hypothèse du disque rigide. ( 9 ).

Feu d'artifice de "spokes"

1896 à 1898
3 ans de spokes
bouton spokes
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Depuis quelques années, les lecteurs du Bulletin de la Société Astronomique de France, ont vu passer divers rapports d'observation de marbrures radiales, mais pendant trois ans, ces observations vont devenir tellement fréquentes sur l'anneau A, que les observateurs vont parler de "son aspect habituel".
Et celui qui en voit le plus n'est pas le moindre des observateurs: c'est Eugène Antoniadi en personne!
Bref, à cette époque, Saturne sans marbrures, c'était comme le soleil sans taches ni couronne

1904, novembre
ombre concave
dessin de D.M.Amann
Deux nouvelles entrées au C.O.O.C. (Club des observateurs d'ombres concaves)
Observant avec l'équatorial de 17 cm de l'observatoire d'Aoste (Italie) M.Amann et Cl.Rozet dessine plusieurs fois des ombres concaves. ( 10 ).
L'hypothèse proposée est, qu'il s'agit d'un phénomène de réfraction de la lumière solaire dans l'atmosphère de Saturne. Mais un tel phénomène produit une convergence qui devrait rétrécir l'ombre au lieu de l'élargir.

1907, 2 juillet
face obscure
dessin d'Edward Barnard
explications
explication de Bond
Barnard observe la face obscure de l'anneau ( 11 ).
Son dessin montre des taches claires aux emplacements des anses de la division de Cassini et de l'anneau de crèpe. Il est à rapprocher de l'explication qu'en donnait Bond.

1907, septembre
Saturne vu de l'observatoire du Mt Revard le 7-9-1907
dessin de G.Fournier
Et un nouvel anneau, un!
Depuis le Mont Revard, à 1550 m d'altitude, R. Jarry-Desloges, et son adjoint G.Fournier croient observer "de manière sûre" un anneau extérieur transparent et très pale, mais aux bords bien délimités. ( 12 ).
Ils ne le reverront plus.
Ils ne donnent pas le diamètre de leurs instrument, mais il ne devait pas ètre bien grand, puisqu'ils le démontèrent ensuite, comme un instrument d'amateur.
Bien sûr, Edward Barnard, spécialiste en objets sombres, découvreurs de nébuleuses obscures, n'a rien vu du tout avec la lunette de 102 cm de Yerkes, la plus puissante du monde
Mais les observateurs récusent par avance les objections de ceux qui n'auraient rien vu avec des instruments plus puissants: Seuls les observatoires élevés comme Aréquipa ou Flagstaff ont des chances d'observer ce détail très difficile.
Bien sûr, Antoniadi fait remarquer que la perspective représentée est absurde: Si cet anneau est si étroit et si pale, ils ne peuvent l'avoir remarqué que dans les anses, et non tout autour de l'anneau principal ( 13 ).
Mais d'autres observateurs confirment: Emile Schaer à Genève a vu cet anneau lui aussi mais brun. (pourtant, la nuit, tous les anneaux sont gris). Quant à Mr Fridjof Le Coultre, également à Genève, il l'a vu noir, "plus noir que le fond du ciel", et cependant courant d'une anse à l'autre. ( 14 ).
Faut il s'étonner alors que l'imprimerie n'arrive pas à le reproduire correctement? mais on peut y suppléer avec les yeux de la foi, ou un peu de LSD.
Bienvenue au C.O.A.N.I.! (Club des observateurs d'anneaux non identifiés). Lassel (anneau de Neptune), Challis (idem) et Dom Lamey vous attendaient.

1908, février
Après les observations de Saturne faites par Barnard lors du passage de la Terre dans le plan des anneaux, Henry Norris Russell, de Princeton, calcule par photométrie que l'épaisseur des anneaux ne peut dépasser 13 miles (21 km) ( 15 ).

1910, 29 septembre
dessin de Maggini
dessin de Mentore Maggini
Mentore Maggini exagère!
Non seulement il dessine l'anneau de Saturne avec des marbrures radiales, non seulement, il dessine une ombre concave, non seulement il dessine un point brillant dans l'ombre, non seulement il dessine une division d'Encke avec un instrument trop faible (35 cm d'ouverture), mais en plus il dessine sur le globe un réseau de nodosités, qui rivalise avec ceux qu'on dessine à la même époque sur la planète Mars! ( 16 ).
Faut-il l'envoyer au C.O.C. (club des observateurs cumulards) ou au club des menteurs?

1911, février
disque plasmoïde
disque plasmoïde de Birkeland
Kristian Birkeland explique les anneaux de Saturne par l'électricité!
Dans la série: On explique tout par l'électricité, il remplace l'anneau de particules en mouvement Képlérien par un plasma d'électrons. Des expériences faites sous cloche lui montre que sous un courant de décharge de 100 microampères, un globe fortement magnétique de 8 cm s'entoure d'un mince disque de plama, ou il a même cru observer une division analogue à celle de Cassini. Si! ( 17 ).
cette théorie des anneaux électriques et auto-lumineux, bute aussitôt sur un gros problème. S'il en est ainsi, pourquoi projettent-ils sur Saturne une ombre si obscure, et pourquoi sont ils obscurs dans l'ombre de Saturne?
Birkeland ne sera pas le dernier à jouer de ce registre. On expliquera plus tard de la même façon, les soucoupes volantes, l'effet Kirlian, et les rayons lumineux tronqués des OVNI.

1911, 19 novembre
Saturne photographié à l'observatoire du Mt Wilson en 1911
photo de Saturne par Barnard
La photographie commence à révéler les détails que tout le monde connait sur le système de Saturne: Une série de clichés pris par Edward Barnard avec le télescope de 1.5 m du mont Wilson montre des bandes sur le globe, la division de Cassini, et les variation de luminosité sur les anneaux. Ce document "astronomiquement correct", ne montre, bien sûr, pas de spokes, vous pensez bien! Néanmoins il laisse entrevoir un détail jusqu'ici ignoré: la transparence de l'anneau A. ( 18 ).

1912, janvier
Alerte! Les anneaux vont disparaître!
...du moins si l'on en croit ce télégramme ... en latin, reproduit par les Astronomische Nachrichten:
Saturni annulorum clarorum exteriorumque axium majorem prope extrema me adjuvantibus validissimis telescopibus quandam flocculentiam scintillantem observavi; quam oculorum dissipationem annuli esse interpretatus sum ( 19 ).
Ce qui se traduirait par:
J'ai observé, à l'aide des plus puissants télescopes, une certaine flocculence scintillante, sur l'extrémité du grand axe de l'anneau brillant extérieur de Saturne, ce que j'interprète comme un symptome de la dissolution de l'anneau
La logique de l'emploi de cette langue n'échappera à personne: Jules César observait les mouvements des troupes gauloises au télescope, et prévenait ses lieutenants par télégramme, c'est bien connu.
Plus prosaïquement, en cas d'échec de la prophétie, c'est bien pratique de pouvoir invoquer une erreur de traduction
En voila toute une histoire pour avoir observé une image brouillée...

1913, 7 décembre
dessin de Troubetzkoy
dessin du prince Troubetzkoy
Avec l'équatorial de 25 cm de son observatoire de Bergame, le prince Troubetzkoy s'octroie le privilège de faire un dessin de Saturne à nul autre pareil ( 20 ).
Personne n'avait jamais osé dessiner Saturne avec un globe déformé comme par un mauvais chapeau posé de Travers. Mais vous ne pensiez pas qu'un prince allait dessiner comme un vulgaire roturier, tout de même?
Oserons nous écrire que son altesse dessine comme un cochon? Non, nous n'oserons pas...

1914, juin
P.H. Hepburn, analyse au micromètre une copie de la plaque prise par Barnard le 19 novembre 1911 (voir plus haut)
Il découvre la transparence de l'anneau extérieur
Transparency of ring A. This is clearly observable on all the images except No. 10. The combined brightness of ring and ball where the one is superposed on the other is greater than that of either separately (near the region in question), notwithstanding the fact that, except for a narrow fringe to the south, the ring is projected on to its own shadow. ( 21 ).
La transparence de l'anneau A. Ceci est clairement observable sur toutes les images sauf la No 10. L'éclat combiné de l'anneau et du globe où l'un est superposé sur l'autre est plus grand que celui d'un des deux séparément (près de la région en question), en dépit du fait que, sauf pour une frange étroite au sud, l'anneau est projeté sur sa propre ombre.
C'est apparemment la première fois qu'on fait une découverte indépendante de l'observateur, sur les anneaux de Saturne

1915
Percivall Lowell, grand dessinateur de canaux de Mars devant l'éternel, entreprend de couvrir les anneaux de Saturne de divisions ( 22 ).
Il se base sur la théorie des lacunes de Kirkwood, et publie le résultat de ses observations, en mettant en regard, les divisions, et les résonances avec Mimas et Encelade


bande supérieure: anneaux d'après le Hubble Space Télescope, bande inférieure: d'après Lowell.

Mais, non seulement Lowell choisit les satellites, qui l'arrangent, mais il voit des divisions là où il faut qu'il y en ait, et n'hésite pas à déplacer la division de Cassini pour la faire correspondre avec une résonance 1/2 avec Mimas...
Avec ce genre de méthode il aurait pu tout aussi bien trouver une relation avec la date de naissance de ses neveux, ou la disposition des ponts sur l'Hudson

1917, 9 février
occultation
occultation de B. D. +21°, 1714
M. A. Ainslie, de la société astronommique de Londres, à la chance d'observer l'occultation d'une petite étoile par les anneaux. Il réalise ainsi l'observation décisive que suggérait William Herschel pour décider si la bande sombre était ou non une division. L'étoile réapparait dans la division de Cassini, redisparait puis réapparait par ce qui est probablement la division d'Encke, et reste visible en ayant changé de couleur à travers la dernière partie de l'anneau extérieur. Il confirme ainsi la transparence de l'anneau A découverte par Hepburn. ( 23 ).

Antoniadi contre les Saturnomanes

1930, janvier à avril
Antoniadi et l'anneau
bouton Antoniadi
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Eugène Michael Antoniadi remet les pendules Saturniennes à l'heure. Dans un magistral article en trois parties, il dresse le portrait des connaissances de l'époque sur la planète. Sémantique, historique, physique, son étude passe tout en revue, tant sur le globe que sur l'anneau.
Surtout, dans la troisième partie, il entreprend de démystifier les détails illusoires qu'on a cru observer sur l'anneau. Pas d'ombres concaves pour Antoniadi, mais des illusions dues au contraste. Pas de divisions non plus, la division d'Encke n'existe pas. D'ailleurs même la division de Cassini, n'en est pas vraiment une, car il l'estime non vide de matière. S'il ne condamne pas les "spokes" c'est qu'il en a lui même dessiné
Nous savons aujourd'hui que la "divison d'Encke" existe réellement, bien qu'elle ait été observée par Keeler, et non par Encke. Antoniadi a malheureusement supposé que tout ce qu'il ne pouvait voir dans sa propre lunette était illusoire.

Alerte! Les anneaux ne résonnent plus!

1960
Plus de résonances
bouton Résonances
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Nous avons vu que Daniel Kirkwood, le génial "Képler américain", avait cru trouver une résonance division de cassini / Encelade, et qu'il étendit son idée à la division d'Encke, et à d'autres satellites
Mais par la suite, d'autres, dont Lowell, imaginèrent d'autres résonances encore. Dame, si on se donne le droit de choisir le satellite, le numérateur et le dénominateur de la fraction représentant la résonance, ça en fait des possibilités
Mais patatras! Voila que Dollfus, Camichel et Focas montrent que les rayons supposés des divisions d'Encke et de Cassini étaient faux! Conséquence: les orbites résonnantes tombent en dehors.
N'en déplaisent à Pythagore et à Képler, les anneaux ne résonnent pas comme on le croyait. D'ailleurs, on aurait du s'en douter: de la Terre on n'entendait rien

1966
La Terre, le Soleil et Saturne se livrent au savant Ballet d'une triple disparition des anneaux, début avril, le 29 octobre et le 17 décembre, avec dans l'intervalle deux phases d'éclairement par derrière

Cet évènement étant bien sur prévu de longues dates, divers astronomes demandèrent à l'Union Astronomique Internationale d'organiser une campagne d'observation, et c'est ainsi que du 5 juin au 19 décembre, Audoin Dollfus et J.Focas prirent pas moins de 72 clichés, tant avec le nouveau télescope de 107 cm du pic du midi, qu'avec celui de 60 cm de Meudon.

1967
Walter Feibelman, alors assistant à l'université de Pittsburgh, découvre l'anneau E sur une photographie prise l'année précédente à l'Allegheny Observatory. Sa découverte devra attendre 1979 pour ètre confirmée par Pionnier 11

1969, février
Première estimation de l'épaisseur des anneaux basée sur les photos de 1966. Audoin Dollfus montre que la brillance résiduelle de l'anneau vu par la tranche correspond à une épaisseur de 2.8 km ± 1.5 km, c'est à dire comprise entre 1.3 km et 4.1 km

Pierre Guérin a-t-il découvert un quatrième anneau?

1969, octobre
Guérin
Pierre Guérin
Du 16 au 28 octobre, Pierre Guérin, spécialiste en astrophysique planétaire (et soucoupiste impénitent), prend une série de 200 clichés de Saturne au télescope de 105 cm du Pic du midi. Après compositage, il croit voir apparaitre, en surexposant le tirage final, la trace d'un quatrième anneau, qu'il nomme l'anneau D, et d'une nouvelle division, que d'autres baptiseront "division de Guérin".
Les sondes spatiales n'ont retrouvé ni cet anneau, ni cette division, qu'on ne peut voir qu'avec les yeux de la foi dans le bruit et le voile de fond. Guérin entre donc au C.O.A.N.I
Le cliché a cependant troné dans le bureau de Pierre Guérin durant le reste de sa carrière.
L'anneau D
bouton anneau D
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1970
Gerard Kuiper
Gérard Kuiper
comparaison des spectres infrarouge des anneaux et de la glace
comparaison anneaux / glace
On pensait depuis longtemps que les anneaux de Saturne contenaient probablement du méthane et de l'ammoniac, comme la surface des grosses planètes. Les mesures de Rupert Mildt en 1932 ne l'excluait pas, au moins pour le méthane
De savantes mesures de spectrographie infrarouge faites à bord d'un avion nommé Galiléo, permirent à Kuiper de déceler une ressemblance avec le spectre de la glace aqueuse. Mais il restait des discordances
En 1969, une comparaison avec le spectre de la glace à -190 °C lui permit de comprendre que la glace seule, sans méthane ni ammoniac suffisait. ses derniers doutes furent balayés l'année suivante.

1976
couverture La nature des anneaux de Saturne est maintenant assez bien connue pour ètre mentionnée dans une bande dessinée.
Dans celle ci, les extraterrestres de la planète Vinéa, émigrés sur Terre depuis l'explosion de leur étoile, située dans la galaxie Messier 33, ont établi une base relais orbitant autour de Saturne, dans le plan de ses anneaux
Emmenant leurs amis terriens avec eux, ils leur donnent quelques explications en route
Vinéa1

Vinéa2

Stephen James O'Meara redécouvre les "spokes"

O'Meara et les spokes
bouton O'Meara
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On n'avait jamais parlé en France de "spokes", c'est à dire de rayons (de bicyclette), avant que Stephen James O'Meara ne redécouvre les marbrures radiales déja observés par Trouvelot, Antoniadi et d'autres
Il aurait fait beau voir qu'Antoniadi ne comparasse Saturne à une roue de bicyclette, tiens! Surtout avec le pneu à l'intérieur de la jante, et les rayons à l'extérieur!
Mais O'Meara observa des structures radiales sur l'anneau B, et pas seulement sur l'anneau A, et la sonde Voyager les confirma sur l'anneau B, où cette fois, on pouvait employer cette image.
Mais quelle galère pour le faire admettre! Ce n'est qu'après que ces fameux "spokes" furent observées par une sonde Voyager que ses nombreuses observations furent enfin prises au sérieux.

Bon, Hé bien, au bout d'un siècle, le mystère des mystérieux blocs solides qui forment l'anneau de Saturne est enfin dissipé, mais dans le même temps un autre, celui des spokes, est apparu. On pourrait craindre qu'à la vitesse ou les mystères de Saturne se dissipent, nous ne seront plus là le jour où on en verra la solution, mais dès 1982, les planétologues avaient quelques éléménts de réponse.


Références

1) Amédée Guillemin, Le Ciel, Hachette 1877, p 515

2) Gaston Darboux, Eloge historique de Henri Poincaré, lu dans la séance publique annuelle du 15 décembre 1913 texte

3) E. Stuyvaert, Sur la division de Struve dans l'anneau de Saturne, L'Astronomie, juin 1887, p 207

4) T. Gwyn Elger, Nouvelles observations sur Saturne et ses anneaux, L'Astronomie, octobre 1888, p 370

5) J. Thirion S.J., Les anneaux de Saturne, Revue des Questions scientifiques, 20 juillet 1888, p 294

6) Barnard, E. E., observations of the eclipse of Iapetus in the shadows of the globe, crape ring, and bright ring of Saturn, November 1, 1889, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Vol. 50, janvier 1890, p.107

7) Paul Stroobant, Observations de Saturne, L'Astronomie, août 1890, p 281

8) Camille Flammarion, Disparition apparente des anneaux de Saturne, L'Astronomie, avril 1891, p121

9) James E. Keeler, A Spectroscopic Proof of the Meteoric Constitution of Saturn's Rings, Astrophysical Journal, vol. 1, mai 1895, p.416

10) M. Amann et Cl. Rozet, Les anneaux de Saturne, Bulletin de la S.A.F., août 1905, p 349

11) E.H. Barnard, Saturn, observations of the ring of, at the time of its disappearance in 1907, made with the 40-inch refractor of the Yerkes Observatory, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Vol. 68, mars 1908, p.346

12) R. Jarry-Desloges, Saturne: nouvel anneau, Bulletin de la S.A.F., janvier 1908, p 36

13) E.M.Antoniadi Corpuscules en dehors du plan de l'anneau, Bulletin de la S.A.F., octobre 1909, p 448

14) Planètes; conjonctions, Bulletin de la S.A.F., décembre 1909, p 518

15) Henry Norris Russell, On the illumination of the dark side of saturn rings, Astrophysical Journal, vol. 27, avril 1908, p 230

16) Mentore Maggini Observations de la planète Saturne, Bulletin de la S.A.F., mars 1911, p 114

17) Kr. Birkeland Les anneaux de Saturne sont ils dus à une radiation électrique de la planète, Bulletin de la S.A.F., octobre 1911, p 422

18 Em. T. Photographies de la planète Saturne, Bulletin de la S.A.F., janvier 1914, p 19

19) Les anneaux de Saturne, Bulletin de la S.A.F., février 1912, p 86

20) Prince Troubetzkoy, Observations de Saturne, Bulletin de la S.A.F., mai 1914, p 233

21) P. H. Hepburn, Observations on the transparency of ring A, and other details appearing on the photograph, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Vol. 74, juin 1914, p.721

22) La constitution des anneaux de Saturne, Bulletin de la S.A.F., novembre 1916, p 380

23) M. A. Ainslie, Occultation of B. D. +21°, 1714, by Saturn's ring, 1917 Feb. 9 , Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Vol. 77, mars 1917, p.456

24) La constitution des anneaux de Saturne, Bulletin de la S.A.F., avril 1917, p 152

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Dernière mise à jour: 16/11/2018