Histoire de la mesure de la vitesse de la lumière Le temps des spéculations On sait depuis la plus haute antiquité que l'éclair est perçu avant le grondement du tonnerre, mais on l'interprétait souvent en disant que "la vue est plus prompte que l'ouïe". Après les présocratiques, viennent immanquablement Platon et Aristote.
Aristote, lui, juge absurde l'idée d'une vision issue de l'oeil qui irait jusqu'aux étoiles. Si la vision émane de l'oeil, pourquoi l'oeil ne peut il voir dans le noir? Pour Aristote la vision découle de la propriété qu'on les objets visibles de transmettre leur lumière à l'oeil par l'intermédiaire d'un milieu qu'il appelle "diaphane". Et cette transmission est instantanée car la lumière n'est pas un mouvement. Il n'est donc pas question d'imaginer une vitesse de la lumière. Au siècle suivant Euclide n'est pas loin de découvrir le sténopé et la projection des images. Mais il s'arrète à la propagation des rayons de lumière en ligne droite, fait démontré par les ombres, et ne se préoccupe ni de la nature, ni de la vitesse de la lumière. Ce sera tout de même le fondement de l'optique géométrique. Encore deux siècles et Lucrèce nous explique le point de vue des atomistes. La vision est provoquée par la perception de "simulacres", sortes de membranes impalpables entourant les objets, donc de leur formes exactes, et émises en permanence. Leur vitesse est très grande car un miroir nous montre instantanément la lumière des étoiles. Lucrèce n'imagine donc pas que les images se forment à la récéption de la lumière, mais au contraire à son émission. Sa théorie parait en retard sur Euclide. Finalement, l'intuition d'Empédocle fut réduite au silence par l'autorité d'Aristote, dont l'interprétation fit autorité dans le monde Chrétien jusqu'au XVIème siècle grâce aux commentaires de St Thomas d'Aquin C'est donc dans le monde musulman que réapparait, au XIème siècle, l'idée d'Empédocle avec Ibn Sînâ, dit Avicenne, l'astronome persan Al Biruni, et surtout Ibn al Haytham, dit Alhazen, qui dans ses différents traités d'optique, pose le problème sous sa forme moderne, en séparant nettement la propagation de la lumière et la vision des objets. Dans ce cadre on peut se poser la question de la vitesse de la lumière. Le problème réapparaît dans le monde chrétien au XIIIème siècle, avec Robert Grosseteste, Roger Bacon, et John Pecham: Le premier pense toujours que la lumière est émise par l'oeil, le second qu'elle est à la fois émise et reçue, et le troisième qu'elle est seulement reçue. Dans le cadre de la réception, Bacon et Pecham supposent une propagation à vitesse finie. Bacon, qui semble reprendre les idées d'Empédocle, écrit au chapitre Perspectiva: Cependant, au XVIIème siècle encore, quelques savants, et non des moindres, croyaient encore la propagation instantanée Les premières tentatives de mesure A la fin du moyen age, plusieurs opticiens pensaient que la lumière avait une vitesse, mais personne n'avait tenté de le vérifier. Il fallut attendre l'avènement de la science expérimentale.
Il semble que Galilée ait bien réalisé cette expérience, en plaçant des aides à quelques centaines de m l'un de l'autre, puis en augmentant la distance, sans dépasser un mille. Mais les durées mesurées étaient indépendantes de la distance, et ne correspondaient qu'au temps de réaction des faiseurs de signaux. Nous savons aujourd'hui que, même avec deux observateurs munis de lunettes (astronomiques, bien sûr), le résultat eut été équivalent Plus tard les membres de l'académie "del cimento" de Florence, opérant sur une distance plus grande, n'eurent pas plus de succès. De telles expériences paraissent aujourd'hui bien naïves, mais à l'époque, on n'avait pas la moindre idée de l'ordre de grandeur de ce qu'on cherchait à mesurer. Pourtant, on aurait pu comprendre l'inutilité d'expériences faites à notre échelle, en réfléchissant à ce que, si la vitesse de la lumière avait été perceptible à cette échelle, alors elle eut été une vitesse de tortue à l'échelle du système planétaire, ou les distances sont jusqu'à un milliard de fois celle sur laquelle expérimentait Galilée, avec pour conséquence que les variations de distance, ne serait ce qu'à cause du mouvement de la Terre, aurait produit des écarts de plusieurs années dans l'observation des phénomènes, les rendant incompréhensibles et imprédictibles. Notons que la vitesse de la lumière est nécessairement supérieure à celle de la Terre sur son orbite, sans quoi la nuit, toute une partie du ciel, celle qui est à l'opposé du mouvement de la Terre, paraitrait obscure, puisque la lumière issue des étoiles ne parviendrait pas à rattraper la Terre. A l'époque de Galilée, on pensait que le Soleil était (en unités de l'époque) à environ 7.5 millions de km de la Terre. On pouvait en déduire une vitesse de la Terre sur son orbite d'environ 1500 m/s. Ceci était encore mesurable par la méthode de Galilée, mais il n'aurait probablement pas tenté son expérience s'il avait su que la vitesse réelle de la Terre est 20 fois supérieure. Galilée ne mesura donc rien du tout. Il n'en déduisit pas pour autant que la propagation était instantanée, il en déduisit que si la vitesse de la lumière avait une valeur finie, cette valeur était très grande, et la propagation quasi instantanée à notre échelle
Fermat fit remarquer que Galilée eut été mieux inspiré d'utiliser un miroir plutôt qu'un aide, supprimant ainsi le retard dû à son temps de réaction. Aujourd'hui, cette idée paraît évidente, mais il faut se rappeler qu'à l'époque, la qualité des miroirs n'aurait probablement pas permis l'expérience. Et d'ailleurs, Galilée n'aurait probablement pas réussi à l'aligner correctement. Mais cette idée d'un aller et retour après réflexion fut utilisé par Mersenne pour mesurer la vitesse du son, à l'aide de son écho Quant à l'idée du miroir, elle fut reprise deux siècles plus tard (avec celle de la lunette), dans la méthode de la roue dentée. Descartes, qui, dans le cadre de sa théorie d'un éther mécanique, croyait à la propagation instantanée, objecta que si la vitsse de la lumière était finie, comme Galilée avait tenté de le démontrer, alors les éclipses de lune se produiraient avec avance ou retard, car la distance de la lune n'est pas constante. Or les éclipses se produisaient au moment prévu, donc la propagation était instantanée Mais Fermat expliquait la réfraction de la lumière par un principe de moindre temps de parcours. Et donc, le temps de propagation ne pouvait être nul Et comme le remarqua Huygens, l'objection de Descartes, ne prouvait nullement l'infinitude de la vitesse de la lumière, et ne définissait en fait qu'une limite inférieure, tout comme l'expérience de Galilée. En 1677, Huygens put préciser que l'objection de Descartes imposait à la lumière une vitesse 100 000 fois supérieure à celle du son. Cependant, la remarque de Descartes allait être brillamment utilisée en sens inverse par Roemer. La première estimation
Galilée, Simon Marius et Hodierna s'attelèrent à la rédaction de tables, capables de prédire les configuration des satellites. Mais Hodierna utilisa trop peu d'observations, Simon Marius, échaudé d'avoir été devancé pour la découverte, publia trop vite, et Galilée, malgré la collaboration des savants hollandais, ne put achever ses travaux, car il devint aveugle.
En 1676, Il publia ainsi dans Le Journal des sçavans une table des phénomènes de sortie du premier satellite de l'ombre d'août à décembre 1676. C'est sur la base des différences par rapport à cette table que la vitesse de la lumière a pu être mise en évidence. Roemer ou Cassini?
Venu à Paris en 1672 avec l'abbé Picard, qui avait pu apprécier sa compétence lors de son voyage à Uraniborg, Roemer était partisan de la propagation successive de la lumière, et cherchait donc à la mettre en évidence. Il mit à profit son séjour à l'observatoire pour expérimenter l'idée de Descartes, et entreprit de la vérifier sur les satellites de Jupiter. Il trouva d'abord qu'au bout d'une révolution de Io, le premier satellite, on n'observait pas de retard sensible, bien que la distance de la Terre à Jupiter ait varié de plus de 210 diamètres terrestre. Mais pour une variation de distance nettement plus grande, il trouva que 40 révolutions observés lors d'une quadrature étaient plus courtes que 40 autres observées lors de la quadrature suivante. Il en déduisit que quand Jupiter est en conjonction, sa lumière doit, pour nous parvenir, mettre 22 minutes de plus pour parcourir une distance supplémentaire par rapport à l'opposition, égale au diamètre de l'orbite terrestre.
La démonstration de Roemer parut dans Le journal des sçavans du 9 décembre 1676 Ole Roemer prouva ainsi la "propagation successive" de la lumière, et Cassini admit que cela expliquait bien les inégalités dans le mouvement du satellite Io, mais il contesta la valeur du travail de Roemer, en objectant que cela n'était prouvé que pour le premier satellite de Jupiter (en fait il apparaît aussi sur les autres, mais moins visiblement car ils sont moins rapides). Cassini, lui, cherchait avant tout à améliorer sa méthode de détermination des longitudes par les éclipses des satellites, et pour cela à débarrasser ses tables des erreurs dues aux diverses "inégalités" qui apparaissaient dans le mouvement des satellites. Or à l'équateur, une erreur de 10 minutes de temps correspond à 150 milles marins. Une telle cause d'inégalités était donc impossible à ignorer Or, bien que les procès-verbaux des réunions de l'académie, de l'époque ne soient plus disponibles, Laurence Bobis et James Lequeux ont pu retrouver une copie, faite par Delisle avant 1738, d'une communication de Cassini, datée du 22 aout 1676. Cette communication est intitulée: Inégalités des satellites de Elle mentionne clairement que Cassini envisage la vitesse de la lumière comme explication d'une inégalité
Alligata est haec irregularitas ad varietatem visibilis diametri jovis sive ad intervallum jovis a terra et videtur provenire ex eo quod lumen a satellitibus non perveniat ad nos nisi post motum ita ut impendat decem vel undecim minuta per spatium aequale semi diametro orbis annui Mais il faut remarquer: - Qu'en aout 1676 , Roemer, qui était en France depuis 1672, et travaillait sur les données accumulées à l'observatoire depuis près de huit ans, avait eu le temps de parler de son travail. En particulier, découvrant les prédictions de Cassini, il est logique qu'il lui ai fait part de ses calculs, que Cassini ne pouvait pas ignorer puisqu'ils introduisaient une correction d'une dizaine de minutes dans ses tables. On comprend que Cassini se soit dépéché d'en faire part à l'académie, lui qui cherchait à présenter les tables les plus exactes possible, d'où sa communication faite 5 jours après la publication de ses tables. D'où l'antériorité de la communication de Cassini, sur la publication de Roemer
Le népotisme contre Roemer
Le pire c'est que l'auteur anonyme est probablement Bernard Le Bovier de Fontenelle, secrétaire de l'académie des sciences à cette époque. Un Fontenelle qui, bien que connu pour sa longévité, n'avait que 19 ans à l'époque de la découverte, et ne devint secrétaire de l'académie des sciences que 16 ans après le départ de Roemer. Il faut reconnaitre que Fontenelle, plus connu pour ses magnifiques éloges des académiciens, fut bien mal inspiré. La première estimation numérique En dépit de la légende, Roemer ne put pas faire de vraie mesure, en effet l'ordre de grandeur du temps nécessaire pour parcourir le diamètre de l'orbite terrestre était connu, mais ce diamètre n'était lui même connu que par son ordre de grandeur. Les lois de Képler nous renseignant sur les dimensions relatives des orbites planétaires, mais pas sur leurs dimensions absolues. Roemer ne trouva donc que l'ordre de grandeur. (les valeurs qu'on cite aujourd'hui sont inventées, ou confondues avec celles de Huygens, elles même calculées a posteriori).
En 1670, remplaçant le comptage du nombre tours de roues d'un carrosse, par la méthode de triangulation qui venait de faire ses preuves en Hollande, l'abbé Picard mesura la longueur d'un arc de méridien entre Sourdon, près d'Amiens, et Malvoisine, au sud de Paris. Il trouva qu'un arc de 1° mesure 57 060 toises de Paris, d'où il put déduire la longueur du méridien complet, soit 9001.6 lieues, et enfin calculer la valeur du rayon terrestre: 1432.5 lieues, soit 6 372 km. Cette valeur était la première mesure sérieuse depuis celle d'Eratosthène, et sa précision était remarquable pour l'époque, puisque cela correspondait à un méridien de 40 001.7 km C'est en 1690 qu'apparait la première estimation numérique sous la plume de Huygens. En reprenant le chiffre de 22 minutes, de Roemer, pour traverser l'orbite terrestre dont il estime le diamètre à 24 000 diamètres terrestre, il trouve, en simplifiant un peu, que la lumière parcourt 16 diamètres terrestres en une seconde, d'ou il déduit que la lumière se propage 600 000 fois plus vite que le son La méthode des éclipses des satellites de Jupiter servit tant bien que mal jusqu'au XIXème siècle, et plutôt mal que bien. Il faut dire que la disparition d'un satellite dans l'ombre n'est pas instantanée, et que la distance parcourue dans le cône d'ombre n'est pas toujours la même. Ainsi pour la durée mise par la lumière pour parcourir la distance terre-soleil, Roemer qui avait trouvé 11 mn dans sa première estimation n'en trouva plus que 7 dans une seconde série de calculs. Cette cruelle incertitude réduit d'ailleurs à une grosse sottise l'affirmation des créationnistes qui veulent que Roemer ait mesuré la vitesse de la lumière à 200 km/s près. En réalité, en fonction des temps qu'il avait trouvé et des rayons admis pour l'orbite terrestre, on trouve des valeurs échelonnées entre 100 000 km/s et 328 000 km/s. C'est donc bien un ordre de grandeur. Si Picard avait amené Roemer en France, c'est qu'il avait fait avec lui en 1671 un "pélerinage" à Uraniborg, c'est à dire à l'observatoire de Tycho Brahé dans l'ile de Hven, dont il fallait déterminer les coordonnées géographiques avec précision. Picard eut bien du mal à retrouver l'emplacement de l'observatoire, qui avait été détruit après le départ de Tycho. Il put néanmoins faire d'intéressantes observations et notamment observer un mouvement de l'étoile polaire d'une amplitude de 20", que Tycho n'avait pas remarqué (il ne disposait pas de lunette). Picard ne trouva aucune explication satisfaisante. L'explication allait venir au siècle suivant. L'aberration donne une mesure plus précise L'explication du phénomène observée par Picard, c'était l'aberration de la lumière, que Bradley découvrit sans la chercher, et qui débouchait sur une autre méthode de détermination astronomique de la vitesse de lumière.
Pour en avoir le coeur net, Molyneux et Bradley commandèrent au même Graham, un instrument plus performant qu'ils installèrent à Wanstead (de l'autre coté de Londres) en août 1727. Les observations de Bradley jusqu'à la fin de 1727 confirmèrent le phénomène. Ce serait lors d'un voyage sur la Tamise, en observant un drapeau flotter dans le vent relatif au bateau, que Bradley comprit ce qui se passait: cette aberration était provoquée par la combinaison du mouvement de la terre, avec celui de la lumière. Du même coup, ses mesures permettaient, soit de mesurer la vitesse de la lumière, connaissant celle de la terre, soit l'inverse. L'aberration dessinant une ellipse de 20.25 " de demi-grand axe, il en déduit que la vitesse de la lumière vaut 10 188 fois celle de la terre. A nouveau se pose le problème de la distance terre-soleil, puisque c'est à partir d'elle qu'on peut calculer la vitesse de la terre sur son orbite, mais Bradley put en déduire indépendamment que la lumière devait parcourir la distance terre-soleil en 8 mn 13 s La discussion de 3 années d'observations permit à Struve, en 1842, de donner une valeur plus exacte: 20.45". Les premières mesures de laboratoire En décembre 1838, Arago expose à l'académie le projet d'une expérience propre à trancher entre les deux théories de la lumière: la théorie corpusculaire de l'émission (Newton) et le théorie des ondulations (Huygens et Fresnel). Arago compte utiliser un dispositif à miroir tournant concu par Wheatstone, où deux rayons parallèles traverseraient un milieu différent. Il explique:
Tout restant égal, admettons un moment la vérité du système des ondes. Le tube d'eau retardera alors la marche du rayon supérieur; ce rayon arrivera au miroir réfléchissant après le rayon inférieur; il se réfléchira, non plus le premier, comme tout à l'heure, mais le second, ..." Cette expérience d'Arago ne fut jamais réalisée. Le dispositif de Wheatstone nécessitait une trop grande longueur entre le miroir tournant et l'observateur, et utilisait des éclats lumineux dont on ne savait où il fallait les détecter. Ce projet allait pourtant inspirer l'expérience de Foucault En 1849, Hippolyte Fizeau utilise une roue dentée, dont l'axe est parallèle à un faisceau lumineux. Lorsque le faisceau n'est pas arrêté par une «dent» de la roue, il est renvoyé par un miroir placé à grande distance, comme l'avait suggéré Fermat pour Galilée. Quand le rayon revient sur la roue, soit il passe entre deux dents, soit il est arrété par une dent, selon la vitesse de la roue. On observe alors une éclipse pour une certaine vitesse, une réapparition du signal lumineux pour une vitesse double, une nouvelle éclipse pour une vitesse triple, etc..
En opérant de nuit, sur une distance de 8 633 m entre Suresnes et Montmartre, la moyenne de 28 observations lui donne une valeur d'environ 315 000 km/s. Ce n'est pas mieux que les méthodes astronomiques, mais c'est la première fois qu'on réalise une mesure "de laboratoire", donnant directement la valeur cherchée sans dépendre d'une autre grandeur, comme la distance terre-soleil. Si Galilée avait été là, il en eut peut-être pleuré de joie. Mais remarquons que, si Fizeau réussit là où Galilée échouat, c'est qu'il connaissait, lui, l'ordre de grandeur de qu'il voulait mesurer. Sans Roemer et Bradley, Fizeau eut du faire plusieurs expériences, négatives, en augmentant la distance, avant de réussir... ou de se décourager
A partir de 1850, Léon Foucault perfectionne la méthode du miroir tournant de Wheatstone et Arago, en introduisant un second miroir. En 1850 il peut ainsi réaliser l'expérience de comparaison des vitesses dans l'air et dans l'eau, et montrer que la lumière se déplace moins vite dans l'eau, en accord avec la théorie des ondulations En 1862, avec un miroir tournant à 400 tr/s il obtient pour la vitesse de la lumière la valeur de 298 000 km/s
La multiplication des méthodes
L'erreur qu'il commet est de 608 km/s. Mais bien sûr, cette erreur, il ne la connaît pas. Cependant il estime l'erreur probable inférieure à un millième en valeur relative, soit 300 Km/s. Il est un des premiers à donner une marge d'erreur. Il ne sera pas le dernier à échouer à donner une marge qui contienne la valeur correcte L'heure n'est plus guère aux déterminations astronomiques dont la meilleure méthode, celle de l'aberration, plafonne à une précision d'environ 1/2000, mais aux mesures de laboratoire. Plusieurs méthodes s'affrontent pour déterminer avec le plus de précision possible, cette vitesse de la lumière, qu'on note c (du latin céléritas = vitesse):
En 1879, avec 100 mesures et une base de 605 m, Il trouve une valeur de 299 910 km/s ± 50 km/s. Là encore la valeur actuellement connue n'est pas dans la plage d'incertitude. Cependant Michelson va améliorer ses méthodes et régner pendant 50 ans sur l'instrumentation à miroir. Son savoir-faire lui permettra de monter en 1887, avec Edward Morley, la célèbre expérience mettant en défaut la théorie de l'éther électromagnétique. Il aura le prix Nobel en 1907 En 1880 Young et Forbes, avec une roue dentée mesurent 301 382 Km/s, et croient trouver une dispersion de 1.8% selon la longueur d'onde, résultat qui ne sera pas confirmé En 1882 Newcomb, avec le miroir tournant et une base de 3721 m, trouve 299,860 km/s ±30 (toujours à côté) En 1891 Blondlot (l'homme des rayons N) mesure des ondes stationnaires dans des fils électriques, il trouve 302 200 km/s, puis 297 200 km/s deux ans plus tard La roue dentée est utilisée une dernière fois en 1900 par Perrotin. En 1902 il trouve 299 860 km/s ±80 km/s, ce qui vaut les résultats de Newcomb et Michelson 20 ans auparavant Ce n'est qu'en 1906, que Rosa et Dorsey trouvent enfin une valeur précise par la comparaison des unités électromagnétiques et électrostatiquesIls auraient obtenu 299 710 km/s ± 22 km/s ( la source, Bulletin of the Bureau of Standards, Vol. 3, n'est pas accessible en ligne) En 1923 La méthode de Blondlot permet à Mercier d'obtenir 299 795 km/s ± 30 km/s Les dernières (et les meilleures) mesures de Michelson eurent lieu en 1926 sur une base de 35 km, entre le mont Wilson et le mont San Antonio. Avec des miroirs à 8, 12 et 16 faces, tournant à 528 t/s, il obtient la valeur de 299 796 km/s ±4 km/s. Non seulement la plage d'incertitude est réduite, mais nous savons aujourd'hui que la valeur correcte est dedans
Le temps du doute
Ce fut un des premiers grands échecs de la "Big science". En dépit du soin apporté à la construction du tube, à mesurer la longueur de la base et à maintenir moins de 1/100 d'atmosphère dans le tube, les valeurs mesurées s'obstinaient à varier de façon imprévisible, sautant de 50 km/s d'une mesure à l'autre. Les continuateurs de l'expérience de Michelson, Pease et Pearson, furent bien embarrassés en présentant leur résultat en 1935: 299 774 km/s ±11 km/s, encore ce résultat était-il optimiste car les 493 mesures de 1931 donnaient 299 770, et les 753 mesures de 1932 donnaient 299 780.
Que signifiait cette salade de résultats? Pour nous, qui connaissons la valeur précise, elle ne fait que révéler l'imprécision des mesures de l'époque, mais le doute s'était installé dès 1927, sous la plume de M.E.J. Gheury de Bray, qui dans Nature et dans L'astronomie défendit l'idée que ces mesures trahissaient une diminution de c avec le temps Cette "théorie" n'appartient plus qu'au musée des idées fausses, cependant l'idée d'une variation de c avec le temps n'est pas morte, comme nous le verrons plus loin. Le temps de la précision
On comprend qu'entre 1940 et 1945, les physiciens aient eu autre chose à faire que de mesurer la vitesse de la lumière avec la meilleure précision possible. Mais à partir de 1947, de nouvelles technologies de plus en plus "pointues" vont permettre de dépasser la référence de précision des mesures de longueur. La cavité résonante est un guide d'onde fermé dont on mesure la fréquence de résonance. En 1947, avec une cavité à Longueur variable, Louis Essen trouve 299 792 km/s ±3 km/s Avec la technique du radar, en 1949, C.I Aslakson mesure 299 792.4 ±2.4 km/s. L'incertitude passe sous la barre de 1/100 000 La même année Erik Bergstrand avec un géodimètre à oscillateur à quartz et cellule de Kerr, trouve 299 793 km/s ±2 km/s En 1950, à Stanford, avec une cavité résonante de longueur fixe, Hansen et Bol trouvent 299 794.3 km/s ±1.2 km/s
En 1951 Keith Davy Froome avec un radio interféromètre à ondes millimétriques trouve 299 792.6 ±0.7 km/s En 1954 Avec la spectrométrie de bande, Rank n'arrive qu'à 299 789 km/s ±3 km/s, puis 299 791.9 km/s ±2.2 km/s, l'année suivantre. Mais en cette année 1954, Froome en est à 299 792.75 km/s ±0.3 km/s En 1956 avec son telluromètre Wadley ne fait pas mieux que 299 792.7 km/s ±2. km/s En 1958 Froome atteint 299 792.5 km/s ±0.1 km/s. C'est la meilleure mesure avant l'entrée en scène du laser Les mesures atteignent la limite de précision du vieux mètre étalon en platine iridié.
Mais la précision atteinte fait un bond d'un facteur 100 avec l'utilisation du laser. En 1972, Kenneth Evenson et son équipe du National Institute of Standards and Technology utilise un laser hélium-néon stabilisé et obtiennent 299 792.4574 km/s ±0.0011 km/s En 1978, Woods, Shotton et Rowley atteignent 299 792.45898 km/s ±0.0002 km/s A nouveau la précision du mètre étalon n'est plus suffisante. Solution: renverser la définition en ne définissant plus la vitesse de la lumière par rapport au mètre, mais l'inverse. La course à la précision s'arrète la. La vitesse de la lumière est maintenant exacte et constante... par définition. Le temps des interrogations Mais voila, si c est constante d'après le modèle physique standard, ce n'est jamais qu'un modèle. On sait que La constance de c étant reliée aux autres paramètres du modèle, il est impossible d'y toucher, en laissant identiques ces autres paramètres, car cela créerait une incohérence dimensionnelle. Mais cela n'impose pas cette constance dans l'absolu. Simplement, une variation de c n'est possible que dans le cadre d'une cosmologie "alternative" ou les invariants fondamentaux ne sont plus les mêmes. Le temps des bétises
Dans le cadre d'un univers très, très jeune, puisqu'il n'a guère plus de 6000 ans, les créationnistes américains ont pris la variation de c comme cheval de bataille. Pour eux, les mesures d'il y a plusieurs siècles prouvent la décroissance rapide de c. Et cette décroissance leur permet de manipuler la chronologie et de faire retomber le chronologie biblique sur ses pattes Quand aux islamistes, ils ne sont pas en reste et prétendent trouver la valeur précise de la vitesse de la lumière dans le coran. Il faut dire qu'ils y trouvent aussi la contraction relativiste, les pulsars, les quasars, les trous noirs, les trous de vers, la matière noire... bref, tout Ainsi, non seulement le problème de la variation de c est quasiment interdit d'expérience, mais il est discrédité. Pourtant il n'y a aucun rapport entre les modèles alternatifs à variation de c (infime) et les stupidités créationnistes. Mais on peut penser que la lutte, contre l'obscurantisme créationniste, a favorisé l'existence d'un front pour la constance de c, qui peut faire penser à celui des philosophes pour l'infinitude de c, d'Aristote à Descartes. |
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Dernière mise à jour: 29/06/2024 |