Les tentatives d'explications de la Croix de Migné
La croix de Migné n'a pas manqué de tentatives d'explications, incompatibles entre elles, et non moins incompatibles avec les données de l'observation, que les savantasses de l'époque n'avaient même pas cherché à réunir.
Le miracle
Evidemment, pour les catholiques bien pensants, le miracle est l'explication évidente. Une croix lumineuse qui apparait au dessus d'une foule, venue spécialement pour l'érection d'une croix, c'est un encouragement céleste. Selon une brochure imprimée en 1827 avec l'approbation de l'évêque de Périgeux, c'est un miracle, puisque:
"Il a été opéré par l'intervention divine puisque c'était pendant une cérémonie religieuse et au moment où trois ecclésiastiques terminaient les erercices du jubilé en plantant une croix."
Aussi l'abbé Vrindts affirme-t-il que "le miracle de Migné est une continuation des plus éclatantes preuves de la divinité de l'église Romaine". Mais...
On peut tout de même s'étonner avec l'abbé de la Neuville, que cette croix si étroite soit si mal faite.
On peut s'étonner qu'elle soit si peu lumineuse, et qu'elle soit horizontale, et non dressée verticalement.
On peut s'étonner qu'on n'ai vu qu'une simple croix, alors qu'un vrai miracle aurait pu nous montrer quelque chose de plus riche, et de mieux visible, comme la scène complète de la crucifixion, telle la vision qu'ont eu les brunswickois en 1549, selon Lycosthènes (à droite).
On peut enfin s'étonner que ce miracle, censé encourager l'église de France dans sa reconquète de la foi, ait lieu dans une bourgade du Poitou, et non dans un lieu plus solennel.
Mais les pieux croyants sortent alors la botte increvable, comme au jeu des mille bornes:
"Nous avons déjà entendu exprimer le regret que cet évènement n'ait pas eu lieu à Paris, ou dans quelque grande ville du royaume, où, selon toute apparence, il aurait produit un résultat plus profitable pour la religion; mais il ne nous est pas permis de sonder les décrets de la divine providence, et nous devons croire que tout ce que Dieu fait dans sa sagesse est pour sa plus grande gloire."
(Relation fidèle de l'apparition d'une croix lumineuse dans la commune de Migné, Catineau, Poitiers, 1827, page 8)
Pour toutes ces raisons, à moins d'oser imaginer que, pour sa plus grande gloire, Dieu fasse parfois des miracles minables dans des bleds perdus, l'hypothèse d'un phénomène est bien plus probable.
La tromperie
L'hypothèse d'une tromperie, manigancée par l'église, tout au moins par celle de Migné, a, bien sûr, été avancée par les sceptiques et autres esprits forts, mais aussi par les membres de "la petite église", refusant d'admettre que Dieu eut pu faire un miracle en faveur de l'église concordataire. Le journal l'Apostolique du 17 juillet 1829, convient qu'on aurait trouvé 10 moyens de reproduire la croix de Migné.
Le cerf volant
Le canular
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Le cerf volant est la première idée que trouva l'abbé de La Neufville, membre de "la petite église", donc farouche opposant à l'église concordataire et négateur du prétendu miracle, pour rendre compte de l'observation de la Croix.
Il n'en était d'ailleurs pas l'inventeur, il l'avait trouvé dans d'autres journaux, qui eux mêmes, etc...
Que n'avait il suivi la piste jusqu'au bout. Il aurait fini par découvrir que l'histoire du cerf-volant n'était manifestement qu'un canular. Du moins, on espère qu'il l'aurait compris.
Mais l'abbé de la Neufville, s'est fié à cette histoire.
Nonobstant sa longueur, sa largeur et sa luminosité, il n'imagine qu'un cerf-volant pour tenir dans les airs, au dessus de la foule. Tous ceux qui ont déjà manipulé un cerf-volant savent qu'il faut du vent. Or ce soir là, régnait un calme plat. Qu'à cela ne tienne, devant cette objection l'abbé de La Neufville va imaginer que le cerf volant est fixé à un cable attaché à l'une des hauteurs qui entourent Migné. Mais ces hauteurs sont distantes de plusieurs centaines de mêtres. Il eut fallu admettre que pendant qu'on amenait à Migné un cerf-volant de plusieurs dizaines de mètres, fixé à un cable de plusieurs centaines de mêtres, un compère réusissait l'exploit de grimper jusqu'au sommet du clocher pour y fixer le cerf-volant, avec le cable bien tendu, et tout ceci, un peu avant la tombée de la nuit, sans que quiconque en vît rien. Mais l'abbé de la Neuville se récrie que la nuit était déja tombée, et que l'attention du public était attirée par le prédicateur. Cela ne simplifie pas le travail du compère qui n'y voyait plus grand chose non plus, d'autant qu'il fallait fixer le cerf-volant plus haut que le clocher! Et tout ça pour rien: le cerf-volant, non lumineux n'eut pas attiré l'attention, et n'eut pas passé pour une croix. En effet, l'abbé de la Neufville ayant lu que la croix faisait quatre pieds de large, imagine que c'est la largeur de la traverse, alors que c'est celle de la tige, ou encore, l'épaisseur. Mais alors, à supposer qu'on ait vu quelque chose, personne n'y aurait vu une croix. L'abbé de La Neufville reconnaitra ensuite son erreur à propos de la largeur de la croix.
Le 29 novembre 1828, dans L'ami de la religion et du roi, le maire de Migné, M. de Curzon, défia l'abbé de La Neufville de reproduire la croix de Migné avec un cerf-volant.
Pas découragé, l'abbé de La Neuville ajouta ensuite quelques autres hypothèses, dont celle de la lanterne magique.
La lanterne magique
La lanterne magique, ancêtre de nos projecteuts de diapositives, existait déjà, avec une luminosité bien plus faible que celle de nos projecteurs actuels, mais elle existait. On a donc soupçonné qu'elle ait pu produire la croix de Migné. Mais les mêmes objections apparaissent qu'avec le miracle: Pourquoi une fantasmagorie si pauvre? Et surtout, sur quel écran se projetait l'image? Ceux qui se sont vantés de pouvoir faire apparaitre cette croix n'importe où, devait bien reconnaitre qu'en extérieur, il fallait d'abord former un nuage de fumée blanche. Mais une telle fumée n'aurait pas formé un écran horizontal régulier, surtout pendant une demi-heure, et ses turbulences auraient trahi le procédé. C'est mieux que le cerf-volant, mais c'est encore raté. Pourtant, en imaginant un phénomène de projection, les partisans de la lanterne magique sont sur la bonne voie.
La baudruche
Parmi les hypothèses, plus ou moins farfelues, prétendant expliquer la croix de Migne, on a trouvé celle d'une longue baudruche, faite à partir d'intestin de boeuf, remplie d'hydrogène. Mais cela n'explique pas la luminosité, même faible, ni l'extrème régularité, "comme coupée à la scie", et il faut encore un cable reliée à une hauteur, ou du moins une deuxième attache, pour maintenir l'horizontalité, sans compter deux autres baudruches, avec leurs attaches pour représenter la traverse. Et la disparition progressive ne correspond pas.
Le phénomène météorique
L'hypothèse se voulant la plus scientifique pour expliquer la croix de Migné est probablement celle d'un phénomène d'optique atmosphérique. Aussi quelques savantasses ont prétendu expliquer la croix par un arc en ciel, solaire ou lunaire. Mais cette hypothèse fut aussitôt éliminée par Jean-Dominique Cassini, arrière petit fils de son homonyme, premier directeur de l'observatoire de Paris. Il fit remarquer qu'il n'y avait aucune des composantes nécessaires, ni soleil, ni lune, ni nuages, ni vapeurs, ni pluie.
La croix parhélique
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Les halos, solaires et lunaires sont des phénomènes connus depuis longtemps. Ils sont produits par la réflexion de la lumière dans de minuscules cristaux de glace. Mais la variété de ces cristaux produit aussi d'autres phénomènes, comme les colonnes (piliers) ou les parhélies. Un halo solaire complet se complique encore d'autres cercles et d'arcs pour donner une figure complexe. Deux de ces éléments, colonne et arc, ou fragment de halo peuvent donner une apparence de croix, au dessus du soleil, même si le soleil est en dessous de l'horizon. Dans le cas de la croix de Migné, le soleil était à 11° sous l'horizon, ce qui permettrait encore la conjonction d'un pilier et d'un arc du halo de 22°. Mais le soleil, et donc l'éventuelle croix parhélique était dans l'azimut 247°, alors que la croix se profilait dans l'axe de l'église et donc dans l'azimut 297°. Mais surtout la croix n'était pas à l'horizon, mais haute dans le ciel, et même au zénith pour ceux qui étaient devant le porche. Donc l'hypothèse de la croix parhélique ne tient pas.
Le mirage
Le mot "mirage" étant presque synonyme d'illusion, on a, bien sûr, mis le mirage à contribution pour expliquer la croix de Migné. Mais le mirage est encore plus contraignant que lc croix parhélique. Produit par la réfraction anormale de rayons lumineux quasi-horizontaux, il ne se forme que près de l'horizon. Impossible d'expliquer par un mirage, un phénomène qu'on voyait au dessus de sa tête.
Et pourtant, selon l'abbé Vrindts, un prètre marié et incrédule aurait affirmé: Voila une belle croix, mes amis! Mais vous ignorez ce qui la produit; c'est l'effet des flambeaux placés devant la croix de mission qui la reflète dans les airs. Et comme on lui faisait remarquer que les deux croix étaient très différentes. Oh! repliqua l'incrédule, il y a des effets de lumière bien plus surprenans que cela. Visiblement, le mariage ne lui avait pas réussi, à celui là.
Le phénomène rétinien
Selon un opuscule de 1827, un physicien allemand incrédule aurait expliqué que quand nos yeux ont été longtemps fixés sur un objet, nous le voyons ensuite de quelques cotés que nous les portions. Ce physicien aurait du faire davantage d'expériences. En fait il subsiste, pendant une fraction de seconde une image positive, qui s'efface pour laisser la place plusieurs secondes à une contre-épreuve négative. Ainsi une croix lumineuse fera apparaitre une croix sombre. fixer la croix de mission assez longtemps n'aurait pas donné grand chose: elle n'était éclairée que par des flambeaux, et son image evéntuelle n'aurait pas eu l'aspect de la croix vue dans le ciel.
Il est curieux qu'on ait évoqué ici un phénomène rétinien qui ne s'appliquait pas, alors qu'on ne l'a pas évoqué à Fatima, quand il s'appliquait.
Finalement, personne n'a trouvé la bonne explication, bien qu'on s'en soit approché avec l'hypothèse de la lanterne magique.
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