Le biais de sélection
ou cherry picking

Comment ne pas se laisse tenter par le choix?

cerise
Quelle cerise choisir? La plus mure, évidemment.
Le biais de sélection est un phénomène tout naturel: il revient à choisir ce qui convient le mieux. C'est logique et universel: même les animaux le font.
Maintenant pourquoi ce nom de "cherry picking" (cueillette des cerises)?. Parce qu'on ne cueille évidemment que les cerises les plus mûres. On pourrait d'ailleurs l'appliquer à d'autres fruits, mais les cerises conviennent bien, puisque les cerises le plus mûres sont les plus rouges, donc les mieux visibles.

On sera peut être étonné d'apprendre que ce phénomène, en apparence si banal, soit le moteur effectif de l'ufologie, à ce détail près qu'on ne cueille plus les fruits le plus mûrs, mais, en pratique, les plus pourris.
Les plus pourris? Oui, car l'ufologie ne collecte que les observations insolites. Des observations qui constituent un évènement. Qui donc collectionnerait les non-évènements?

Peut on collecter les non-évènements?

Il n'y a guère que dans le film Hercule, avec Fernandel, qu'on l'a fait. Hercule Maffre, nouveau directeur du journal L'incorruptible, décide de ne plus publier de mauvaises nouvelles, et voila ce que ça donne:

l'incorruptible

Dans le film, ce journal absurde n'est finalement pas publié, et on peut remarquer qu'à ce compte là, ce sont des dizaines de millions de non-évènements qu'il eut fallu publier tout les jours.
Revenons à la (dure) réalité: il faut une observation suffisamment insolite pour constituer un évènement. Du moins en apparence, car la description exacte de la réalité peut n'avoir aucun intétêt. En effet, pour se cantonner aux objets volants non identifiés, cela donnerait parfois des titres comme:

EXCLUSIF!
Près du mont Rainier, un pilote privé a observé un convoi de neuf avions désarmés de l'aéronavale.

EXCLUSIF!
A Reims, pendant une heure trente, deux retraités ont observé la planète Vénus.

EXCLUSIF!
Des vidéastes mexicains ont filmé une trainée d'avion.

EXCLUSIF!
Des habitants de Villeurbanne ont réussi à voir le soleil!

Pas trés excitant, n'est ce pas?
C'est là le résumé d'observations qui ont réellement eu lieu, et qui n'étaient, en fait, que des non-évènements. Cependant grace à de mauvaises conditions d'observation, tous ces objets ont été transformés en objets volants non identifiés, ce qui a permis à leurs observations de devenir des évènements.

Comment transformer les non-évènements en évènements.

Facile, il suffit de déformer suffisamment les données de l'observation pour qu'elles deviennent insolite. Ainsi, même sans manifestations réellement insolites, on peut trouver des observations suffisamment insolites pour figurer dans le journal, à condition, bien sûr, de ne mentionner que l'apparence, et pas la réalité. Sinon cela donnerait:

Car ces braves gendarmes avaient bel et bien vu la lune, mais ne l'avaient pas reconnue, et cette photo est bel et bien parue, mais avec un autre titre: Passez le curseur de la souris sur l'image pour voir le titre réellement paru.
Ben oui, un mystérieux engin, observé par des gendarmes, c'est tout de même plus insolite que la lune.

La récupération des non-évènements par les ufologues.

Et voila: une observation ratée, quelle qu'en soit la raison, donnera un récit insolite. Et ce récit intéressera les ufologues, car l'observation d'un phénomène inconnu doit logiquement donner un récit insolite. Mais eci est un classique paralogisme, confondant condition nécessaire et condition suffisante. Ce n'est pas parce qu'une observation est insolite qu'elle recouvre nécessairement un phénomène inconnu. Seulement, les phénomènes inconnus sont le saint graal de l'ufologie. Voila pourquoi les ufologues collectent pieusement des observations insolites, même en sachant qu'elles sont souvent pourries, car en les jetant, ils craignent de "jeter le bébé avec l'eau du bain".

L'intérêt des témoignages négatifs.

Un témoignage négatif, c'est un non-témoignage: le témoin n'a rien vu d'insolite, et ne dit rien du tout. Les "cherry-pickers" ne s'intéresseront donc pas aux témoignages négatifs.
Pourtant, la collecte de ces témoignages est parfois indispensable. Ainsi, si après la rafale d'observations de soucoupes du 3 octobre 1954, le professeur Bonte n'avait pas témoigné pour expliquer que ces observations ne concernaient que la lune, nous serions resté avec dans nos archives une mémorable sarabande de soucoupes volantes.

De même à Migné-Auxances, pour l'apparition de la croix le 17 décembre 1826, c'est un peu par hasard que M. Boisgiraud entendit le témoignage d'un "philosophe de village" qui s'étonnait de n'avoir rien vu dans la direction que les témoins lui indiquaient. Grace à ce brave homme nous savons que la croix était trop faiblement lumineuse pour être visible de ceux qui n'avaient pas une bonne vision nocturne, ce qui discrédite l'hypothèse du miracle. Mais voila, Mgr. Bouillé avait demandé qu'on fasse une enquète en interrogeant les témoins du miracle. Il n'avait pas demandé qu'on interroge les non-témoins.
Et voila: le cherry-picking a fait son oeuvre. Nous ne saurons jamais combien de personnes n'ont pas vu la croix de Migné ce jour là.

Même syndrome à Fatima, dont les apparitions ont fait couler bien plus d'encre que la croix de Migné. La prodige le plus connu fut le miracle solaire du 13 octobre 1917, qui succédait à celui de "l'aéroplane de lumière" du 13 septembre.
En fait cet aéroplane n'était qu'un bolide diurne, mais certains prétendirent que c'était le véhicule qu'empruntait la Vierge pour remonter aux cieux. Cette interprétation n'était pas nouvelle puisque l'empereur Auguste prétendit que la comète de l'an 44 avant notre ère était l'âme de Jules César s'en allant vers les dieux.
Mais ceci donne du poids à l'idée que la foule s'attendait à un miracle, bien que l'annonce d'un grand miracle ne fut révélée qu'après coup. Les milliers de témoins qui crurent voir le soleil danser ne furent donc pas décus. Cependant ils ne furent pas la majorité, car ce jour là, c'est environ 50 000 personnes qui s'étaient réunis. La plupart des participants ne virent donc pas de miracle. A l'inverse, une petite partie des voyants crurent voir le soleil augmenter de taille. Qui croyez vous qu'on interrogeat? Les voyants en priorité, bien sûr. Et malheureusement, on ne fit pas une collecte immédiate des témoignages. On préféra batailler pour et contre, à cause du caractère religieux de l'apparition. Faute d'investigations correctes il ne fut pas possible de fournir une explication définitive, et les explications allèrent de la supercherie, au phénomène astronomique, en passant par l'hallucination collective (sans oompter le miracle).
Comme d'habitude, on étudia toutes les hypothèses, sauf la bonne (syndrome de Monnerie), car le phénomène n'avait rien de miraculeux, ni même d'extraordinaire, et il fut souvent revu.

pie12
Pie XII et le soleil.
En particulier, le pape Pie XII fut témoin d'une observation de ce genre le 30 octobre 1950 dans les jardins du Vatican.
Nous eûmes même l'occasion de le voir, avec deux autres personnes dont l'une pensa au phénomène de Fatima, et l'autre à un phénomène oculaire, et elles avaient toutes les deux raison.
En effet, à un certain niveau d'atténuation (due à l'absorption), il est possible d'observer le soleil sans être vraiment ébloui, mais en subissant tout de même le phénomène des contre-épreuves qui donnent des images du soleil, alternativement roses et vertes. Interviennent alors les mouvements oculaires inconscients qui font danser tous ces pseudos disques autour du disque initial. Et voila le phénomène de Fatima sans miracle, ni pathologie. On peut penser que des milliers de témoins du dit phénomène ont compris que ce qu'il voyaient n'avait rien d'extraordinaire, mais on ne leur a pas demandé leur avis. On avait d'ailleurs probablement observé ce phénomène depuis des millénaires, mais on ne le revit officiellement qu'après le "miracle" de Fatima, à cause de la signification religieuse qu'il y avait pris, et de la référence qu'il fournissait.
Finalement, à Fatima, les "bons" témoins furent ceux qui n'avaient rien vu, mais le cherry-picking en décida autrement.

Le moteur de l'ufologie.

Mais comment cet étonnant biais de sélection peut il être le moteur de l'ufologie? A-t-il vraiment pu générer ces milliers de rapports qui remplissent nos bibliothèques? Il suffit de réfléchir au nombre de témoins potentiels: rien qu'en France, il se compte en dizaines de millions. Dès lors, qu'un témoin se trompe - ou soit trompé - une fois sur un million suffit à générer un flux d'observations insolites, qui, même rogné par le défaut de communication, va gonfler nos archives.

Donc, une triste constatation s'impose: L'essentiel des rapports d'observation d'OVNI n'est qu'un ramassis d'observations ratées, qui doivent à leur caractère insolite d'avoir été collectées grace au biais de sélection.
Et par derrière, on peut faire une remarque importante: S'il n'existait plus aucun phénomène inconnu, on observerait exactement la même chose: un fatras d'observations bizarres, dont certaines seraient trop pourries pour qu'on arrive à comprendre ce qui s'est réellement passé.
Pire: nous pouvons bien supposer qu'il y a quelques rares manifestations de phénomènes inconnus, mais les caractéristiques de leurs observations n'intéresseront pas les ufologues, parce qu'elles ne correspondent pas à leurs critères de sélection. Et pour ne rien arranger, l'observation d'un tel phénomène par le témoin lambda ne fournira pas d'informations utilisables.

Et voila! Nous avons trop méconnu l'effet du biais de sélection, qui a produit un volume de données qui n'étaient que le reflet de notre propre intérêt. Nous nous sommes intéressé directement aux propriétés des objets apparemment insolites, alors qu'aucune science ne peut étudier des objets, pas encore identifiés. Nous n'avons pas compris que l'ufologie n'étudie pas les onjets non identifiés, mais seulement leurs observations. Et malheureusement, il n'y a pas vraiment besoin de phénomènes inconnus pour expliquer la genèse de toutes ces observations.

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Dernière mise à jour: 30/10/2025