1510 avant JC
Egypte, Obscurité de trois jours.
En réalité: Obscurcissement atmosphérique par le khamsin
Juste avant l'exode des Israélites hors d'Egypte, une mystérieuse obscurité aurait frappé les égyptiens pendant trois jours (9ème plaie d'Egypte).
Note: La date est tout à fait arbitraire, mais forcément identique à celle de la comète de l'exode.


imaginé par Gustave Doré
La neuvième plaie d'Egypte est racontée dans le chapitre 10 de l'Exode. Voici la traduction juive du rabbinat (1902)
21 L'Éternel dit à Moïse: "Dirige ta main vers le ciel et des ténèbres se répandront sur le pays d'Égypte, des ténèbres opaques."
22 Moïse dirigea sa main vers le ciel et d'épaisses ténèbres couvrirent tout le pays d'Égypte, durant trois jours.
23 On ne se voyait pas l'un l'autre et nul ne se leva de sa place, durant trois jours mais tous les enfants d'Israël jouissaient de la lumière dans leurs demeures..

La traduction protestante de Louis Segond (1910):
21. L'Éternel dit à Moïse: Étends ta main vers le ciel, et qu'il y ait des ténèbres sur le pays d'Égypte, et que l'on puisse les toucher.
22 Moïse étendit sa main vers le ciel; et il y eut d'épaisses ténèbres dans tout le pays d'Égypte, pendant trois jours.
23 On ne se voyait pas les uns les autres, et personne ne se leva de sa place pendant trois jours. Mais il y avait de la lumière dans les lieux où habitaient tous les enfants d'Israël.

La traduction catholique de l'école de Jérusalem (1955):
21.Yahvé dit à Moïse : « Étends ta main vers le ciel et que des ténèbres palpables recouvrent le pays d'Égypte. »
22.Moïse étendit la main vers le ciel et il y eut d'épaisses ténèbres sur tout le pays d'Égypte pendant trois jours.
23.Les gens ne se voyaient plus l'un l'autre et personne ne se leva de sa place pendant trois jours, mais tous les Israélites avaient de la lumière là où ils habitaient.

Ces traductions sont d'accord: D'épaisses ténèbres couvrirent l'Egypte pendant trois jours, sauf là ou habitaient les israélites. L'obscurité était donc locale. Peut-être se limitait elle au delta du Nil.
Cependant, une histoire similaire est racontée dans le livre de la Sagesse, dans son chapitre 17.

2 Alors que des impies s'imaginaient tenir en leur pouvoir une nation sainte, devenus prisonniers des ténèbres, dans les entraves d'une longue nuit, ils gisaient enfermés sous leurs toits, bannis de la providence éternelle.
...
5 Aucun feu n'avait assez de force pour les éclairer, et l'éclat étincelant des étoiles ne parvenait pas à illuminer cette horrible nuit.
6 Seule brillait pour eux une masse de feu qui s'allumait d'elle-même, semant la peur, et, terrifiés, une fois disparue cette vision, ils tenaient pour pire ce qu'ils venaient de voir.
Note: Nous ne donnons que la traduction catholique de l'école de Jérusalem, puisque le Livre de la sagesse n'appartient pas au canon des bibles juives et protestantes. Malgré le titre du livre, la sagesse n'est pas au rendez-vous: le peuple Israelite, qui est tout au plus le peuple élu, qualifié dans la bible de "peuple à tête dure", et qui se rendra coupable d'un ethnocide avec Josué, est qualifié ici de "nation sainte". Il est vrai que c'est un juif qui parle. Son livre a été écrit au premier siècle avant notre ère, donc bien des siècles après le supposé exode.
Ensuite, quand il parle de "l'éclat étincelant des étoiles", l'auteur semble n'avoir jamais regardé le ciel, sans quoi il saurait que les étoiles ne sont visibles que la nuit, et qu'une légère brume suffit à les cacher. Quand à la masse de feu qui s'allumait d'elle même, on aimerait savoir dans quel verset de l'Exode, l'auteur l'a trouvé.
L'auteur en rajoute dans les versets suivants, laissant comprendre qu'il s'agit d'une simple exagération poétique, sur la base du récit de l'exode.


Le récit de l'exode est il authentique? Nous avons déja vu avec la destruction de Sodome, que la bible s'inspire de faits réels, mais récupérés "ad majorem Judeorum gloriam", c'est à dire qu'elle n'a pas de valeur historique. Or, on retrouverait une antériorité à la neuvième plaie d'Egypte, ainsi d'ailleurs qu'aux précédentes, dans le papyrus d'Ipou-Our, ou Ipuwer, un papyrus égyptien écrit en hiératique et composé 17 à 19 siècles avant notre ère. Le papyrus est en mauvais état, avec des lacunes, ce qui rappelle le papyrus Tulli, avec cette énorme différence que cette fois, le papyrus existe bien et est conservé à Leyde sous le numéro 344. Ce n'est d'ailleurs qu'une copie du XIIIème siècle avant notre ère
papyrus
En y lisant "le fleuve est de sang", les thuriféraires de la Bible, oubliant facheusement que l'original de ce papyrus est antérieur de plusieurs siècles à la date du supposé exode, ont prétendu qu'il prouvait la réalité historique des plaies d'Egypte. Malheureusement, non seulement le papyrus est antérieur, mais il est plus poêtique qu'historique. En sorte que si relation il y a, c'est le papyrus qui a inspiré le récit de l'exode, et non l'inverse.
Quant à la neuvième plaie, le papyrus dirait: Le pays [est sans lumière]. Malheureusement, la deuxième partie est seulement supposée par le traducteur, car il y a une lacune. Autant dire que le papyrus ne confirme rien du tout quant à l'obscurité dont la neuvième plaie aurait recouvert l'Egypte.

En 1557, Conrad Lycosthènes, cite ce prodige biblique:

soleil obscurci (Lycosthènes)
AM 2454, AC 1509.
Iterum Mose manum extendente in coelum, factae sunt tenebrae horribiles in universa Aegypti terra, et adeo quidem, ut nemo tribus diebus nec fratrem viderit, nec loco, quo quisque erat, se moverit. Ubicumque autem habitabant filii Israel, lux erat. Exodi 10..
Moïse étendant à nouveau sa main vers le ciel, d'horribles ténèbres se firent dans toute la terre de l'Egypte, et ce fut au point que, pendant trois jours, nul ne vit son frère, ni ne put bouger du lieu où il était. Mais partout où habitaient les fils d'Israel, il y avait de la lumière. Exode chapitre 10.
(Lycosthenes, p 41)
Note: Lycosthenes reproduit à peu près le texte de la Vulgate, mais la gravure est celle qu'il utilise pour les éclipses de soleil, qui, bien sûr, ne durent pas trois jours.

Curieusement, jusqu'au XXème siècle, les commentateurs de la Bible, croyants ou incroyants, ne discuteront pas de la neuvième plaie d'Egypte. On s'attendrait à voir une intéressante dissertation de Dom Calmet, mais il ne daigne en faire une que sur les vrais et les faux miracles (le vrai miracle étant produit par Dieu, approbation de l'Eglise faisant foi). Voltaire est muet sur la question, ce qui empèche ses contradicteurs de nous apporter leurs clartés sur cette obscurité. Les seuls commentaires que l'on trouve discutent du caractère miraculeux des plaies d'Egypte en général.
C'est donc dans le dictionnaire de la Bible, de l'abbé Fulcran Vigouroux, terminé en 1912, que nous trouverons une étude sur la neuvième plaie d'Egypte. Encore devons nous chercher à l'article "Ouragan".


La neuvième plaie d'Egypte consista dans un formidable ouragan qui dura trois jours et couvrit le pays occupé par les Égyptiens de ténèbres si épaisses qu'on aurait pu les palper, si bien que les malheureux ne se voyaient pas les uns les autres et durent rester immobilisés à leur place. L'auteur de la Sagesse, XVII, 2-20, décrit cette plaie avec plus de détail. Il montre les Égyptiens « enchaînés tout à coup par les ténèbres, prisonniers d'une longue nuit, enfermés sous leur toit et étendus sur leur couche, retenus là comme dans une prison sans chaîne de fer ». Il parle du laboureur, du berger, de l'ouvrier, surpris dehors par le fléau et enchaînés par les mêmes ténèbres pendant que les serpents et les autres animaux, eux aussi frappés de terreur, font entendre leur voix effrayante. En même temps, les malheureux Égyptiens aperçoivent comme des fantômes et des spectres lugubres, des lueurs et des flammes qui les épouvantent, sans que rien puisse éclairer la sombre nuit dans laquelle ils sont plongés. — Cette description convient très bien au terrible phénomène dont l'écrivain sacré a dû être témoin lui-même, celui du simoun africain, vent du sud-ouest qui souffle du désert de Libye sur l'Egypte, et parfois soulève des montagnes de sable dans lesquelles sont ensevelies des caravanes entières. Les Arabes l'appellent khamsin, c'est-à-dire « cinquante ». parce que ce vent souffle pendant une période de cinquante jours, entre mars et mai, mais durant des intervalles de deux, trois ou quatre jours, suivis d'un calme plus ou moins long.
...

nuage ténébrifère
Le ciel tout d'un coup se rembrunit, l'espace est rempli de poussière, le disque solaire devient rouge comme le sang, puis livide; tout le firmament pâlit et se colore de teintes violacées et bleuâtres. D'épais nuages de sable fin, rouges comme la flamme d'une fournaise, enveloppent toute l'atmosphère et l'embrasent comme un immense incendie. Ils brûlent tout sur leur passage; ils aspirent la sève des arbres, ils boivent l'eau renfermée dans les outres. Lorsque le thermomètre marque de 20 à 25 degrés, le khamsin élève aussitôt la température à 40 et 50 degrés. Peu à peu les ténèbres deviennent plus épaisses; bientôt tout est sombre, plus sombre que nos plus noires journées d'hiver, obscurcies par les plus épais brouillards; on ne peut rien distinguer à quelques pas devant soi, on ne peut sortir, on ne peut marcher.

(Vigouroux, t IV, col 1930)
Note: La référence au Livre de la Sagesse semble là parce que son auteur se serait inspiré d'épisodes de khamsin qu'il aurait connu, mais l'assimilation au khamsin est convaincante.

1973, l'explication par le khamsin parait admise
22 Moïse étendit sa main vers le ciel, et il y eut d'épaisses ténèbres dans tout le pays d'Egypte pendant trois jours.
22 On a souvent proposé de trouver le point de départ de ce récit des ténèbres dans l'obscurcissement du ciel que provoquent les tourbillons de poussière et de sable, soulevés et amenés par le vent brûlant du désert à certaines époques.
(Osty, p 163)

Analyse:
Nous n'avons décrit que l'évolution des opinions les plus autorisées. Mais comme nous sommes dans le domaine religieux, on trouve sur internet, des centaines de pages web pour proclamer le caractère miraculeux des plaies d'Egypte.
Pourtant, le point de vue de l'Eglise est maintenant formel: les neuf premières plaies d'Egypte, prises individuellement sont des phénomènes naturels. Rappelons en la liste: 1) le Nil devient rouge sang et infect, 2) invasion de grenouilles, 3) invasion de moustiques, 4) invasion de taons, 5) mortalité du bétail, 6) épidémie de pustules, 7) chute de grèle 8) invasion de sauterelles 9) ténèbres. Or, tous ces phénomènes ne sont pas plus prodigieux, et même plutôt moins que ceux rapportés par Julius Obsequens. Leur ampleur mise à part, ce sont des faits divers.
L'église a tout de même mis des siècles pour l'admettre, et nous pouvons observer l'évolution des idées sur les prodiges atmosphériques au fil des siècles:
Au premier siècle avant notre ère, Cicéron n'admet aucun prodige:

Marcus Tullius Cicero
XXVIII ... De toutes ces choses, pour ne pas m'étendre, une seule raison. Quoiqu'il naisse, quelque soit sa nature, il est nécessaire qu'il ait une cause naturelle, en sorte que, même s'il apparait sans sa constitution habituelle, il ne peut cependant pas exister en dehors de la nature. Tu chercheras donc la cause dans une chose nouvelle et merveilleuse si tu le pourras. Si tu ne trouves rien, aie en néanmoins la certitude, rien ne peut se faire sans cause, et tu chasseras par la raison de la nature, la terreur que la nouveauté de cette chose t'auras apporté. En sorte que ni le grondement de la terre, ni la division des cieux, ni la pluie de pierre ou de sang, ni les étoiles filantes, ni les observations de flambeaux ne t'effraieront plus. Si je demande à Chrysippe, lui-même garant de la divination, la cause de toutes ces choses, jamais il ne les dira faites par hasard, et il leur donnera à toutes une explication naturelle. Car rien ne peut se faire sans cause, ni rien ne se fait qui ne puisse se faire, ni, s'il s'est fait, qui puisse s'être fait, que tu doives considérer comme un prodige. Donc, Il n'y a pas de prodiges.
(Ciceron2)

Neuf siècles plus tard, l'archevèque Agobard n'admet que les prodiges d'origine divine, seul Dieu peut faire tomber la grêle. Les magiciens et les sorciers dits tempestaires n'ont pas ce pouvoir:
Dans les saintes Ecritures, le premier endroit où il est parlé de la grêle, se trouve dans le chapitre relatif aux plaies dont l'Egypte a été frappée; Elle est la septième plaie; car le Seigneur a dit: « Demain, à celle même heure, je ferai pleuvoir une grêle abondante, telle qu'il n'y en a point eu en L'Egypte depuis qu'elle a été fondée jusqu'à ce jour. » Dans ces paroles, le Seigneur dit qu'il enverra la grêle le lendemain, lui même et non un homme, non assurément Moïse ou Aaron qui étaient des hommes justes et craignant Dieu, ni Jamnès et Mambrès, enchanteurs des Egyptiens, qui, selon l'Ecriture, étaient les mages de Pharaon, ...
Déjà ils avaient changé les eaux en sang, déjà ils avaient tiré les grenouilles des fleuves, bien qu'ils ne pussent, comme Moïse, au nom du Seigneur, les forçer de rentrer dans les eaux...
Certainement, si quelque homme eût pu faire tomber la grêle, Jamnès et Mambrès l'eussent fait tomber, puisqu'ils avaient changé l'eau en sang et tiré les grenouilles des eaux; ce que ne peuvent exécuter ceux à qui l'on donne aujourd'hui le nom de tempestaires.
V. On trouve ensuite au même endroit de l'Ecriture: « Moïse ayant étendu sa verge vers le ciel, le Seigneur fit entendre le tonnerre et descendre la grêle; les éclairs parcoururent la terre, et le Seigneur fit pleuvoir la grêle sur la terre d'Egypte; et la grêle et le feu tombaient entre-mêlés. » Ce passage ne nous montre-t-il pas que Dieu seul est le créateur et l'auteur de la grêle, nul autre que lui?

(Agobard, p 15)

Neuf siècles plus tard, encore, Dom Calmet admet tous les prodiges, mais seuls ceux d'origine divine peuvent être qualifiés de miracles:

Dom Calmet
Que les Magiciens, que les faux Prophètes, que l'Ante-Christ, puissent faire quelques actions, qui considérées en elle même paroissent aussi miraculeuses que d'autres actions de Moyse, de Jesus-Christ, et des Apotres, c'est ce qu'on ne veut pas contester.
...
Pour conclusion de tout ce que nous avons dit jusqu'ici touchant les vrais & les faux miracles, on peut assûrer: 1°. Que Dieu seul peut faire de vrais miracles, puisque lui seul peut agir contre les règles ordinaires de la nature, ou en suspendre l'action, quand & comme il le juge à propos. 2°. Que les hommes, les Anges & les démons peuvent quelquefois faire des actions miraculeuses par la volonté expresse de Dieu qui se sert de sa créature pour exécuter ses ordres, & pour servir d'instrument à sa miséricorde ou à sa justice. 3°. Que les esprits dégagés de la matière peuvent naturellement et sans miracle agir sur la matière jusqu'à un certain point. 4°. Que les prétendus miracles des Magiciens de Pharaon, sont des opérations magiques, dont le démon est l'auteur et l'instrument.

(Calmet, tome I, p 710)

Et voila! On se serait attendu à ce que la croyance aux prodiges diminue avec le temps, et c'est l'inverse qu'on observe.
Mais la tendance s'inverse ensuite. Il faut dire qu'entre Dom Calmet et Fulcran Vigouroux, il y a le siècle des lumières, la révolution, et le modernisme du pape Léon XIII. Pour Vigouroux il y a encore une action divine dans les plaies d'Egypte, mais elle ne concerne plus que le rassemblement de tous ces phénomènes naturels dans un court intervalle de temps pour forcer le pharaon à laisser partir les Israélites. Dans cette optique, Dieu aurait lancé le khamsin sur l'Egypte, comme il y aurait lancé la grêle.
Mais avec, ou sans Dieu, cette obscurité n'est pas plus mystérieuse que la grêle.

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