44 avant JC
Italie, Soleil affaibli
En réalité: nuage de cendres volcaniques filtrant le rayonnement solaire

Après la mort de Jules César, le soleil parut affaibli pendant de long mois, tant en lumière qu'en chaleur. Le premier à nous en parler est le poête Virgile, et son commentateur va nous donner la clé de l'énigme.

29 AC, Virgile raconte que le soleil se voila la face à la mort de César.
[1,463]solem quis dicere falsum
audeat? ille etiam caecos instare tumultus
saepe monet fraudemque et operta tumescere bella;
ille etiam exstincto miseratus Caesare Romam,
cum caput obscura nitidum ferrugine texit
impiaque aeternam timuerunt saecula noctem.
tempore quamquam illo tellus quoque et aequora ponti,
[1,470] obscenaeque canes importunaeque volucres
signa dabant. quotiens Cyclopum efferuere in agros
vidimus undantem ruptis fornacibus Aetnam,
flammarumque globos liquefactaque voluere saxa!

(Virgile1, Liv. I)

traduction Maurice Rat.
Le soleil ! qui oserait le traiter d'imposteur ? Lui, qui nous avertit souvent que d'obscurs tumultes nous menacent et que couvent sourdement la trahison et les guerres ! Lui qui eut pitié de Rome à la mort de César, quand il couvrit sa tête brillante d'une sombre rouille, et qu'un siècle impie redouta une nuit éternelle. En ce temps-là d'ailleurs la terre aussi, et les plaines de la mer, et les chiennes maléficieuses et les oiseaux sinistres fournissaient des présages. Que de fois nous avons vu l'Etna, brisant ses fournaises, inonder en bouillonnant les champs des Cyclopes, et rouler des globes de flammes et des rocs liquéfiés !

traduction Delille.
Qui pourrait, ô soleil ! T’accuser d’imposture ?
Tes immenses regards embrassent la nature :
C’est toi qui nous prédis ces tragiques fureurs
Qui couvent sourdement dans l’abîme des coeurs.
Quand César expira, plaignant notre misère,
D’un nuage sanglant tu voilas ta lumière ;
Tu refusas le jour à ce siècle pervers ;
Une éternelle nuit menaça l’univers.
Que dis-je ? Tout sentait notre douleur profonde,
Tout annonçait nos maux : le ciel, la terre et l’onde,
Les hurlements des chiens, et le cri des oiseaux.
Combien de fois l’Etna, brisant ses arsenaux,
Parmi des rocs ardents, des flammes ondoyantes,
Vomit en bouillonnant ses entrailles brûlantes !

Note: Nous n'avons pas cherché à retraduire au plus près du texte, puisqu'il s'agit d'un poême, lui même forcément éloigné d'une description historique. La traduction de vers latins en vers français par Delille n'en est pas plus éloigné que celle de Maurice Rat, mais garde l'aspect poêtique.

fin du IVème siècle, Maurus Servius Honoratus commente Virgile.
472. Vidimus undantem ruptis fornacibus Aetnam. Malum enim omen est, quoties Aetna, mons Siciliae ubi graves Cyclopum Jovi fulmina fabricantium officinae, non fumum sed flammarum egerit globos: et ut dicit Livius: "Tanta flamma ante mortem Caesaris ex Aetna monte defluxit, ut non tantum vicinae urbes, sed etiam Rhegina civitas afflaretur". Serv.
Vidimus undantem ruptis fornacibus Aetnam. Car c'est un mauvais présage, chaque fois que l'Etna, montagne de Sicile, atelier où les violents cyclopes forgeait les foudres de Jupiter, vomit des globes, non de vapeur, mais de flammes: et Tite Live dit ainsi: "Tant de flammes s'écoulèrent du mont Etna avant la mort de César, qu'elles se répandirent non seulement sur les villes voisines, mais encore sur le pays de Rhegium."
Note: Maurus Servius Honoratus, dit Servius, est un grammairien de la fin du IVème siècle, grace auquel nous sont conservés des fragments d'oeuvre aujourd'hui perdues, ici Tite Live.
Rhegium, aujourd'hui Reggio Calabria, est à l'extrème sud de l'Italie, "à la pointe de la botte", faisant face à la Sicile, de l'autre coté du détroit de Messine, distante de l'Etna d'environ 70 km.


vers 73 de notre ère, Pline mentionne une "défaillance" du soleil.
Fiunt prodigiosi et longiores solis defectus, qualis occiso dictatore Caesare et Antoniano bello totius paene anni pallore continuo. (XXX.) [1]
Il y a des défaillances du soleil prodigieuses et plus longues: ainsi, lors du meurtre du dictateur César et de la guerre d'Antoine, étant continuellement pâle presque toute l'année.
(Pline1, Liv.II, ch XXX.)
Note: defectus signifie habituellement défaillance, et exceptionnellement éclipse. Mais ici, il ne s'agit manifestement pas d'éclipse.

vers 100, Plutarque insiste sur l'absence de chaleur.
Admirons surtout, parmi les signes humains, l’aventure de Cassius, qui, vaincu à Philippes, se tua de la même épée dont il avait frappé César ; et, parmi les phénomènes célestes, ... l’obscurcissement de la lumière du soleil : cet astre se leva fort pâle toute cette année-là, et n’envoyait, au lieu de rayons étincelants, qu’une lueur terne et une chaleur languissante ; l’air demeura toujours ténébreux et épais, par la débilité de la chaleur, qui seule le raréfie ; et l’intempérie de l’air fit avorter les fruits, qui se flétrirent avant que d’arriver à leur maturité.
(Plutarque1, Vie de Caïus Julius César, ch 69)
Note: Plutarque renchérit sur Pline. Non seulement le soleil fut pâle, mais il fut sans chaleur. Ce fut une sorte d'année sans été, comme celle de 1816, en un peu moins froid

4ème siècle, Obsequens copie un passage perdu de Tite Live.
M. Antonio P. Dolabella coss.
... multis mensibus languida lux fuit.

Marc Antoine et Publius Dolabella étant consuls.
la lumière (du soleil) fut pâle de nombreux mois.

(Obsequens1)

1545 Johann Funck retraduit Plutarque en latin.
olympiade 185, année 1, mundi 3924, 713 UC, COSS. Pub. Servil. Isaur.2 L. Antonius Poetas
Solis preterea lumen caligine obsessum Toto namque illi anni spatio pallens globus et sine splendore oriens. Imbecilem & tenuem ex se calorem emittebat inde aeris intemperies maximaque frugum cruditas extitit. Plutarch. in Caes.vita

la 1ère année de la 185ème olympiade, l'an 3924 de la création, 713 de Rome, Publius Servilius Isauricus et Lucius Antonius Pietas étant consuls
En outre la lumière du soleil fut interceptée par la brume, son globe étant pâle toute cette année, et se levant sans éclat, il n'envoya qu'une faible chaleur, de là une intempérie des airs suivie d'une très grand pénurie de fruits.

(Funccius, fol 64)
Note: Funccius se trompe de trois ans, car 713 de Rome correspond à 51 AC..

1557, Conrad Lycosthènes copie Johann Funck.

soleil affaibli (Lycosthenes)
Mundi 3921. ante Christum 42.
Solis praeterea lumen caligine obsessum est, totoque illius anni spatio globus pallens, & sine splendore oriens, imbecillem ex se emisit calorem, inde aëris intemperies maximaque frugum caritas secuta est. Plutarch. in vita Caesaris. Plin. l.2.cap.30.

Année de la création 3921. 42 avant Jésus-Christ
En outre la lumière du soleil fut interceptée par la brume, son globe étant pâle toute cette année, et se levant sans éclat, il n'envoya qu'une faible chaleur, de là une intempérie des airs suivie d'une très grand pénurie de fruits.

(Lycosthenes, p 221)
Note: Lycosthènes copie Funcius, qui avait traduit Plutarque en latin, lequel Plutarque avait traduit un auteur latin en grec.

1842, Victor Verger traduit l'édition d'Obsequens par Lycosthenes.
CXXVIII. Sous les consuls M. Antoine et P. Dolabella (2)
le soleil rendit pendant plusieurs mois une lumière pâle.
(2) Même année. (An de R. 710)
(Obsequens3, p 141)

1977, Christiane Piens confond Ciceron et son assassin.
Sous le consulat de M. Cicéron et P. Dolabella ( -46), ... tandis que le soleil avait repris la forme d'un disque, celui-ci ne donna qu'une lumière pâle et languissante 32.
32. J.O., CXXVIII (67).

(Piens, p 35)
Note: Ce n'est pas M. Ciceron mais M. Antoine (qui le fit assassiner), et Dolabella fut consul avec lui après les ides de Mars de l'an 44 av JC, et non 46

Analyse:
Plusieurs auteurs semblent avoir cru que le soleil avait réellement perdu sa chaleur pendant quelques mois. Curieusement, c'est le poête Virgile, et surtout son commentateur, Servius, qui nous donne la clé de l'énigme. Virgile nous parle dans un même passage, du soleil affaibli et rougi, et d'une éruption de l'Etna.

panache de cendres de l'Etna en 2002
Servius cite Tite Live, qui nous révèle qu'avant l'assassinat de César, à la mi-mars, il y eut une importante éruption de l'Etna. Tellement importante que les flammes (comprenons: le panache de cendres) se répandirent sur Rhegium et ses environs, de l'autre coté du détroit de Messine.
Dès lors tout s'explique: le panache de cendres envahit la haute atmosphère et la poussière volcanique filtra la lumière du soleil, qui parut faible et couleur de rouille (ferrugine). Surtout, il perdit beaucoup de sa chaleur et les fruits (et probablement les récoltes) n'arrivèrent pas à maturité. Ce phénomène, dit de "l'hiver volcanique", est arrivé plusieurs fois au cours de l'histoire, associé notamment aux éruptions de 934, 1453, 1783 et 1815, comme en témoigne l'étude des carottes de glace. Le phénomène explique aussi le cercle de Bishop observé à Rome lors de l'entrée d'Auguste, ainsi que celui observé sur le soleil central lors de l'apparition de trois soleils, et même la non visibilité de la comète que virent les chinois lors de la quatrième lune de cette année, et qui ne semble pas avoir été vue tout de suite à Rome, où elle n'est attestée qu'en Juillet.

Dernière mise à jour: 13/10/2014
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