44 avant JC
Italie, trois soleils, boeuf parlant
En réalité: parhélies, rumeur

vers 73 de notre ère, Pline mentionne des observations de soleils triples.
trinos soles et antiqui saepius videre, sicut ... M- Antonio P- Dolabella
trois soleils à la fois, et les anciens l'ont observé plus souvent: ainsi, sous les consulats de ... Marc-Antoine, P. Dolabella.
(Pline1, Liv.II, ch XXXI)
Note: an de Rome 710, d'après les consuls, soit 44 av JC.

vers 207, Dion Cassius puise dans Tite Live.
17 ... La lumière du soleil sembla diminuer et s'éteindre, puis présenter l'apparence de trois cercles dont l'un était entouré d'une couronne d'épis enflammée, de telle sorte que, si jamais présage fut clairement réalisé, ce fut celui là. Trois hommes, en effet (je veux dire César, Lépidus et Antoine), avaient alors le pouvoir en main, et de ces trois César fut celui qui remporta la victoire.
(Dion Cassius, livre XLV. )
Note: Dion Cassius est ici la plus ancienne source basée sur Tite Live. La couronne d'épi est probablement une classique couronne autour du soleil central, car si c'était un halo, les deux soleils latéraux auraient semblé posé dessus. Nous avons donc ici, à la fois deux parhélies et une couronne. Ce prodige se serait produit sous le second triumvirat, et Dion Cassius place le soleil central couronné, comme présage du principat d'Auguste. Pline place ce phénomène sous le consulat de M. Antoine et Dolabella (en 44), alors que Dion Cassius le place sous celui de Aulus et Hirtius (en 43). Cependant, Dion Cassius rapporte en même temps le prodige du flambeau céleste, et de l'astre nouveau, visible plusieurs jours, c'est à dire la comète de l'an 44.

début du 4ème siècle, Eusèbe de Césarée a-t-il copié Tite Live?
ROM
CAIUS
CAESAR
V
| ALEX.


| VII
| JUD.


| XXIV
Romae tres simul Soles exorti paulatim in eundem orbem coalverunt.
Inter cetera portenta, quae toto orbe facta sunt, bos in suburbano Romae ad arantem locutus est, Frustra se urgeri, Non enim frumenta, sed homines brevi defuturos.
A Rome, trois espèces de soleils apparus soudainement se réunirent peu à peu en un seul cercle. Et entre autre merveilles, qui se firent dans le monde entier: dans la banlieue agricole de Rome, un boeuf parla, Inutile de se tourmenter, car ce n'est pas le blé, mais les hommes qui vont bientôt manquer..
(Eusèbe, pour l'an 1973 depuis Abraham)
Note: Eusèbe de Césarée est un auteur précieux, car il a copié des textes, aujourd'hui perdus, qu'il est le seul à mentionner. Ici, l'original grec est perdu, et nous n'avons plus que la traduction de Jérome de Stridon. Mais on ignore où il a puisé cette histoire de boeuf parlant, qu'Obsequens, si prompt à copier dans Tite Live, ne mentionne pas, et que Dion Cassius ne mentionne pas non plus. Soit Eusèbe a copié le texte disparu d'un autre auteur, soit il a bien copié Tite Live, mais avec une erreur de quelques années, ce qui suffirait à ne pas le trouver chez Obsequens dont le dernier prodige avec trois soleils est mentionné pour l'an 42 AC. On peut soupçonner, non seulement une erreur de date, mais aussi une interprétation abusive, à travers une autre source. En effet, Obsequens a trouvé chez Tite Live cet autre prodige pour l'année suivante: Oraculo Apollinis vox audita: lupis rabies hieme, aestate frumentum non demessum (On entendit la voix de l'oracle d'Apollon: En hiver, la fureur des loups , en été le blé n'est pas récolté). Le rapport est lointain, mais ceci nous suggère que la base de cette prophétie du boeuf, était peut-être la parole d'un oracle. Quoiqu'il en soit, l'anecdote du boeuf parlant a été reprise par plusieurs auteurs. Outre les auteurs mentionnés ci-après; On peut encore citer la chronique de Frédégaire (vers 640), la Chronica de Fréculf de Lisieux (entre 843 et 852), l'Historia miscella de Landulf Sagax (entre 976 et 1000), la Chronica de Marianus Scotus (1082), la Chronicon ex Chronicis de Florent de Wigorne (vers 1118), la Cronica d'Ekkehard d'Aura (vers 1125), le Pantheon de Godefroi de Viterbe (entre 1187 et 1191), la Chronica universalis de Sicard de Crémone (vers 1213), la chronica regia de Saint Pantaleon (1237), le speculum historiale de Vincent de Beauvais (vers 1259), Ly Myreur des Histors de Jean d'Outremeuse (vers 1340), et le Tractatus de Signis, Prodigiis, et Portentis, antiquis et Novis de Jalob Mennel en 1503.

4ème siècle, Julius Obsequens copie Tite Live
M. Antonio P. Dolabella coss.
68. Soles tres fulserunt, circaque solem imum corona spiceae similis in orbem emicuit, et postea in unum circulum sole redacto multis mensibus languida lux fuit.

trois soleils resplendirent, et autour du soleil du fond, apparut une couronne semblable à des épis en cercle, et ensuite le soleil rassemblé en un seul cercle, sa lumière fut faible pendant de nombreux mois.
(Obsequens1)
Note: même remarque que pour Dion Cassius. Le texte d'Obsequens est copié sur Tite Live, qui écrivait 35 ans après les faits.

8ème siècle, Paulus Diaconus puise dans Eusèbe
Eodem tempore Romae tres simul exorti soles paulatim in eandem urbem cojerunt; inter coetera portenta quae toto orbe facta sunt, bos in suburbano Romae ad arantem locutus est frustra se urgeri, non enim frumenta sed homines brevi defuturos.
A cette même époque, à Rome, trois espèces de soleils apparus soudainement se joignirent peu à peu en un seul cercle; et entre autre merveilles, qui se firent dans le monde entier, dans la banlieue agricole de Rome, un boeuf parla, Inutile de se tourmenter, car ce n'est pas le blé, mais les hommes qui vont bientôt manquer..
(Diaconus, livre VI, ch. 6)
Note: "à cette même époque" représente l'année de la mort de César. Paulus Diaconus, ou Paul diacre, est l'auteur de l'Historia Romana, continuation avec des compléments de Breviarum ab urbe condita, d'Eutrope. Nous ne citons son oeuvre que comme exemple, parmi d'autres cités plus haut

vers 1260, Jacques de Voragine tente de christianiser le prodige
In ipsa etiam die tres soles in oriente apparuerunt, qui paulatim in unum corpus solare redactae sunt. Per quod signabatur, quod trini et unius Dei notitia orbi imminebat, vel quia natus erat ille , in quo tria , scilicet anima, caro et divinitas in unam personam convenerunt.
ln hystoriis tamen scholasticis dicitur, quod non ipsa die nativitatis tres soles apparuerunt, sed ante per aliquod tempus , scilicet post mortem Julii Caesaris, quod Eusebius in Chronica asserit.
...
Ante etiam Christi nativitatem per aliquot dies (ut ait Eusebius in Chronica) cum quidam ararent boves, ad aratores dixerunt: homines deficient, segetes proficient.

Ce même jour, trois soleils apparurent à l’orient, qui peu à peu se réduisirent à un seul corps. C'était un signe que la Trinité et l’unité de Dieu allaient être connues dans le monde, ou bien parce que dans celui qui venait de naître, trois choses, savoir l’âme, la chair et la divinité se rassemblaient.
On lit pourtant dans l’Histoire scholastique , que ce ne fut pas au jour de la nativité que parurent les trois soleils, mais quelque temps auparavant, savoir après la mort de Jules César, Ce qu'assure Eusèbe dans sa chronique.
...
Et encore avant la naissance du Christ, pendant quelques jours, (ainsi que le dit Eusèbe dans sa chronique), alors que certains boeufs labouraient, ils dirent aux laboureurs: les hommes manqueront, les moissons augmenteront.

(Jacques de Voragine, La légende dorée, ch. 6)
Note: Il est curieux que Jacques de Voragine associe d'abord ce prodige à la nativité, avant d'avouer qu'Eusèbe le place à l'époque de la mort de César. Paulus Diaconus cite pourtant correctement Eusèbe. Est ce tout simplement la triplicité du prodige qui lui parait convenir à la trinité divine? Mais Dion Cassius avait donné une explication non moins convaincante: trois hommes au pouvoir dont l'un surpasserait les autres. Notons que le prodige du boeuf parlant n'est pas non plus raconté de la même façon. Mais sommes nous sûr que ce que nous venons de lire est bien ce que disait l'auteur? Car nous sommes tributaires des éditions existantes de Voragine, qui elles même sont tributaires des quelques mille manuscrits existants, alors que l'original semble avoir disparu. Qu'avait donc écrit réellement l'auteur de la légende dorée, alors qu'aujourd'hui la consultation de plusieurs éditions montre que certains passages sont mal traduits, ou mal copiés, voire manquants. Il suffit de voir ci contre le passage sur les boeufs qui parlent, dans un manuscrit d'époque avec ses lettres carolines et ses abréviations pour comprendre comment il est facile de se tromper

1545 Johann Funck est bref.
Olympiade 184 année 2 mundi 3921 710 UC
Tres soles visi. Plin.lib.2.c.31

Olympiade 184, année 2, 3921 de la création, 710 de Rome
On vit trois soleils. Pline, livre II, ch 31.

(Funccius, fol 64)
Note: La chronologie de Funccius est en fait un grand tableau, où l'auteur doit faire rentrer un texte dans une case, d'où sa concision.

1552, Le "Augsburger Wunderzeichenbuch" représente le prodige en couleurs

Am anderen Tag nach dem Tod des Kaisers Julius sind drei Sonnen am Himmel in der Morgenfrühe im Osten erschienen und danach zusammengezogen, sodass daraus nur eine geworden ist. Auch hat zu der Zeit ein Ochse in der Vorstadt bei Rom einen Ackerbauern gefragt, warum er so heftig arbeite. Denn es würde über kurze Zeit mehr Mangel an Leuten geben als an Getreide.
Le jour suivant la mort de Jules César, trois soleils brillèrent à l'est au petit matin, et ensuite se réunirent, en sorte qu'il n'en restait plus qu'un. Aussi, en ce temps là, dans la banlieue de Rome, un boeuf demanda à un fermier pourquoi il travaillait si dur, car avant peu de temps, il y aurait plus un manque de population que de ceréales.
(Das Augsburger Wunderzeichenbuch, folio 26)
Note: La date est probablement inexacte, le prodige date, soit du consulat de Dolabella, soit du second triumvirat. La source initiale est probablement Tite Live, mais on ignore à travers quel intermédiaire. Quant à l'illustration, l'auteur suit le texte du mieux qu'il peut, mais n'a manifestement jamais vu de parhélie.

1553, Kaspar Peucer reconnait le parhélie.
Bello civili inter Caesarem et Pompeium finito, ante Octavii, Antonii et Lepidi triumviratum conspecta parelia anno urbis 710. Antonio et P. Cornelio Dolabella COSS: Kaspar Peucer de meteorologia, fol 247 verso.
La guerre civile entre César et Pompée étant finie, avant le triumvirat d'Octave, Antoine et Lépide, on observa un parhélie l'an de Rome 710, Antoine et P. Cornelius Dolabella étant consuls.
(Peucer, de meteorologia, fol 247 verso)
Note: On remarque que Peucer, qui fait un livre sur les phénomènes météorologiques, utilise le mot parhélie, donc reconnait le phénomène.

1557, Conrad Lycosthènes aime les boeufs qui parlent.

trois soleils (Lycosthenes)

boeuf jetant feu et flammes
Mundi 3921. ante Christum 42.
Romae tres soles exorti, paulatim in eundem orbem cojerunt. Et inter cetera portenta, quae toto orbe facta sunt: bos in suburbano Romae ad arentem locutus est, frustra se urgeri, non enim frumenta sed homines brevi defuturos

Année de la création 3921. 42 avant Jésus-Christ
A Rome, trois soleils apparus soudainement, se réunirent peu à peu en un seul cercle. Et entre autre merveilles, qui se firent dans le monde entier: dans le banlieue agricole de Rome, un boeuf parla, Inutile de se tourmenter, car ce n'est pas le blé, mais les hommes qui vont bientôt manquer.

(Lycosthenes, p 219)
Note: Quel prophète ce boeuf! Nous ne le mentionnons que pour rappeler le crédit qu'on peut accorder à ce genre de prodiges. La gravure de Lycosthènes voudrait nous faire croire que son discours jetait feu et flammes. Mais si nous savons que cette histoire vient d'Eusèbe, nous ignorons chez quel auteur Lycosthènes a puisé. Probablement dans Paul Diaconus chez qui il a déja puisé, en laissant croire qu'il puisait dans Eutrope

1557, Conrad Lycosthènes copie Obsequens.
Mundi 3921. ante Christum 42.
soles tres fulserunt, cirquaque solem imum corona spicae similis in urbem emicuit: & postea in unum circulum sole redacto, multismensibus languida lux fuit.

Année de la création 3921. 42 avant Jésus-Christ
trois soleils resplendirent, et autour du soleil du fond, apparut une couronne semblable à des épis en cercle, et ensuite le soleil rassemblé en un seul cercle, sa lumière fut faible pendant de nombreux mois.

(Lycosthenes, p 224)

1557, Conrad Lycosthènes copie Pline.
Mundi 3922. ante Christum 41.
circa solem prodigia quaedam facta dicuntur. Tres soles simul orti, in unum coivere
Tres soles visi. Plin.lib.2.cap.31.

Année de la création 3922. 41 avant Jésus-Christ
On dit que des prodiges se firent vraiment aux cotés du soleil. Trois soleils apparus ensemble, se réunirent en un seul.
On vit trois soleils. Pline, livre II, ch 31.

(Lycosthenes, p 228)
Note: le pauvre Lycosthène est complètement perdu, et pour l'an 44 multiplie les prodiges, sans se rendre compte qu'il s'agit du même raconté par plusieurs auteurs

1842, Victor Verger traduit Tite Live à travers Obsequens.
CXXVIII. Sous les consuls M. Antoine et P. Dolabella (2)
Trois soleils resplendirent en même temps, et autour du plus bas des trois brilla une couronne qui paraissait formée d'épis : revenu ensuite â un seul disque, le soleil rendit pendant plusieurs mois une lumière pâle.
(2) Même année. (An de R. 710)
(Obsequens3, p 141)

1977 Christiane Piens se base sur Obsequens, donc sur Tite Live.
Sous le consulat de M. Cicéron et P. Dolabella ( -46), ... trois soleils se montrèrent à la fois. Le plus bas des trois paraissait entouré d'une couronne d'épis qui jeta la plus vive clarté; pendant plusieurs heures, ... 32.
32. J.O., CXXVIII (67).

(Piens, p 35)
Note: C'est M. Antoine et pas M. Ciceron, et Dolabella fut consul avec lui après les ides de Mars de l'an 44 av JC, et non 46

Analyse:

parhélie
L'interprétation mise à part, le texte de Pline, et surtout celui de Tite Live, à travers Dion Cassius et Obsequens, ne laissent aucun doute, quoique les boeufs puissent en dire. Il s'agit d'un classique parhélie, avec le soleil central enrichi d'une couronne autour de lui, c'est à dire d'un cercle de Bishop, comme celui qui apparut lors de l'entrée d'Auguste à Rome.
L'affaiblissement ultérieur du soleil provient d'un autre phénomène, le nuage de poussière volcanique craché par l'Etna, qui est également responsable de la couronne.

Quant au boeuf qui prophétise, il se range dans une longue litanie de boeufs qui parlent, car les boeufs de la Rome antique semblaient très bavards, mais ce n'est que le deuxième dont on connaisse les paroles. Le premier, en 192 AC avait dit "Roma, cave tibi". Comme c'était un boeuf du consul Cnaeus Domitius, et qu'il y avait probablement d'autres témoins, il fut pris au sérieux, et traité avec soins jusqu'à la fin de sa vie. Mais il était assez facile, pour un vacher farceur et ventriloque de faire dire si peu de mots au boeuf. Ici, nous n'avons pas la caution de Tite Live, nous ne savons pas qui Eusèbe à copié, nous ignorons qui furent les témoins, et on imagine mal qu'on puisse réussir à faire prononcer toute une phrase à un boeuf, même en étant un bon ventriloque. Nous classons donc cette histoire comme une rumeuuuur. . Une rumeur qui pourrait venir des paroles d'un oracle, mais qui a eu beaucoup plus de succès que l'histoire du boeuf de Cnaeus Domitius, précisément parce qu'elle était plus invraisemblable.

Dernière mise à jour: 16/05/2022

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