5 avant JC
Jérusalem, éclipse de la mort d'Hérode
En réalité: éclipse totale de Lune, indépendante de la mort d'Hérode.
Note: notre notation est ici ambigue, car les deux éclipses observables en Judée cette année là sont certaines, mais il est seulement possibles qu'elles soient bien celle que mentionne Josèphe.

Selon les Antiquités Judaïques de Flavius Josèphe, la mort d'Hérode aurait été précédée d'une éclipse de Lune. Cette éclipse ne fut considéré jusqu'au XIXème siècle que comme une concordance accessoire: on ne lui demandait que d'avoir eu lieu. Pire, jusqu'au XVIIème siècle, les textes sacrés qu'étaient les évangiles avaient primauté sur les textes historiques. Comme l'évangile de Matthieu liait la naissance du Christ à la mort d'Hérode, on comprend que le problème ait fait noircir des tonnes de papier. Ce furent d'abord les supputations des "pères de l'église", puis les chronologistes qui firent intervenir les phénomènes astronomiques comme repères, et enfin les astronomes.
Aujourd'hui en oubliant les affirmations "ad majorem Christi gloriam" des auteurs chrétiens, et en se basant sur les seules données historiques, dont le récit de Flavius Josèphe et l'analyse de l'éclipse, on peut essayer de dater scientifiquement cette éclipse, ainsi que la mort du roi Hérode le grand.


vers 94. Flavius Josephe rapporte une éclipse suivant un massacre.

L'historien Flavius Josèphe est notre seule source pour lhistoire d'Hérode. Bien que n'ayant pas été son contemporain, il a raconté l'histoire d'Hérode avec précision, tant dans les Antiquités Judaïques que dans La guerre des Juifs. Il avait puisé ses informations dans les oeuvres de Nicolas de Damas, qui avait de bonnes raisons d'être bien informé, puisqu'il fut l'ami et le secrétaire d'Hérode. C'est donc Nicolas de Damas, qui est notre vraie source, relayée par Flavius Josèphe.
Note: Dans ce qui suit les références pour Flavius Josèphe seront: AJ = Antiquités Judaïques, et GJ = Guerre des Juifs, nombre en chiffre romain = numéro du livre, deux nombres suivant = numéro du chapitre, numéro du paragraphe.

(Hérode fait condamner Mathias, fis de Margalothe, qui avait fait arracher l'aigle d'or qu'Hérode avait placer sur le portail du temple)
Hérode, après avoir ainsi oté la charge à ce grand sacrificateur, fit brûler tout vif cet autre Mathias, auteur de la sédition, et tout ceux qui avaient été pris avec lui. Il arriva en cette même nuit une éclipse de lune.(AJ, XVII, 6, 4)
Note: Tout ceux qui avaient été pris, c'est à dire les 40 jeunes gens arrétés par les soldats du roi, après qu'ils aient mis l'aigle en pièces. Flavius Josephe mentionne également cet épisode dans "la guerre des juifs", mais sans l'éclipse de lune. Ce serait la seule éclipse mentionnée par Josephe, qui ne mentionne pas habituellement de phénomène astronomique. S'il la mentionne, c'est donc en tant qu'évènement historique, et c'est donc qu'elle fut un phénomène mémorable, associée par le peuple à un évènement dramatique. Mais pour cela, il faut que ce soit une éclipse impressionnante, totale, et même centrale pour être bien sombre, et survenant suffisamment tôt dans la soirée pour qu'un maximum de gens puissent en être témoin. Ce détail a été ignoré pendant près de trois siècle par les chronologistes, qui se sont contentés d'une éclipse pertielle, survenant tard dans la nuit, et qu'en pratique personne n'aurait remarqué.

Flavius Josèphe raconte alors que, la maladie d'Hérode s'aggravant de plus en plus, fiévreux, gangréné, il partit se soigner aux eaux thermales de Callirhoé, où on le plongea dans un bain d'huile, où il faillit trépasser, puis, désespérant de guérir, il fit des présents à ses soldats et revint à Jéricho.
On ignore combien de temps sépare la mort de Mathias du voyage à Callirhoé. On sait seulement que la maladie d'Hérode, le saccage de son aigle, le chatiment des séditieux, le voyage à Callirhoe, et le rassemblement des notables à l'hippodrome, tiennent dans le temps de l'aller-retour de ses ambassadeurs à Rome. On peut autant supposer qu'il s'écoula quelques semaines, que quelque jours pour qu'Hérode se décide à ce voyage. Pour le voyage lui même, la carte montre que de Jéricho à Callirhoé, il y a à peine qu'une journée de voyage en litière. A Callirhoé même, sa malheureuse expérience ne dut pas prendre plus d'une journée, en sorte qu'on peut compter trois jours pour l'aller-retour à Callirhoé, et peut être même deux, si Hérode revint le même jour que son bain.
Revenu à Jéricho, Hérode convoqua auprès de lui les plus notables des juifs, et les fit enfermer dans l'hippodrome, pour préparer leur massacre après sa mort, afin que le peuple ait l'occasion de se lamenter.
Si l'on remarque que Jérusalem n'est qu'à quelques heures de marche de Jéricho, et que le royaume d'Hérode n'etait pas bien grand, cette arrivée des notables à Jéricho ne dut guère prendre qu'une journée pour ceux qui venaient de Jérusalem, et quelques jours de plus si l'on admet que les émissaires d'Hérode allèrent chercher des notables au fin fond du royaume.
Hérode reçut alors des lettres de ses ambassadeurs à Rome. Souffrant de plus en plus, il tenta de se suicider. Son fils Antipater le croyant mort, tenta de persuader son géolier de le délivrer, mais apprenant cela, Hérode ordonna d'exécuter Antipater, puis refit son testament.


vers 94. Flavius Josephe rapporte la mort d'Hérode.

Cela réglé, le cinquième jour après avoir fait tuer son fils Antipater, il mourut; il avait régné trente quatre ans depuis l’exécution d’Antigone et trente-sept, depuis sa désignation par les Romains(AJ, XVII, 8, 1)
Note: Entre le supplice de Mathias et la mort d'Hérode, nous comptons donc:
- Quelques jours pour qu'Hérode, de plus en plus souffrant, décide de se rendre à Callirhoé.
- Environs trois jours (et peut être deux) pour l'aller-retour à Callirhoe.
- Quelques jours pour faire convoquer les notables.
- Un jour pour la réception des lettres.
- Un jour pour l'execution d'Antipater (mais c'était peut être le même jour que la réception).
- cinq jours depuis l'exécution jusqu'à la mort d'Hérode.
Tout ceci donne un total bien approximatif, surtout à cause de l'intervalle entre le supplice de Mathias et le voyage d'Hérode, mais on peut se donner raisonnablement une fourchette de deux à trois semaines, et non plusieurs mois comme le veulent ceux qui n'ont pas tenu compte de la petitesse des distances.


Ensuite on prépara les funérailles du roi. Archélaüs prit soin que le convoi de son père fût aussi somptueux que possible et fournit tous les ornements nécessaires pour la pompe funèbre qui devait escorter le corps...
On alla ainsi jusqu’à Hérodion, distant de huit stades, car c’est là que le roi fut enseveli conformément à ses volontés. Telle fut la fin d’Hérode.
Archélaüs observa un deuil de sept jours en l’honneur de son père — c’est ce qu’ordonne la coutume des ancêtres ; puis, après avoir offert un festin à la foule et levé le deuil, il monta au Temple.
(AJ, XVII, 8, 4)
Note: Hérodion n'est pas distant de huit stades, mais à peu près à la même distance de Jéricho que Callirhoé. La préparation et le transport, ont bien pu demander plus d'une journée, mais Flavius Josèphe ne dit pas que le deuil commença après l'inhumation. Si le deuil a bien commencé à la mort du roi, nous pouvons donc compter huit jours pour le deuil et la montée au temple, soit trois à quatre semaines du supplice de Mathias à la montée au temple.
Sur ces entrefaites, quelques Juifs, réunis par le désir d’une révolution, se finirent à déplorer le sort de Matthias et de ceux qui avaient été mis à mort avec lui par Hérode,... Ils se réunirent pour réclamer qu’Archélaüs les vengeât en châtiant les hommes honorés par Hérode, qu’en premier lieu et ouvertement, il destituât le grand-pontife désigné par Hérode et choisit un homme plus respectueux de la loi... Archélaüs, ... leur envoya donc son général d’armée et le chargea de les amener par la persuasion à renoncer à leur projet de vengeance...Mais ceux-ci, par leurs cris, l’empêchèrent de parler et le mirent en danger de mort, ainsi que tous ceux qui osaient ouvertement leur conseiller de se modérer et de renoncer à ces projets... C’était le soulèvement de quelques enragés, qui menaçait de dégénérer en une grande révolte, car la multitude affluait vers eux.
Vers ce moment, arrivait la date de la fête où la loi des Juifs prescrit de servir que des pains azymes : c’est la fête appelée la Pâque et qui commémore leur sortie d’Égypte.
(AJ, XVII, 9, 1)
Note: ici encore, un nombre de jours indéterminé mais peu important entre la montée du roi au temple et la Pâque juive. Nous en sommes à trois à quatre semaines plus quelques jours, en sorte que l'intervalle entre le supplice de Mathias et la Pâque juive parait de l'ordre d'un mois. Or si l'éclipse a bien eu lieu le soir du supplice de Mathias, la Pâque juive ayant lieu à la pleine lune, ne pouvait avoir lieu qu'un nombre fixe de lunaisons après l'éclipse. Une seule dans la cas présent puisqu'elle a lieu au printemps. C'est alors une durée de 29 jours qui séparerait l'éclipse et la Pâque. Certains auteurs exigent 42 jours, voire plusieurs mois pour tous les évènements du supplice de Mathias à la Pâque, mais nous avons vu que jusqu'au retour de Callirhoe, il ne s'est pas écoulé tellement de temps: Hérode aurait très bien pu n'attendre qu'une journée avant de partir à Callirhoé, et en revenir deux jours plus tard. En faisant des estimations minimum de temps pour l'ensemble des évènements, on tombe en deça des 29 jours. La possibilité d'une éclipse le soir du supplice de Mathias n'est donc pas ici infirmée.

La date de la mort d'Hérode étant liée à celle de la naissance du Christ, si l'on en croit l'évangéliste Matthieu, des générations de chronologistes vont tenter de trouver et prouver cette date. Certains utiliseront l'éclipse, mais ne lui donneront pas la priorité. Ce n'est que récemment qu'on s'est préoccupé de trouver une éclipse qui satisfasse aux conditions du problème

1583, Joseph Scaliger place l'éclipse en 1 av. J.C.

Joseph Juste Scaliger est considéré comme le fondateur de la chronologie moderne. Il a inventé la "période Julienne", c'est à dire une référence de temps universelle permettant de dater tous les événents historiques dans le même repère. Il s'en sert ici pour dater la mort d'Hérode, mais il utilise d'abord la classique méthode de date de commencement et de durée de règne pour dater la mort d'Hérode. La vérification par l'éclipse vient ensuite.


J.J. Scaliger
Ad hunc modum cum Herodes a Senatu rex declaratus sit , cyclo Lunæ XIX , tamen Iosephus non orditur annos eius ante Nisan , aut Ijar cycli primi. Cum autem, teste Iosepho, annos solidos 37, regnarit, decesserit vero ante Pascha, nondum Ijar instante, quem diximus fuisse principem mensium tempore Iosephi : manifesto colligitur, proximo Ijar annum Herodis 38 initurum fuisse, qui re vera erat tricesimus nonus a diebus æstivis. Itaque hoc modo Herodes decesserit anno cycli 19, exacto, primo ineunte. Idque confirmatur nono anno Archelai exacto, qui erat, ut ipse Iosephus scribit, Actiacae victoriæ tricesimus septimus. quibus annis Actiacis, si secundum doctrinam a nobis datam 10 addideris, nonus annus Archelai exactus fuerit etiam cycli nonus: ac proinde primus Archelai, fuit primus cycli : & cum eius initium pendeat ab excessu Herodis, annus excessus Herodis fuit cyclo primo ineunte. Decessit enim ante Pafcha. Apud Iosephum perperam excusum est, vitio librariorum, Philippum Tetrarcham obiisse vicesimo anno Tiberii, atque triginta septem imperasse. Legendum enim sine ullo dubio
Selon ce mode, depuis qu'Hérode fut déclaré roi par le sénat, le 19ème cycle lunaire, cependant Josèphe n'a pas fait commencer ses années avant le mois de Nisan ou d'Ijar du premier cycle. Puisqu'au témoignage de Josèphe, il regna 37 années complètes, il mourut en fait avant la Pâque, avant le mois d'Ijar, que nous disons avoir été le premier des mois au temps de Josèphe. Il est clairement montré, par la proximité d'Ijar que la 38ème année d'Hérode avait commencé, qui était en réalité la trente-neuvième aux jours de l'été. Et ainsi de cette façon, Hérode est mort dans l'année en commençant exactement au début du cycle 19. Et ceci est confirmé par la neuvième année précise d'Archélaüs, qui était, comme ce même Josèphe l'écrit, la trente-septième de la victoire d'Actium. Auxquelles années Actiennes, si, selon la règle donnée par nous, tu ajoute 10, la neuvième année exacte d'Archélaüs sera encore la neuvième du cycle. et, par conséquent, le premier d'Archélaüs, fut le premier cycle: Et comme son début est attaché au décès d'Hérode, l'année du décès d'Hérode fut au commencement du premier cycle. Car il est mort avant la Pâque. Chez Joseph on a imprimé faussement, par la faute des copistes, Philippe le tétrarque mourut la vingtième annnée de Tibère, et il a régné trente-sept ans. Car il faut lire, sans aucun doute,
Note: Scaliger sembler jongler avec ses données: de 37 années complètes, il passe à la 38ème année, ce qui est justifiable, puis passe à la 39ème. Il nous parait aussi bien optimiste, avec son "il faut lire", car nous n'arrivons pas à retrouver ces mots dans le texte grec de Josèphe, non plus dans le Bailly, ni même à déchiffrer certains caractères. Par contre nous comprenons mieux comment des copistes pouvaient se tromper.
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Haec solidis argumentis probata characterem etiam habent a Iosepho notatum, nempe defectionem Lunarem, quae in morbo Herodis contigit, anno Nabonassari 747, Tybi 18, sequente 19, feria quinta, sequente sexta. Hor.11.46'.40" post meridiem.
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Ergo 18 Tybi, 8 januarii, in quam incidit eclipsis.
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Verba Iosephi de defectione Lunae lib.XVII. [texte grec]. Subicit, quomodo ingravescente morbo tandem coniectus fuit in [texte grec] a medicis post caedem Antipatri filii, & tetrum de occidendis proceribus aulae in hippodromo initum consilium. Denique ait ipsum inter dirissimos cruciatus violentam & tyrannicam animam edidisse paulo ante solenne azymorum. Quare Herodes decessit ineunte Nisan, anno periodi Iulianae 4713, anno 38 regni sui, postquam a Senatu Rex declaratus est.

Ces solides arguments prouvés ont encore un caractère relevé par Josephe, c'est à dire l'éclipse de Lune, qui advint peu avant la mort d'Hérode, l'an 747 de Nabonassar, le 18 du mois Tybi et le 19 suivant, le jeudi et le vendredi suivant, à 11 heures 46 minutes 40 secondes du soir.
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Donc le 18 du mois Tybi, 8 janvier, ou survint l'éclipse.
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Ce que dit Josephe à propos de l'éclipse de lune, au livre XVII: quant à l’autre Matthias, le promoteur de la sédition, et certains de ses compagnons, il les fit brûler vifs. Cette même nuit il y eut éclipse de lune. Il ajoute, de quelle manière, la maladie s'aggravant, il fut finalement plongé dans un bain chaud par les médecins, ensuite le meurtre de son fils Antipater, et d'une manière affeuse le commencement du projet de massacrer les notables de la cour dans l'hippodrome. Enfin, il dit que ce même a dévoilé une âme violente et tyrannique dans les supplices les plus cruels peu avant la fête des azymes. Par quoi, Hérode, est mort au début du mois de Nisan, l'an 4713 de la période Julienne, en l'an 38 de son règne, depuis qu'il eut été déclaré roi par le Sénat.

Note: Hérode est bien mort au début du mois de Nisan et venait donc d'entamer sa 38ème année, mais ceci nous amène à l'an 751 de Rome. L'an 747 de l'ère de Nabonassar est l'an 753 de Rome, et c'est aussi l'an 4713 de la période julienne, qui est l'an 0 des astronomes soit 1 avant notre ère. Comme, à cette époque, on admettait sans réserve la réalité du récit de Matthieu qui plaçait la mort d'Hérode après la naissance du Christ, placer cette mort en l'an 1 avant notre ère permettait de rapprocher la naissance du Christ de celle supposée par Denys le petit, pour qui cette année était celle de l'incarnation. L'erreur de Scaliger (qui s'est donné bien du mal pour rien) semble orientée.
(Joseph Scaliger, opus novum de emendatione temporum, Paris, 1583, p 239 )

1590, Heinrich Bünting fait mourir Hérode en l'an 1 de notre ère, mais ignore l'éclipse

Heinrich Bünting, alias Büntingus, est surtout connu comme l'auteur de Itinerarium Sacrae Scripturae, un traité de géographie biblique illustré de gravures sur bois. Mais il a aussi publié une chronologie depuis la création du monde agrémenté de calculs et de dessins d'éclipses, comme pour l'éclipse annoncée par Sulpicius Gallus. Il semble d'ailleurs être le premier chronologue à publier des dessins déclipses. On pourrait donc penser qu'il nous gratifierait d'un calcul de l'éclipse d'Hérode, puisqu'il cite Flavius Josèphe. Hé bien non.
DE PRIMO ANNO CHRISTI VULGARI, QUI EST SECUNDUS POST VERAM eius nativitatem, ad urbe autem condita 753.
...
  Sexto die Ianuarii, quo Epiphaniae festum celebramus, feria videlicet quinta, sive die Jovis, MAGI ex Persia hoc anno oblatis muneribus infantem IESUM adoraverunt ut Messiam, cum ageret annum aetatis suae secundum. Paulo enim post Herodes iussit trucidari omnes masculos bimulos, in oppido & agro Bethlehemitico. Luc.2.
  Primum dies mensis Nisan sive Abib cohaeret hoc anno cum 14. die Martii, tali igitur die incepit annus Mundi 3969. Festum ergo Paschatis incidit in 27. diem Martii.
  Et paulo ante hoc Pascha crudeli morte extinctus est HERODES Rex Judaeorum, duobus tantum mensibus post necem innocentum puerorum, anno aetatis suae 70. Regni autem a prima sua coronatione quadragesimo, tricesimo septimo autem a capta Ierosolyma.
Vide Josephum, antiquit.lib.17.cap.8.9.10.& Iosippum lib.2.cap.24.& 25.

De la première année après Jésus-Christ, qui est la seconde après sa vraie naissance, et l'an 753 de Rome
...
Le six janvier, ou nous célébrons l'épiphanie, apparemment le cinquième jour, soit le jeudi, des mages venus de Perse chargés de présents, adorèrent cette année l'enfant Jésus comme le messie, alors qu'il était dans sa deuxième année. Car peu après Hérode envoya tuer tous les enfants males de deux ans dans la ville et la contrée de Bethléhem. Luc.2.
Le premier jour de Nisan ou Abib, tombe cette année là le 14 mars, à un tel jour commença donc l'an 3969 de la création. La fête de la Pâque arriva donc le 27 Mars.
Et peu avant la Pâque Hérode, le roi des juifs, s'éteignit d'une mort cruelle, seulement deux mois après le massacre des innocents, à l'age de 70 ans, à la quarantième année de son règne depuis son couronnement, la trente-septième depuis la prise de Jérusalem.
Voyez Josèphe, Antiquités Judaïques, livre 17, ch. 8, 9 et 10, Guerre des juifs, livre 2, ch. 24 et 25.

Note: Pourquoi Bünting, qui a l'air si savant avec ses dessins d'éclipse, ne nous dit il rien de l'éclipse d'Hérode? On pourrait croire que sa science lui a permis de comprendre que cete éclipse n'avait rien à voir avec la mort d'Hérode. Il n'en est rien, c'est tout simplement que Büntig n'est qu'un chronologue du dimanche. Voyons plutôt:
Il place l'an 1 de notre ère en 753 de Rome, alors que c'est 754. La chronologie de son livre, pour la période romaine, s'en trouve faussée d'un an.
Il copie l'évangile, mais l'évangéliste n'a jamais dit que les mages venait de Perse, et surtout, cet évangéliste était Matthieu, et non Luc.
Il fait durer le règne d'Hérode 40 ans depuis sa nomination, et 37 depuis la prise de Jérusalem, Alors que selon Flavius Josèphe, c'est 37 et 34 ans respectivement.
Et néanmoins, il nous invite à vérifier dans les livres de Flavius Josèphe!
Ses dessins d'éclipses font savants, mais sont faux. L'éclipse de 188 avant notre ère fut totale à Rome, alors que son dessin montre une éclipse très partielle.
Conclusion: Büntig n'est qu'un chronologue bidon, et c'est pourquoi il est si peu cité.

(Heinrich Bünting, CHRONOLOGIA, Magdebourg, 1590, folio 214 )

1605 Calvisius choisi aussi l'an 1 av. J.C., mais se prend les pieds dans ses calculs.

Seth Kalwitz, en latin Sethus Calvisius, de formation musicale, vint à la chronologie, et lui aussi utilisa les éclipses comme repère (il en aurait répertorié 300). La première édition de son Opus chronologicum date de 1605, et fut réédité juqu'en 1685.

Calvisius
Ita etiam hoc loco Herodes a Iosepho dicitur trigenta septem annis regnasse, hoc est, tricies septies sub ipso Pascha celebratum fuisse, designatus autem fuit rex a Senatu, ut diximus anno Iuliano sexto, ineunte aestate post Pascha celebratum. Ideo Iosephus ab hoc anno regnum ejus non orditur, sed a sequenti anno a Paschate, unde factum est, ut postea diceret: Herodem anno tertio Hierosolymam expugnasse, cum tamen, quemadmodum hoc tempus per circumstantias describitur, ut videre est in Chronologia, rectè dici deberet: Herodem quarto anno Hierosolymam expugnasse, id quod etiam ordo Consulum Romanorum ostendit. Sic dicit etiam Herodem triginta septem annos regnasse, cum tamen triginta octo ferè annos regni secundum hanc ipsius computationem impleverit, mortuus n. est paulo ante Pascha. Adde ad sextum annum Iulianum, quod declaratus est rex, Paschata 37. pervenies ad Pascha anni Iuliani 43. & inde vixit, usque in annum sequentem, & mortuus est paulo ante Pascha tricesimum octavum sui regni, quemadmodum hoc apertè a Josepho affirmatur. Mortuus autem est secumdum hanc Iosephi numerationem anni Iuliano 44. ineunte, hoc est, cyclo Lunae 19. incipiente. Annis enim Iulianis ad methodum Lunaris cycli adduntur tredecim.
Ainsi ici encore Hérode est dit par Josèphe avoir régné trente sept ans, c'est à dire que la Pâque fut célébrée trente sept fois sous on règne, depuis qu'il fut désigné roi par le Sénat, comme nous l'avons dit l'an 6 Julien, au commencement de l'été après la célébration de la Pâque. Pour cette raison Josèphe ne fait pas commencer son règne de cette année, mais à la Pâque de l'année suivante, d'où il fut fait roi, comme il le dit ensuite: La troisième année, Hérode a pris Jérusalem, alors que cependant, ainsi qu'il est décrit à cette époque par les circonstances, comme on le voit dans la Chronologie, on devrait dire: La quatrième année, Hérode a pris Jérusalem, ce que montre encore les fastes consulaires. Ainsi il dit encore qu'Hérode avait régné trente-sept ans, alors que cependant, selon ce même calcul, il remplit près de trente huit ans, il est mort peu avant la Pâque. Ajoute à la sixième année julienne, où il fut déclaré roi, 37 Pâques, tu arrives à la Pâque de l'année Julienne 43, et à partir de là, il vécut jusque que dans l'année suivante, et mourut peu avant la trente huitième Pâque de son règne, Comme il est explicitement affirmé par Josephe. Il est donc mort selon ce décompte de Josèphe l'année Julienne 44 ayant commencé, c'est à dire le 19ème cycle lunaire commençant. Car aux années juliennes on ajoute 13 à la méthode du cycle lunaire.
Eundem terminum idem Iosephus etiam definit, quando ait: Herodem post interfectum Antigonum triginta quatuor annos imperasse: post Pascha enim Hierosolymam expugnavit, et ante Pascha mortuus est. Hanc sentenciam ulterius Iosephus confirmat quando lib. 18. antiquitatum Iudaïc. cap. 3. ait: Quirinium Archelai bona in fiscum Caesaris Augusti redegisse, anno Actiacae victoriae tricesimo septimo, cum Archelaus Ethnarcha anno regni decimo, Viennam in Gallicam relegaretur. Annis Actiacae victoriae ad methodum cycli Lunaris additur novenarius, ut supra satis disputatum est, si hic addatur, tum incidit confiscatio bonorum Archelai in annum Actiacae victoriae, qui quidem a cyclo octavo incipit, sed post Calendas Ianuarii ad cyclum Lunae nonum decurrit. Si jam nonus annus cycli Lunaris, quo Archelai bona in fiscum redacta sunt, & Iudaea Provinciae Syriae attributa, est decimus annus Archelai. Ergo Archelaus coepit post obitum parentis Herodis a Paschate illius anni, qui habuit cyclum lunae decimum nonum.Iterum igitur Iosephus confirmat Hérodem defunctum, anno Iuliano 44. Cyclo decimo nono incipiente.
Le même Josèphe détermine encore cette même fin, quand il dit: Hérode a régné trente quatre ans après la mort d'Antigone. car il prit Jérusalem après la Pâque et mourut avant la Pâque. Josèphe confirme plus loin cette opinion quand, au livre 18 des Antiquités Judaïques, chapitre 3, il dit: Quirinus à perçu les biens d'Archélaüs pour le trésor de César Auguste, la trente septième année de la victoire d'Actium, alors que l'ethnarque Archélaüs, la dixième année de son règne, fut rélégué à Vienne en Gaule. 9 ans sont ajoutés aux années de la victoire d'Actium, ainsi qu'il est assez discuté plus haut, si ceci est ajouté, alors la confiscation des biens d'Archélaüs arrive dans l'année de la victoire d'Actium, qui certes commença au huitième cycle, mais alla jusqu'au neuvième cycle lunaire après les calendes de Janvier. Dès lors la neuvième année du cycle lunaire, où les biens d'Archélaüs sont ramenés au trésor, et la province de Judée attribuée à la Syrie, est la dixième année d'Archélaüs. Donc Archelaüs commença à régner après la mort de son père Hérode à la Pâque de cette année, qui eut lieu au dix neuvième cycle lunaire. Par conséquent Josèphe confirme à nouveau qu'Hérode est mort l'année julienne 44, au commencement du dix neuvième cycle.
Note: l'année julienne 44 correspond à l'an 2 avant notre ère, et à l'an 752 de Rome. Comme Scaliger, Calvisius a essayé de reculer la mort d'Hérode le plus tard possible.
...
Scribit enim lib.17. Antiquitatum Iudaic. c.8. Cum Herodes in gravissimum morbum incidisset, ita ut de salute ejus desperaretur, quosdam adolescentes studiosos, suasu suorum praeceptorum, aquilam auream, quam Herodes foribus templi imposuerat, dejecisse & fregisse, eosque adolescentes quadraginta numero cum praceptoribus suis captos, vivos combustos fuisse, eo die, quem secuta est eclipsis Lunae, & Herodem paulo post cum morbus quotidie augeretur... obiisse, paucis diebus ante pascha. Quae jam certitudo sit Eclipsium omnes norunt, qui mathemata tantum aliquo modo degustarunt, ideo de ea non dubitandum, accidit autem 10. die Januarii hora secunda matutina, feria septima ineunte, cyclo Lunae primo incipiente.
Car il écrit au livre XVII des Antiquités Judaïques, chapitre 8: Alors qu'Hérode tomba dans une une maladie grave, au point d'être désespéré de son salut, quelques jeunes gens zélés, à l'exhortation de leurs maîtres, jetèrent bas et fracassèrent un aigle d'or qu'Hérode avait placé au fronton du temple, et ces jeunes gens, au nombre de quarante avec leurs maîtres, furent brulés vifs, ce jour, que suivit une éclipse de lune, un peu après, Hérode, alors que la maladie s'aggravait chaque jour... mourut quelques jours avant la Pâque. Laquelle, maintenant qu'il y a une certitude des éclipses comme savent tous ceux qui ont taté de ce genre de calcul, par conséquent sans aucun doute, arriva en outre le 10 janvier, à la deuxième heure du matin, au début du septième jour de la semaine, au commencement du premier cycle lunaire.
Note: L'éclipse a bien eu lieu le 10 janvier, mais de l'année julienne 45, 753 de Rome, 1 avant notre ère. Comme Scaliger, Calvisius s'est planté puisque l'éclipse aurait du précéder la mort d'Hérode, alors qu'ici, elle a lieu l'année suivante.
(Sethus Calvisius, opus chronologicum, Francfort sur l'Oder, 1620, p 169 )

1627, Denis Pétau préfère placer l'éclipse en 4 av. J.C.

Denis Pétau, alis Petavius

Le père jésuite Denis Pétau, érudit, théologien et philologue, auteur d'une oeuvre impressionnante dont la bibliographie tient en 15 colonnes, est surtout connu des astronomes pour son traité de chronologie de doctrina temporum, où il donne les calculs de nombreuses éclipses, ce qui lui valut un cirque lunaire à son nom (Petavius).
Dans ce traité, il ne fait pas une longue dissertation sur la datation de l'éclipse d'Hérode, mais en donne directement le calcul.
Six ans plus tard il s'en expliquera dans Rationarium temporum.

(calcul publié p.820 de de doctrina temporum.)

Nous ne traduisons que l'indispensable:
Calcul de l'éclipse de Lune qui survint l'année 4710 de la période Julienne, l'année julienne 42 vers la mort d'Hérode, 4 avant l'ère chrétienne.
Nombre d'or 17, cycle solaire 6, G.

...
Pleine lune le 13 mars, à 2 H 48 depuis minuit.
...
Donc 6 doigts, et un peu plus
Note: pour les astronomes de l'époque, un doigt valait un douzième du diamètre lunaire. Ceci est peut être à mettre en relation avec le diamètre qu'on attribue subjectivement à la lune, et qui fait justement la largeur de douze doigts.
...
Début de l'éclipse à Jérusalem

milieu

fin
1 H 17 mn

2 H 45 mn

4 H 13 mn
après minuit.

elle dura

2 H 56 mn

Note: Bien qu'il utilise le système de datation de Scaliger, Petau ne choisit pas la même éclipse, et préfère celle du 13 mars 4 av. J.C., tout en calculant qu'elle ne fut que partielle (6 doigts), et ne commença qu'à 1 H 17 du matin. Ce qui ne convient pas à l'éclipse cité par Josèphe, qui doit avoir été à la fois totale et vespérale pour que le peuple en fut impressionné.
(Denis Petau S.J., opus de doctrina temporum, Paris, 1627, p 820 )

1633. Denis Petau explique pourquoi il a choisi l'an 4.

Quorum ille ab anno Juliano 9, quo Antigonus interemptus est, regnasse scribit Herodem annis 34. (g) Dio vero anno Juliano 51. Lepido & Arruntio Coss. Herodem Palaestinum ait a fratribus accusatum trans Alpes ab Augusto esse relegatum, ejusque Tetrarchiam provinciae contributam. Hic non alius esse potest, quam Archelaüs, qui Herode mortuo, Judae Tetrarchiam impetravit ab Augusto, & anno decimo ab eodem ejectus est. Deductis annis novem solidis de 51. reliquus est annus Julianus 42. quo Herodes obiit. (h) Cujus etiam exitum lunaris defectio praecessit, teste Josepho, quae eodem anno deprehenditur Martii 13. horâ ferè tertiâ ab nocte media.
(en marge)
g Dio.55.
h Joseph. l.18.c.15 l.17.c.8.& 15.

Dont il écrit que depuis l'an 9 Julien, où Antigone fut tué, Hérode a régné 34 ans. Dion dit en vérité que l'an 51 julien, Lépidus et Arruntius étant consuls, Hérode le Palestinien, accusé par ses frères fut rélégué par Auguste au dela des Alpes, et sa Tétrarchie transformée en province. Celui ci ne peut être autre qu'Archélaüs, qui, Hérode mort, obtint d'Auguste la Tétrarchie de Judée, et la dixième année en a été évincée par le même. Retranchant neuf années complètes de 51, il reste l'an 42 julien où mourut Hérode. Dont une éclipse de lune précéda encore la mort, au témoignage de Josèphe, qui, la même année, se produisit le 13 mars, à environ trois heures après minuit.
Note: Ce calcul se base sur Dion, et sur la durée du règne d'Archélaüs, qui varie d'un an entre les deux livres de Josèphe. Dion étant moins fiable que Josèphe, il y a donc, au minimum, une incertitude d'un an dans la date de la mort d'Hérode, mais l'éclipse vient à point pour confirmer le calcul, même si en pratique, elle n'a pas eu de témoins.
(Denis Petau S.J., Rationarium temporum, Paris, 1633, p 448 )

1650, James Ussher fait confiance à l'astronomie et en deduit la date de la Création.

L'archevèque anglican James Ussher, en latin Usserius, est surtout connu pour avoir inspiré les créationnistes et fondamentalistes américains, qui ne jurent que par sa date de création du monde: 4004 avant notre ère. En fait, Il existe des dizaines de datations de la création du monde, basées sur la Bible. Mais nous allons voir que l'éclipse a joué un role dans cette datation.

James Ussher
Anno mundi 4000, Anno Perodi Julianae 4710, Anno ante aeram Christianam 4

JESUS CHRISTUS, Dei filius, in temporis plenitudine, Bethlehemi ex beatissimam Virgine Mariam natus est. [Matth.I.25.]
...
Magi ab oriente, duce Stellam, Hierosolymam ad regem Herodem venientes, ibique e docti locum Christi natalem esse Bethlehemum Judae, eo profecti sunt : et domum a superstante Stellam demonstratam ingressi, invenerunt ibi puerulum cum Mariam matre ipsius ... [Matth.II.1,-12.]
...
Matthiam vero alterum, seditionis consortem, ejusque socios vivos exulsit: & Luna nocte ea defecit. [id. ibid] Quam eclipsim die Martii 13° horis 3. post mediam noctem fuisse factam, astronomicus calculus indicat.
...
His ita ordinatis, quintam die postquam Antipatrum filium occidit, vitam Hérodes defunctus est.


An 4000 de la création, an 4710 de la période Julienne, an 4 avant l'ère Chrétienne.

JESUS CHRIST, fils de Dieu, dans la plénitude des temps, naquit à Bethlehem de la très sainte Vierge Marie. [Matthieu, I, 25]
...
Des mages de l'orient, conduits par l'étoile, venant à Jérusalem auprès du roi Hérode, où ils apprirent des savants que le lieu de naissance du Christ était Bethlehem de Judée, s'en allèrent: et entrant dans la maison désignée par l'étoile au dessus d'elle, y trouvèrent un petit enfant avec sa mère, Marie... [Matthieu,II, 1 à 12.]
...
Mais l'autre Matthias, son associé de sédition, et ses compagnons fut banni des vivants: et cette nuit la lune s'éclipsa. [Josèphe, livre XVII, ch. 8] laquelle éclipse eut lieu le 13 mars à 3 heures, ce qu'indique le calcul astronomique.
...
Ainsi, ces choses en ordre, le cinquième jour après qu'il ait tué son fils, Hérode quitta la vie.

Note: Le raisonnement de Ussher vaut son pesant de naïveté prétentieuse.
Ussher place la naissance de Jésus, l'éclipse, et la mort d'Hérode la même année, et selon lui, le calcul astronomique nous apprend que l'éclipse eut lieu en l'an 4 avant notre ère, donc Jésus est né en 4 avant notre ère.
D'autre part l'apotre Pierre nous apprend qu'un jour devant le Seigneur est comme mille ans (2 Pierre 3,8), d'ou Ussher déduit que les six jours de la création représente six millénaires, ce qui est la durée du monde. Comme Ussher vivait plus d'un millénaire et demi après la naissance du Christ, et qu'il n'imagine pas que le Christ ait pu naitre à un autre moment qu'un changement de millénaire, il en déduit que quatre millénaires s'étaient écoulés quand le Christ est né, et donc que le monde a été créé en 4004 avant J.C.
Et c'est là qu'on voit l'importance fabuleuse de l'éclipse de la mort d'Hérode: Elle permet de dater la naissance du Christ, et par là, la création du monde!
Mais tout cela est absurde. L'équivalence entre un jour du Seigneur et mille ans des hommes, est aussi écrite au livre des Psaumes (Psaumes, 90,4) et dans le Coran (Sourate 32, verset 4). Ce raisonnement puéril a d'ailleurs été utilisé par Harold Camping pour prédire, à deux reprises, la fin du monde en 2011. Mais cela ne veut absolument pas dire que 1 jour de Dieu = 365220 jours des hommes. Cela veut simplement dire que le temps ne s'écoule pas pour Dieu comme pour les hommes, et qu'auprès de Dieu, un jour équivaut à un nombre d'années plus grand que les hommes ne peuvent l'imaginer. le Brahmanisme va beaucoup plus loin: 1 jour de Brahma = 4320000000 ans, soit 1577750400000 jours des hommes. L'apotre Pierre peut aller se rhabiller.
Et quand bien même on admettrait ce raisonnement, le rapporter aux six jours de la création signifierait que la création du monde a pris 6000 ans à Dieu, et non que le monde, une fois créé devait durer 6000 ans (auquel cas la fin du monde aurait eu lieu en 1996).
Ainsi, alors que la datation d'Ussher est la mieux admise, elle est aussi la plus farfelue et la plus fausse, car elle s'appuie sur un bête calcul symbolique, et non sur une vraie chronologie. Encore une fois, l'ntensité d'une croyance est proportionnelle à sa fausseté, comme on l'a déja remarqué en ufologie, où un témoin est d'autant plus pris au sérieux qu'il est plus mauvais témoin, et où la réfutabilité d'une observation est directement proportionnelle à sa publicité (plus c'est gros, mieux ça passe).
Enfin, le calcul astronomique ne nous indique absolument pas qu'elle fut l'année de l'éclipse. Il nous indique seulement que si l'éclipse eut lieu en 4 avant notre ère, ce fut le 13 mars. Ussher semble faire, pour l'éclipse une confiance aveugle à Pétavius, qui pourtant plaçait la création du monde en 3984 avant notre ère, et non en 4004.

(James Ussher, Annales veteris testamenti a prima mundi origine, Londres, 1650 )

1651, Riccioli recense trois éclipses

le père Jésuite Giovanni Battista Riccioli, est surtout connu comme contempteur de Copernic. Chargé par ses supérieurs de réfuter le système de Copernic, il publia en 1651 dans ce but : Almagestum novum (le nouvel Almageste). Le livre V, "De Lunae et solis eclipsibus", mentionne au chapitre XIX, les trois dernières éclipses avant l'ère chrétienne.

Riccioli
Lunae Eclipsis : Anno Iuliano 42. nocte inter 12. & 13. Martij, quæ ex calculo Petavii lib.8. cap.13 de Doctrina temporum & in Rationario lib.4, cap.22. fuit digitorum 6. & Hierosolymis Hora : 1. 17'. post mediam noctem coepit, desijtq. H.4. 13'. + at ex Calculo Kepleri in Rudolphinis pag. 103. fuit digitorum 5. 34'. & coepit in Iudaea H. 3. 20'. desijtq. H.5.15' post mediam noctem: Censent autem hanc esse illam Eclipsim, quam Iosephus Historicus lib. 17. Antiquit. Iud. cap.8. & lib.2. de bello Iudaico cap.21. visam esse narrat ante obitum Herodis infanticidæ ;
...
Interim moneo, alias Eclipsa Lunae ante ortum Salvatoris extitisse , que preambulae morti Herodis esse potuerunt, nisi aliunde Historia Iosephi, Dionis, Taciti & aliorum ad hanc Eclipsïm nos, compellant eligendam . Nam ut notat Scaliger de Emend. tempor. pag.16. & 463. & Salianus cum multis ad Annum Mundi 4053. num.23. accidit Eclipsis Anno luliano 45. nocte sequenti diem 8. Ianuarij; unde concludit Salianus, nec abnuit Scaliger, Salvatorem natum Anno 44. Iuliano . Sed & eodem anno die 29. Decembris fuit Eclipsis visibilis in Iudæa , & totalis cum mora.


Eclipse de lune: L'année Julienne 42, la nuit du 12 au 13 mars, qui d'après les calculs de Petau, De doctrina Temporum livre 8, chapitre 13, et dans Rationario, livre 4, chapitre 22, fut de 6 doigts et à Jérusalem survint à 1 H 17 mn après minuit, et finit à 4 H 13 mn, + et selon les calculs de Kepler dans ses Rudolphines fut de 5 doigts 34' et survint en Judée à 3H 20 mn et finit à 5 H 15 mn après minuit. On estime en outre que celle ci fut cette éclipse que Josèphe L'Historien, au livre XVII, chapitre 8 des Antiquités Judaïques, et au livre II, chapitre 21 de La Guerre des Juifs raconte avoir été vue avant la mort d'Hérode l'infanticide.
Note: Riccioli ne fait que compiler, sans esprit critiques, les assertions des autres. Il mentionne donc ici l'éclipse de 4 av. J.C. qui fut celle de la mort d'Hérode pour Petau et Kepler.
...
En attendant, j'avertis que d'autres éclipses de lune furent visibles avant l'apparition du sauveur, qui ont pu précéder la mort d'Hérode, si ce n'est en d'autre passages en l'histoire de Joseph, Dion, Tacite et d'autres nous ont légué pour cette éclipse. Car ainsi que le note Scaliger, De Emendatione Temporum, page 16 et page 463, et Salianus avec beaucoup, l'an 4053 de la création, numéro 23, il arriva une éclipse de Lune, l'année Julienne 45, la nuit suivant le 8 janvier, d'où Salianus conclut, et que Scaliger ne nie pas, que l'année de la naissance du Sauveur fut la 44 Julienne.
Note: Deuxième éclipse possible, en 1 av. J.C. sous l'autorité de Scaliger. Quant à Salianus, il place donc la naissance du Christ en 2 et la mort d'Hérode en 1 avant notre ère.
Mais et la même année le 29 décembre, il y eut une éclipse de lune visible en Judée, et totale avec un délai.

Note: L'éclipse du 29 décembre fut partielle (magnitude de l'ombre 0.57) quelque soit le temps d'attente. Cette erreur de Riccioli sera néanmoins reprise.
(Giovanni Battista Riccioli , Almagestum novum, Bologne, 1651, tome I, p 366 )

1674, Louis Moreri montre le désaccord des datations et choisit l'an 1 de notre ère

L'abbé Louis Moréri est l'auteur du premier dictionnaire historique, qui dans sa première édition ne fut, en fait, qu'un dictionnaire de noms propres. Un personnage biblique comme Hérode pouvait bien avoir une notice s'étalant sur trois pages.

Louis Moreri
Il mourut environ la fête de Pâques, en l'année de la naissance du Fils de Dieu; 46. Iulienne, en la soixante-onzième de sa vie commencée; la quarantième de son règne à compter depuis qu'il fut déclaré Roy par le Sénat, & la trente-septième depuis la prise de Iérusalem & la mort d'Antigone son competiteur. Il avoit eu neuf ou dix femmes, & laissa trois fils, Archelaüs, Herode Antipas et Philippe, ses successeurs. S. Matthieu, ch. 2. Iosephe, li. 14. 15. 16. & 17. ant. Jud. Torniel, Salian, Sponde, Baronius, in Annal. &c.
=> Ce que j'ay dit en fixant l'année de la mort d'Hérode n'est pas reçu de tous les Auteurs. Ils sont extrèmement partagez en cecy, et leurs opinions sont assez différentes. Car Nicephore Caliste semble dire dans son Histoire Ecclésiastique, li. 1. c. 14. qu'Hérode mourut en la troisième année de la naissance de IESUS-CHRIST. S. Epiphane, in Panar. li.1.c.21 la met en la quatrième, Sulpice Sévère, li.2. Hist.Sacra en la cinquième. Eusèbe, in Chron. & Bede, de Sex Aetatib. en la sixième; et le cardinal Baronius en la huitième.
Note: année 46 julienne = an 754 de Rome = an 1 de notre ère. Moreri semble vouloir respecter l'évangile de Matthieu en plaçant la mort d'Hérode juste après la naissance du Christ, mais il n'a pas compris que pour Denys le petit, Jésus est né le 25 décembre de "l'année de l'incarnation" qui n'est pas l'an 754 de Rome, mais l'an 753. Et si Hérode est mort vers Paques, l'année de la naissance du Christ, alors il est mort avant cette naissance, et non après. Les autres datations mentionnées ci dessus paraissent absurdes, mais il faut faire attention à ce que ces différents auteurs ne placent pas non plus la naissance du Christ en l'an 1.
(Louis Moreri, Le grand dictionnaire historique, Lyon 1674, p 622 à 624 )

1722. Dom Calmet reprend la datation de Pétau, mais ne cite pas l'éclipse.

Dom Calmet, connu pour ses savantes dissertations qui parsèment son édition de la Bible, et aussi l'auteur d'un Dictionnaire de la Bible. Il y consacre trois pages et demie au personnage d'Hérode.

Dom Augustin Calmet
Hérode naquit l'an du monde 3932. avant J.C. 68, avant l'ère vulgaire 72.
Note: On voit que Dom Calmet place la naissance du Christ quatre ans avant "l'ère vulgaire", celle de Denys le petit.
Le Sauveur du Monde étant né à Bethléem,(i) des Mages vinrent de l'Orient pour lui rendre leurs hommages. Ils suivirent un phénomène lumineux qui les conduisit dans la Judée. Etant arrivez à Jérusalem, ils demandèrent ou étoit le nouveau Roi des Juifs. (k) A leur arrivée, toute la ville de Jérusalem fut troublée; (l) & Hérode, qui étoit alors à Jéricho, (a) où il se faisait traiter d'une maladie de langueur, dont il mourut quelque temps après, en fut aussi tout troublé;
en marge:
(i) l'An du Monde 4000. le 25. Décembre
(k) An du Monde 4001. avant J.C. 1. 4 ans avant l'Ere vulg.
(l) Matth. II, 1.2.
(a) Antiq. l. 17., c. 8. & de bello l.1.c.21.

Note: ici le syncrétisme de Dom Calmet lui fait jouer les équilibristes pour concilier le récit de Matthieu et celui de Flavius Josèphe. Matthieu laisse entendre qu'Hérode se trouvait alors à Jérusalem, alors que Josèphe, qui ne parle pas des mages, dit qu'il mourut à Jéricho.
Le bruit s'étant un jour répandu qu'Hérode étoit mort, quelques jeunes gens abbattirent en plein midy, un grand aigle d'or, qu'il avoit fait mettre sur le grand portail du Temple, contre les usages de la Loi des Juifs. (e) Hérode fit arréter les auteurs de cet attentat, avec quarante de leur disciples, & les fit brûler tout vifs.
en marge: (e) Antiq. l. 17., c. 8. & de bello l.1.c.21.
Note: Curieusement, pas un mot sur l'éclipse. Il est vrai que la source est inexacte, c'est le chapitre VI et non le chapitre VIII.
Il demanda un couteau pour peler une pomme, ainsi qu'il avoit accoutumé de faire, et voulut s'enfoncer le couteau dans le corps: mais Achiab son cousin lui retira la main et jetta en même temps un grand cri; ce qui mit tout le palais en trouble, comme si le roi eut été mort. Ce cri pénétra jusqu'à Antipater. Il crut qu'Hérode étoit expiré, & tâcha de persuader à ses gardes de le mettre hors de prison. L'officier qui en étoit chargé, au lieu de l'écouter, alla en avertir Hérode, qui commanda sur le champ qu'on l'allât tuer. Il ne survêcut son fils que de cinq jours, durant lesquels il changea son testament, & donna le royaume à Archélaüs; la Gaulanite, la Trachonite, la Batanée, à Philippe frère germain d'Archélaüs; & la Galilée & la Pérée à Hérode Antipas. Ainsi mourut Hérode (b), agé de près de soixante & dix ans, après avoir régné trente-six ou trente-sept ans depuis qu'il eut été déclaré Roi par le sénat, et trente-quatre ans depuis qu'il fut demeuré maître de la Judée par la mort d'Antigone.
en marge: (b) An du Monde 4001. de J.C. 1. avant l'Ere vulg. 4.
Note: On voit que Dom Calmet place la naissance du Christ et la mort d'Hérode la même année, mais au prix d'une savante alchimie ménageant l'évangéliste Mathieu et l'historien Josèphe.
(Augustin Calmet, dictionnaire de la bible, tome 1, p 343 à 346 )

1745, Lenglet Du Fresnoy respecte les dates conventionnelles.

Nicolas Lenglet Du Fresnoy fut un érudit, historien et bibliographe, qui fut à l'occasion collaborateur de l'encyclopédie. Il a aussi taté de la chronologie en publiant d'abord en 1729 des Tables chronologiques de l’histoire universelle, en ... 4 doubles pages, portant des tableaux synoptiques. Puis en 1745 dans ses Tablettes chronologiques de l’histoire universelle, il publie une chronologie depuis la création du monde, sous une forme plus conventionnelle.
Avant J.C.
4
 Le premier de Janvier, la Circoncision de Jésus-Christ
 Adoration des mages le 6 janvier.
 La Sainte Vierge & Saint Joseph emmenent Jésus-Christ en Egypte.
 Peu avant la mort d'Hérode, Joazar, fils de Simon Boethus, est établi Souverain Pontife des Juifs; mais peu de temps après la mort d'Hérode, Archelaüs lui substitue Eleazar, frère de ce Pontife.
 Josephe assure qu'Hérode est mort vers la Pâque ce cette année.

Lenglet Du Fresnoy
(Nicolas Lenglet Du Fresnoy, Tablettes chronologiques de l’histoire universelle, La Haye, 1745, p 128 )
Note: L'auteur pratique un syncrétisme qui lui permet de respecter les dates du calendrier. Josèphe n'assure rien quant à la date. Il donne la durée de règne d'Hérode. Ce sont les chronologistes qui assurent qu'Hérode est mort à telle date, généralement fausse.

1767, Gibert démontre qu'Hérode est mort l'an 2 av. J.C. ... à l'aide d'une éclipse invisible.

Dans le cadre d'une étude sur l'ancienne année des juifs et sur la célébration de leur Pâque, Joseph Balthasar Gibert, apporte sa démonstration personnelle sur la date de la mort d'Hérode.

Joseph B. Gibert
Je ne puis m'empêcher de dire ici un mot de l'année de cette mort. L'opinion qui semble presque prévaloir aujourd'hui, la met en l'an 4e avant l'ère vulgaire. Cependant j'ose dire que c'est de toutes la moins bien fondée. En effet, cette année ne convient ni à la durée du règne de ce Prince dans les deux manières de le compter, ni aux caractères que l'histoire donne à l'année de sa mort.
  1.° Au mois d'avril de l'an 4 avant notre ère, il n'y avoit pas plus de trente-trois ans qu'Antigonus étoit mort, puisque ce Prince mourut l'an 37, &. même à la rigueur il n'y avoit que trente - deux ans & trois ou quatre mois, puisqu'il ne mourut qu'à la fin de l'année. On n'a non plus que trente-six ans & trois ou quatre mois au plus depuis & compris tout l'an 40 auquel Hérode fut déclaré Roi. Or ni l'un ni l'autre de ces intervalles n'est suffisant, puisque Josèphe donne à ce Prince trente-quatre ans de règne depuis la mort d'Antigonus; & trente-sept depuis qu'il fut-déclaré Roi. Aussi ne se sauve-t-on de cette difficulté qu'en disant que l'historien Juif a compté les années commencées pour des années complètes; mais cette solution ne suffit pas ici.
Note: Cette remarque est exacte, comme nous le verrons dans notre analyse.
  2.° Il y eut une éclipse de Lune la nuit quelques mois avant sa mort, qui précéda de peu de jours la fête de Pâques. Je dis quelques mois avant sa mort: car quoique cette éclipse soit arrivée pendant sa maladie, cependant tout ce qui se passa depuis jusqu'à là mort, comme les poursuites qu'il fit faire à Rome (e) contre son fils & contre Acmé, affranchie de Livie, leurs succès & la nouvelle qu'il eut le temps d'en recevoir, son voyage aux eaux de Callirhoé, où il alla chercher inutilement le secours des bains, son retour à Jéricho, la convocation qu'if fit auprès de lui des principaux de toutes les villes & villages de son Royaume, qu'il fit ensuite arrêter & enfermer dans l'hippodrome, voulant que ses héritiers les fissent mourir au moment qu'il mourroit lui-même; tous ces faits, dis-je, & plusieurs autres demandent manifestement quelques mois: or on trouve bien l'an 4 avant l'ère vulgaire une éclipse de Lune la nuit du 13 mars; mais elle ne peut convenir à celle de la maladie d'Hérode, parce qu'elle ne précède la fête de Pâque que de vingt-cinq à vingt-six jours, & qu'elle n'en laisseroit pas quinze jusqu'a sa mort. De-là vient que ceux qui la prennent pour celle qu'indique Josèphe, sont obligés ou de supposer que la fête de Pâque fut remise cette année-là & retardée d'un mois, ce qui est une conjecture hasardée & sans fondement, ou de reculer la mort d'Hérode jusqu'au mois de novembre suivant, ce qui fait manifestement violence au récit de Josèphe.
(e) On mettoit alors quelquefois plus de deux mois à faire le trajet de Judée à Rome. Vid. de bell. Jud. l. II, c. 19, in fìn. p. 171, t.II, Haverc.
Note: Il est exact que l'éclipse de l'an 4 AC ne convient pas, mais parce qu'elle fut partielle et nocturne, et non pour la raison invoquée. Nous avons vu que les évènements cités par Josèphe peuvent s'être produits en 29 jours. Si Gibert le nie, c'est qu'il y inclut le départ des messagers d'Hérode vers Rome. Or c'est faux: Les messagers partent pour Rome, puis Hérode tombe malade, puis des factieux commandés par Mathias brisent l'aigle du temple, puis Hérode fait brûler vif Mathias et ses complices, et c'est ce soir là que surviendrait l'éclipse. Josèphe ne nous dit rien qui nous permette d'estimer le temps écoulé entre le départ des messagers et le supplice de Mathias.
Curieusement, cet argument d'une durée d'un seul mois qui serait trop courte était déja réfutée en 1754, dans les mêmes mémoires de l'académie des inscriptions et belles lettres, p 257, sous la plume de M. De La Nauze:
on ne doit pas insinuer pour exemple d'une Pâque retardée avant la destruction du temple, l'année 4 avant J.C., celle de la mort d'Hérode, sous prétexte du grand nombre d'évènemens à placer dans l'intervalle qui s'écoula depuis l'éclipse lunaire du 13 mars à la Pâque suivante. Ils se placent tous fort commodément dans la durée d'un seul mois: ni Petau, ni Usserius n'y trouve de difficultés;
D'autre part, dans la source citée, il n'y a aucune mention de la durée d'un voyage à Rome. Tout au plus est il mentionné au chapitre suivant, un voyage de la Judée vers l'Achaïe, sans mention de durée.

  L'an 3 avant notre ère pourroit quadrer jusqu'à un certain point à la durée du règne d'Hérode, c'est-à-dire en comptant les années commencées pour des années complètes; mais on ne trouveroit point l'eclipse de Lune que Josèphe y attache.
  L'année 2me s'ajuste parfaitement à la durée du règne d'Hérode, & remplit également bien la condition de l'éclipse. Elle s'ajuste parfaitement à la durée du règne d'Hérode, car en supposant que la mort d'Hérode arriva au mois de mars de cette année, il avoit régné trente-sept ans trois ou quatre mois depuis la fin de lan 40 avant l'ère vulgaire, & trente quatre & trois ou quatre mois depuis la fin de l'an 37.
  Or c'est en effet à la fin de l'an 40 avant l'ère vulgaire qu'il fut déclaré Roi, & à la fin de l'an 37 qu'Antigonus fut tué.
  Il fut déclaré Roi à la fin de lan 40, puisque ce fut après la campagne & dans l'hiver d'une année, que Josèphe désigne comme la seconde depuis la bataille de Philippes. La bataille de Philippes étant incontestablement de l'automne de l'an 38, la campagne dé la seconde année depuis est, sans aucun doute, celle de l'an 40, & l'hiver qui la suivit est celui qui termina cette année: ce qui est d'autant plus juste que l'an 40 est celui du Consulat de Calvinus & de Pollion, sous lequel Josèphe dit aussì qu'Hérode fut déclaré Roi. Il est vrai qu'ayant indiqué ce Consulat, il ajoûte en la CLXXXIVe Olympiade: or il n'y a que les six premiers mois de ce Consulat qui tombent dans la CLXXXIVe Olympiade, & les fix derniers, auxquels je rapporte l'époque dont il s'agit, appartiennent à l'Olympiade CLXXXV. Mais je crois que la mention de l'Olympiade en cet endroit n'est relative qu'au Consulat, & ne sert qu'à en fixer la date, qui se doit compter du commencement de l'année, & par conséquent de la CLXXXIVe Olympiade. J'ai dit en second lieu qu'Antigonus fut tué à la fin de l'an 37, puisque, comme je l'ai montré dans ma Dissertation sur la chronologie de l'histoire des Macchabées, ce ne fut qu'au troisième mois de l'automne de cette année que Jérusalem fut prise, & qu'Antigonus tomba au pouvoir d'Hérode & des Romains.
  Quant à l'éclipse de Lune, il y en avoit eu une à la fin du mois d'août, la nuit du 26 au 27 sur les trois heures du matin, sept mois avant la Pâque de l'an 2, & ces sept mois sont le temps qu'exigent naturellement les évènemens qu'il faut placer dans l'intervalle de cette éclipse à la mort d'Hérode.
Note: Non seulement cette éclipse eut lieu en pleine nuit, mais encore elle fut pénombrale, c'est a dire qu'une partie du disque lunaire se trouvait dans le cône de pénombre, engendrant une si faible diminution de l'éclat lunaire qu'un éventuel témoin noctambule n'aurait rien remarqué du tout. Cette prétendue éclipse est encore moins appropriée que celle de l'an 4 AC.
  Scaliger, Calvisius & quelques autres avancent la mort d'Hérode jusqu'à l'an 1 avant l' ère vulgaire, & ils trouvent au 18 janvier de cette année une éclipse qui peut convenir à celle qui est indiquée par Josèphe: mais ils sont obligés de prolonger le règne d'Hérode d'un an entier, & c'est en quoi pèche leur opinion.
Note: Scaliger place l'éclipse le 8 janvier, et Calvisius, le 10. Mais au moins cette éclipse est totale, et non quasi invisible comme celle invoquée par l'auteur. Finalement l'auteur à raison de réfuter la date de 4 avant notre ère, mais celle qu'il donne n'est pas meilleure.
(Joseph Balthasar Gibert, Remarques sur l'ancienne année des juifs, Histoire de l'académie royale des inscriptions et belles lettres, 1767, p 84 )

1808, Jean Picot mentionne trois éclipses, mais pas la bonne.

Savant franco-suisse, Jean Picot s'intéressa d'abord aux sciences naturelles, puis fit des études de droit avant de se tourner vers l'histoire. Il publia en 1804 une Histoire des Gaulois, puis en 1808 une révision des Tablettes chronologiques de Lenglet Du Fresnoy.
 Eclipse de lune, la nuit du 12 au 13 Mars de l'année julienne 42. Sa grandeur fut de 6 doigts. Elle commença en Judée à une heure 17 minutes après minuit, et finit à 4 heures 13 minutes du matin, suivant le P. Petau, Liv. VIII. chap. XIII. de son grand ouvrage de Doctrina temporum. Il a cru, aussi bien qu'Usserius, que cette éclipse étoit celle qui, au rapport de Josephe, précéda la mort d'Hérode, roi de Judée.
4.
 Eclipse totale de lune, le 10 de Janvier, à une heure après minuit; sa durée fut de 4 heures, selon Calvisius, qui la prend pour celle qui précéda la mort d'Hérode.
1.
 Eclipse totale de lune, le 29 Décembre; elle fut vue dans la Judée avec demeure totale dans l'ombre, selon le père Riccioli, qui y applique le fait historique dont on vient de parler.
1.
(Jean Picot, Tablettes chronologiques de l’histoire universelle, Genève, 1808, p 29 )
Note: Picot a consulté les bons auteurs, Calvisius, Petau, mais aussi Riccioli, moins fiable, dont il recopie l'erreur. Il donne les mêmes éclipses que Riccioli, et comme lui, ne fait que mentionner sans analyse.

1858, Henri Wallon choisit les sources qui l'arrangent.

Henri Wallon senior est connu pour ses études sur l'esclavage qui inspirèrent son abolition. Professeur à la Sorbonne et député monarchiste, il fut membre dès 1850 de l'académie des inscriptions et belles lettres, et se consacra plus tard à l'histoire. Constatant, comme Moreri un désaccord total sur l'année de la naissance du Christ, il se lance dans l'aventure, et retrouve la datation de Petau.
Dès la première page, une note montre bien quel capharnaüm était devenu le problème.


Henri Wallon
1) Depuis qu'on s'occupe de chronologie, trop de dissertations ont été écrites sur cette matière pour qu'il soit possible d'avancer aucun chiffre nouveau. Pour la naisance de Jésus-Christ, par exemple, toutes les années ont été proposées et défendues, jusqu'aux limites les plus invraisemblables, depuis l'an 22 avant l'ère vulgaire, jusqu'à l'an 9 de cette même ère.
...
Or l'époque de la mort d'Hérode est déterminée, 1° par le commencement et la durée de son règne; 2° par la fin et la durée des règnes de ses trois fils et successeurs, Arché-laüs, Philippe et Hérode-Antipas.
Rappelons d'abord que les Juifs, à l'exemple des Orientaux, et à la différence des Romains en ce qui touche les empereurs, comptaient les années de leurs rois, non du jour vrai de l'avénement de chacun d'eux, mais du premier jour de l'année dans laquelle ils étaient arrivés au trône, c'est-à-dire du 1er nisan, premier mois de leur année sacrée, qui comprenait une partie de mars et d'avril 1
...
Hérode, selon Josèphe, a régné trente-sept ans, depuis la déclaration du sénat qui le fit roi, ou trente-quatre ans, depuis sa rentrée à Jérusalem, marquée par la mort d'Antigone 2. Or la déclaration du sénat est, selon Josèphe, du consulat de Cn. Domitius Calvinus et de C. Asinius Pollion, l'an 714 de Rome (40 av. l'E. V.) 3; la reprise de Jérusalem par Hérode et la mort d'Antigone eurent lieu sous le consulat de M. Vipsanius Agrippa et de L. Caninius Gallus, l'an 717 de Rome (37 av. l'E. V.) 4.
Note: Lucius Caninius Gallus et Marcus Vipsanius Agrippa furent effectivement consuls en l'an 717 de Rome, mais Josèphe dit aussi que cela survint le jour anniversaire de sa prise par Pompée (691 de Rome), 27 ans plus tard , et cette fois 691 + 27 = 718.
La déclaration du sénat paraît être de la fin de l'automne; la prise de Jérusalem, du mois d'octobre, trois ans plus tard 5 : la première année du roi, selon l'usage des Juifs, datera donc du 1er nisan 714 ou 717 de Rome, selon qu'on aura en vue l'un ou l'autre de ces deux avènements, et la dernière (la trente-septième année dans le premier système, et la trente-quatrième dans le second) commencera au 1er nisan de l'an de Rome 750 (4 av. l'E. V.). Il est donc mort après le 1er nisan 750.
Note: Mais si on compte depuis la prise de Jérusalem, et en tenant compte qu'Hérode est précisement mort au voisinage du 1er nisan, on arrive à 717 + 34 = 751.
Mais il n'a pas vécu l'année entière : car, si nous tenons compte des données analogues de l'histoire sur la durée et sur la fin des règnes de ses trois fils, nous verrons qu'il les avait eus pour successeurs avant le 1er nisan 751.
Note: Non, car il y a une différence d'un an entre deux datations de Josèphe.
En effet Archélaüs fut accusé et déposé en la dixième année de son règne 6, et Quirinius envoyé en même temps pour prendre possession de ses biens et faire le recensement de la Judée. Or ce recensement se lit l'an 37 depuis la bataille d'Actium 7 ,c'est-à-dire du 2 septembre 759 au 2 septembre 760 de Rome (l'ère actiaque datant du jour même de la bataille d'Actium, 2 septembre 723 de Rome). Archélaûs est-il resté sur le trône jusqu'au delà du 1er nisan (seconde moitié de mars) de l'an 760, auquel cas cette année lui sera imputée? Cela est douteux; car il paraît difficile de placer, dans les cinq mois qui restent pour terminer l'année actiaque, et l'accusation du prince, et sa déposition, et l'envoi de Quirinius, et tout le travail du recensement, qui, cette fois, dut triompher d'une révolte.
Archélaûs fut donc probablement dépossédé plus tôt, et, par conséquent, sa dixième année n'a dû compter que du 1er nisan 759. C'est ce que confirme Dion Cassius, quand il dit qu'il fut envoyé en exil sous le consulat d'AEm. Lépidus et d'Aruntius Népos, consuls de janvier à juillet l'an de Rome 759 8.
Note: Dion Cassius dit seulement: Hérode, de Palestine, accusé par ses frères, fut relégué au-delà des Alpes, et une partie de son territoire fut confisquée.
Il a donc dû commencer en 750 et postérieurement au 1er nisan, commencement de l'année juive, puisque cette année, qui lui est rapportée comme première, compte en même temps pour la dernière d'Hérode.
...
Il résulte donc de cet ensemble de preuves que l'an 750 de Rome (4 av. l'E. V.) est tout à la fois la dernière d'Hérode et la première de ses fils, selon la coutume des Juifs de compter l'année commencée, et de l'imputer tout à la fois au roi mort et à son successeur.
Note: Scaliger parlait aussi de solides arguments prouvés, en plaçant la mort d'Hérode en l'an 1 avant notre ère.
Les données de Josèphe offrent même le moyen de déterminer d'une manière plus précise comment, dans la réalité, cette année commune se partagea entre eux.
Hérode mourut à une époque rapprochée de la Pâque: Archélaüs achevait le septième jour du deuil de son père, quand la fête commença; et ce fut après, seulement, qu'il partit pour Rome, afin de connaître les intentions d'Auguste sur la Palestine 9. Il ne s'agit donc point de la Pâque de l'an 751 : car alors le règne d'Archélaûs ne daterait que du mois de nisan de cette année, et nous avons vu que cela ne s'accorderait plus avec la durée de ce règne.
Note: Non, Josèphe donne deux durées et Wallon choisit celle qui l'arrange.
C'est la Pâque de 750; et Hérode, qui vivait au premier jour de nisan, puisque cette année lui est encore comptée, était mort sept jours au moins avant la fête, qui commence le 14 de ce mois. Le 1er nisan était le 27 mars : il mourut donc du 28 mars au 2 avril 750 de Rome (4 av. l'E. V.).
Note: En fait ces quelques jours après le 1er nisan auraient suffit à faire entrer Hérode dans sa trente quatrième année de règne, Mais Josèphe ne dit pas: il mourut dans sa trente quatrième année de règne, mais: il avait régné trente quatre ans.
βασιλεύσας μεθ' ὃ μὲν ἀνεῖλεν Ἀντίγονον ἔτη τέσσαρα καὶ τριάκοντα,
il avait régné trente quatre ans depuis l’exécution d’Antigone,
Sachant qu'Hérode n'avait commencé à régner qu'à la fin de sa première année officielle de règne, on peut se demander si Josèphe compte bien ces quelques jours après le 1er nisan pour une année révolue. Si oui, c'est l'an 4 avant notre ère qu'Hérode est mort, sinon c'est l'an 3.

Une circonstance rapportée par Josèphe achève de déterminer cette date.
Hérode, peu de temps avant sa mort (cela résulte de toute la suite du récit), avait fait brûler vifs Judas et Matthias, coupables d'avoir excité le peuple à enlever un aigle d'or qu'il avait placé au-dessus de la porte principale du temple 10 .C'est pour demander satisfaction de leur supplice que les amis des deux victimes vinrent trouver Archélaùs, au moment où il terminait par un festin solennel le septième jour du deuil de son père; et ils provoquèrent, pendant la fête, un mouvement populaire, dont Archélaùs eut grand'peine à triompher avant son départ. Or Josèphe dit que, la nuit où les deux séditieux furent mis à mort, la lune s'éclipsa 11. Les calculs astronomiques montrent qu'il y eut, en effet, une éclipse de lune le 13 mars, à trois heures de la nuit, pour Jérusalem, en 750 de Rome, et il n'y en eut aucune avant Pâques, en 751. L'année 750 est donc bien l'année cherchée.
Note: Il n'y eut effectivement aucune éclipse en 751 de Rome, mais il n'y eut non plus aucune éclipse totale en 750, ni en 752. Il faut remonter à 749, ou descendre à 753 pour en trouver. Comme Josèphe n'aurait pas mentionnée une éclipse partielle sans spectateurs, l'année 750 n'est donc pas l'année cherchée, si on veut absolument que l'éclipse ait précédé la mort d'Hérode de peu de jours.

1) Voir la note 1 à la fin de ce mémoire.
Note: Dans cette note Wallon explique que le nisan des juifs correspondait au xanthicus des habitants d'Antioche, vers la fin du mois de mars
2) Jos. Ant. XVIII, VIII, 1, et B. Jud. I, XXXVIII, 8.
3) Id. Ant. XIV, XIV, 5. Pour la commodité du calcul, dans une période qui comprend des années avant et après l'ère vulgaire, nous emploierons communément l'ère de Rome en admettant que l'an 1er de Rome répond à l'an 753 avant l'ère vulgaire, et l'an 1er de l'ère vulgaire à l'an 754 de Rome, selon le mode des chronologistes : Jésus-Christ étant né le 25 décembre, les astronomes, on le sait, comptent 0 l'année de la naissance, -1 l'année qui précède, et + 1 l'année qui suit. Les chronologistes n'ont point l'année 0; ils comptent - 1 l'année même vers la fin de laquelle Jésus-Christ est né, et + 1 l'année qui suit à partir du 1er janvier. Quand nous indiquerons les années avant ou après Jésus-Christ, il s'agira toujours de l'ère vulgaire.
4) Ant. XIV, XVI, 4.
5) Voy. la note 2 à la fin de ce mémoire.
Note: Dans cette note Wallon se lance dans une démonstration compliquée pour justifier la date du commencement effectif du règne d'Hérode, en particulier, en remplaçant le 27ème anniversaire, par le début de la 27ème année.
6) Jos. Ant. XVII, XIII, 2. Dans la Guerre des Juifs (II, VII, 3), il dit qu'Archélaùs fut envoyé en exil la neuvième année de son règne; mais un passage du livre de sa Vie, § 1, prouve qu'Archélaûs avait commencé sa dixième année.
7) Jos. Ant. XVIII, II, 1.
8) Dion. Cass. LV, 27. Voyez Patril. /. I. S /10.
9) Jos. Ant. XVII, VIII, 4; IX, 1, 23; B. Jud. II, I, 1, 2 et 3.
10) Ant. XVII, VI, 2-4 ; B.Jud. I,XVIII, 2-4.
11) Ant. XVII, VI ,4
(Henri Wallon, Mémoire sur les années de Jésus-Christ, imprimerie impériale 1858 )

1872, L'astronome Hind retient l'éclipse de l'an 1 avant notre ère.

L'astronome John Russell Hind est connue comme un pionnier de la recherche des astéroïdes, et dirigea pendant 38 ans la publication du Nautical Almanac (éphémérides concurrentes de La connaissance des temps). En 1872, il publie une étude sur les éclipses "historiques", de l'éclipse de Ninive de 763 avant notre ère à celle de 1652. La septième est celle d'Hérode.

John. R. Hind
7. The Eclipse of Herod (Josephus). The lunar eclipse which I take to be the one recorded by the Jewish historian during Herod’s last illness occurred BC. 1, January 9. On this occasion the moon passed nearly centrally through the earth’s shadow, entering in at 11h. 23m. p.m. mean time at Jerusalem, and emerging at 2h. 57m. A.M. on the 10th ; the total eclipse continued 1h 39 m. This is the date recognised by Calvisius and recently supported by Mr. Bosanquet. An eclipse in B.C. 4 on the night between March 12-13 , which other chronologists have supposed to be the one referred to, was partial only, and did not commence till 1 a.m. ; little more than half the moon’s diameter was immersed in the earth’s shadow at greatest phase.
7. L'éclipse d'Hérode (Josèphe). L'éclipse de lune que je tiens être celle rapportée par l'historien juif pendant la dernière maladie d'Hérode survint le 9 janvier de l'an 1 avant J.C. En cette occasion la lune passa presque centralement à travers l'ombre de la Terre y entrant à 11H 23mn du soir, en temps moyen de Jérusalem, et en sortant à 2H 57mn du matin le 10. L'éclipse totale dura 1H 39mn. C'est la date reconnue par Calvisius et récemment soutenue par M. Bosanquet. Une éclipse en 4 avant J.C. la nuit entre le 12 et 13 mars que d'autres chronologistes ont supposée être celle en question n'était que partielle et ne commença pas avant une heure du matin; moins de la moitié du diamètre lunaire fut immergée dans le cône d'ombre à la phase la plus grande.
(J. R. HIND, HISTORICAL ECLIPSES, NATURE 251, July 25, 1872 )
Note: M. Bosanquet est manifestement James Whatman Bosanquet, chronologiste Biblique, et auteur de Hebrew Chronology from Solomon to Christ (1867)
Hind constate avec raison que l'éclipse de l'an 4 avant J.C. ne peut convenir, puisqu'elle est partielle et tardive. Il prolonge donc sa quête vers l'an 1 et trouve que l'éclipse de l'an 1 avant J.C. fut totale et presque centrale, et convient bien mieux. Oui mais elle est encore tardive: Il ne doit pas y avoir grand monde dehors, un peu avant minuit, au mois de Janvier. En reculant d'un an, au lieu d'avancer de trois, il aurait vu que l'éclipse du 23 mars de l'an 5 avant notre ère, vespérale et encore plus centrale, convenait encore mieux.


20e siècle: un quasi silence

Curieusement, nous ne trouvons plus de savantes discussions sur ce problème au 20e siècle. Ni Camille Flammarion, ni Fulcran Vigouroux, ni l'abbé Moreux, ni Daniel Rops, qui avaient discuté de l'étoile des mages, n'ont traité ce problème, de seconde magnitude, par rapport au précédent.
Tout au plus voit on Arthur Loth discuter de la mort d'Hérode, dans le cadre d'une réfutation de la critique rationaliste à propos de la naissance du Christ. Ayant cité de nombreux auteurs, il conclut lui aussi à la mort d'Hérode en 4 avant notre ère, mais ses travaux ne furent publiés qu'en 2003.


21e siècle: le problème renait sur internet

Une recherche sur Google, pour: "éclipse" "Hérode" "flavius Josèphe", annonce 1170 résultats.
La même pour: "eclipse" "Herod" "Josephus", (en anglais) en annonce 31800.
C'est dire le nombre de sites qui évoquent le sujet. La plupart de ces sites continuent de relier la naissance du Christ à la mort d'Hérode. Ce grand nombre nous permet de trouver à peu près toutes les dates possibles pour l'éclipse, et en particulier celle de l'an 5 avant notre ère, qui n'avait pas encore été évoquée avant (et dont nous allons voir que de toutes les dates invoquées, elle est la seule possible). On va même jusqu'à proposer l'année 6 de notre ère, pour pouvoir réhabiliter Denys le petit, accusé d'avoir mal calculé l'année de la naissance du Christ. En fait, Denys le petit n'a jamais fait de chronologie. De plus, si Hérode était mort en l'an 6, il faudrait admettre que Flavius Josèphe nous aurait raconté des conneries, car le règne d'Archélaüs n'aurait tout simplement jamais existé.

Il ne nous est pas possible de rendre compte de cette foule de démonstrations discordantes.
Un nouvel argument, tiré des rites juifs, vient condamner toute tentative de placer l'éclipse, juste une lunaison avant la Pâque: L'exécution de Mathias aurait alors eu lieu le 14 ou le 15 Adar, selon que l'éclipse est nocturne ou vespérale. Or ces deux jours étaient des jours de Purim, c'est à dire fériés, où il n'aurait pas été question d'exécuter des condamnés.

Saluons l'initiative de Timothy D. Barnes, qui semble être le premier à avoir proposé l'an 5 avant notre ère. Initiative promptement descendue en flammes avec le classique argument de la durée insuffisante pour caser les évènements en 29 jours, voire en invoquant le 21 mars comme la date de la Pâque, cette année là. Nous avons déja vu que les évènements pouvaient tenir en 29 jours, quant à la date de la Pâque, elle sort d'un ordinateur programmé pour calculer la date du 15 Nisan avec le comput du calendrier hébraïque. Malheureusement ce calendrier n'a été établi qu'en l'an 359 par le patriarche Hillel Nessia. Auparavant c'était le Sanhédrin qui fixait le calendrier.

On peut remarquer aussi que de nombreux sites, donnent la liste des éclipses qui se sont produites dans la période incriminée, souvent de l'an 7 avant notre ère jusqu'à l'an 1. C'est plus facile aujourd'hui que du temps de Petavius, car il suffit de consulter le site Five Millennium Catalog of Lunar Eclipses, construit par Fred Espenak et Jean Meeus, qui ont rendu là un grand service aux historiens.

En fait, si on ne tient compte que des arguments positifs, toutes les éclipses conviennent. Inversement, avec les arguments négatifs, aucune éclipse ne convient. Mais aucun de nos détracteurs n'a remarqué que, si discordance il y avait, ce n'était pas la date de l'éclipse qui était en cause, mais l'association de l'éclipse à la mort d'Hérode.

Une des dernières controverses concerne la théorie de Gérard Gertoux, qui place l'éclipse en l'an 1 avant notre ère.
Mais en fait, cette datation n'a rien de révolutionnaire, puisque c'était précisément celle de Scaliger et Calvisius, les premiers chronologistes à s'en être occupés. Elle a d'ailleurs subi une réfutation en règle.


Analyse:

La grande confusion qui a régné sur ce foisonnement de théories discordantes associant à force la date de l'éclipse et celle de la mort d'Hérode nous amène à dissocier ces deux problèmes: la datation de la mort d'Hérode, et celle de l'éclipse.

Datation de la mort d'Hérode:
Sur ce sujet, Flavius Josèphe est formel:
le cinquième jour après avoir fait tuer son fils Antipater, il mourut; il avait régné trente quatre ans depuis l’exécution d’Antigone et trente-sept, depuis sa désignation par les Romains (AJ, XVII, 8, 1 )
et:
Il expira après un règne de trente-quatre ans à compter du jour, où, Antigone mort, il devint le maître, trente-sept depuis le jour où les Romains l'avaient nommé roi (GJ, I, 33, 8)
Hérode fut nommé roi par les romains, sous le consulat de Caius Asinius Pollio et Cnaeus Domitius Calvinus, à l'automne de l'an 714 de Rome.

Mais Hérode ne régna effectivement sur la Judée qu'après la prise de Jérusalem, et la mort d'Antigone. Or cette date parait plus floue.
Cette catastrophe s'abattit sur Jérusalem sous le consulat de Marcus Agrippa et de Caninius Gallus, en la cent quatre-vingt-cinquième olympiade, le troisième mois, pendant la fête du jeûne comme une sorte de retour anniversaire du malheur qui avait frappé les Juifs sons Pompée : car la ville fut prise par Hérode le même jour, vingt-sept ans plus tard.(AJ, XIV, 16, 4)
Ici il y a une incohérence d'un an car Lucius Caninius Gallus et Marcus Vipsanius Agrippa furent consuls l'an 717 de Rome alors que le 27ème anniversaire de la prise de Jérusalem par Pompée nous mène à l'an 718. En effet, Pompée prit Jérusalem en l'an 691 de Rome, ce que Josèphe admet explicitement:
la ville fut prise le troisième mois (du siège), le jour du jeûne, en la cent soixante-dix-neuvième Olympiade, sous le consulat de Calus Antonius et de Marcus Tullius Cicéron (AJ, XIV, 4, 3)
Or Marcus Tullius Cicero et Caius Antonius Hybrida furent consuls l'an 691 de Rome, et 691 + 27 = 718.

Quant à la mort d'Antigone, elle eut lieu après qu'Hérode ait su persuader Antoine de l'exécuter, donc à la fin de cette année ou au début de l'année suivante. Josèphe nous en offre un moyen de datation:
Ainsi finit la domination de la race d'Asamonée, qui avait duré cent vingt-six ans.(AJ, XIV, 16, 4)
la race d'Asamonée ou d'Hasmonée, c'était la dynastie des rois Hasmonéens, dont le premier fut Jonathan, à la mort de son frère, Judas Macchabée, en avril/mai 160 avant notre ère soit 594 de Rome.
Mais Josèphe nous dit ailleurs:
...les grandes dépenses qu’il avait faites pour l’édification du temple, alors que jamais pendant leurs cent vingt cinq ans de règne les Asmonéens n’avaient rien fait de pareil en l’honneur de Dieu...(AJ, XVII, 6, 3)
Voila une autre incohérence d'un an puisqu'une durée de 125 ans nous ménerait à l'an 719, et une de 126 à l'an 720, ce qui ne s'accorde guère avec les datations de la prise de Jérusalem, mais il faut remarquer que le point de départ de la dynastie Hasmonéenne est lui même assez flou.

Un autre moyen de datation, plus sûr, apparait avec la date de la bataille d'Actium dans le règne d'Hérode. Josèphe dit:
Tandis qu'il se défendait contre ses ennemis, une autre fatalité providentielle l'accabla dans la septième année de son règne, pendant que la guerre d'Actium battait son plein. Au début du printemps un tremblement de terre fit périr d'innombrables bestiaux et trente mille personnes. (GJ, I, 19, 3)
et aussi:
A ce moment, où se livra la bataille d'Actium entre César et Antoine, la septième année du règne d'Hérode, la Judée fut éprouvée par un tremblement de terre, comme on n'en avait encore, semble-t-il, jamais ressenti, et qui causa la mort d'un très grand nombre de bestiaux. (AJ, XV, 5, 2)
La bataille d'Actium ayant eu lieu le 2 septembre 723 de Rome, il s'était écoulé plus de 6 mois lors du tremblement de terre, il faut donc comprendre que la bataille et le séisme eurent lieu dans la même année du règne d'Hérode. Les deux textes s'accordent et la 1ère année du règne d'Hérode est alors l'an 717 de Rome, soit 37 avant notre ère.

Si l'on entend 37 ans révolus après sa nomination par les romains, alors la mort d'Hérode parait avoir eu lieu entre l'automne 751 et l'automne 752. donc au printemps 752, puisqu'il mourut peu avant la Pâque.
Mais il faut tenir compte que les juifs comptaient le règne d'un roi, non depuis son accession au trone, mais depuis le 1er Nisan de l'année de son accession au trone. Or justement, Hérode mourut une à deux semaines avant la Pâque, donc aux alentours du 1er Nisan. Donc après un nombre d'années quasi-entier. Depuis sa nomination par les romains, on doit donc compter 37 années complètes depuis le 1er Nisan 714 de Rome, ce qui place la mort d'Hérode vers le 1er Nisan 751 de Rome, soit 3 avant notre ère.
Quant à son règne "effectif", il faut alors compter 34 années complètes depuis le 1er Nisan 717 de Rome, ce qui place encore la mort d'Hérode vers le 1er Nisan 751 de Rome
Les deux datations s'accordent sur l'an 751 de Rome = 3 avant notre ère ( -2 pour les astronomes)

Un controle avec le règne d'Archélaüs nous fait rencontrer une autre incoherence. Josèphe nous dit:
La dixième année du règne d’Archélaüs, les principaux des Juifs et des Samaritaine, ne supportant plus sa cruauté et sa tyrannie, l’accusèrent auprès de l’empereur,
...
l’empereur écouta sa défense contre certains de ses accusateurs, puis l’envoya en exil en lui assignant pour résidence Vienne, ville de Gaule, et il confisqua ses biens (AJ, XVII, 13, 2 )

Mais aussi:
Quand Archélaüs eut pris possession de l'ethnarchie, il n'oublia pas ses anciennes rancunes, mais traita avec férocité les Juifs et même les Samaritains. Les uns et les autres ayant envoyé des députés à César, la neuvième année de son règne. Archélaüs fut exilé dans la ville de Vienne en Gaule.(GJ, II, 7, 3 )
A nouveau une incohérence d'un an entre les divers textes de Josèphe.
Si l'on admet qu'Archélaüs a commencé à régner au 1er Nisan 751 de Rome, la neuvième année de son règne à commencé au 1er Nisan de l'an 759 de Rome, et la dixième année en l'an 760.
Nous savons aussi que l'empereur Auguste envoya ensuite Quirinus pour liquider les biens d'Archelaüs, et Josèphe nous donne alors une date:
Après avoir liquidé les biens d'Archélaüs et terminé le recensement, ce qui eut lieu lu trente-septième année après la défaite d'Antoine par César à Actium, Quirinius dépouilla de sa dignité Joazar, le grand pontife, (AJ, XVIII, 2, 1 )
La bataille d'Actium ayant eu lieu le 2 septembre de l'an 723 de Rome, la 37ème année après débute le 2 septembre de l'an 759 de Rome, 6 de notre ère et se termine le 1 septembre de l'an 7 de notre ère.
En admettant que le bonne durée est la neuvième année, la mort d'Hérode vers le 1er Nisan 751 n'est pas contredite par la chronologie du règne d'Archélaüs. Avec la dixième année, il ne reste plus que 5 mois pour déposer Archelaüs et faire le recensement.
Par contre si on admet l'argument d'Henri Wallon, d'une année comptée pour quelques jours de règne, c'est le 1er Nisan 750 qu'Hérode est mort, et Archélaüs était bien dans sa 10ème année de règne à sa déposition.

C'est arrivé ici qu'apparait la vraie incohérence. Les divers textes de Josèphe s'accordent pour placer la mort d'Hérode au printemps de l'an 751 de Rome, voire en 750, sauf pour l'éclipse. En effet, en 751, il n'y eut pas d'éclipse de Lune visible en Judée. Mais tous les bons auteurs ont fait une confiance aveugle au texte de Flavius Josèphe, comme ils l'ont fait pour l'évangile de Matthieu. Ils ont du alors forcer la datation de la mort d'Hérode à s'accorder avec une éclipse, et ont donc déplacé la date en conséquence.
Or:
- Nous venons de voir que les datations comportent parfois des incohérences.
- Nombre de passages des textes de Josèphe sont corrompus par la faute des copistes.
- Le passage sur l'éclipse tient en quelques mots, ne contient rien qui permette de la rattacher avec certitude à l'évènement précédent, et ne figure que dans les Antiquités Judaïques, et pas dans la guerre des Juifs.

Conclusion: Ce passage sur l'éclipse n'est probablement qu'une interpolation malencontreuse. Soit de Flavius Josèphe lui même, qui, tout en copiant Nicolas de Damas, aurait parfois rajouté des éléments tirés de la tradition rabbinique, soit d'un copiste. Dans ces conditions, il n'est plus nécessaire que l'exécution de Mathias ait eu lieu à la pleine lune précédant la Pâque, et cette exécution peut être reculée de quelques jours, faisant tomber l'objection de la durée insuffisante entre l'exécution et la Pâque pour que tant d'évènements s'y soient produits. Mais Il va nous falloir retrouver cette éclipse indépendamment de la mort d'Hérode. Nous pouvons commencer par supposer que la mention de cette éclipse devait figurer dans le même livre où elle est placée maintenant, donc quelques années avant, à propos d'un autre méfait d'Hérode, ou peu d'années après, sous Archélaüs. Mais comme la répression des séditieux sous Archélaüs eut lieu la même année que la mort d'Hérode, la seconde hypothèse ne tient pas, et cela nous ramène à chercher quelques années avant. Cela reste néamoins une supposition.

Datation de l'éclipse:
Pour ce qui est de l'éclipse, le texte des Antiquités Judaïques est lui aussi formel:
Καὶ ἡ σελήνη δὲ τῇ αὐτῇ νυκτὶ ἐξέλιπεν, Or la lune, cette même nuit s'éclipsa.
Mais quelle même nuit? Nous savons maintenant que l'éclipse n'a rien à voir avec la mort d'Hérode, et par conséquent avec l'éxécution de Mathias, ni avec la Pâque juive. Néanmoins, pour avoir été retenue par Josèphe comme un évènement historique, cette éclipse devait avoir été impressionnante, et vue de tout le peuple

Grace aux progrès de la mécanique céleste et aux ordinateurs, les éclipse de lune de l'époque sont aujourd'hui mieux connues que si nous disposions d'observations d'astronomes contemporains. Seule la luminosité résiduelle de l'éclipse, qui dépend de l'état de la haute atmosphère terrestre, nous est inconnue, quoiqu'une éclipse centrale est forcément assez sombre au moment du passage de la lune au centre du cône d'ombre.
Puiqu'il n'y eut aucune éclipse partielle ou totale, l'an 751 de Rome, nous ne pouvons que chercher des éclipses autour de cette date
Il nous faut donc à établir la liste des éclipses de l'époque et à la filtrer en tenant compte du fait que l'éclipse doit avoir été visible en Judée, avoir été totale et même probablement centrale, et avoir commencé le soir, et non en pleine nuit.
Nous formons donc le tableau suivant de l'an 6 avant notre ère à l'an 1 en utilisant la convention de datation des astronomes. Nous ne mentionnons que les éclipses qui méritent ce nom, c'est à dire partielles ou totales, et non pénombrales et quasi invisibles comme l'éclipse de Gibert. Nous appelons centrales les éclipses ou le centre du cone d'ombre passe sur le disque lunaire.

Datevisibletotalecentralevespéraleconvientretenue par
04 avr -5ouinonnon
27 sep -5nonnon
23 mar -4ouiouiouiouiouiBarnes
15 sep -4ouiouiouiouioui
13 mar -3ouinonnonPetau, Ussher, Lenglet, Wallon, Loth
05 sep -3nonnon
20 jan -1nonnon
17 jul -1nonnon
10 jan 0ouiouiouinonnonScaliger, Calvisius, Hind, Gertoux, etc.
05 jul 0nonnon
29 dec 0ouinonnon
24 jun 1nonnon

Le tableau contient douze entrées, mais six éclipses seulement furent visibles en Judée. Sur ces six, trois seulement furent totales. Et sur ces trois, deux furent vespérales, toutes les deux en -4, soit 5 avant notre ère. Ce sont les seules éclipses qui conviennent, mais elles n'ont rien à voir avec la mort d'Hérode.

Sachant que 5 avant notre ère = -4, Le site Five Millennium Catalog of Lunar Eclipses, nous donne les renseignements suivants:

passage de la lune dans l'ombre.
Eclipse du 23 mars -4. Maximum de l'éclipse à 21 H 17 mn TD
( soit le 23 mars 5 av. J.C. à 18 H 21 mn TU )
Distance du centre du disque lunaire au centre de l'ombre: 0.0248 rayon terrestre (quasi centrale comme montre le shéma ci-contre)
Durée de l'éclipse partielle: 222 mn.
Durée de l'éclipse totale: 102 mn.
D'où nous déduisons que la lune a commencé à pénéter dans l'ombre à 16 H 31 mn TU et que l'éclipse devint totale à 17H 30 TU.
La longitude de Jérusalem étant de 35° 13' 55" E, cela fait 2 H 21 mn de décalage horaire sur le temps moyen de Greenwich.
L'éclipse a donc commencé à 18 H 52, dans le temps local de Jérusalem, et est devenue totale à 19 H 51 mn. Ce sont là des heures qui conviennent parfaitement si l'on veut qu'il y eut beaucoup de gens dehors, d'autant que ceux qui étaient dehors ont pu prévenir ceux qui ne l'étaient pas. A son maximum, l'éclipse devait être assez sombre puisque qu'elle était quasi centrale.
Spectaculaire et survenant en début de soirée, cette éclipse remplit donc bien les conditions pour avoir été mentionnée par Josèphe.


passage de la lune dans l'ombre.
Eclipse du 15 septembre -4. Maximum de l'éclipse à 23 H 08 mn TD
( soit le 15 septembre 5 av. J.C. à 20 H 12 mn TU )
Distance du centre du disque lunaire au centre de l'ombre: 0.0784 rayon terrestre
Durée de l'éclipse partielle: 217 mn.
Durée de l'éclipse totale: 99 mn.
La lune a donc commencé à pénéter dans l'ombre à 18 H 24 mn TU et l'éclipse devint totale à 19H 21 TU.
L'éclipse a commencé à 20 H 45, dans le temps local de Jérusalem, et est devenue totale à 21 H 42 mn. Ce sont des heures encore raisonnables pour avoir suffisamment de gens dehors.
Cette éclipse remplit donc encore assez bien les conditions pour avoir été mentionnée par Josèphe.

Voila donc deux éclipses, qui ont en lieu en l'an 749 de Rome, dont une pourrait être celle mentionnée par Josèphe pourvu qu'elle soit survenue le soir d'un évènement tragique, ou tout au moins important.
Mais aucun auteur depuis Scaliger n'a voulu les voir. Tous ont essayé de forcer l'éclipse et la mort d'Hérode à s'accorder, à coup de raisonnements faux, d'erreurs de calcul ou d'ignorance.


reconstitution de l'éclipse du 12 mars 4 AC et de celle du 23 mars 5 AC
Nous avons vu que, de Denis Petau à Arthur Loth, en passant par Henri Wallon, nombre d'auteurs ont placé l'éclipse de la mort d'Hérode en 4 avant notre ère.
Mais un coup d'oeil à la reconstitution ci-contre, montre qu'une éclipse aussi partielle que celle de l'an 4 n'a rien à voir avec une éclipse totale et centrale comme celle de l'an 5.
Et il y a plus: Alors que les deux éclipse de l'an 5 ont commencé dans la soirée, donc en ayant un maximum de témoins, celle de l'an 4 ne commença qu'à 1H 53 mn, en temps local de Jérusalem, donc en pleine nuit! Autant dire que les témoins se comptaient sur les doigts d'une main d'un amputé.

Comment tous ces auteurs ont ils fait pour se tromper d'éclipse? Tout simplement parce qu'ils ne demandaient pas à cette éclipse de corroborer le caractère spectaculaire et historique de l'éclipse mentionnée par Josèphe, mais simplement d'avoir eu lieu. La primauté était au calcul chronologique, qui sur la base de début du règne d'Hérode, et de sa durée, faisait mourir Hérode en 3 avant notre ère. Mais il n'y eut pas d'éclipse cette année là. Alors, tenant compte que certaines dates données par Joseph, sont parfois peu cohérentes, en changeant le mode de calcul et en sélectionnant les sources pour que ça marche, on arrive à l'an 4 avant J.C. Et on peut alors avancer que cette année là, il y eut bien une éclipse le 12-13 mars, et que la Pâque juive eut lieu le 10 avril. Ca colle!

Ca parait coller, mais en réalité, ça ne tient pas debout. Josèphe, qui n'est pas astronome, qui ne mentionne pas habituellement de phénomènes astronomiques, n'aurait jamais mentionné une minable éclipse partielle et nocturne, donc quasiment sans témoins, puisqu'elle n'aurait eu aucun caractère historique. On peut en dire autant de toutes les éclipses de l'an 4 avant notre ère à l'an 1 de notre ère.

N'arrivant pas à concevoir que le texte de Josèphe puisse être erroné, nos auteurs ont voulu à toute force concilier l'inconciliable, mais n'ont réussi qu'à trouver une date fausse.
Rappelons nous que Flavius Josèphe s'inspirait surtout de Nicolas de Damas, mais que cela fait longtemps que les manuscrits originaux de Flavius Josèphe ont disparu. Nous n'avons que des copies de copies... et nombre de passages sont corrompus, ou ont subi des tentatives de corrections, parfois elles mêmes fautives. C'est probablement ainsi que s'expliquent les différences entre le même récit raconté dans La Guerre des Juifs, et raconté dans les Antiquités Judaïques.
Or le récit de la mort d'Hérode et celui de l'éclipse n'ont pas la même fiabilité. La durée du règne d'Hérode est rapportée de deux façons concordantes, et les deux nombres sont identiques dans La Guerre des Juifs, et dans les Antiquités Judaïques, ce qui exempte ce passage du soupçon de corruption. Par contre l'éclipse n'est mentionnée qu'en quelques mots dans les Antiquités Judaïques, mais pas dans La Guerre des Juifs. Comme la date de l'éclipse n'est pas cohérente avec la mort d'Hérode, et que le texte est assez vague pour être accolé à n'importe quel évènement, il parait probable qu'il s'agit d'une interpolation fautive. Le texte initial devait concerner un autre évènement important, voire tragique, par exemple une autre exécution décidée par Hérode.

Les deux éclipses que nous venons de mentionner ne sont d'ailleurs que les plus proches de la mort d'Hérode. Si nous consultons le catalogue de Meeus et Espenak, il renseigne pas moins de 87 éclipses pendant le régne officiel d'Hérode, mais 53 seulement furent au moins partielles, les autres étant seulement pénombrales. Sur ces 53, il n'y en eu que 23 de totales. Sur ces 23, seulement 12 furent visibles en Judée. Enfin, sur ces 12, il n'y en eu que 6 pour se produire en soirée, dont la première ne doit même pas être comptée puisqu'elle survint avant la prise de Jérusalem. En sus des deux éclipses déjà étudiée, il ne reste donc que 3 éclipses possibles: celles du 24 mai 27, du 5 aout 12, et du 28 novembre 9 (avant notre ère).

En conclusion, cette éclipse de la mort d'Hérode, qui a fait travailler tant de chercheurs, est manifestement illusoire, et résulte d'une interpolation fautive. Cinq éclipses peuvent se disputer l'honneur d'ètre celle mentionnée par Josèphe, les deux plus probables étant celles de l'an 5 avant notre ère.
Quant à la mort d'Hérode, d'après les renseignements les plus fiables tirès de Flavius Josèphe (notre unique source), elle a probablement eu lieu en l'an 751 de rome (3 avant notre ère), ou peut-être l'année précédente, et ne peut servir à dater la naissance de Jésus de Nazareth, quoiqu'ait pu en dire des générations de chronologistes soucieux de concilier l'évangile de Matthieu, le texte de Flavius Josèphe et les écrits des pères de l'église.
En effet l'association entre Hérode et Jésus n'est faite que par Matthieu, dans son récit de l'histoire des mages, qui n'est qu'une invention. Quant à Luc, il nous dit seulement Que Zacharie était prêtre "au temps du roi Hérode", mais pas qu'Hérode était encore vivant au moment de la conception de Jean par sa femme, Elizabeth, ni au cours de la "visitation" de celle ci, par Marie, six mois plus tard, donc encore moins lors de la naissance de Jésus, un an et demi après l'apparition de l'ange annonciateur à Zacharie. Pas plus que Matthieu, Luc ne nous permet d'associer la date de la naissance de Jésus à celle de la mort d'Hérode. C'est étonnant, mais depuis qu'il y a eu des gens pour chercher, et jusqu'à aujourd'hui, d'innombrables générations de chronologistes ont tenté de reconstituer le puzzle de la naissance de Jésus, avec comme pièces, la prétendue chronologie de Denys le petit, l'éclipse de la mort d'Hérode, et l'histoire des mages, pièces toutes fausses.

Dernière mise à jour: 19/01/2016

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