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Camille Flammarion faussaire? Une gravure trop connue
Au début de son apparition, un consensus se dégagait pour en faire une gravure médiévale, mais c'était manifestement une confusion entre la gravure elle même, et l'idée que l'image représentait. En effet, si la merveilleuse naïveté du système cosmologique représenté peut bien évoquer le moyen-age, le fait qu'il s'agisse manifestement d'une gravure sur bois imprimée implique qu'elle ne soit pas médiévale, puisque le moyen-age s'arréte par définition avec l'invention de l'imprimerie. Le premier a avoir donné une datation vraisemblable serait l'astrologue Strauss en 1926 (1520-1530), suivi d'Heinrich Röttinger en 1931 (1530-1550)
Es war also nicht möglich, den Ursprung des Bildes nachzuweisen, das seit seiner Veröffentlichung durch W.Foerster bekannt wurde, teils durch die Vergrößerung im Deutschen Museum in München, teils durch seine Wiedergabe in verschiedenern Büchern Il ne fut pas possible de prouver l'origine de l'image qui devint connue depuis sa publication par W. Foerster, partie par l'agrandissement du Deutschen Museum de Munich, partie par sa reproduction dans différents livres. Cette publication par W. Foerster, c'était au chapitre Cosmographie et astronomie, dans le volume III de L'Univers et l'humanité, sans date indiquée, mais publié vers 1903 pour l'édition allemande, et vers 1906 pour l'édition française (1) Pourtant, sous la gravure était mentionné: "D'après l'« Astronomie » de Flammarion". L'astronomie? Sans doute fallait-il comprendre l'Astronomie populaire, ouvrage fort prisé, publié en 1880. Hélas, dans l'ouvrage cité, pas plus de gravure au pélerin que de beurre en broche. Zinner publia tout de même le résultat de ses recherches en mars 1957. (2) On croit retrouver la source
Nous ne savons pas s'il avait du consulter tous les ouvrages de Flammarion (et ils sont nombreux!), mais c'était bien dans un de ses ouvrages que se trouvait la gravure. Pas dans l'Astronomie populaire, mais dans L'atmosphère, météorologie populaire (3). On ne sait si c'est Foerster ou son documentaliste qui avait commis l'erreur, car dans la liste des illustrations de l'ouvrage de Foerster, il est simplement indiqué: "Représentation fantastique du système du monde au milieu du moyen age (Flammarion)". Encore faut il remarquer que la gravure ne se trouve, ni dans la première édition de L'atmosphère de 1871, ni dans la seconde de 1872, mais bien dans la troisième édition de 1888, et que même avec le bon titre, Zinner aurait pu ne rien trouver Cette fois, la gravure avait un cadre, évoquant l'art gothique, mais ce pouvait tout aussi bien étre le néogothique, en vogue à la fin du XIXème siècle, que le gothique du XVème siècle
La même source fut retrouvée indépendamment par Friedrich Ludwig Boschke, en 1962, et par Aniela Jaffé, en 1967. Quelques années plus tard, elle fut aussi retrouvée par Bruno Weber, conservateurs des livres rares à la bibliothèque de Zurich. Lui aussi constata que le style rappelait une gravure du XVIe siècle, mais avec des anachronismes, certains pointillés lui évoquant une technique au burin. Pour lui, la gravure était donc moderne. Supposant que son auteur était Camille Flammarion lui même, il rapprocha l'anecdote du missionnaire de l'histoire de St Macaire, rapportée par Camille Flammarion dans son ouvrage Les mondes imaginaires et les mondes réels, et publia ses conclusions en 1973 (4): La gravure était un pastiche réalisé par Camille Flammarion. Du moins le croyait il... Flammarion accusé L'accusation de Weber va faire progressivement école. Dès 1975, dans Illusions au chapitre les « canards » célèbres, Edi Lanners écrit
The illustration is often said to be a 16th-century German woodcut; according to Owen Gingerich of Harvard University, it is more likely a piece of art nouveau that was apparently published for the first time in 1907 in Weltall und Menscheit, edited by Hans Kraemer. On dit souvent que l'illustration est une gravure sur bois allemande du 16ème siècle; selon Owen Gingerich de l'université d'Harvard, c'est plus vraisemblablement une oeuvre d'art nouveau publié pour la première fois en 1907 dans Weltall und Menscheit édité par Hans Kraemer. A cette époque, Owen Gingerich ne connaissait encore que les conclusions d'Ernst Zinner, et la reliure de Weltall und Menscheit est effectivement de style "art nouveau" (ou "modern style" ou populairement "style nouille") L'article du Scientific american tomba sous les yeux d'Arthur Beer, qui informa Owen Gingerich de l'antériorité de Flammarion. Découvrant également l'article de Bruno Weber, Owen Gingerich le porta à la connaissance de John Ashbrook, rédacteur de la rubrique Astronomical scrapbook dans la revue Sky and Telescope. Ashbrook ne fit que présenter un état de la question, mais qui faisait la partie belle au travail de Bruno Weber, qui paraissait sérieux par son abondante documentation. Il explique: The first step in clearing up the problem was the realization that the woodcut was not nearly as old as the 16th century. ... If, then, the picture dates from the 19th century, the artist was probably Camille Flammarion himself. La première étape dans la résolution du problème était de réaliser que la gravure n'était pas tout à fait aussi vieille que le 16e siècle. ... Dans ce cas, l'image date du 19ème siècle, l'artiste était probablement Camille Flammarion lui même. La réputation de sérieux de Sky and Telescope n'étant plus à faire, la nouvelle fit le tour du petit monde astronomique, comme une trainée de poudre: C'était Camille Flammarion qui avait dessiné la gravure. Une hypothèse (que nous allons prouver fausse), devenait une probabilité, avant de devenir une certitude! Confus de s'être fait avoir pendant si longtemps, divers vulgarisateurs se dépéchèrent de publier une mise au point. Par exemple, la revue Sciences et avenir de septembre 1977, titre son article: Une gravure médiévale... du XIXe siècle, (ce qui est peut être vrai), et conclut: Il paraît donc difficile d'échapper à la conclusion que Flammarion est l'auteur de la gravure au pélerin Avec ce commentaire de leur informateur: « Son but n'éait sûrement pas d'exécuter un faux, mais le canular a très bien réussi » De même, la revue La Recherche, confirme cette interprétation en mars 1978: La conclusion de Beer et de Weber paraît inévitable: Flammarion est très probablement l'auteur de la gravure, qui ne doit pas être considérée comme un faux mais plutôt comme un pastiche, produit inattendu de son talent et de son imagination fertile Avec des références aussi sérieuses, la cause paraissait entendue. La gravure n'était pas plus médiévale que la Tour Eiffel, et Camille Flammarion en était l'auteur. La Science l'avait dit. La rumeur (savante, mais rumeur tout de même) va alors se propager dans les livres et bientôt sur le web. En 1987, dans Le ciel, Ordre et désordre, Jean-Pierre Verdet écrit: Considérée à tort comme une gravure populaire du XV ième siècle, cette image est,en réalité,un montage de Flammarion pour son ouvrage, l' Astronomie populaire, édité en 1880. Notons au passage une erreur sur le siècle supposé, et une sur le titre de l'ouvrage, et donc la date. Mais tout va empirer avec le développement du web dans les années 1990, et la naissance des encyclopédies en ligne: la rumeur va littéralement exploser sur internet. Heureusement Wikipédia s'en tient aux données exposées dans l'article de Sky and Telescope, avec les mises au point ultérieures. Le réquisitoire de Bruno Weber
A la lecture, on voit que l'érudition de bibliothécaire de Bruno Weber lui a bien servi pour collecter tout ce qui a pu se dire sur cette gravure, tant sur son origine que sur sa signification et sur l'identité du personnage Malheureusement la démonstration qui suit est consternante. L'auteur est parti d'entrée sur l'hypothèse du faux réalisé par Camille Flammarion, guidé par le fil conducteur du système de la Terre plate "où le ciel et la Terre se touchent". Cela le conduit à n'utiliser que les arguments qui vont dans ce sens, et qui, de fait, sont non conclusifs ou faux, voire absurdes. On peut donc considérer les conclusions de son "réquisitoire" comme nulles et non avenues. Analyse de la gravure
Nous pourront voir que les détails se retrouvent effectivement dans dans des gravures du XVIe siècle, surtout de la période 1530-1550, ce qui corrobore les datations de Röttinger et d'Ernst Zinner. Mais cette datation ne concerne que le style. Faute d'en avoir un exemplaire d'époque, nous ne pouvons pas savoir si c'est une authentique gravure du XVIe siècle ou une bonne imitation du XIXe En sens inverse, il est abusif de parler de faux, parce que tous les éléments de la gravure sont similaires à ceux qu'on trouve dans des gravures connues, puisqu'on pourrait faire la même remarque à propos d'une vraie gravure d'époque. Ce qui serait un argument probant serait de retrouver au XVIe siècle, un élément exactement identique, dont celui de la gravure ne serait qu'un simple décalque Flammarion innocenté La plupart des "démystificateurs" qui ont glosé sur cette affaire se sont comportés comme de vulgaires colporteurs de rumeurs: Ils ont voulu jouer à "celui qui sait", et qui fait confiance à une source "digne de foi", bien qu'il ne l'ait pas lu. Cette source, c'était l'article de Weber, qui prouvait simplement qu'une telle gravure pouvait parfaitement avoir été réalisée au XIXe siècle, par un artiste bien documenté sur les gravures du XVIe. Pour avoir fait de la lithographie pendant 10 ans, nous savons parfaitement que la lithographie à l'encre peut imiter à la perfection la gravure sur bois. De même, qui peut le plus pouvant le moins, la gravure sur zinc l'imiterait tout aussi bien Les avatars de la gravure
Il y aura d'abord des réutilisations dans des livres d'astronomie, puis d'astrologie, puis des réutilisations dans des revues, puis sur des couvertures de livres. Et finalement, recadrée, modifiée, inversée, colorisée (de toutes les façons possibles), redessinée, le gravure est devenue un poncif qu'on retrouve aussi bien sur des tasses à café que sur des T-shirts. Et bien sûr, le thème du voyageur qui découvre un autre monde, a permis bien des récupérations L'organigramme que nous avons tracé montre les principales étapes de ce processus, dont la plus importante ( mais totalement ignorée des commentateurs ) est l'apparition d'une gravure cadrée différemment et qui prouve qu'il existait une gravure antérieure à la gravure publiée par Flammarion. Conclusion Aujourd'hui, nous sommes sûrs: 1) Wilhem Julius Foerster, Die Erforschung des Weltalls, in: Hans Kraemer, Weltall und Menschheit, vol.III, Berlin, vers 1903 |
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Dernière mise à jour: 09/03/2018 |