Simon Goulart |
Simon Goulart, né à Senlis en 1543, étudia le droit à Paris, puis embrassa la réforme et partit pour Genève, où il fut reçu pasteur, et succéda en 1607 à Théodore de Bèze.
Il fut éditeur, traducteur et écrivain
En tant qu'éditeur, il a publié des paroles spirituelles sur la musique de Roland de Lassus, malgré les privilèges du roi, qui ne s'appliquaient pas à Genève
En tant que traducteur, il a traduit Plutarque, Xénophon, l’Histoire de Portugal d’ Osorius et Les devins de Caspar Peucer
En tant qu'écrivain, outre des commentaires, il a publié Memoires de l’estat de France, couvrant la période 1576-1598 en 6 volumes
Son ouvrage qui nous intéresse ici est son Thrésor d'histoires admirables et mémorables de nostre temps, qui eut plusieurs éditions en 1600,1614,1620 et 1628. C'est un recueil d'histoires extraordinaires, recueillies des meilleurs auteurs, et présentées comme édifiantes, et de prodiges supposés être des signes divins
Obligé de réster à Genève, il ne renia jamais ses origines senlisiennes, signant S.G.S. (Simon Goulart Senlisien), et dédicaçant son "thrésor" à son frère, resté à Senlis
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En ceste mesme annee de la prinse & du sac de Rome, a sçavoir l'an 1527, on vid une comete plus effroyable que les precedentes. Apres icelle survindrent les terribles ravages des Turcs en Hongrie, la famine en Suaube, Lombardie & Venise, la guerre en Suisse, le siege de Viene, en Autriche, la suete en Angleterre, le desbord de l'Ocean en Hollande & Zelande, ou il noya grande estendue de pays, & un tremblement de terre de huict jours durant en Portugal.
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La plus redoutable de toutes les cometes de notre temps, fut celle de l'an 1527. Car le regard d'icelle donna telle frayeur a plusieurs qu'aucuns en moururent, autres tomberent malades. Elle fut veue de plusieurs milliers d'hommes paroissant fort longue & de couleur de sang. Au
sommet d'icelle fut veue la representation d'un bras courbé tenant une grande espee en sa main, comme s'il eust voulu frapper. Au bout de la pointe de cette espee, il y avoit trois estoiles: mais celle qui touchoit droitement la pointe estoit plus claire & luisante que les
autres. Aux deux costez des rayons de cette comete se voyoyent force haches, poignards, espees sanglantes, parmi lesquelles on remarquoit grand nombre de testes d'hommes descapitez, ayant les barbes & cheveux herissez horriblement. Et qu'a veu l'espace de 63 ans depuis toute
l'Europe, sinon les horribles effects en terre de cest horrible presage au ciel?
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Ce recit des Cometes sus-escrit est extrait de Garcaeus en sa meteorologie, de Lycosthenes en son recueil des prodiges, & autres
Simon Goulart, Thresor d'histoires admirables et memorables de nostre temps, Paris, Paris, Jean Houzé, 1600
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La description de Goulart ne vient absolument pas de Garcaeus, car celui ci dans sa Meteorologia, se contente d'écrire, pour ce qui est de la comète:
Anno 1527. Cometa ingens horribili iuba apparuit
Et c'est tout
Par contre Garcaeus est assez bavard sur les calamités qui suivirent, et que recopie Goulart.
La description ne vient pas non plus de Lycosthenes, ni même d'Ambroise Paré, mais de Pierre Boaistuau, car elle reprend l'affirmation de plusieurs milliers de témoins, que Boaistuau est seul à donner. Goulart aussi en rajoute un peu en parlant de "barbes & cheveux herissez horriblement", quand Boaistuau dit simplement "herissez"
Il en rajoute aussi dans la série "tremblez, bonne gens", et il y va même fort, en attribuant toutes les calamités des 63 années précédentes, à cette funeste "comète", qui n'en était même pas une. Et d'ailleurs, depuis 1527, il s'était écoulé 73 ans, et non 63. Les autres auteurs se contentait de relier à une comète toutes les calamités qui avaient suivi jusqu'à la comète suivante. Goulart semble être celui qui est allé le plus loin dans cette mode absurde. Au siècle suivant, les cométographes en verront de moins en moins la nécessité. Il faut dire qu'à ce stade, ce n'est plus de la cométographie, c'est du délire
Son texte sera repris par Le Magasin Pittoresque en 1853, mais aussi en 1989, par Jean Prieur, qui le confond avec celui d'Ambroise Paré.
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