la couverture |
Moïse Millaud |
Le Petit Journal, fondé en 1863 par Moïse Millaud, fut, en dépit de son titre, le journal le plus vendu de son temps, car il visait les masses. "Il faut savoir être bête", disait son fondateur. Géré par Alphonse Millaud, neveu du préccédent, il s'orienta donc vers la presse populaire. Vendu bon marché, sans politique, il se consacra, après l'affaire Troppman, aux faits divers (de préférence bien saignants) qui firent sa fortune.
En 1884, Le Petit Journal s'adjoint un Supplément illustré hebdomadaire, qui s'orne de couvertures en couleur en 1890. Son tirage atteint 1 million d'exemplaires en 1895. Ses illustrations en couleur en firent un magazine encore aujourd'hui recherché
Son numéro du 22 mai 1910, dont la couverture est consacré au nouveau roi d'Angleterre, contient à propos du passage de la comète de Halley, un article sur la peur des comètes, dont voici l'extrait consacré à Ambroise Paré
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On se demande si l'on rêve quand on voit un grand savant comme Ambroise Paré partager ces hallucinations et quand on lit dans son chapitre sur les Monstres célestes cette description fantastique qu'il fit de la comète de 1528.
« Cette comète, dit-il, étoit si horrible et si épouvantable et elle engendroit si grande terreur au vulgaire, qu'il en mourut aulcuns de peur ; les autres tombèrent malades. Elle apparaissoit estre de longeur excessive, et si estoit de couleur de sang. A la sommité d'icelle on voyoit la figure d'un bras courbé, tenant une grande épée à la main, comme s'il eust voulu frapper. Au bout de la pointe il y avoit trois estoiles. Aux deux costés des rayons de cette comète, il se voyoit grand nombre de haches, cousteaux, espées colourés de sang, parmi lesquels il y avoit grand nombre de fasces humaines hideuses avec les barbes et les cheveux hérissez... »
Voilà ce que le « père de la chirurgie » voyait dans une comète. Or, Paré était un savant, un homme habitué à l'expérience, à l'observation, et par conséquent, peu enclin à se laisser emporter par la « folle du logis ». Jugez, par l'impression que produisait sur lui la vue d'une comète, des terreurs insensées qu'une telle apparition devait déchaîner dans l'imagination du vulgaire.
Il faut reconnaitre que le texte de Paré est correctement reproduit, d'après une source non précisée, mais le reste est complètement faux. Les témoins de comètes n'étaient pas des hallucinés, et Ambroise Paré encore moins. Il n'y a jamais eu de comète en 1528. Tout au plus, une aurore boréale en 1527. Ambroise Paré ne l'a jamais observé et n'a fait que recopier le texte de Pierre Boaistuau. Si quelque chose est hallucinant, c'est la naïveté du journaliste dont l'imagination enfiévré lui fait voir des hallucinés partout.
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