1740. James Short, confirme l'observation de Cassini.

Short
James Short
James Short (1710-1768), né à Edinburgh, et orphelin à l'age de 10 ans, étudia au Royal High School, puis à l'université d'Edinburgh, où il étudia la théologie, avant de se tourner vers les mathématiques et l'astronomie à l'instigation de Mac Laurin, qui lui permit de s'initier à la fabrication des télescopes dans les locaux de l'université.
Il se révéla un remarquable constructeur de télescopes de Gregory, au point d'en faire sa profession, et s'installa à Londres en 1738. En 35 ans de carrière, il aurait fabriqué 1360 instruments scientifiques.
En mars 1737, il fut élu membre de la Royal Society, puis en 1758 membre de la Royal Swedish Academy of Sciences.

XXIII. An Observation on the Planet Venus, (with regard to her having a Satellite) made by Mr. James Short, F.R.S. at Sunrise, October 23. 1740.

Directing a reflecting Telescope of 16.5 Inches Focus, (with an Apparatus to follow the diurnal Motion) towards Venus, I perceived a small Star pretty nigh her; upon which I took another Telescope of the same focal Distance, which magnified about 50 or 60 times, and which was fitted with a Micrometer, in order to measure its Distance from Venus and found its Distance to be about 10' 20"(1). Finding Venus very distinct, and consequently the Air very clear, I put on a magnifying Power of 240 times, and, to my great Surprize, found this Star put on the same Phasis with Venus. I tried another magnifying Power of 140 times, and even then found the Star under the fame Phasis. Its Diameter seemed about a Third, or somewhat less, of the Diameter of Venus; its Light was not so bright or vivid, but exceeding sharp and well defined. A Line, passing through the Centre of Venus and it, made an Angle with the Equator of about 18 or 20 Degrees.
  I saw it for the Space of an Hour several times that Morning; but the Light of the Sun increasing, I lost it altogether about a Quarter of an Hour after Eight. I have looked for it every clear Morning since, but never had the good Fortune to see it again.
  Cassini, in his Astronomy, mentions much such another Observation.
  I likewise observed Two darkish spots upon the body of Venus; for the Air was exceeding clear and serene.

XXIII. Une observation sur la planète Vénus, (en ce qui concerne qu'elle a un satellite) faite par M. James Short, F.R.S. au lever du soleil, le 23 octobre 1740.

Dirigeant un télescope réfléchissant de 16,5 pouces de foyer (avec un appareillage pour suivre le mouvement diurne) vers Vénus, j'ai aperçu une petite étoile assez proche d'elle; sur laquelle j'ai pointé un autre télescope de la même distance focale, qui grossissait environ 50 ou 60 fois, et qui était équipé d'un micromètre, afin de mesurer sa distance à Vénus et j'ai trouvé que sa distance était d'environ 10' 20". Trouvant Vénus très distincte, et par conséquent l'air très clair, j'ai mis un grossissement de 240 fois, et, à ma grande surprise, j'ai trouvé cette étoile avec la même phase que Vénus. J'ai essayé un autre grossissement de 140 fois, et trouvé encore l'étoile avec la même phase. Son diamètre semblait environ un tiers, ou un peu moins, du diamètre de Vénus; sa lumière n'était pas si brillante ou vive, mais excessivement nette et bien définie. Une ligne passant par le centre de Vénus et elle, faisait un angle avec l'équateur d'environ 18 ou 20 degrés.
  Je l'ai vu pendant l'espace d'une heure plusieurs fois ce matin-là; mais la lumière du soleil augmentant, Je l'ai complètement perdu vers huit heures un quart. Je l'ai cherché chaque matin clair depuis, mais je n'ai jamais eu la bonne fortune de le revoir.
  Cassini, dans son Astronomie, mentionne une telle autre observation.
  J'ai également observé deux taches sombres sur le corps de Vénus; car l'air était extrêmement clair et serein.
Note 1: Dans l'article imprimé, il est écrit 10° 2' 0", valeur qui parait absurde et qui est corrigé manuellement, en marge, en 10'. En consultant d'autres sources, il apparait qu'il fallait lire 10' 20".
Philosophical Transactions of the Royal Society, Volume 41, Issue 459, p. 646

Sachant que le supposé satellite disparut vers 8H 15, après une heure d'observation, nous pouvons en déduire que l'observation a du débuter vers 7H 15, et tenter de reconstituer l'observation pour le 23 octobre à l'aide de Stellarium.

À la position indiquée par Short, Stellarium fait apparaitre l'étoile HIP 54810, de magnitude 8.70. De plus, l'angle indiqué avec l'équateur correspond à peu près. Quant à la distance elle correspond à la différence d'azimut si nous plaçons l'observation à 7 h 27 mn.
Seulement voila, en 1740, le calendrier utilisé en Angleterre était encore le calendrier julien. Si la date mentionnée dans les Philosophical transactions est bien dans ce calendrier, on était alors le 3 novembre, dans notre calendrier actuel.

Mais le 3 novembre, l'étoile qu'on trouve, pour une observation à la même heure (nous gardons 7H 27 mn du cas précédent), correspond beaucoup moins bien. Stellarium trouve l'étoile HIP 58111, de magnitude 8.30. Mais si l'angle avec l'équateur correspond, la distance à la planète ne correspond pas du tout. Pour avoir une distance angulaire de 10' 20", il nous faut placer l'observation à 4H 27 mn. L'angle avec l'équateur correspond encore, mais plus le créneau horaire, puisque Short disait bien qu'il avait perdu l'objet de vue vers huit heures un quart après une heure d'observation.
Les positions indiquées par Stellarium diffèrent de moins de 3" de celles données par l'institut de mécanique céleste, elles ne sont donc pas en cause.
De plus, au moment ou Short perdit l'objet de vue, Vénus s'était tellement rapproché de l'étoile que sa distance était de moins de 1', sans que Short n'en ait rien dit.
Stroobant, indique la même étoile en la trouvant à 7' de Vénus, tout en indiquant que l'heure n'est pas sûre, car Schorr place l'observation entre 5 et 6 h, mais c'est évidemment la source originale qui fait foi, et non le livre douteux de Schorr.

telescope
James Short utilisait, bien sûr, les instruments qu'il fabriquait, ne serait-ce que pour les tester.
Les télescopes qu'il utilisait ici, de 420 mm de focale, ne paraissent pas bien puissants, et nous ignorons leur ouverture. Mais cette ouverture, nous en avons une idée en regardant les photos de télecope grégoriens de l'époque. On trouve alors que cette ouverture devait être comprise entre f/5 et f/6, ce qui donnerait un miroir d'un diamètre compris entre 2.75 et 3.3 pouces, soit entre 7 et 8.4 cm. Il aurait alors eu une résolution comprise entre 1.6" et 1.8"... si les miroirs étaient parfaits.

Sachant que le diamètre de Vénus était de 37", nous pouvons en déduire que le diamètre du supposé satellite était d'environ 10" à 12" soit environ 6 fois le pouvoir séparateur de son télescope. Si l'objet était une étoile, Short n'aurait donc pas du la voir avec une phase, comme Vénus.

Mais une de 9e magnitude aurait elle été visible? Stroobant a montré qu'une telle étoile observée dans un instrument de 15 cm d'ouverture était encote visible dans le crépuscule. Or ici, le soleil était déjà levé. Ceci rend l'observation d'une étoile de 9e magnitude beaucoup plus difficile, d'autant que l'ouverture de l'intrument de Short n'était que la moitié de celle de celui de Stroobant.

Le soleil fait donc disparaitre l'hypothèse d'une étoile faible, mais il en fait apparaire une autre: celle d'un reflet illusoire sur le métal des télescopes, comme celui observé par W. F. Denning. Dans ce cas, que Short n'ai plus jamais revu le satellite s'expliquerait par le fait qu'il n'aurait plus jamais utilisé le même type de télescope pour observer Vénus à la même hauteur sur l'horizon, le soleil étant levé.

Mais parallèlement, il reste l'hypothèse d'une étoile visible à l'oeil nu, et que le télescope permettrait de voir en plein jour. Le 3 novembre, à 7 h 15, on ne trouve pas de telle étoile au voisinage de Vénus. Mais le 2 novembre (22 octobre en calendier Julien), on en trouve une, l'étoile β Vir, de magnitude 3.55, qui se trouve à 10' 20 de Vénus à 6 h 55. Il faudrait alors admettre une erreur de transcription sur la date, ce qui est possible, puisqu'il y en a eu une sur la valeur angulaire. Malheureusement, Short dit bien que la ligne reliant l'objet à Vénus faisait avec l'équateur un angle de 18 à 20°. Or ce n'est pas du tout le cas ici, et l'angle est d'environ 45°.

La vanité des recherches qu'il mena ensuite pour retrouver le satellite, parait en tous cas suffisante pour enterrer l'hypothèse d'un satellite réel. En effet, selon l'Encyclopédie de 1765, il ne put jamais le rédécouvrir, même en utilisant son télescope de 12 pieds, le plus grand qui eut été fait jusqu'alors. Si ce satellite avait réellement existé, même avec une face sombre, comme Japet, il aurait immanquablement retrouvé avec cet engin de 12 pieds, ce qu'il avait vu avec un télescope d'un pied et demi.

cachet
James Short perpétua le souvenir de son observation en se faisant fabriquer un cachet, avec un phylactère portant:
[ HUJUS OPE ]
[ TANDEM APERUIT ]
(au moyen de ceci, il s'est enfin montré)
Le "il" étant probablement le satellite de Vénus.
Quant à "ceci", ce devrait être ce qui figure sur le blason, malheureusement mal lisible, car nous n'en connaissons que la gravure publiée dans le 17e tome de l'encyclopédie de 1765. Certains prétendent qu'il s'agit de la phase (imaginaire) du satellite, mais le "hujus ope" indiquerait plutôt le télescope.

Short n'a peut-être jamais su que son observation était illusoire, mais selon De Lalande, en 1763, il ne croyait plus avoir vu le satellite

Nous pouvons, en tous cas, enterrer cette légende: Short semble avoir bien vu quelque chose dans son oculaire, nous ne savons pas très bien ce que c'était, mais ce n'était pas un satellite de Vénus.

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Dernière mise à jour: 20/11/2020