1956. H.P. Wilkins fait trop confiance à Thomas Dick.
Hugh Percy Wilkins, s'il fut un sélénographe réputé, fut aussi un astronome un peu naïf, qui crut au "pont de O'Neil" (une arche lunaire de près de 20 miles d'envergure) et se fit exclure de la British Astronomical Association. Dans cet esprit il publia en 1955 Mysteries of space and time, qui sortit en traduction française en 1956. Voici le passage consacré au satellite de Vénus.
Il semble certain que Vénus ne posséde pas de satellite, car aucun corps céleste de ce genre n’a été découvert a aide des magnifiques instruments d’optique que sont nos télescopes modernes. Et cependant certaines observations curieuses, et sous un certain rapport mystérieuses, ont été faites pendant le XVIIIe siécle. On n’a pas réussi a les éliminer d’une maniére vraiment parfaite. Le célébre astronome italien Cassini fut le premier a voir ce qui lui sembla une lune de Vénus. Cassini était un observateur avisé, comme le prouve la découverte qu’il fit de quatre des lunes de Saturne. Avant l’aube du 18 août 1686, il était en train d’observer Vénus a l’aide d’un de ces vieux télescopes du temps, long de 12 métres et non-achromatique, lorsqu’il vit un objet de petite taille, a l'Est de la planéte et apparemment dans la méme phase. En 1740, a l’aube, le célébre opticien James Short observait Vénus à l’aide d’un petit télescope à réflexion de grossissement 60. Il vit une petite étoile à une distance de 10 secondes d’arc de la planéte. Il utilisa des objectifs de grossissement 140 et 240 et découvrit que cette étoile se trouvait dans la méme phase que Vénus elle-méme.
Note: C'était 10 minutes d'arc, et Short changea les oculaires et non les objectifs, mais il s'agit peut-être d'erreurs de traduction.
Son diamétre était environ un tiers de celui de la planéte. Short rapporta qu’elle apparaissait d’un dessin trés net et bien défini. Malgré tous ses efforts, i] ne put dans la suite la retrouver.
Mais la plus remarquable de toutes les observations jamais rapportées et la plus curieuse fut réalisée par l’astronome francais Montaigne. Le meilleur rapport sur ces observations nous est donné par les Paysages célestes du Dr Dick, publiés en 1837.
Note: Le meilleur rapport est évidemment le document le plus proche de l'observation originelle, et c'est le mémoire publié par Baudouin de Guémadeuc.
Ce qui suit est extrait de cet ouvrage ancien, qui eut à l’époque une influence considérable sur les milieux astronomiques (voir fig. 3).
Le 3 mai 1761, Montaigne apercut, sous Vénus et a 20 minutes d’arc de la planéte, un petit croissant dont les pointes étaient dirigées dans le méme sens que celles de Vénus, qui se présentait à ce moment également sous l'aspect d’un croissant trés fin. Le diamétre de ce petit croissant était environ un quart de celui de Vénus. La nuit suivante, il vit de nouveau cet objet céleste, mais qui s’était déplacé vers la droite et se trouvait dés lors un peu au dela du pôle Nord. Les 5 et 6 mai, le temps fut défavorable aux observations. Le 7 mai, l’étrange objet apparut de nouveau, mais désormais sur le coté droit de Vénus, et toujours dans la méme phase. On aurait dit qu'il suivait un chemin elliptique autour de la planéte ; il semblait avoir accompli environ la moitié de sa révolution entre le 3 et le 7. Jusqu’au 11, le temps fut de nouveau défavorable, puis on eut une nuit claire et trés belle. Le satellite supposé devint visible de nouveau ayant affectué un déplacement vers la gauche et vers le Sud-Ouest de la planéte. La lumiére émise par ce corps céleste était trés faible. Le satellite supposé se trouvait toujours dans la méme phase, qu’on l’observe en méme temps que Vénus ou qu’on l’isole dans le champ du télescope.
Note: Ce dessin n'est pas de Montaigne, mais est recopié de celui de Thomas Dick, et, à part qu'il y avait bien 4 observations d'un astre semblant tourner autour de la planète, il est complètement faux.(voir notre étude de l'observation de Montaigne).
Evidemment,Montaigne déplacait son télescope de façon a ne pas étre géné par le disque brillant de Vénus, et de ce qui a été dit plus haut résulte que le satellite pouvait étre vu, que la planéte fit ou non cachée.
Quant à nous, comme nous l’avons déja dit, nous ne croyons pas à l’existence de ce satellite de Vénus, pour la raison qu’aucun corps de ce genre n’a été observé a l’aide des grands télescopes modernes, instruments incomparablement supérieurs aux faibles lunettes dont on pouvait disposer au XVIIIe siécle. On a suggéré que les instruments de cette époque, qui étaient du type composé, appelé aussi grégorien, ont pu étre responsables des observations lumineuses non confirmées par la science moderne. Mais Short, qui était un facteur célébre de lunettes grégoriennes, essaya trois oculaires différents pour vérifier la réalité de cette étoile étrange qu’il venait de voir auprés de Vénus.
Note: Short fabriquait des télescopes de Gregory, et non des lunettes grégoriennes. Mais c'est encore une erreur de traduction, puisqu'en anglais "lunette" se dit aussi télescope. Quant au problème des oculaires, il n'a rien à voir avec la combinaison de miroir de Gregory, puisque le même problème apparaitrait aussi bien dans des télescopes de Newton ou de Cassegrain.
H.P.Wilkins, Les mystèrtes de l'espace et du temps, Payot, 1956, p. 117-120
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Wilkins fait trop confiance à Thomas Dick, qui avait enjolivé le rapport de Baudouin de Guémadeuc, qui avait lui même trop crédibilisé la rapport de Montaigne, qui ne concernait que des étoiles qui se trouvaient fortuitement à une distance vraisembleble pour un satellite. Après Wilkins, Aimé Michel reprendra ses informations et son dessin, qui n'en deviendra pas plus exact.
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