Les anneaux ne résonnent plus

1960
photogrammétrie de l'anneau par Dollfus et Focas
photométrie de l'anneau, les chiffres indiquent la distance au centre en secondes d'arc à 10 U.A
En préparant les moyens de la recherche d'un hypothétique 10ème satellite de Saturne (qui fut trouvé: c'est Janus), Audoin Dollfus, M.Camichel et J.Focas utilisent un nouveau micromètre à double image monté sur la lunette de 60 cm du Pic du midi pour faire des mesures très soigneuses de la position des différentes divisions parcourant les anneaux. Ils découvrent alors qu'elles ne s'accordent pas avec la théorie des lacunes de Hirkwood et Lowell:
Depuis le siècle dernier, à la suite des travaux de Kirkwood et de Lowell, on admettait que les divisions et faibles zones sombres observées dans l'anneau de Saturne étaient attribuables aux perturbations produites par les satellites. Ces perturbations ajouteraient leurs effets, par résonance, aux distances pour lesquelles les périodes de révolution sont commensurables avec celles des satellites. La théorie avait fait ses preuves dans le cas des perturbations introduites par Jupiter dans l'anneau des astéroïdes. La division de Cassini semblait coïncider avec la période 1/2 de celle du satellite Mimas, 1/3 d'Encelade et 1/4 de Téthys.
Cependant, nos nouvelles mesures micrométriques montrèrent que la perturbation pour la période 1/2 de Mimas ne coïncide pas avec le centre de la division de Cassini mais avec son rebord interne ; de plus, les perturbations par les satellites expliquaient mal les minimums de lumière que nous avions observés ; elles ne pouvaient rendre compte de l'aspect des anneaux.

De fait, maintenant que grace aux sondes spatiales, nous connaissons suffisamment bien la masse des satellites de Saturne, il est facile, rien qu'en utilisant les lois de Képler et de Newton (et de préférence un ordinateur), de calculer les principales résonances, et leur importance en fonction de la masse du satellite perturbateur, du carré la distance entre l'orbite résonnante et celle du satellite, et du nombre de révolutions sur l'orbite résonnante, entre deux conjonctions. Il n'y a plus qu'à les reporter sur une "carte" des anneaux avec son échelle, et à comparer avec la position des lacunes. Dans le diagramme ci joint, nous avons reporté les 15 principales résonances, dont l'importance est indiquée par la longueur de la flèche

On voit que les résonances se font un malin plaisir de tomber partout, sauf dans les lacunes.
Pire, les deux résonances les plus importantes correspondent à l'endroit le plus dense de l'anneau B.
De plus, certains satellites de Saturne sont sur des orbites résonnantes avec Téthys, comme Calypso et Telesto ( rapport 1/1, comme les Troyens pour Jupiter), ou quasi résonnante ( 1/2.003 pour Mimas), sans qu'ils s'en portent plus mal.
Enfin, pour des orbites circulaires, toutes les conjonctions se valent, et la résonance n'a plus du tout le même sens que pour les orbites excentriques des astéroïdes. Pauvre Kirkwood, dont le travail part une seconde fois au cimétière. (voir le Képler américain).
Lowell, lui, devait avoir l'habitude.

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