José Arbol Y. Bonilla et son oeuvre
L'observatoire de Zacatécas
S'il est problématique d'attribuer la fondation de l'observatoire à José Arbol Y Bonilla, il semble que ce soit bien lui qui se soit procuré lors de ses voyages en europe le matériel destiné à équiper l'observatoire. Nous en connaissons la situation et le matériel grace à la lettre qu'il envoya à Camille Flammarion, qui en fit l'écho dans l'Astronomie:
L'Observatoire est bâti à 2506 mètres au-dessus du niveau de la mer, Sa longitude est de 6h 50m 21s,70 à l'ouest du méridien de Paris, et sa latitude de 22° 46' 34",9 Nord. C'est à 4° au Nord-Ouest de Mexico. On remarque parmi les instruments un équatorial de six pouces, de Secrétan, avec mouvement d'horlogerie et régulateur isochrone, deux spectroscopes, un appareil de photographie pour l'équatorial, un micromètre de position, deux pendules sidérales de Secretan et Redier, un chronomètre de marine, une petite lunette méridienne, un altazimut de Troughton et Simms... un télescope Foucault, de Om,10 d'ouverture, etc.
la lunette de Bonilla
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télescope actuel
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chambre photographique utilisée par Bonilla |
L'observatoire fut inauguré le 6 décembre 1882 pour le transit de Vénus sur le disque solaire, phénomène dont l'observation permet le calcul de la parallaxe solaire
Préalablement, le 4 décembre Bonilla avait pu déterminer la longitude de son observatoire, en échangeant des signaux télégraphique avec l'observatoire du Château de Chapultepec. Tout semblait prèt, sauf peut ètre le temps...
De fait, le 5 les nuages se firent de plus en plus menaçants, et le 6 au matin un brouillard épais bouchait l'horizon est. Le rapport de Bonilla explique que soleil était caché par la nébulosité pour le premier contact, mais que le vent chassa opportunément le brouillard pour le second, pour lequel il fur surpris de ne pas observer le phénomène de la "goutte noire". Malheureusement les nuages envahirent le ciel, et la suite de l'observation fut gachée par une pluie torrentielle. Pauvre Bonilla, bien mal récompensé de toutes ses peines.
Malgré cette déconvenue, son biographe, Ciro Robles Berumen, n'en écrit pas moins:
Avec l'ouverture de l'observatoire astronomique, inauguré le 6 décembre 1882, on a ouvert de nouvelles possibilités pour le développement de l'astronomie d'observation à Zacatecas, puisque l'observatoire non seulement disposait des instruments nécessaires qui le situaient au premier rang des observatoires de second ordre en Amérique, mais aussi, d'un groupe de professeurs de vaste expérience dans ce domaine. On enseignait en outre dans l'Instituto Literario de García la topographie, la géodésie, la géographie et la cosmographie, entre autres, aux élèves qui suivent la carrière d'ingenieur.
Le fait qu'on enseignait ces matières nous fait voir les connaissances astronomiques solides que les ingénieurs sortis avaient, et qui se sont montrées dans leurs travaux topographiques et géodésiques. Résultat de cette formation scientifique et de leur activité professionnelle, quelques professeurs de ces années, ont écrit diverses ouvrages comme le livre de Cosmographie élémentaire de José Arbol Y Bonilla, publié en 1887, considèré comme un des premiers textes de cosmographie moderne au Mexique;
Bref, à en croire son biographe, José Arbol Y. Bonilla est rien moins que le Camille Flammarion mexicain
Les étranges Faux attribués à Bonilla
L'équivalent mexicain de L'astronomie populaire serait alors la Cosmographie élémentaire par José A. y Bonilla, Ingénieur, ancien élève de l'école spéciale d'ingénieur, professeur de mathématiques et astronomie, directeur de l'observatoire astronomique de Zacatécas, membre d'honneur des sociétés scientifiques Flammarion de Paris, de Marseille (France), de Jaën (Espagne), Bruxelles (Belgique), "Antonio Alzate" (Mexique), etc... correspondants de divers observatoires astronomiques et météorologiques, et du Smithsonian Institute de Washington, etc. etc...
(Zacatécas. typographie de la prison à charge de Mariano Mariscal)
Avec un titre aussi impressionnant (la prison mise à part), on peut s'attendre à du sérieux. D'ailleurs Ciro Robles Berumen, Docteur en Histoire de l'Université Autonome de Zacatecas, puise dans ce livre, pour décrire l'histoire de la photographie astronomique à Zacatecas pendant le dernier tiers du XIXème siècle
(Page traduite de l'espagnol)
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Astrophotographie du Système Solaire
On obtiendrait postérieurement différentes images de la Lune et des planètes sur des plaques de de 6 x 9 centimètres, préparées avec un mélange de gelatine et de sels d'argent. À propos de ceci Arbol y Bonilla a écrit :
La photographie a rendu d'utiles services pour nos connaissances des paysages lunaires, avec des plaques sèches de gelatino-bromure d'argent ; 4 secondes d'exposition suffisent avec l'équatorial de l'observatoire pour obtenir de très bons resultats.12
photographie d'un aspect du paysage lunaire. Auteur: José Arbol y Bonilla.
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Pour obtenir la sensibilité maximale des plaques sèches, dans le cas de la photographie céleste, les astronomes préparaient le mélange en le traitant pour que la gelatine aitt la plus grande quantité possible de bromure d'argent
Photographie d'un dessin de la planète Saturne. Auteur : José Arbol y Bonilla.
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source: La fotografía celeste en Zacatecas durante el último tercio del siglo XIX
A en croire, ce document presque hagiographique, José Arbol y Bonilla, aurait donc pris lui même ces photographies, après avoir préparé lui même ses plaques.
Or non seulement ces photos sont infames (mais on peut accuser le temps ou la reproduction), mais elles ne sont elle mêmes que des reproductions de photographies ou dessins faits par d'autres
Voyons la photographie lunaire. les sélénographes y reconnaissent immédiatement la région du cirque Archimède, proche des apennins lunaires. Mais elle a un aspect étrange. La comparaison avec des photographies d'amateurs de la même région montre que ce ne peut ètre une vraie photo de la lune, le vrai cirque Archimède, est comme le cirque Platon, un cirque à fond plat. De plus sous l'effet de la perspective, son aspect est toujours allongé. Enfin les ombres du relief sont beaucoup trop prononcées et l'éclairement des zones planes ne correspond pas du tout: en réalité, elles sont très sombres quand le cirque Archimède est voisin du terminateur
région du cirque archimède |
... sous un éclairage rasant |
photo prétendue de Bonilla |
photo Samuel Castner |
Mais l'explication vient quand nous cherchons sur le Web toutes les photos disponibles du cirque Archimède. Il en existe une qui ressemble étrangement à celle de Bonilla. Cette photo appartient à la collection George Eastman (fondateur de la société Kodak). C'est un don de la compagnie 3M, qui les tenait elle même de la collection Louis Walton Sipley. Il s'agit d'une série de photos prises par le photographe américain Samuel Castner Jr. (voir The Moon - for real & in fiction).
Or d'autres photos prises dans d'autres perspectives montrent clairement qu'il s'agit de photos du relief lunaire reconstituées sous forme de maquettes, apparemment en platre
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photo publiée par Flammarion |
Mais qui avait fabriqué les maquettes photographiées par Samuel Castner Jr?
En en discutant avec Mr. Pernet, pilier de la société astronomique de France, nous avons pu retrouver le cliché reproduit par Bonilla:
Il a été publié en 1884 par Camille Flammarion, dont Bonilla était un fervent admirateur.
Camille Flammarion, lui même aéronaute, et "sélénophile", ne tarit pas d'éloges sur la qualité de cette photo, qu'il décrit dans une grande envolée lyrique, tellement ce paysage déchiqueté, outrageusement romantique, lui évoque un survol lunaire en aérostat! Il en perd même son esprit critique au point de mettre le doigt sur la preuve de l'imposture sans la voir:
...le grand cratère béant qui domine est Archimède...
Or Archimède est un cirque à fond plat, qui est à un cratère béant, ce qu'une assiette est à un bol...
les Terres du ciel
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Camille Flammarion a pubié ce cliché dans "LES TERRES DU CIEL", page 487 de l'édition de 1884
Et il cite sa source: "THE MOON, considered as a Planet, a World, and a Satellite", paru à Londres en 1874, du sélénographe Nasmyth.
Finalement, l'astuce sera dénoncé le 7 décembre 1892, lors d'une réunion de la Société Astronomique de France:
M. Gaudibert, à qui avait été adressée une lettre de M. Trotin lue à la séance d'octobre et signalant des divergences entre les principales cartes lunaires connues, répond, comme précédemment, que les conditions d'éclairage changent perpétuellement, sur le disque lunaire, l'aspect des reliefs que l'on y rencontre; que la Lune ne se représente dans la méme position par rapport au Soleil et à la Terre qu'au bout d'un cycle de dix-huit ans, et qu'on ne peut arriver à une probabilité qu'en prenant beaucoup de dessins des aspects étudiés et en les comparant entre eux; ce à quoi il engage vivement M. Trotin. Quant à l'admiration que celui-ci professe pour les photographies de Nasmyth, notre distingué sélénographe fait remarquer que ces épreuves ont été prises d'après des reproductions plastiques et que, si jolies qu'elles soient à l'oeil, elles présentent de nombreuses inexactitudes qu'il a eu souvent l'occasion de constater.
( L'Astronomie, janvier 1893, p 26)
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James Nasmyth
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James Nasmyth, (1808-1890), brillant ingénieur, construisit lui même, vers 1850, un télescope de 20 pouces de sa conception (altazimutal coudé), et se spécialisa dans l'observation lunaire
Mais voila, non content d'ètre ingénieur, opticien, astronome et photographe, James Nasmyth était aussi artiste, et ses grandioses photographies de la lune, trop belles pour ètre vraies (et trop belles pour ètre de leur époque, car la première photographie de la lune ne date que de1840), n'étaient que des photographies de maquettes, en platre
Nous pouvons autant admirer l'artiste que le sélénographe, puisque la splendeur de ses photos a été capable de tromper Flammarion lui même.
Finalement, grace à José Arbol Y. Bonilla, la preuve est faite: La lune n'est pas en fromage... elle est en platre
Bon, sans rire, José Arbol Y Bonilla n'a pas de chance avec la sélénographie.
En effet, il a reproduis consciencieusement une carte de la lune... à l'envers.
la lune selon Bonilla
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la lune réelle
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Autrefois, les cartes de la lune la montrait souvent avec la mer des pluies en bas à droite comme on voit la lune dans un télescope, c'est à dire tournée de 180°. Aujourd'hui on la montre plutôt avec la mer des pluies en haut à gauche, comme on voit la lune à l'oeil nu.
Malheureusement la carte de Bonilla met la mer des pluies en bas à gauche, comme on la verrait en regardant vers le bas dans un miroir horizontal. On pourrait objecter que c'est parce que Bonilla observait la lune avec un renvoi coudé, mais non seulement la lunette de Bonilla n'avait pas de renvoi coudé, mais un renvoi coudé placé derrière une lunette met la mer des pluies en haut à droite, et non en bas à gauche. Pas de chance. C'est une antériorité aux lois de Murphy
L'explication la plus probable est qu'il s'agit d'une erreur de l'imprimeur, mais il n'est guère admissible que Bonilla n'ait pas vérifié les épreuves et fait corriger l'erreur.
ce que Bonilla pouvait voir |
Quant à la photo du dessin de Saturne, sa légende est passablement ambigûe: On pourrait croire que c'est la photo d'un dessin que José Arbol Y. Bonilla à fait par observation directe de Saturne.
Mais en fait, il ne risquait pas de faire un tel dessin montrant nettement la division dite "d'Encke" avec sa lunette de 160 mm.
Il faut donc plutôt comprendre que Bonilla a fait la photo du dessin, mais pas le dessin lui-même. C'est le dessin d'un autre.
Justement l'ombre de Saturne sur l'anneau à une allure bizarre. Une allure à nulle autre pareille qu'on ne retrouve que sur un dessin de Trouvelot exécuté en 1874, et reproduit en particulier (avec des couleurs inventées) dans Le Ciel d'Amédée Guillemin, en 1877.
La comparaison esr édifiante: le supposé dessin de Bonilla n'est bien qu'une mauvaise reproduction du
dessin de Trouvelot
dessin de Trouvelot reproduit par Guillemin |
dessin photographié par Bonilla |
Alors, quid du Camille Flammarion Mexicain? Nous avons déja des raisons de penser que sa légende a éré bien enjolivée. En étudiant son observation, nous allons voir que c'est encore pire...
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