2005 Didier Audinot se prend pour un historien L'INVASION CELESTE DE L'EVEQUE AGOBARD C'est du moins ce que laisse clairement entendre un document très ancien et pour le moins étrange de nos jours conservé au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale sous le titre, Chroniques de l'archevêque de Lyon Agobard. Une pièce qui remonte au IXe siècle, ce qui nous ramène, en France, plus précisément à Lyon, au temps où régnaient les premiers Carolingiens. Le contenu de ce document, du moins si l’on s’en réfère au texte originel et non à diverses interprétations ultérieures, reste suffisamment étonnant pour mériter un petit arrêt sur image.Note: Ca commence mal! Il n'y a jamais eu de Chronique écrite par Agobard. Né en Espagne en 779, le dénommé Agobard s’est installé avec sa famille près de Narbonne à peine trois années plus tard. À l’âge de vingt ans, il prend villégiature à Lyon, y est ordonné prêtre en 804 puis y poursuit une brillante carrière ecclésiastique qui le conduit à succéder à l’archevêque Leidrade lorsque celui-ci, âgé, se retire au monastère de Saint-Médard. Note: Cette fois c'est à peu près exact, mais la naissance en Espagne n'est que supposée. Pendant tout son sacerdoce, Agobard sut se montrer esprit éclairé, rationaliste et brillant analyste. Fin lettré, il nous a laissé vingt-deux livres d’écrits, pamphlets politiques, poèmes, mais aussi des traités relatifs aux superstitions et croyances hérétiques de son temps. Car même à Lyon, capitale des Gaules, et au IXe siècle, les relents des paganismes antiques étaient loin d’être éteints. Il suffit pour s’en convaincre d'analyser le contenu de beaucoup d’édits de Charles le Chauve, fils de Charlemagne, pour se rendre compte à quel point pouvaient encore être présentes, dans nos campagnes et malgré plusieurs siècles d’évangélisation et de christianisation, toutes sortes de croyances irrationnelles et de cultes rendus aux arbres remarquables, aux sources et aux pierres levées. Note: les édits contre les pratiques païennes sont de Charlemagne, quant à Charles le chauve, il était son petit-fils, et non son fils. Retournez à l'école monsieur l'historien. ... C'est dans cet esprit que ce savant prélat nous a laissé, dans ses Chroniques, et pour l’année 800, la description de faits étranges et de manifestations aériennes qui se produisirent au-dessus de Lyon et des campagnes environnantes. Ces phénomènes, Agobard nous les décrit comme une invasion de bateaux aériens habités par des créatures à l’apparence humaine; sortes de navires célestes dont les turbulences effrayaient les animaux et gâtaient les récoltes. Note: Répétons qu'Agobard n'a pas écrit de Chronique. Les faits se passaient vers 815, et non 800. On ignore où ils se sont passés, mais ils ne consistaient pas en manifestations aériennes. il n'y eut pas de navires aériens, qui n'eurent donc pas de passagers, et qui ne créaient donc pas de turbulences, qui n'effrayaient donc pas les animaux. Agobard dit expressément le contraire. Vous avez tout faux monsieur l'historien. En ces temps où les hommes n'avaient aucune connaissance de ce qu'était vraiment l'univers céleste et ne se préoccupaient donc nullement de savoir s’ils étaient ou non seuls êtres pensants et créatures de Dieu au milieu de cette infinité, le phénomène, bien que stupéfiant, fut unanimement attribué aux sorcelleries de quelque voisin indélicat soucieux de ruiner récoltes, couvées et portées. Avec malgré tout l’incontestable présence affirmée de vaisseaux aériens que l'imagination et le vécu des gens d'alors ne permettaient pas de décrire autrement que comme des bateaux voguant dans les airs. Des vaisseaux engendrant des turbulences aériennes et qui plus est habités, donc pilotés par des créatures semblables aux hommes. Voilà qui pourrait de nos jours parfaitement décrire une invasion extraterrestre. Note: Une incontestable présence affirmée par un archevèque qui disait tout le contraire. Des vaisseaux qui n'existaient pas, mais qui engendraient des turbulences aériennes, et qui étaient néanmoins habités. Quelle splendide preuve de l'existence des extraterrestres! Il reste cependant constant qu’au cours de mes lectures relatives à cette affaire, j'ai trouvé, dans différents ouvrages consacrés aux phénomènes dits extraordinaires, plusieurs versions fort différentes du même texte d'Agobard et parfois sujettes aux plus fantaisiste manipulations puis interprétations. Toutes bien sûr très favorables à la version mettant en scène une soudaine mais momentanée invasion extraterrestre qui se serait produite en lan 800 dans la région lyonnaise. Note: Bien sûr qu'il y a toute une littérature remplie de sottises sur Agobard, mais ce n'était pas une raison pour en rajouter une louche. Mais tous les auteurs ne prétendent pas décrire une invasion d'extraterrestres. Surtout, peu nombreux sont ceux qui situent l'affaire vers l'an 800 (couronnement de Charlemagne). Davantage la situe vers 840 (mort d'Agobard). Je suis donc allé rechercher le texte originel qui, dans les Chroniques, figure sous le titre De Grandine et Tonitruis, soit De la grêle et du tonnerre. Note: Ce n'est pas dans des chroniques qui n'existent pas, et le titre original s'appelle Contra insulsam vulgi opinionem de grandine et tonitruis. Et tonitruis est au pluriel, il faut traduire "des tonnerres" et non "du tonnerre" Voilà ce qu’écrivit réellement l'archevêque de Lyon : Nous avons cependant vu et entendu beaucoup d'hommes plongés dans une si grande stupidité, noyés dans de telles profondeurs de folie, qu'ils croient qu'il existe une certaine région, qu'ils appellent Magonie, où des bateaux voguent dans les nuages pour emporter dans ce lieu les fruits de la terre qu'ont détruit la grêle et les tempêtes; les marins payant des gratifications aux sorciers de l'orage et recevant eux-mêmes du blé et d'autres produits. Parmi ces gens dont la folie aveugle était assez profonde pour leur permettre de croire ces choses possibles, j'en ai vu quelques-uns extirpant d'une assemblée quatre personnes garrottées, trois hommes et une femme qui, prétendaient-ils, étaient tombés de ces bateaux; après les avoir gardés en captivité, ils les avaient amenés devant cette multitude comme nous l'avons dit, en notre présence, afin qu'ils soient lapidés, mais la vérité a prévalu. Note: Ce texte est, soit celui de Jacques Vallée, dans l'édition de 1972, soit d'un de ses plagiaires, Yves Naud, ou Jacques Rivoyre, ou encore d'un site internet reprenant l'un des trois. Il est curieux que nombre d'auteurs arrête là leur citation. Pourtant le texte d'Agobard continue: post multam ratiocinationem, ipsi qui eos exhibuerant, secundum propheticum illud confusi sunt, sicut confunditur fur quando deprehenditur. après une longue discussion, ceux qui les avaient montrés au peuple se trouvèrent, comme dit un prophète. aussi confus qu'un voleur lorsqu'il est surpris. En supprimant ce passage, qui nous explique que ceux qui avaient montré au peuple les quatre prisonniers, comme tombés d'un vaisseau aérien, n'avaient en fait rien vu du tout, les ufologues ont pu laisser croire que la "vérité" était celle d'Agobard, qui refusait de croire aux vaisseaux aériens. On remarquera que les évolutions de vaisseaux aériens pilotés, impossibles en ces temps à décrire autrement que comme des bateaux naviguant dans les airs, y apparaissent comme une réalité telle que les Lyonnais ont ressenti la nécessité d'inventer un pays d’origine à ces véhicules puisqu’il fallait bien par logique qu’ils viennent de quelque part. Note: A toutes les époques les témoins ont décrit les OVNI d'après les objets qu'ils connaissaient. Flambeaux, boucliers, croix, auréoles, épées, mais ici, Agobard ne décrit aucune observations de vaisseaux aériens pilotés. Il dit que les gens croyaient à l'existence de tels vaisseaux. À priori une région dite Magonie ou Magonia dans le texte latin, sans qu’il soit possible de saisir le sens étymologique de ce terme. Il apparut acquis aux contemporains d’Agobard que ces vaisseaux et leurs « marins» engendraient, par leurs déplacements, des phénomènes météorologiques particuliers comme grêles et orages et ce selon le titre même du texte. Note: Il n'y a, à nouveau, rien de vrai la dedans. Agobard dit bien que les gens croyaient que grêles et orages étaint produits par les incantations des tempestaires, et non par les navires aériens. Enfin, fait particulièrement remarquable, au moins une fois, et l'archevêque fut témoin du fait, quatre pilotes de ces navires aériens purent être capturés, garrottés pour être mis à mort, mais sauvés in extremis de la lapidation par son intervention. Relevons au passage, et concernant cet étrange épisode, un fait particulièrement notable. C’est, et Agobard fut témoin de la scène, que les quatre êtres aériens se présentèrent d'eux-mêmes comme «tombés» de l’un de ces navires. Ces personnages sont clairement et sans restrictions particulières, décrits par l’auteur comme «trois hommes et une femme», dotés donc d’une morphologie toute à fait semblable à celle des hommes et des femmes ordinaires de ce temps. Note: Et à nouveau, nous sommes en plein délire. Agobard, qui est la seule source, et dont l'auteur cite le texte, dit bien qu'on lui présenta ces quatres personnes, en prétendant qu'elles étaient tombés de ces navires. Il ne dit absolument pas que les prisonniers avouèrent en être tombés. Il dit au contraire que leurs accusateurs furent confus comme un voleur surpris. Bien que l'affaire soit déjà en elle-même suffisamment curieuse pour susciter quelques légitimes interrogations relatives à l’origine de ces vaisseaux aériens et de leurs pilotes, il s’est malgré tout trouvé par la suite quelques auteurs pour dénaturer ce texte de façon à le rendre plus extraordinaire encore. La principale altération du texte originel fut le fait de l'abbé Montfaucon de Villars (1635-1665) qui tentait ainsi, par manipulations des mots, de crédibiliser ses croyances en l'existence d’un peuple de sylphes, esprits des vents et de l'air. Note: Meuh non: Montfaucon de Villars ne cherchait pas à crédibiliser ses croyances, il cherchait au contraire à railler les croyances des autres. Malheureusement, après lui, plusieurs auteurs traitant de la même affaire ont repris sa traduction altérée sans aller vérifier à la source, de sorte que de nos jours, on trouve de nombreuses versions très améliorées de cette histoire tant dans des ouvrages que sur des sites web consacrés au phénomène des OVNI. Note: Ah, ça, c'est vrai ça! (merci mère Denis). Il est par exemple courant que les quatre prisonniers y deviennent des êtres «abominables par leur apparence», ou s'exprimant dans un langage alors inconnu des témoins, autant de faits qui, nous venons de le constater, n'apparaissent nullement dans le texte originel, même en torturant à l'extrême la traduction du latin en français moderne. Note: La première version transformant les quatre prisonniers en monstres extraterrestres apparait en 1996, dans Weekly World News. Il n’en reste pas moins que, chose étrange, cette nuée lyonnaise d'objets volants habités s'inscrit dans une période où de tels phénomènes étaient si courants qu’il sembla de la plus haute importance de légiférer. Charlemagne, pendant son règne, émettra ainsi plusieurs édits « interdisant de troubler les airs et d’engendrer des tempêtes par des moyens magiques ». Un autre texte, un édit pour sa part promulgué en 789, à Aix-la-Chapelle, toujours par Charlemagne, nous renseigne plus précisément sur ces troubles et leur origine, interdisant tout contact avec «les peuples des nuages ». Note: Il n'y a encore rien de vrai. Cette vague d'apparition d'objets volants habités sort de la tête des thuriféraires de Jacques Vallée, et Charlemagne n'a jamais fait d'édit que contre le paganisme et la sorcellerie. Dans son capitulaire d'Aix la Chapelle, (que notre "historien" n'a évidemment pas lu) Charlemagne s'en prend aux "tempestaires", excitant la tempête, et non au "peuples des nuages". Vers la même période de l'histoire, en l’an 776, un autre type d'incident aérien est relaté, cette fois par les Annales Laurissenses du moine Laurence. C’est au-dessus de la forteresse franque de Sigisburg, alors assiégée par les Saxons, que cet étrange phénomène se produisit avec l'apparition, assez longue pour être observée par plusieurs témoins, de « deux grands boucliers volants de couleur rougeâtre flottant au-dessus de l'église de la place » Qu'il s'agisse de ces apparitions, celle de Sigisburg comme celles de Lyon ou bien de la nécessité qu’il y eut, sous Charlemagne, de produire des édits sur le sujet, voilà autant d'éléments qui nous laissent entendre que de bien étranges choses se passaient régulièrement dans le ciel en cette seconde moitié du VIIIe siècle et qu’il n’est pas besoin de torturer le moins du monde les textes initiaux pour saisir à quel point les descriptions de ces phénomènes aériens sont proches de nos modernes apparitions d’objets dits non identifiés. Note: Mais bien sûr, nos modernes témoins d'OVNI n'ont jamais vu dans le ciel, de soucoupes ni de cigares volants, mais bien des bateaux à voiles. J'espère que c'est pour rire, monsieur l'historien? SOURCE: Didier Audinot, Enigmes inepliquées de l'histoire de France, Grancher, 2005, p. 57-64 Remarques: Pourquoi l'auteur de ce ramassis de rumeurs est-il qualifié d'historien? C'est la quatrième page de couverture qui nous l'apprend: |
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