2017. Pierre Lagrange résume le dossier Agobard
Si l'affaire des quatre prisonniers, prétendument Magoniens, amenés à Agobard, a déjà été évoquée dans des revues de vulgarisation historique, elle y était présentée avec fantaisie. La revue L'Histoire, elle, traine une réputation de sérieux qui n'est plus à demontrer, mais y présenter en deux pages, un dossier aussi complexe qu'Agobard et la Magonie relèvait de la gageure. Pierre Lagrange, qui s'y est essayé, a donc du affronter des choix drastiques et se contenter de résumer quelques points de ce dossier. Il va donc évoquer brièvement l'archevêque Agobard, puis son livre et les avatars de ce livre, et ensuite le contexte, c'est à dire les croyances de l'époque, en particulier, celle à la Magonie, contrée mystérieuse d'où viennent ses émissaires à travers l'océan aérien. Agobard, la Magonie et les ovnis
Il y a deux bandes dessinées dues au même auteur, qui montrent l'affaire des quatres prétendus magoniens, dont l'une suit outrageusement la fiction de Montfaucon de Villars. Pour illustrer l'affaire en une seule image, nous ne disposons que de celle ci, due à Benoït Roux, qui a donc été reproduite des dizaines de fois sur internet. On y voit bien à gauche, les malheureux enchainés, et à droite, un navire magonien et les récoltes qui montent vers lui. Mais on y voit aussi un moine qui semble dénoncer les agissements des tempestaires, alors qu'on devrait y voir un évêque, démentant les affirmations des accusateurs des prisonniers. Cette image s'inscrit donc malheureusement dans une longue tradition de dénaturation du récit d'Agobard. L'article commence par expliquer pourquoi Agobard est connu des amateurs d'ovnis: nous lui devons un texte, De la grêle et du tonnerre, rédigé vers 815-817, qui évoque la façon dont, en 812, la foule conduisit devant lui trois hommes et une femme accusés d’être des « tempestaires », des sorciers ruinant les récoltes en provoquant la grêle ; ils seraient tombés de vaisseaux aériens venus d’un pays mystérieux nommé Magonia. Curieusement, l'auteur fait ici une erreur souvent reproduite: les quatre prisonniers étaient bien accusés d'ètre tombés d'un navire aérien, mais pas d'être des tempestaires. Puis il nous rappelle que le livre faillit disparaitre avant d'être enfin imprimé, mais aussi parodié dans une fiction par Montfaucon de Villars. Puis on entre dans le vif du sujet, après avoir rappelé que c'est surtout Jacques Vallée qui a céé un regain d'intérêt pour la Magonie, l'article évoque la croyance médiévale aux tempestaires: sorciers capables de lever les vents ou de déclencher la grêle. L’Église lutte alors contre ce qu’elle considère comme des superstitions : plusieurs capitulaires, textes de lois de l’époque carolingienne, tentent d’éradiquer ces croyances Mais en fait non, l'église de l'époque ne tentait pas d'éradiquer ces croyances. Pire: elle les partageait, comme en témoignent des siècles de rituels anti-orages. C'est Agobard qui luttait contre ces croyances. L'église, comme l'empereur, luttait contre des pratiques superstitieuses, qui ne pouvaient réussir qu'avec l'aide du diable. Et la Magonie? c'est d'elle que venait de mystérieuses nefs trafiquant avec les tempestaires. Mais où est elle? On avait déjà évoqué diverses localisations, l'article en évoque une plus récente due à Michel Rubellin: Dans la cosmologie juive, le 6e ciel, qui contient la grêle, s'appelle "makhon". Peut-être, mais on voit mal comment les Lyonnais auraient eu connaissance de ce détail de la cosmologie juive, et puis, ce sont les tempestaires, et non les magoniens qui font tomber la grêle. Pour finir, l'auteur rappelle l'intérêt du thème de l'océan aérien, évacué par celui de la conquète spatiale. Cependant, quant on voit que selon Romain Lardenchet, les Lyonnais du temps d'Agobard situaient la Magonie dans les airs, on voit que ce thème n'est pas complètement éteint. Source: Pierre Lagrange, Agobard, la Magonie et les ovnis, L'Histoire, n° 440, octobre 2017, p. 28-29
|