1890 Henri Vuilleumier démystifie le miracle de Josué.
Pasteur , puis professeur d'hébreu au Gymnase classique cantonal de Lausanne entre 1869 et 1904, Henri Vuilleumier fut nommé professeur de théologie à l'Université de Lausanne en 1869 et enseigna jusqu'en 1923, étant doyen de la Faculté de théologie et recteur. Henri Vuilleumier collabora à diverses revues protestantes, dont la Revue de théologie et de philosophie, dans laquelle il publia, en 1890, une remarquable mise au point, pour faire suite à une étude de feu Rodolphe Chatelanat sur les explications du miracle de Josué. LE PRÉTENDU MIRACLE DE GABAON ... Nous apprenons d’abord, d'aprés l'une de ces sources, comment Josué, à la téte de son peuple en armes, fut amené à se porter en toute hate de Guilgal à Gabaon. « Ne les crains pas, lui avait dit l'Éternel, car je les ai livrés en ton pouvoir et aucun d’eux ne te tiendra téte. » (v. 8.) Et en effet, d’aprés cette version, Josué eut pu dire comme César: Veni, vidi, vici! A peine est-i] arrivé en vue des ennemis que ceux-ci sont pris d’une terreur panique. Les Israélites n’ont que la peine de les poursuivre dans la direction de Beth-Horon et de là jusqu’a Azéka et à Makkéda (v. 9 et 10). Pour mettre le comble a cette déroute, l’épée du vainqueur trouve un auxiliaire inattendu dans une gréle violente qui s’abat sur les fuyards entre Beth-Horon et Azéka (v. 11; c’est bien, en effet, de pierres de gréle, autrement dit de grélons, que parle le texte, et non d’une prétendue gréle de pierres ou d’aérolithes). Aprés cette victoire remportée en réalité par Iahwéh, et dont les Israélites n’eurent qu’à recueillir les fruits, «Josué (est-il dit au v. 15), et tout Israél avec lui, retourna au camp, a Guilgal. » Dans ce récit le rédacteur a inséré, v.12 à 14, un épisode tiré d'une autre source, laquelle s’en référait elle-méme (v.,13) a un document plus ancien, le Sépher hayyashar. Ce recueil poétique, le « Livre des Braves, » est cité encore dans 2 Sam. I, 18, à loccasion de l’élégie de David sur la mort de Saül et de Jonathan a la bataille de Guilboa, et (d’aprés les septante) dans 1 Rois VII, 12, 13, à propos de la dédicace du temple par Salomon 1. Evidemment l'un des chants réunis dans ce recueil célébrait la mémorable journée de Gabaon et montrait à sa maniére, c’est-a-dire en langage poétique, Iahwéh combattant pour son peuple. Un court fragment en fut cité par lun des narrateurs qui recueillirent les souvenirs relatifs aux origines d'Israél. Le rédacteur (deutéronomique) de notre livre, à son tour, lui emprunta ce passage de son récit pour en enrichir et orner la relation principale tirée de l'autre source. (v. 12.) Alors Josué parla à Iahwéh, le jour où Iahwéh livra l'Amoréen aux fils d’Israél (ces derniers mots sont apparemwent une glose du rédacteur, pour expliquer que âz, « alors», ne doit pas se rapporter spécialement au moment dont il vient d’étre parlé au verset 14 d’aprés la relation paralléle, c’est-à-dire au moment où la gréle meurtriére tomba entre Beth-Horon et Azéka, mais que ce fut un des épisodes, et, à ses yeux, ]’épisode capital de la journée) — et il dit en présence d’Israél :
Jusqu'a ce que la nation eut tiré vengeance de ses ennemis 2.
(Cela est écrit, on le sait, dans le Livre des Braves.) Le soleil s'arrêta donc au milieu du ciel et ne se pressa pas de se coucher, environ un jour entier. (14) Et il n’y a point eu de jour
semblable à celui-là, ni avant ni après, où Iahwéh ait obéi à un homme ; car Iahwéh combattit pour Israël, (Il serait possible du reste que les mots: « Et il n’y a pas eu » jusqu’à « un
homme, » provinssent également du rédacteur 1. Quant au v. 15 : « Ensuite Josué, et tout Israël avec lui, retourna au camp, à Guilgal, » il a dû servir primitivement de conclusion à v. 1-11.) Une chose est claire, il n'y a qu'une mauvaise apologétique qui puisse le contester, c'est que l’auteur ou les auteurs, quels qu'ils soient, des versets 13 b et 14 (imprimés ci-dessus en italique) ont pris l'arrêt du soleil à la lettre. Ils y ont vu un fait réel, objectif, historique. L'auteur de cette seconde narration, mise à contribution par le rédacteur pour les v. 12 à 14, après en avoir appelé au Sépher hayyashar, conclut du texte cité par lui, que le soleil s'arrêta en effet, et cela au beau milieu du ciel, en plein midi ; qu’il ne fut pas pressé de se coucher, et cela environ l’espace d’une journée entière. Aux yeux de ce narrateur, le fait que Iahwéh lui-même, ce jour-là, combattit pour Israël, ce même fait qui d’après l’autre version s'était manifesté par la panique inspirée aux Amoréens (v. 10) et par la grêle plus meurtrière que l'épée (v. 41), se serait traduit d’une manière plus éclatante, plus prodigieuse encore par un arrêt prolongé du soleil. Et le rédacteur deutéronomique (si c'est de lui, comme nous le supposons, que provient la réflexion du v. 14 a), a eu soin de souligner la chose. Il enchérit sur le narrateur ou rédacteur précédent, en insistant sur le caractère absolument unique de cette journée.
La vraie question la voici : est-ce que le commentaire renfermé dans les v. 13 b et 14, —- car ce n'est pas autre chose qu’un commentaire, — rend exactement la pensée exprimée par le texte qui précède, celui des v. 12 b et 13 a ? Eh bien, pourquoi ne pas le dire en toute franchise ? le narrateur s’est mépris sur le vrai caractère de ce texte. Pénétré de ce qu'il y avait eu de merveilleux dans le succès remporté ce jour-là par Josué et ses hommes, persuadé que ce succès inoui était dû à la toute-puissante intervention de Iahwéh combattant du haut du ciel pour son peuple, dominé d'ailleurs par les conceptions naïves de son époque en matière de cosmographie, il a prêté aux quelques vers allégués par lui un sens et une portée qu’ils n’avaient pas dans la pensée de leur premier auteur. Il en à méconnu le caractère poétique. Et c'est grâce à cette méprise que ce fragment du Sépher hayyashar nous à été conservé. Que ce soit à un fragment de poésie, à un lambeau détaché d’un ancien chant héroïque que nous ayons affaire, c’est ce que personne ne conteste plus sérieusement. Or la poésie doit être entendue et interprétée poétiquement. Cette règle aussi capitale qu’élémentaire ne trouverait-elle à s'appliquer qu'aux passages analogues des chants homériques et des poèrnes védiques ? Serait-elle bannie de la rhétorique sacrée ?.. Mais, quand nous lisons dans le « cantique de Deborah », Juges V, 20, que
Note: On peut comparer avec les exemples de Herder, qui cite aussi le songe de Joseph (Genèse, 37,9). Henri Vuilleumier, LE PRÉTENDU MIRACLE DE GABAON, Revue de théologie et de philosophie, Vol. 23, 1890, p. 491) |
Dernière mise à jour: 01/12/2019
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