Les enseignements des observations du 3 octobre 1954

Les observations de "soucoupes volantes" du 3 octobre 1954, nous ont finalement appris quelque chose. A cette époque, pour le grand public, ou les soucoupes volantes existaient vraiment, ou c'était des blagues ou des hallucinations. En effet, le grand public n'avait pas la notion de phénomène illusoire, et donc s'en tenait à la crédibilité du témoin. C'est ainsi que l'expression "digne de foi" parsemait les articles de presse de l'époque.

Toute autre était l'opinion des savants, qui admettait bien sûr l'existence des canulars et mystifications, mais n'admettait pas l'infaillibilité humaine. Pour eux, la plupart des observations s'expliquaient par des confusions prosaïques, du moins quand on avait pu collecter assez de renseignements. Nous en avons un exemple avec Evry Schatzman.

Evry Schatzman passe les sources de confusion en revue.

Quoiqu'en disent les rationalistophobes, Evry Schatzman, astrophysicien et membre éminent de l'Union Rationaliste avaient beaucoup lu ce qui s'était écrit sur les soucoupes volantes, depuis l'irruption des soucoupes dans la culture française en 1951. Lors de la vague de 1954, il donna donc son avis sur cette vague d'observations qui submergeait la France, et en particulier, énuméra les sources possibles de confusion:

- Le lever et le coucher des planètes (Surtout Vénus et Jupiter).
- Les "étoiles filantes" et les "bolides"
- Les phénomènes de "parhélie", qui font apparaître de feux soleils, en même temps que des halos, et qui s'expliquent par la présence en haute atmosphère d'aiguilles de glace prismatiques hexagonales.
- La foudre en boule: ce sont des configurations qui se produisent à de certains orages, avec un équilibre de charge précaire.
- Les phénomènes du genre feu Saint-Elme.
- Le phénomène du mirage en atmosphère.

Dans l'Humanité Dimanche, il précise:

   9. Ajoutons à ces phénomènes météorologiques connus les observations de ballons sondes, les détections au radar de vols de canards et des observations diverses:
a) un cycliste passant sur une route voit une soucoupe volante disparaitre dans la nuit. Il s'agit en réalité d'une boule enfilée sur une ligne de haute tension et illuminée un temps très bref par le phare de l'aérodrome proche. (observation vérifiée)
b) des yeux de vaches, pris dans un phare d'auto sur une route obscure prennent un aspect étonnant: grosses boules fluorescentes se mouvant lentement, alors que la vache elle même ne peut pas encore être distinguée.
c) les Montgolfières en papier telles celles lancées par M. Victor Oliveira, de Beuvry les Béthune.
(Liberté, 17 octobre 1954, page 3, reprenant l'Humanité Dimanche)

Cette possibilité de confusion avec des yeux de vache déchencha chez Jean Sider, une attaque de rationalistite aigue qui lui la fit citer in extenso, sans même de commentaires:

   Des yeux de vaches, pris dans un phare d'auto sur une route obscure prennent un aspect étonnant: grosses boules fluorescentes se mouvant lentement, alors que la vache elle même ne peut pas encore être distinguée.
Evry Schatzman, astrophysien
L'Humanité
Paris, 17 octobre 1954, p. 7
(Jean Sider, Le dossier 1954 et l'imposture rationaliste, Ramuel 1997, page 13)

Bien sûr, Jean Sider ne cite pas les autres explications proposées. Il cite celle qui lui parait la plus invraisemblable, comme si elle était évidemment fausse, preuve de la mauvaise foi d'Evry Schatzman.

Bien sûr, Jean Sider n'a pas passé sa vie à observer les vaches la nuit, sans quoi il aurait su que le fait ext exact.

C'est tout simplement du à ce que la rétine des vaches se comporte comme un catadioptre et renvoie la lumière dans la direction de son émetteur. Le même phénomène se produit tout aussi bien avec les moutons.

Mais revenons aux autres explications. On remarque que l'astrophysicien Evry Schatzman ne mentionne que Vénus et Jupiter comme source de confusion astronomique, et pas la lune. C'est un fait que Vénus et Jupiter avaient déjà fait l'objet de confusions avec des engins volants dès 1865, et que Vénus fut responsable d'une vague de confusion avec des "airships" dès 1896. Mais on ne connaissait pas encore de vagues de confusions lunaires.

Etude selon les critères de l'époque.

La respectabilité des témoins n'était pas à mettre en cause: un gardien de la paix à Dreuil-les-Amiens (7), un directeur d'école à Chéreng (10), un ingénieur à Tingry (16), et même toute une brigade de gendarmerie à Marcoing (17). Voila des témoins "dignes-de-foi".

Le nombre de témoins était tout aussi rassurant: 4 personnes à Ablain (5), de nombreuses personnes au pont de Canteleu (8), 50 personnes à Chéreng (10), plusieurs personnes à Marcq-en-Bareul (11), une dizaine de témoins à Fleurbaix (15), 20 personnes à Marcoing (17), une quarantaine de personnes à un bout d'une rue à Annoeullin (22), 45 à 50 personnes à l'autre bout (23), tous les habitants de la "rue Fleury" à La Chapelle d'Armentières (29).

Et la cohérence des observations pouvait bien renforcer la conviction. De nombreux témoins ont vu l'objet scindé en deux: à Lille (8), Chéreng (10), Marcq-en-Baroeul (11), Dunkerque (13), Fleurbaix (15), Tingry (16), Marcoing (17), Annoeullin (22), La Chapelle d'Armentières (29), RN 336 (33), Liévin (37).

Ainsi, avec les critères de l'époque, on pouvait croire ce que disaient ces témoins: des engins mystérieux avaient bien survolé la région.

L'arrivée de l'explication lunaire.

Après avoir vu une liste de 50 observations de la région du nord pour le 3 octobre 1954, puis leur analyse, nous avons vu que dans 4 cas, l'explication par la lune était certaine, dans 17 cas, elle était probable, et dans 15 cas, elle était possible.

Mais nous n'avons examiné ici que les cas de la région du nord, et nous pourrions y ajouter encore quelques cas, en particulier ceux cités par Aimé Michel: Nous savons que la lune est probable pour les observations de Champigny sur Marne et Milly-la-forêt, et la lune parait également possible pour les observations de Château-Chinon.
Ceci nous amènerait à 39 observations lunaires pour le 3 octobre, dont 4 certaines, 19 probables et 16 possibles.

Pour la région du Nord, la lune explique 9 observations sur 10, et même plus si on ne tient compte que des observations de la soirée.
Par ailleurs nous trouvons, pour la région du nord, quelques autres confusions lunaires probables ou possibles lors de cette vague de l'automne 1954. Le 8/09 à Origny-en-Thiérache, le 15/09 à Bois en Ardres, le 16/10 à Ham, fin 10 à Beauchamp, le 9/11 à Amiens, le 9/11 à Le Cateau, et le 12/11 à Cousolre. Ceci nous fait 7 observations sur environ 350, alors que nous en avions 36 sur 50 pour le 3 octobre.

On peut donc dire que les observations du 3 octobre constituent bien une petite vague de confusions lunaires

Cette explication lunaire, fut déjà formulée à l'époque, et accueilli diversement:

La première apparition irréfutable de l'explication lunaire semble être la lettre du professeur Antoine Bonte, publiée par La Croix du Nord du 6 octobre. Impossible de l'ignorer: elle émanait d'un témoin qui était aussi professeur d'université, et elle donnait une explication globale à nombre d'observations où apparaissait la même description de l'objet et de son comportement. Elle dut faire l'effet d'une sacrée douche froide sur les journalistes, qui avaient cru trouver un "scoop" avec cette sarabande de soucoupes volantes du 3 octobre. La Voix du Nord se le tint pour écrit, prit la chose avec humour ( "PUISQUE LES MARTIENS nous prennent au sérieux" ) et relégua désormais les observations dans ses pages locales.

L'explication ne fut pas admise par tout le monde. Il y a des gens qui en étaient restés à la notion de "témoin digne de foi". Il y a des gens qui pensaient qu'on les prenaient pour des imbéciles parce qu'ils auraient pris la lune pour un engin qui suivait leur voiture. Leur respectabilité passait avant la réalité.

En se limitant à la région du Nord, 10 témoins circulaient dans un véhicule, ce qui est propice aux confusions de type "boule suiveuse":
à Fleurbaix (15), Tingry (16), Leval (20), Hérissart (28), Estrées Deniécourt (33), Quend (34), St-Just-en-chaussée (44), Roye (45), Roye (46), Tingry(47)
Deux, se croyant suivis, se sont inquiétés: à Hérissart (28) et Quend (34), mais l'un a reconnu la lune, à Tingry (47).

Des témoins avaient fait référence à la lune: à Chéreng (10), Dunkerque (13), Boves (24). Ou bien encore des enfants: à Hérissart (28), et entre Roye et Amiens (45)
Ils ont aussi fait référence à la taille de la lune: à Marcoing (17), ou à la forme de la lune: à La Chapelle d'Armentières (29)
Ils ont trouvé à l'objet la forme d'un croissant: à Chéreng (10), Fleurbaix (15), Marcoing (17), Leval (20), Hérissart (28), Liévin (37)

Ainsi divers témoins sont passès à coté de l'explication, mais seuls deux témoins ont formellement reconnu la lune: à Lille (9) et à Tingry (47)

Aucune étude exhaustive de la vague de 1954 n'ayant été faite avant les années 70, L'explication lunaire fut ensuite oubliée pendant un quart de siècle, jusqu'à ce que Barthel et Brucker l'exhume en 1979 sur la base des bulletins du GNEOVNI.

Conséquences de l'explication lunaire.

A l'époque, donc, le public n'avait tout simplement pas la notion de confusion, et les savants n'imaginaient pas qu'on puisse faire une confusion lunaire.
Aujourd'hui, la notion de confusion est mieux admise, et celle de confusion lunaire a maintenant cours chez les ufologues, sauf chez ceux "du village gaulois", c'est à dire chez les irréductibles disciples de Jean-Sider, qui résistent encore et toujours à l'envahissante évidence: Le témoignage humain n'est pas fiable, et l'argument d'autorité ne vaut rien.

Nous savons depuis les années 70:
Que la lune, peut, tout comme Vénus être l'objet de confusions.
Que la cohérence des observations, le nombre de témoins et leur respectabilité n'empêchent pas la confusion avec un objet banal.
Que toute une vague de phénomènes mystérieux peut se réduire à l'observation d'un objet banal.
Que l'angoisse d'un témoin devant une "boule suiveuse" n'a rien à voir avec l'objet.

Nous n'avons pas trouvé de cas avec effets physiques: picotements, extinction des phares, calage du moteur, seulement de l'angoisse chez certains témoins. Mais nous n'aurions pas été étonné d'en trouver, car on en trouve à cette époque pour d'autres phénomènes tout aussi banals, comme des passages de bolides.

Accessoirement, nous avons pu vérifier que les observations de la lune formaient des alignements se recoupant en étoile, mais ceci ne nous apprend rien, puisque nous savons depuis les années 60 que des points placés aléatoirement en formaient tout aussi bien.

Dernière mise à jour: 09/02/2022

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