Conradus Lycosthenes | |
le livre |
Conradus Lycosthenes, de son vrai nom Conrad Wolfhart (il avait hellénisé son nom, plutôt que le latiniser) , est l'auteur du plus monumental recueil de prodiges qu'on ait écrit.
Né en 1518 à Rouffac (Alsace), il fut Maître es Arts en 1539, étudia la théologie, puis en 1542, enseigna la grammaire et la dialectique à Bale. En 1552, il publie une édition reconstituée du Prodigiorum liber de Julius Obsequens en complétant les parties perdues, par des emprunts à d'autres auteurs, en particulier Tite Live. Frappé d'une attaque d'hémiplégie en 1554, il perd l'usage de la main droite, mais n'en continue pas moins à écrire. Il publie en 1555 Apophthegmatum sive responsorum memorabilium, dont l'érudition fut utile à Montaigne, et en 1557 Prodigiorum ac ostentorum chronicon. Il publia encore deux ouvrages avant d'ètre emporté le 25 mars 1561 par une attaque d'apoplexie, à l'âge de 43 ans.
Son Prodigiorum ac ostentorum chronicon, est la plus riche compilation de prodiges qu'on eut jamais faite, commençant à la création du monde (qu'il place en 3959 avant Jésus Christ) jusqu'à son époque (le dernier prodige cité date d'Aout 1557). Il y additionne les prodiges cités dans la Bible, à ceux trouvé chez les historiens latins ou chrétiens, ou autres chroniqueurs, voire dans des occasionnels. Le problème est qu'il ne se rend pas compte que que ses diverses sources mentionnent parfois le même prodige à des dates différentes, d'autant que lui même se trompe en convertissant les dates d'un calendrier dans un autre. Le livre est illustré de plusieurs gravures par page, au prix d'une petite astuce: La même gravure est réutilisée pour le même type de prodige, quelque soit l'époque. Aussi ne faut il pas s'étonner de voir des personnages de l'antiquité porter des vètements du XVIème siècle.
la description de la prétendue comète de 1527 se trouve à la page 534:
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Anno Domini 1527
Undecimo die Octobris, mane circa horam quartam in ea Vuestriae parte, cui comites Rheni praesunt, terrificus cometes a multis visus est, duravitque hora et quarta ejus parte. Oriebatur a subsolano, ascendens meridiem occidentemque versus, sub septentrione maxime conspicuus. Longitudine erat immensa, colore sanguineo in croceum desinente. Summitas ejus incurvati brachii formam et speciem habebat, in cujus manu ingentis magnitudinis gladius, veluti jamjam percussuri videbatur. In gladii mucrone atque ab utraque acie, tres non mediocres stellae apparebant, verum quae a mucrone fulgebat, reliquis duobus major erat. Ab his subobscuri radii, pilosae caudae figura conspiciebantur. In lateribus a summo ad imum usque, radii in
speciem fere hastarum deformati & gladii minores, diluti sanguinis colore, inter quos humanae facies comis barbisque hispidae, nigricantis nubis colore cernebantur. Haec simul tanto terrore horroreque movebantur ac rutilabant ut nonnulli spectatorum timore metuque prope exanimati dicantur. Hunc insignis astrologus Petrus Crosserus, Ioan. Liechtenbergii insignis astrologi discipulus, interpretatus est. Subsequuta est Turcica Tyrannis, et incursiones hostium acerrimae cum sanguinis hinc inde effusione. Roma urbs ab exercitu Caesariano duce Borbonio obsessa & capta, direptaque est. Pontifex obsidionis necessitate coactus, in Angelica Arce captum se dedidit Caesarianis, sed eum pro singulari clementia sua liberum dimisit Caesar, ac pristinae dignitati restituit, ut Christiani orbis publice tranquillitati consuleret, quidam scribunt 40 000. aureorum millibus redemptum esse ab hostibus.
On note que le texte de la description est quasiment identique à celui de Gérard de Nimègue, qui est donc la base de Lycosthenes. Cependant, on retouve ce même texte cdans le livre de Lavater, paru l'année précédente, qui est donc probablement sa vraie source. Par contre le texte concernant les conséquences est identique à celui que donne Marcus Fritschius, antérieur de 2 ans, qui est donc son autre source
L'an 1527 après Jésus-Christ
le 11 octobre, vers quatre heures du matin, dans cette partie de la Westrie que commandent les comtes du Rhin, une comète effrayante fut vue de nombreuses personnes, et persista une heure un quart. Elle apparut au levant, s’éleva dans la direction du midi et du couchant, étant le plus remarquable vers le Nord. Elle était d’une longueur démesurée et de couleur sang, finissant au jaune safran. Son sommet avait la forme et l’aspect d’un bras recourbé dans la main duquel on voyait une épée d’une grandeur immense et comme prète à frapper. A l’extrémité de l’épée et de chaque côté de la lame se voyaient trois étoiles de bonne taille, mais celle qui étincelait au bout de l’épée était plus grande que les deux autres. De celle-là s'apercevaient des baguettes un peu obscures, à la structure de queues velues. Sur les côtés du sommet jusqu’au pied, des rayons grossièrement en forme de lance et de petites épées, de couleur rouge délavé, entre lesquels se distinguaient des figures humaines aux barbes et cheveux hérissées, de la couleur de nuages noirâtres. Ces choses ensemble se déplaçaient et brillaient de tant de terreur et d'horreur que quelques spectateurs dirent être près de rendre l'ame de peur et d'angoisse. Ceci est traduit du distingué astrologue Peter Creutzer, disciple du distingué astrologue Jean Liechtenberg. Il s'ensuivit la tyrannie Turque et l'incursion très violente des ennemis avec l'effusion de sang qu'elle entraina. La ville de Rome fut assiégée, prise et pillée par les troupes impériales du duc de Bourbon. Le pape contraint inléluctablement par le siège, se rendit à l'empereur au Chateau Saint Ange, mais L'empereur le renvoya libre par une extraordinaire clémence, et en outre lui rendit sa dignité première, afin qu'il dirigeasse le monde chrétien dans le calme, certains ont écrit qu'il fut racheté 40 000 ducats aux ennemis
La description de Lycosthènes suit approximativement bien celle de Creutzer, mais la gravure prend des libertés avec l'original de Peter Creutzer. Elle n'est d'ailleurs utilisée qu'une seule fois dans le livre, sera reprise par Le magasin Pittoresque en 1853, et connaitra une belle carrière, concuremment avec celle d'Ambroise Paré
On remarque que le thème des "queues velues", tiré de Gérard de Nimègue, à travers Lavater, ne sera repris nulle part, sauf par Hévélius, qui le tire lui aussi de Lavater, alors que toutes les versions mentionnent l'épée et les trois étoiles
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