Des navires aériens au moyen-age?
On pourrait croire que dans les siècles, qu'on imagine si superstitieux, du haut moyen-age, on vit souvent des navires dans le ciel, puisqu'on en avait déjà vu dans l'antiquité, et que, toujours dans le ciel, on voyait à l'occasion, des armes, des combattants, et même des armées entières.
Cependant le plus important catalogue de prodiges, le Prodigiorum ac ostentorum chronicon de Conrad Lycosthènes, ne mentionne pas d'observations de navires aériens au moyen-age.
Les modernes catalogues d'observations d'OVNI, mentionnent néanmoins un cas de navire aérien médiéval à Cloera, en Ulster. Ce cas est apparu en 1954 dans Flying saucers on the moon de H.T.Wilkins, qui prétendait le tenir du Speculum regali. Inutile de chercher Cloera sur un Atlas, il s'agit en réalité de Cloena, et du Speculum Regale.
Un mystérieux spécialiste du mystère.
H.T.Wilkins (Harold Tom Wilkins), ne doit pas être confondu avec H.P.Wilkins (Hugh Percival Wilkins), bien qu'il semble avoir lui même cultivé cette ambiguité.
Harold Tom Wilkins, fut un journaliste, spécialisé dans les phénomènes mystérieux et les lieux du même métal, en particulier dans la recherche des trésors. Une sorte de Robert Charroux britannique, en plus prolixe, puisqu'il publia pas moins de 23 livres, sans compter de nombreux articles.
H P Wilkins |
Hugh Percival Wilkins, lui, fut un sélénographe réputé, bien que n'étant pas un astronome professionnel. Inscrit à la British Astronomical Association dès 1918, il fut directeur de sa section sélénographique en 1946. Ayant dessiné une première carte de la lune en 1924, il se fit connaitre en 1951 par une carte de la lune de 300 pouces de diamètre (la carte, pas la lune), bien que la carte imprimée ne fasse que 100 pouces (2.54 m), en 25 sections.
Il se discrédita malheureusement au yeux des astronomes, en décembre 1953, en défendant l'idée qu'il existait au bord de la mer des crises une arche de pont de 20 miles de long, découverte en juillet de la même année par John O'Neil. Mais ceci n'entama pas sa réputation aux yeux des amateurs de mystère, bien au contraire. Il continua d'ailleurs dans cette voie en publiant, en 1955, Mysteries of space and time, traduit en français l'année suivante.
Il dut néanmoins quitter la British Astronomical Association en 1956, et créa aussitôt l’International Lunar Society dont il se bombarda président.
H T Wilkins |
C'est peut être cette nouvelle réputation de Wilkins, le sélénographe, qui incita Harold Tom Wilkins, a baptiser son premier livre ufologique, paru en 1954, Flying sauvers on the moon en le signant "H T Wilkins". En réalité, son livre n'avait rien à voir avec la lune, et n'émanait pas d'un scientifique puisqu'il ne citait pas ses vraies sources.
Il récidiva d'ailleurs en 1959, en publiant Strange mysteries of space and time", alors que H.P.Wilkins avait publié en 1955 Mysteries of space and time. Il poussa le mimétisme jusqu'à décéder le 29 janvier 1960, alors que H.P.Wilkins venait de mourir six jours avant.
Pendant longtemps, divers chercheurs, comme certains biographes de Patrick Moore, pensèrent que H.P.Wilkins et H.T.Wilkins n'étaient qu'une seule et même personne. Pourtant leur publications et leurs parcours étaient bien différents et l'on les vit même s'affronter en une polémique dans une revue anglo-saxonne qui titra "H P Wilkins vs H T Wilkins" (ou l'inverse). Mais il faut dire que ce n'est que récemment qu'on a vu apparaitre de la documentation en ligne sur le jusqu'ici mystérieux Harold Tom Wilkins.
C'est donc à un journaliste, précurseur de Robert Charroux, et n'ayant aucune compétence en sélénographie, ni même en histoire, que nous devons l'introduction du navire aérien irlandais dans l'ufologie.
Sur la piste des navires aériens irlandais
Etant donné la compétence de celui qui a lancé cette histoire, on peut légitimement se demander si des observations de navires aériens ont réellement eu lieu dans l'Irlande médiévale.
annales irlandaises
↑ lire le dossier ↑ |
Néanmoins la consultation de divers ouvrages médiévaux permet de trouver en Irlande du nord, un thème du navire aérien, avec deux variantes pricipales.
Dans la première, mentionnée par les annales du haut moyen-age, il y a plusieurs navires. Dans la seconde, anglaise et bien postérieure, il n'y en a qu'un seul, mais un homme en descend.
Mais pourquoi ces navires aériens ne sont renseignés que dans les iles britanniques? La raison semble en être qu'il n'y eut jamais qu'une seule observation de navires dans les airs, aussi illusoires que ceux vus dans l'antiquité, mais dont l'observation fut réelle. Les autres histoires d'un navire aérien avec ses occupants pourraient bien n'être qu'une récupération de la première.
La fable du livre de Leinster
Un autre récit de vision de navires aériens irlandais pose crument le problème de la réalité de la vision.
Selon H.T.Wilkins:
In the 'Book of Leinster', there are said to have been three ships in the air, seen from the fair at Teltown, when King Domnall mac Murchada was at the fair, (This would be around A.D. 763).
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Dans le «Livre de Leinster», on dit qu'il y eut trois navires dans les airs, vus à la foire de Teltown, lorsque le roi Domnall Mac Murchada était à la foire (ce serait autour de l'an 763).
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Note: Nous allons voir, non seulement que l'évènement aurait eu lieu vers l'an 1073, mais aussi que ce n'est qu'une fable
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(Harold T. Wilkins, Flying saucers on the moon, London 1954, p. 161)
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Le "livre de Leinster" est un melting pot de vieux textes irlandais, composé vers 1160, quant au roi Domnall mac Murchada, il régna de 1072 à 1075. Voici le passage correspondant en irlandais:
Conid ingnad d'ingantaib Oenaig Talten in sin. Ingnad aile in so béus do ingantaib ind Oenaig cétna .i. facsin na trí long ar imram issind áeor uasa. & fir Herend im Domnall mac Murchada ic ferthain ind Oenaig.
(Book of Leinster, folio 274 a 5)
Nous avons trouvé cette traduction anglaise.
Here too is another one of the same meeting's marvels: the seeing namely of three ships that navigated the air over their heads when with Murrough's son Donall the men of Ireland celebrated the Convention.
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Voici aussi une des merveilles de cette même réunion: savoir la vision de trois navires qui voguaient dans l'air au dessus de leurs têtes, quand avec avec Domnall fils Murrough, les hommes d'Irlande ont célébré la Convention.
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Note: La convention/réunion de Talten (plus tard Teltown) n'était pas une foire, mais un équivalent des "jeux" romains, et la scène devait se passer vers 1073, et non 763, d'après le roi qui y était présent. Elle n'a donc rien à voir avec l'observation qui eut lieu dans les années 740.
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(Celtic Literature Collective)
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Mais pourquoi parle-t-on d'une de ces merveilles? C'est que juste avant, on vient d'en raconter une qui vaut son pesant de LSD:
Là, une certaine femme aborde son mari et l'accuse d'intrigue avec une autre femme. Il persista à nier le fait et la femme déclara: "J'accepterai sa déclaration sous serment sous la main de Kieran." En conséquence, le mari jura sous la main de Kieran qu'il était innocent de ce que lui reprochait sa femme, mais c'était un mensonge pour lui. Aussi sur son cou, là où la main du clerc avait été déposée, une tumeur ulcéreuse le saisit et ainsi la tête lui tomba, de sorte qu'en présence de toute l'Irlande, il alla sans tête parmi la foule: un miracle par lequel le nom de Dieu et de Kieran fut magnifié.
L'histoire ne dit pas qu'on lui mit une tête de bois, mais qu'il alla vivre sans sa tête, à Clonmacnoise, où il se maria sept ans plus tard.
Dans ces conditions l'histoire des trois navires aériens, ne peut plus être considérée comme une observation réelle, même illusoire, et est aussi crédible qu'une fable d'homme vivant sans tête.
L'illusoire navire céleste de Matthieu de Paris
Il nous reste encore un récit, dont l'observation semble bien réelle, cette fois, relaté par Matthew of Paris, moine de l'abbaye de St Alban, au nord de Londres.
A.D.1254
De quadam mirabili apparitione fantastica
[en marge: Remarkable appearance in the sky. 1 Jan]
In nocte vero Circumcisionis Dominicae, cum esset aer in media nocte serenissimus, et firmamentum stellatum spectabiliter, luna existente octava, apparuit in aere, mirum relatu, navis quaedam maxima eleganter composita, scemate et colore mirabili. Quam cum considerassent quidam monachi de Sancto Albano, apud Sanctum Amphibalum gratia festivitatis tunc commorantes, et inspexissent per stellas, et jam hora esset matutinas decantare, convocaverunt omnes, qui in curia erant de clientelà familiari, ut viderent mirabilia. Et apparuit diu tanquam picturata et tabulis quasi vera navis compacta ; sed tanquam paulatim coepit dissolvi et disparere ; unde creditur nubes fuisse, sed mirabilis et prodigiosa.
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Dans le nuit même du jour de la circoncision du Seigneur, alors qu'au milieu de la nuit l'air était le plus serein, et le firmament remarquablement étoilé, la lune étant dans son huitième jour, il parut dans les airs, rapporté comme une merveille, un navire vraiment agencé avec la plus grande élégance, d'une forme et d'une couleur merveilleuse. Après que les moines de Saint Alban l'aient justement observé, retenus alors à la faveur des fêtes de Saint Amphibolus, ils l'examinèrent parmi les étoiles, et c'était déja l'heure de chanter les matines, ils les rassemblèrent tous, ceux qui étaient des habitués du lieu, afin qu'ils voient la merveille. Et il parut encore le jour, equipé de peintures et de planches, comme un vrai navire; mais pour ainsi dire, graduellement, il a commencé à se dissoudre et à disparaître; d'où l'on croit que cela avait été un nuage, mais merveilleux et prodigieux.
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Note: Il faut reconnaitre qu'un simple nuage explique mal une apparition qui a duré de la fin de la nuit au lever du jour, et le phénomène s'accompagnait probablement d'irisations. Toujours est il que ce n'était manifestement qu'un phénomène naturel.
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(Matthaei Parisiensis, Chronica majora, edited by Henry Richards Luard D.D., vol. V, London 1880, p. 422)
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C'est clair, Pour Matthieu de Paris, ce n'était qu'un nuage, mais H.T.Wilkins va tout de même tenter de le récupérer:
(Was this a singular cloud? or was it some kind of flying saucer? Au.)
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(Était-ce un nuage singulier? ou était-ce une sorte de soucoupe volante? l'auteur)
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Note: on note cette tentative désespérée de faire appel à une soucoupe volante, même si elle s'est dissoute comme un nuage.
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(Harold T. Wilkins, Flying saucers on the moon, London 1954, p. 184)
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Les apparences de navires aériens
Voila donc trois observations de navires aériens: Une mal datée, et probablement mal traduite, une qui sent la fable à plein nez, et une qui s'avoue n'être qu'une apparence temporaire se révélant ensuite une illusion.
Mais après tout, les navires aériens n'existent pas, et quand bien même des engins extraterrestres seraient venus en se déguisant en navires aériens, ils n'en auraient pas moins été des apparences. D'ailleurs Tite Live, quand il en mentionnait des observations, disaient bien qu'il s'agissait d'apparences de navires. Si des témoins du VIIIème siècle ont réellement cru voir des navires aériens, il s'agissait probablement encore d'apparences.
Pour expliquer ces apparences on a souvent invoqué les mirages. On les a, par exemple, invoqué sur Wikipédia pour expliquer les apparitions d'armées célestes de l'antiquité, en particulier pour expliquer le combat d'armes célestes d'Ameria et Tudertum, sans se soucier du lieu ni des conditions d'observations.
C'est un fait qu'un mirage type "fata Morgana" peut montrer, comme ci-contre, un navire voguant dans le ciel, . Mais encore faut il que cela se passe au bord de la mer, en plein jour, et que le navire paraisse bas sur l'horizon.
Impossible d'invoquer la fata Morgana pour des visions de navires célestes, loin des cotes, ou hauts dans le ciel, ou encore nocturnes, et surtout les trois à la fois, comme à Améria et Tudertum.
Pour des navires paraissant s'enfoncer dans les terres, comme dans l'histoire du vaisseau fantôme de Parcurno, en Cornouailles, il y a l'explication par un banc de brume. Il arrive qu'un banc de brume ne permette plus de distinguer le ciel de la mer, et donc la position exacte d'un bateau qui en émergerait.
vaisseau fantôme de Parcurno | navire émergeant de la brume |
Pour des navires nettement célestes, plus question de mirages, ni de bancs de brume, par contre, de simples nuages peuvent produire d'intéressantes fantasmagories. Il existe d'ailleurs plusieurs sites qui les recensent. Le cas le plus simple, pour expliquer des visions de navires aériens, est encore celui de nuages blancs évoquant des voiles de navires. Jusqu'au haut moyen-age, les navires n'eurent guère qu'une seule voile, et il n'y avait pas besoin que les nuages aient des formes complexes pour les évoquer. Des nuages du type de de Kelvin-Helmholtz, donnent parfois l'apparence d'une flottille de navires aériens.
Ainsi, pour les navires aériens observés, vers les années 740, du coté de Clonmacnoise, nous n'avons pas à chercher plus loin que des phénomènes aussi connus que de simples nuages.
La rumeur déformée de cette histoire aurait alors servi, en justifiant l'existence de navires dans les airs, à conforter le thême du navire purement aérien, navigant naturellement dans les airs, comme les navires terrestres sur la mer.
La récupération de l'observation de navires aériens
La première récupération de ce thème apparait au XIème siècle dans les mirabilia hiberniae du pseudo Nennius. Le vrai Nennius, s'il a existé, aurait compilé une Historia Brittonum vers 830, mais il ne risquait pas d'y décrire un évènement survenu vers 950.
voici la traduction du texte irlandais par Kuno Meyer.
XXIII Congalach, son of Maelmithig, was at the fair of Teltown on a certain day, when he saw a ship (sailing) along in the air. One of the crew cast a dart at a salmon. The dart fell down in the presence of the gathering, and a man came out of the ship after it. When he seized its end from above, a man from below seized it from below. Upon which the man from above said : " I am being drowned," said he. " Let him go," said Congalach ; and he is allowed to go up, and then he goes from them swimming.
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XXIII Congalach, fils de Maelmithig, était à la réunion de Teltown un certain jour, lorsqu'il vit un navire (naviguer) dans les airs. Un des membres de l'équipage a lancé un dard sur un saumon. Le dard est tombé en présence de la foule et un homme sortit du navire après lui. Lorsqu'il en saisit le bout depuis le haut, un homme d'en bas le saisit par le bas. Sur quoi l'homme d'en haut dit: "Je suis en train de me noyer", dit-il. "Laissez-le partir", dit Congalach; et il est autorisé à remonter, puis il s'en va en nageant.
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Note: Congalach Cnogba devient roi de Brega vers 929, et de Tara en 944. Il mourut en 956.
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(Kuno Meyer, The Irish Mirabilia in the norse "Speculum Regale", FOLK-LORE, vol. V, London 1894, p. 313)
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Une variante de cette histoire nous a été conservé dans un poème latin, que Kuno Meyer estime dater de l'an 1000 environ.
De navi que visa est in aere.
Rex fuit in theatro Scottorum tempore quodam
Turbis cum variis, cum milibus ordine pulcris,
Ecce repente vident decurrere in aere navim.
De qua post piscem tunc unus jecerat hastam,
Qua ruit in terram, quam natans ille retraxit.
Ista quis auditurus erit sine laude tonantis?
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A propos du navire qui a été vu dans les airs.
il fut à une époque un roi d'irlande au milieu de ses sujets
avec une foule variée, une multitude en bon ordre,
voici qu'ils voient soudain un navire voguer dans les airs
D'où l'un lance alors vers un poisson un dard
qui tombe sur le sol, qu'il vient rechercher en nageant.
Qui aurait découvert cela sans applaudir?
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(Reliquiae Antiquae, edited by Thomas Wright and James Orchard Halliwell, vol. II, London, 1844, p. 106)
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Dans cette version, il n'est encore question que d'un dard à saumon. L'ancre va apparaitre en 1184 sous la plume de Geoffroy du Breuil
Apparition de l'ancre dans la récupération de Geoffroy du Breuil
Geoffroy du Breuil, (Geoffroy de Vigeois) fut moine à l'abbaye bénédictine de Saint-Martial de Limoges, qui abritait une riche bibliothèque puis abbé à Vigeois de 1170 à 1184, où il écrivit sa Chronique, y mentionnant de manière détaillée les événements de la période 994-1184 : l'épidémie d'ergotisme, les préparations à la première Croisade, les rapports des combats en Terre-Sainte, et l'expansion du Catharisme.
Cap. XL ...
Incarn. dominicæ anno MCXXII...
Navis sursum, in aëre, velut nauta (natans) in aequore visa est in Anglia, jacta anchora urbis in medio a civibus Londoniarum impeditur. Mittitur a nautis quidam, qui solveret anchoram, sed retentus a pluribus, qui mersus aquis exspiravit. Clamantes nautae aëra denuo sulcant, fune anchorae secto.
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XL ...
L'an 1122...
En Angleterre, on vit dans les airs un navire qui voguait comme sur l'eau, l'ancre jetée au milieu de la ville, bloquée par les habitants de Londres. Les matelots envoyèrent l'un d'entre eux pour libérer l'ancre, mais retenu par plusieurs personnes, il se noya et mourut. En criant les marins sillonnent à nouveau les airs, ayant coupé la corde de l'ancre.
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(Chronica Gaufredi Coenobitae)
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Note: Cette histoire apparait à la fin du chapitre 40, qui commence par l'incendie du chateau de Limoges, continue avec une famine, la découverte d'une femme a deux tètes, deux poitrines, mais un seul ventre et deux pieds, et encore l'apparition soudaine d'une source qui faillit noyer le tombeau d'un saint.
L'incendie, la famine et la source ne pose pas de problèmes.
La femme avec deux parties supérieures, et une seule partie inférieure semble un cas de geméllarité siamoise, assez rare, mais peut être viable. Remarquons tout de même, que cette femme aurait été observée en Aquitaine, et non dans le Limousin, d'où notre auteur écrivait sa chronique. Il ajoute d'ailleurs: elle chantait dit-on fort bien. Quoique ce soit dans la traduction française, ce "dit-on" montre bien qu'il ne l'a su que par ouï-dire.
Par ailleurs, Conrad Lycosthenes, l'infatigable compilateur de prodiges, mentionne un cas du même genre en Angleterre, mais en 1112:
In Anglia natus est puer geminus a clune ad superiores partes ita divisus, ut duo haberet capita, duo corpora integra ad renes cum suis brachiis, qui baptizatus triduo supervixit.
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En Angleterre naquit un enfant jumeau ainsi divisé depuis la croupe jusqu'aux parties supérieures, qu'il avait deux têtes, deux corps entiers jusqu'aux reins avec leurs bras, qui survécut trois jours après le baptème.
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(Conrad Lycosthènes, Prodigiorum ac ostentorum chronicon, 1557, p. 397-398)
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Est ce le même cas, déplacé dans le temps et le lieu, comme cela arrivait parfois, pour les évènements extraordinaires? De toutes façons, ce cas relativise beaucoup celui cité par Geoffroy du Breuil, en nous apprenant que cet être n'était pas viable.
Dans ces conditions, l'histoire de la femme double a autant de crédibilité que l'histoire de l'homme sans tête du livre de Leinster,ce qui jette un certain discrédit sur l'histoire du navire aérien anglais, que notre auteur n'a également du connaître que comme une rumeur.
Enfin, il n'est pas dit que l'ancre se coinça, ni que le marin suffoqua: les habitants retinrent l'ancre, et le marin se noya. Il y a donc quelques différences avec les récits antérieurs, sans ancre, et les récits postérieurs, sans noyade. Mais nous pouvons remarquer que le récit est en voie de reconstruction: pour montrer qu'il s'agit bien d'un navire, une ancre est plus logique qu'un dard à poissons.
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Le thème de la mer supérieure dans la récupération de Gervase of Tilbury
Gervase of Tilbury, juriste, homme politique et écrivain du XIIIe siècle, fréquenta la cour d'Henri II Plantagenêt, puis émigra à Arles, où il épousa une parente de l'archevêque. En 1209, il accompagna Otton IV de Brunswick à Rome pour son sacre, puis fut nommé maréchal de la cour impériale pour le royaume d'Arles, par l’empereur, formé dans sa jeunesse à la cour d'Angleterre. C'est à Arles qu'il commença, vers 1210, la rédaction des Otia imperialia (Loisirs impériaux), son oeuvre la plus connue.
L'ouvrage, traite d'histoire, de cosmographie, et de sciences naturelles, mais aussi de merveilles, au point qu'on l'a aussi appelé Liber de mirabilibus mundi.
Venant à parler de la mer, il évoque le thème de la mer supérieure, au dessus de notre atmosphère, qu'il essaye de prouver au moyen d'anecdotes, dont celle du navire aérien.
Prima Decisio
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XIII De Mari
Sunt qui dicunt, terram, ut centrum in medio circumferentiae, omni parte aequaliter ab extremitatibus distantem mari circumcingi atque concludi, secundum illud tertiae diei: "Congregavit aquas sub firmamento in unum et apparuit arida"....
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Première partie
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XIII A propos de la mer
Il y en a qui disent la terre, afin que le centre soit au milieu de la circonférence, enfermée et encerclée par la mer d'une distance égale de tous les cotés, selon ce troisième jour: "Il rassembla les eaux sous les cieux en une seule et la terre sèche apparut"
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Note: Pour démontrer l'existence d'une mer supérieure, Gervase aurait été mieux inspiré de citer le deuxième jour de le création, selon la Genèse (nous utilisons le texte de la vulgate, seul connu de Gervase):
6 Dixit quoque Deus: Fiat firmamentum in medio aquarum: et dividat aquas ab aquis.
7 Et fecit Deus firmamentum, divisitque aquas, quae erant sub firmamento, ab his, quae erant super firmamentum. Et factum est ita.
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6 Dieu dit aussi: Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux: et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux.
7 Et Dieu fit le firmament, et sépara les eaux, qui étaient sous le firmament, de celles, qui étaient au dessus. Et cela fut fait ainsi.
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(Biblia Sacra Vulgata, Genesis 1, 6-7)
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On voit que les anciens ne semblaient pas concevoir que le pluie ne provienne que des nuages. il leur fallait un réservoir au dessus du ciel.
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Accedit ad probandam maris superioris supereminentiam temporibus nostris novum divulgatum, tamen mirabile.
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On ajoute pour prouver la grandeur suprème de la mer supérieure divulguée de notre temps, et pourtant merveilleuse.
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Note: Il y a une incohérence dans cette notion de "mer supérieure". Si elle est supposée aqueuse, elle est soit, située au dessus du firmament, qu'aucun navire ne peut franchir, soit juste en dessous, sans qu'aucun de ses navires ne puisse laisser trainer une ancre au sol. Si elle est aérienne, alors aucun navire solide ne peut flotter dessus. Or nous allons avoir un navire, invisible, mais pourvu d'une ancre solide, signe que le navire doit l'être aussi, d'autant que le marin est identique à l'un des notres. Donc un tel navire ne pouvait pas flotter dans les airs, et surtout si bas que son ancre s'accrocha.
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Cum enim die festo in majori Britannia populus post audita Missarum solennia ecclesiam plebanam passim egrederetur tempore quidem plurimum nubilo ac propter nebularum densitatem subobscuro, apparuit anchora navis, lapideo tumulo infra septa circuitu infixa, fune in aëre protenso ac pendulo. Obstupuit populus, dumque super haec varia inter se con ferrent, tandem viderunt funem moveri quasi laborarent ad evulsionem anchorae. Dum ergo plurimum profligata non cederet, audita est vox in aëre spisso velut clamor nautarum ad revocandam projectam anchoram contendentium. Nec mora: frustrata laboris spe, nautae unum de suis dimittunt, qui secundum peritiam nostrorum funi anchorali impensus vicaria manuum permutatione descendit. Cumque jam anchoram evulsisset, a circumstantibus capitur et inter manus contrectantium, quasi in mari naufragium faceret, crassi aëris nostri humectatione praefocatus exhalavit. Sed et superiores nautae, arbitrati socium naufragatum, post unius horae spatium funem anchoralem praeciderunt, relicta anchora navigantes. In hujus itaque rei memoriam de anchora illa ferramenta ostii basilicae illius prudenti consilio fabricata sunt, quae publico patent conspectui
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En effet alors qu'un jour de fête en Grande Bretagne le peuple, après avoir entendu la grand messe solennelle, se dispersait par un temps très couvert à cause de l'épaisseur des nuages, l'ancre d'un navire se montra, accrochée sous la circonference d'un tombeau de pierre, le cable tendu et pendant dans les airs. Le peuple s'étonna, et pendant que certains d'entre eux en discutaient, ils virent la corde bouger comme si quelqu'un cherchait à libérer l'ancre. Comme, malgré beaucoup de vains efforts, elle ne cédait pas, on entendit une voix dans l’air dense comme le cri des marins pour rappeler l’ancre qui avait été jetée et étendue. Sans attendre, trompés par l'espoir du résultat, ils envoyèrent un de leurs propres marins, qui descendit, à la manière des notres, suspendu à la corde de l'ancre en changeant main après main. Et alors qu'il avait déjà libéré l'ancre, il fut saisi par ceux qui l'entouraient et poussé de main en main, comme s'il faisait naufrage en mer. Suffoqué par l'humidité de notre épaisse atmosphère, il expira. Mais alors, les marins du-dessus, juges de leur compagnon naufragé, après l'espace d'une heure, coupèrent la corde de l'ancre, navigant en laissant l'ancre. Et ainsi, en souvenir de cet événement, après de prudentes délibérations, de l'ancre on fit ces ferrures des portes de la basilique, qui sont exposés à la vue du public.
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Note: Il y a encore des incohérences: Si notre air était comme de l'eau, pour le marin, il aurait du se ditiger vers l'ancre en y nageant, comme dans le récit du Speculum Regale, alors qu'ici il descend comme un humain le long d'une corde. Ensuite, l'homme ayant réussi à dégager l'ancre, il suffisait pour les marins de tirer sur la corde et non de la couper. Il semble donc que Gervase ait utilisé la même source que Geoffroy du Breuil, qui fait aussi couper la corde, mais en l'enjolivant pour en faire une tentative de démonstration de l'existence des marins de la mer supérieure. il n'a malheureusement réussi qu'à écrire une histoire boiteuse.
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Accedit adhuc aliud in ea regione mirabilius. Est castrum in comitatu Claudii Castriae, Bristoldum nomine, opulentum et civibus ditissimis complantatum. Hic portus est, quo transitur a majori Britannia in Hiberniam. Uno tempore in Hiberniam cum illius loci indigena navigasset, domi relictis uxore et filiis, post emensa diutinae navigationis curricula cum in remotis Oceani partibus navis decurreret, civis memoratus cum nautis ad epulandum consedit circiter horam tertiam. Cumque finita mensa civis cultellum ad spondam navis ablueret, subito de manu lapsus, eadem hora per fenestram domus ipsius civis in culmine patentem, quam lucernariam Angli nominant, ad mensam coram uxore civis positam cultellus defigitur, cujus rei novitate tacta mulier obstupuit, et notum sibi pridem cultellum reponens, longo post tempore viro redeunte didicit, casum et diem navigationis cum die receptionis concordare. Quis ergo ex publicato facti hujus testimonio mare super nostram habitationem in aere vel super aerem positam dubitabit?
(Felix Liebrecht, Des Gervasius von Tilbury Otia Imperialia, Hannover, 1856, p. 2-3)
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Il s'joute encore une merveille dans cette région. Il y a une ville fortifiée dans le groupe des camps de Claude, du nom de Bristol, opulente et peuplée de riches citoyens. Ce port est celui par où on passe surtout de Grande Bretagne en Irlande. Une fois, alors qu'un natif de ce lieu naviguait vers l'Irlande, ayant laissé sa femme et ses enfants à la maison, après le cours d'une longue navigation, comme le navire atteignait les lointaines parties de l'océan, l'homme s'est souvenu qu'il s'assit pour banqueter avec les marins vers la troisième heure. Et comme le repas terminé l'homme nettoyait son couteau sur les flancs du navire il lui tomba brusquement des mains. À cette même heure, par la fenêtre exposée au sommet de la maison de ce même citoyen, que les anglais appellent lucarne, le couteau s'est planté dans la table disposé devant sa femme, la femme bouleversée par l'étrangeté de cette chose en fut stupéfiée, et, laissant ce couteau connu d'elle depuis longtemps, elle apprit longtemps après le retour de son mari que la perte et le jour de la navigation concordait avec le jour de l'arrivée. Qui doutera donc maintenant, d'après la publication de ce témoignage, qu'une mer repose au dessus de notre demeure, dans les airs, ou au dessus des airs?
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Note: Pour cette l'histoire du couteau, il eut fallu que le navire se trouve à la fois sur l'océan, et sur la mer supérieure, exactement à l'aplomb de la maison du marin. C'est trop de miracles en même temps.
Par ailleurs, on se demande comment il a connu ces histoires, lui qui était à Arles, encore plus loin de sa source que ne l'était Geoffroy du Breuil. A cette époque, il n'y avait guère que les Tigernachi Annales pour parler de navires aériens, du moins, pour ce qui est des annales que nous connaissons. Manifestement, comme pour Geoffroy du Breuil, il nous manque des pièces du puzzle.
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Transfert à Cloena dans la récupération du Konungs Skuggsja
Le Konungs skuggsjá, en latin Speculum Regale (Miroir royal), écrit par un auteur anonyme aux alentours de 1250, sous le règne du roi Håkon IV de Norvège, est considérée comme le texte fondateur de la littérature norvégienne. Il appartient à un genre littéraire encyclopédique apparu au XIIe siècle, et qui connut son épanouissement avec le Speculum maius de Vincent de Beauvais. Il comporte 70 chapitres sous la forme d'un dialogue, avec les questions d'un fils, et les réponses de son père. Plusieurs chapitres sont consacrés aux merveilles, dont l'un aux merveilles de l'Irlande. C'est dans ce chapitre qu'apparait le navire aérien, que l'auteur situe à Cloéna, là où il y aurait eu effectivement une observation de navires aériens dans les années 740.
þar er ok enn einn sá hlutr er heldr mun undarligr þykkja, er gerðisk í borg þeirri er Cloena heitir. Í þeirri borg er kirkja sú, er vigð er í minning þess heilags manns er Kiranus heitir. En þar gerðisk svá til einn sunnudag, er fólk var at kirkju ok hlýddi messu, þá kom þar sigandi or lopti ofan eitt akkeri, svá sem þat væri or skipi kastat, þvíat þar var strengr við, ok krœktisk akkeris fleinninn i bogann á kirkjudurunum; en fólkit alt gekk út or kirkjunni ok undraði, ok sá í lopt upp eptir strenginum. þeir sá skip fljóta fyrir strenginum ok menn á, ok því næst sá þeir or því skipi mann einn fyrir borð hlaupa ok kafask niðr til akkerisins, ok vildi leysa þat. Hans atferð sýndisk þeim eptir því vera, bæði handa læti ok fóta, sem þess manns er í sjó svimr. En er hann kom niðr til akkerisins, þá leitaði hann við at leysa þat, en því næst hljópu menn til ok vildu taka manninn. En kirkja sú er akkerit stóð fast í, þá er þar byskupsstóll einn. Byskupinn var við staddr þenna atburð, ok fyrirbauð hann mönnum at halda þeim manni, þvíat byskup sagði, at hann mundi bana hafa, sem hann væri í vatni haldinn. En þegar er hann varð lauss, þá skundaði hann ferð sinni upp aptr til skipsins; en þegar hann kom upp, þá hjoggu þeir strenginn, ok fóru siðan leiðar sinnar or augliti manna. En akkerit hefir þar síðan legit til vitnisburðar í þeirri kirkju.
(KONGE-SPEILET, Christiania 1848, p. 27-28)
Kuno Meyer nous en a donné une traduction:
There is yet another thing that will seem most wonderful, which happened in the city that is called Cloena (Clonmacnoise). In that city is a church which is sacred to the memory of the holy man who is called Kiranus. And there it thus befell on a Sunday, when people were at church and were hearing Mass, there came dropping from the air above an anchor, as if it were cast from a ship, for there was a rope attached to it. And the fluke of the anchor got hooked in an arch at the church door, and all the people went out of the church and wondered, and looked upwards after the rope. They saw a ship float on the rope, and men in it. And next they saw a man leap overboard from the ship, and dive down towards the anchor, wanting to loosen it His exertion seemed to them, by the movement of his hands and feet, like that of a man swimming in the sea. And when he came down to the anchor, he endeavoured to loosen it. And then some men ran towards him and wanted to seize him. But in the church, to which the anchor was fastened, there is a bishop's chair. The bishop was by chance on the spot, and he forbade the men to hold that man, for he said that he would die as if he were held in water. And as soon as he was free he hastened his way up again to the ship ; and as soon as he came up, they cut the rope, and then sailed on their way out of the sight of men. And the anchor has ever since lain as a witness of the event in that church.
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Il y a encore une autre chose qui semblera la plus merveilleuse, qui arriva dans la ville appelée Cloena (Clonmacnoise). Dans cette ville il y a une église dédiée à la mémoire d'un saint nommé Kiranus. Et là, il arriva ainsi qu'un dimanche, quand les gens étaient à l'glise, assistant à la messe, il est apparu qu'une ancre avait été larguée du ciel comme si elle avait été jetée d'un navire; car une corde y était attachée, et l'un des douves de l'ancre s'est coincé dans l'arc au-dessus de la porte de l'église. Les gens se sont tous précipités hors de l'église et ont été émerveillés par le fait que leurs yeux suivaient la corde vers le haut. Ils ont vu un navire avec des hommes à bord flotter devant le câble d'ancre; et bientôt ils virent un homme passer par dessus bord et plonger vers l’ancre comme pour la retirer. Les mouvements de ses mains et de ses pieds et toutes ses actions sont apparus comme ceux d'un homme nageant dans l'eau. Lorsqu'il est arrivé à l'ancre, il a essayé de la dégager, mais les gens se sont immédiatement précipités et ont tenté de le saisir. Dans cette église où l’ancre a été prise, il y a un siège épiscopal. L'évêque était présent lorsque cela s'est produit et a interdit à son peuple de le retenir; car, dit-il, cela pourrait être fatal, comme quand on est sous l'eau. Dès que l'homme fut libéré, il se dépêcha de remonter à bord du navire. et quand il fut en haut, l'équipage coupa la corde et le bateau s'éloigna. Mais l’ancre est restée dans l’église depuis pour témoigner de cet événement. |
(Kuno Meyer, The Irish Mirabilia in the norse "Speculum Regale", FOLK-LORE, vol. V, London 1894, p. 312)
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Note: Les Annales Buelliani (vers 1246) situaient l'observation des navires aériens à Cluana m. nois (Clonmacnoise). Il se pourrait donc que ce soit la source de cette localisation à Cloena, devenue plus tard Cloera, sous le clavier de H.T Wilkins.
Contrairement aux Otia Imperialia, l'ancre n'est pas libérée, et l'équipage a donc une bonne raison de couper la corde. L'ancre reste dpnc dans l'église, ce qui pose le problème de ce qu'elle est devenue, d'autant que cette fois, la localisation de l'église est parfaitement connue.
L'intervention de l'évêque, qui sauve le marin qui peut remonter à bord, ressemble à une christianisation du recit des Otia Imperialia, ou de leur source commune.
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La légende s'est mise en place, sous deux formes.
Dans l'une qui sert à prouver l'existence d'une "mer supérieure", on ne sait pas à quoi ressemble le navire, aussi élusif que l'ancre est ostentatoire, et l'homme qui en descend meurt, pour bien montrer qu'il n'est pas du même monde que nous. Ensuite l'ancre, qui aurait pourtant pu être remontée, est abandonnée, mais devient elle même élusive en étant transformée en ornements, ce qui détruit la preuve historique.
Dans l'autre on voit le navire, l'homme peut remonter à bord, et l'observation se passe à Cloena (probablement Clonmacnoise), ce qui nous ramène à l'observation irlandaise des années 740.
Dans les deux cas, la corde est coupée, l'ancre abandonnée, et le navire s'en va. Mais dans les deux cas aussi, nous savons que ce récit n'a pas de réalité: même en admettant qu'il ait pu exister des engins extraterrestres déguisés en navires, il n'existe pas plus de navires aériens ayant besoin d'une ancre, que de mer supérieure. Il s'agit donc de récits fabriqués, à partir de récits plus anciens, comme celui des mirabilia hiberniae, qui, eux mêmes, s'inspiraient probablement de l'observation de Clonmacnoise dans les années 740.
Ces différents récits vont maintenant être repris, d'un coté, par les folkloristes, de l'autre, par les ufologues qui vont y voir la preuve de manifestations d'engins extraterrestres au moyen-age.
1844 Thomas Wright et les voyages fantastiques du moyen-age
On l'a peut être oublié, mais bien avant Adamski, bien avant les "contactés", il existait toute une littérature mentionnant des voyages dans l'autre monde. Le plus connu est La divine comédie de Dante, mais il y en a eu d'autras avant Dante, connues de quelques érudits, et qui ont souvent été mal interprétés, comme la navigation de Saint Brandan ou la vision de Charles le gros. Le purgatoire de St Patrick, est l'un de ces récits qui sert de titre à Thomas Wright pour nous décrire la panoplie des voyages en dehors de notre monde, et à l'occasion, l'intrusion dans notre monde d'êtres qui venaient d'ailleurs. Une panoplie qui sera reprise en 1866 par Cherles Labitte, dans La divine comédie avant Dante. Ici, Thomas Wright, dans son premier chapitre va nous parler du thème de la mer supérieure, et donc des navires aériens et citer les récits de Gervase of Tilbury et d'Agobard.
Of the latter class, we have a remarkable instance in the belief which prevailed during the midde ages, that there was actually a sea above the sky, which was founded on the mention made in Genesis of the separation of the waters above the firmament from those below. This belief is curiously illustrated by two legendary stories preserved by Gervase of Tilbury. One Sunday, he says, the people of a village in England were coming out of church on a thick cloudy day, when they saw the anchor of a ship hooked to one of the tomb-stones; the cable, which was tightly stretched, hanging down from the air. The people were astonished, and while they were consulting about it, suddenly they saw the rope move as though some one laboured to pull up the anchor. The anchor, however, still held fast by the stone, and a great noise was suddenly heard in the air, like the shouting of sailors. Presently a sailor was seen sliding down the cable for the purpose of unfixing the anchor ; and when he had just loosened it, the villagers seized hold of him, and while in their hands he quickly died, just as though he had been drowned. About an hour after, the sailors above, hearing no more of their comrade, cut the cable and sailed away. In memory of this extraordinary event, says my author, the people of the village made the hinges of the church door out of the iron of the anchor, and "there they are still to be seen."
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De la dernière classe, nous trouvons un exemple remarquable dans la croyance qui a prévalu pendant le moyen âge, qu’il existait en fait une mer au-dessus du ciel, fondée sur la mention faite dans la Genèse de la séparation des eaux au-dessus du firmament de celles du dessous. Cette croyance est curieusement illustrée par deux histoires légendaires conservées par Gervase de Tilbury. Un dimanche, dit-il, les habitants d'un village d'Angleterre sortaient de l'église par une journée d'épais nuages, lorsqu'ils virent l'ancre d'un navire accroché à l'une des pierres tombales; le câble, qui était très tendu, pendait dans les airs. Les gens étaient étonnés et, pendant qu'ils en discutaient, ils virent soudain la corde bouger comme si quelqu'un essayait de retirer l'ancre. L'ancre, cependant, était toujours maintenue par la pierre et un grand bruit se fit entendre dans les airs, comme les cris des marins. A ce moment on vit un marin en train de glisser le long du câble dans le but de libérer l'ancre; et quand il venait de la décrocher, les villageois le saisirent et il mourut rapidement entre leurs mains, comme s'il s'était noyé. Environ une heure après, les marins du-dessus, sans plus entendre parler de leur camarade, coupèrent le câble et s'en allèrent. En mémoire de cet événement extraordinaire, dit mon auteur, les habitants du village ont fabriqué les charnières de la porte de l'église avec le fer de l'ancre. Elles sont "encore visibles".
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Note: La traduction parait correcte, sauf que Gervase parle de ferrures (ferramenta), qui ne sont pas forcément des charnières, puisque les portes devaient déjà en avoir.
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At another time, a merchant of Bristol set sail with his cargo for Ireland. Some time after this, while his family were at supper, a knife suddenly fell in through the window on the table. When the husband returned he saw the knife, declared it to be his own, and said that on such a day, at such an hour, while sailing in an unknown part of the sea, he dropped the knife overboard, and the day and hour were known to be exactly the time when it fell through the window. These accidents, Gervase thinks, are a clear proof of there being a sea above hanging over us.
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À une autre époque, un marchand de Bristol embarqua avec sa cargaison pour l'Irlande. Quelque temps après, alors que sa famille était au souper, un couteau est soudainement tombé par la fenêtre sur la table. Quand le mari revint, il vit le couteau, le déclara comme le sien et dit que ce jour-là, à cette heure, alors qu'il naviguait dans une partie inconnue de la mer, il a laissé tomber le couteau par-dessus bord, et le jour et l'heure furent connus pour être exactement le moment où il tomba par la fenêtre. Ces accidents, pense Gervase, sont la preuve évidente qu'il y a une mer au-dessus de nous.
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Note: En fait, Gervase dit plutôt "lointaine" (remotis), qu'inconnue. Il y aurait encore une incohérence à ce qu'il y ait des zones inconnues entre Bristol et l'Irlande.
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(Thomas Wright, St. Patrick's Purgatory, London, 1844, p. 27-28)
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Avril 1897 Les texans récupèrent une ancre Le récit de Gervase
ANCHOR OF THE AIRSHIP.
Said to Be on Exhibition at Merkel.
Attracting Much Attention.
Merkel, Texas, April 26. —Some parties returning from church last night noticed a heavy object dragging along with a large rope attached. They followed it until in Crossing the railroad it caught on a rail. On looking up they saw what they supposed was the airship. It was not near enough to get an idea of the dimensions. A light could be seen protruding fron several windows: one bright Light in front like the headlight of a locomotive. After some ten minutes a man was seen descending the rope; he came near enough to be plainly seen; he wore a blue sailor suit, was small in size. He stopped when he discovered parties at the anchor and cut the rope below him and sailed off in a northeast direction.
The anchor is now on exhibition at the blacksmith shop of Elliott & Miller and is attracting the attention of hundreds of people.
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L'ANCRE DU VAISSEAU AERIEN.
Serait exposée à Merkel.
Attirant beaucoup l'attention.
Merkel, Texas, 26 Avril. —- Quelques fidèles revenant de l'église la nuit dernière remarquèrent un objet lourd traînant attaché à une grosse corde. Ils l'ont suivi jusqu'à ce que, en traversant la voie ferrée, il se soit accroché à un rail. En levant les yeux, ils virent ce qu'ils ont supposé être le vaisseau aérien. Il n'était pas assez proche pour avoir une idée des dimensions. On pouvait voir une lumière sortant de plusieurs fenêtres: une lumière brillante à l'avant, semblable au phare d'une locomotive. Après une dizaine de minutes, on vit un homme descendant la corde; il vint assez près pour être vu clairement; il portait une tenue bleu de marin, était de petite taille. Il s’arrêta quand il découvrit les fidèles près de l’ancre et coupa la corde au-dessous de lui et s'en alla dans la direction du nord-est.
L'ancre est maintenant exposée à la forge Elliott & Miller et attire l'attention de centaines de personnes.
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(HOUSTON DAILY POST, WEDNESDAY MORNING, APRIL 28. 1897. p. 5)
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Note: Déja, la dernière phrase fait penser à une publicité pour la forge Elliott & Miller. Mais surtout, ce récit décalque de trop près celui du vaisseau aérien médiéval de Gervase of Tilbury:
Gervase of Tilbury | Houston Daily Post |
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"Des fidèles sortent de l'église" | "Des fidèles reviennent de l'église" |
"Ils voient une ancre attachée à une corde" | "Ils voient un lourd objet attaché à une corde" |
"L'ancre est accrochée à un tombeau" | "L'ancre s'accroche à un rail" |
"la corde se perd dans les nuages" | "levant les yeux ils voient ce qui semble le vaisseau" |
"un marin descend le long de la corde" | "un homme descend la corde habillé en marin" |
"l'équipage coupe la corde" | "l'homme coupe la corde" |
"le navire s'en va laissant l'ancre" | "le vaisseau s'en va vers le nord-est" |
"l'ancre est reforgée en ferrures" | "l'ancre est exposée chez un forgeron" |
Mais comment le Houston Daily Post, ou les forgerons Elliott & Miller auraient ils pu connaitre le récit de Gervase? C'est là qu'il faut remarquer qu'une nouvelle édition du livre de Thomas Wright venait de paraître en 1894.
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Par ailleurs doit on s'étonner d'un canular, alors que ces deux dernières semaines du mois d'avril, le Houston Daily Post en était plein:
- Le 21, on apprenait par une dépèche de Beaumont, Texas, du 20, que J. R. Ligon, avait vu quatre hommes autour d'un grand objet sombre. L'un d'eux nommé Wilson lui apprit qu'ils retournaient en Iowa, ou le vaisseau avait été construit. L'engin avait 20 pieds de large et était propulsé par 4 grandes ailes mus à l'électricité.
- Le 25, on apprenait par une dépèche de Rockland, Texas, du 23, que John Barclay avait vu un vaisseau avec des ailes et de brillantes lumières, descendre dans une pature, près de sa maison. Un homme lui demanda de l'huile, un burin, et du sulfate de cuivre, et lui offrit 10 dollars. M. Barclay trouva l'huile, le burin mais pas le sulfate. L'homme le remercia, et monta dans l'engin qui partit à la vitesse d'une balle de fusil.
- Le 25, on apprenait par une dépèche de Kountze, Texas, du 24, que le "capitaine" H.A. Hooks et A. W. Hodges, avait vu atterrir, avec des dommages nécessitant réparation, un vaisseau aérien en forme de cigare, de 50 pieds de long. Les aéronautes s'appelaient Wilson et Jackson.
- Le 26, on apprenait par une dépèche de Josserand, Texas, du 24, l'observation de Frank Nichols, qui avait pu converser avec l'équipage d'un airship, qui lui apprit que l'engin était fait d'un nouveau matériau, capable de se maintenir lui même dans l'air, et mu par de l'électricité hautement condensée. Cinq engins étaient en construction et l'invention serait bientôt rendu publique.
- Le 28, on apprenait par une dépèche de Rusk, Texas, du 25, que vers 02H 30, un colonel avait atterrir un vaisseau, et vu, réparant une aile, un homme qui lui dit qu'il venait de quitter le Kansas trente minutes plus tôt. Le vaisseau était mu à l'air comprimé et faisait 275 pieds de long. L'inventeur, du Wisconsin, était à l'intérieur et lui apprit qu'il avait construit cinq vaisseaux, dans un village du Kansas. Prévenu du départ, le témoin sortit et vit l'engin s'élever rapidement et disparaitre dans la nuit.
- Le 30, on apprenait que H. C. Lagrone, de Deadwood, Texas, avait observé un objet brillant, venant du sud-ouest, qui plana quelque temps et finit par atterrir près de chez lui. Il avait un équipage de cinq hommes, qui l'informèrent qu'il faisait partie d'un groupe de cinq vaisseaux basés dans une ville de l'Illinois, qu'ils attendaient leurs brevet pour installer une usine à St Louis, et que bientôt ils iraient de l'Atlantique au Pacifique en deux à trois jours.
Or les performances alléguées de ces engins sont absurdes, et leur description évoquent les réveries des inventeurs de l'époque, qui en abreuvait les journaux depuis plusieurs années. A qui fera-t-on croire que ces engins primitifs et sans aérodynamisme, pouvait partir comme une balle de fusil ou voler à plus de 300 km/h ? Et leurs pilotes auraient bien été terrestres. Ces prétendus observations n'avaient donc aucune réalité, et la prétendue observation de Merkel s'y intègre bien.
1904 Paul Sébillot et la "mer supérieure"
En Haute-Bretagne quelques personnes disent que le ciel bleu est formé d’une substance liquide, mais qui ne peut couler, peut-être en raison d'une sorte de pression atmosphérique analogue; les astres flottent dessus comme un bateau sur une mer tranquille. Cette croyance rappelle des légendes, relevées dans le monde Musulman, au Japon et en Malaisie, qui parlent aussi d'une mer située bien au delà des nuages . Cette idée, sans être très répandue, n’est pas complètement effacée chez nous; les paysans vendéens disaient autrefois que si leurs pères n'avaient pas menti, il y avait des oiseaux qui savaient le chemin de la mer supérieure. Je n’ai pu retrouver l’auteur auquel W. Jones, qui ne cite pas sa source, avait emprunté ce passage ; mais les vieux marins de Tréguier assuraient naguère que la mer baignait jadis le firmament, et qu'elle ne s'en retira qu'à une époque bien postérieure à la création.
...
Gervaise de Tilbury raconte que l'on vit un jour en Angleterre une ancre tombée sur le sol, dont le câble se perdait dans les nuées sombres.
(Paul Sébillot, Le folklore de France, tome premier, Paris 1904, p. 5-6)
1924 Dom Gougaud et l'aéronautique médiévale
Les aventures d’un vaisseau-fantôme errant, non pas sur la mer comme le Hollandais volant, mais dans les airs, ont été racontées dans diverses chroniques du moyen âge. Dans ses Otia imperialia, ouvrage composé vers 1211, Gervais de Tilbury nous donne le récit particulièrement détaillé d’un prodige de ce genre.
Le fait se serait produit en Grande-Bretagne, un jour de fête, au moment où les fidèles sortaient de l’église, après la messe. Ce jour-là, comme il arrive souvent en ce pays, le Ciel était couvert d’épais nuages. Grande fut la surprise des gens qui traversaient le cimetière, en quittant l’église, d’y voir, au bout d’un câble aérien, une ancre de navire, qui s’était accrochée à un tombeau. Les nautoniers n’ayant pu, d’en haut, réussir à dégager leur ancre firent descendre un des leurs le long du câble. Mais, au moment où celui-ci, après s’être acquitté de sa tâche, allait remonter vers son esquif, les gens accourus en foule s’emparèrent de lui, et il rendit l’âme entre leurs mains, saisi d’étouffement comme un naufragé, dit Gervais, la pression atmosphérique étant trop forte pour les poumons d’un homme habitué aux grandes altitudes. Cependant, désespérant de récupérer leur compagnon, ainsi que leur ancre, les hommes de l’air coupèrent le câble et continuèrent leur navigation. L’ancre abandonnée fut travaillée par le forgeron du lieu, et les pièces de ferronnerie façonnées sur l’enclume furent appliquées sur la porte de la basilique en mémoire du prodige. (1)
En 1856, F. Liebrecht, l’éditeur de la partie de l’ouvrage de Gervais de Tilbury qui contient cette histoire, déclarait ne rien connaître de semblable en dehors du Wolkenschiff du folklore germanique, qui porte dans ses flancs la pluie, la neige et la grêle. (2) Mais, depuis lors, divers textes ont été publiés qui montrent que, longtemps avant Gervais de Tilbury, la légende de l’aéronef dont la présence est révélée par une ancre ou un autre engin traînant à terre était connue en Irlande.
Un poème latin sur les Mirabilia Hiberniæ conservé dans un manuscrit du XIIe siècle appartenant à la Bibliothèque Nationale de Paris (Ms. lat. 11,108) et qui, suivant une remarque de Kuno Meyer, aurait été composé vers l’an 1000, contient un section de six vers intitulée De navi quæ visa est in aere. (3) Le poète est très sobre de détails ; il rapporte simplement qu’un roi d’Irlande, entouré de son armée, aperçut, un jour, un navire errant dans les airs, duquel un javelot, ou un dard (hasta), fut lancé à terre, arme qu’un homme vint reprendre en nageant. Mais deux autres versions des Mirabilia, l’une écrite en vieux norse, l’autre en irlandais, apportent quelques précisions sur ce fait prodigieux.
La version norse se rencontre dans le Kongs Skuggsjo (Miroir royal) rédigé vers l’an 1250. Elle se rapproche substantiellement du texte de Gervais de Tilbury ; pourtant il y a quelques différences à signaler. Ici, le fait est localisé en Irlande, à Clonmacnois, le grand monastère de S. Ciaran, situé sur la rive gauche du Shannon, et il se serait produit un dimanche, alors que les fidèles assistaient à la messe. L’ancre s’accrocha à une arche du porche de l’église, et elle fut décrochée par un des aéronautes, descendu pour cela. Les indigènes accourus allaient se saisir de celui-ci, lorsque l’évêque du lieu leur défendit de toucher à cet homme, car, s’ils le faisaient, dit-il, le malheureux périrait aussitôt comme un noyé. L’aéronaute réussit donc à regagner son bord, mais, le câble ayant été coupé, l’ancre resta à terre et on la conserva dans l’église pour perpétuer le souvenir de l’événement merveilleux. (4)
La version irlandaise des « Merveilles d’Erin d’après le livre de Glendalough » s’accorde avec le poème latin, mais, étant plus détaillée, elle permet de comprendre certaines particularités de celui-ci restées obscures. Suivant ce texte, l’apparition aérienne se produisit pendant la foire de Teltown. À Teltown, anciennement Tailtin, dans le comté de Meath, entre Navan et Kells, s’élevait un des palais royaux de l’ancienne Irlande. Congalach, fils de Maelmithig († 956), fut témoin du prodige. L’engin lancé par un homme de l’équipage aérien était un dard destiné à atteindre un saumon ; mais le dard n’atteignit pas son but, et un homme dut descendre de la nef. On allait lui faire un mauvais parti quand Congalach intervint pour empêcher qu’on lui nuise. L’homme put remonter à son bord en nageant à travers les airs. (5)
D’après le livre de Leinster, trois navires auraient été vus dans le ciel, lors de la foire de Teltown, et le roi témoin de l’événement aurait été Domnall Mac Murchada (763). (6)
Il faut enfin noter que l’apparition d’un navire aérien en Angleterre avait été signalée avant Gervais de Tilbury par un chroniqueur français, Geoffroi, prieur de Saint-Pierre du Vigeois, dans le Bas-Limousin, mort vers la fin du XIIe siècle. Sa chronique date de 1184. Cette aéronef aurait jeté l’ancre au milieu de la cité de Londres, en l’année 1122. (7)
La contemplation des nuages voguant dans les airs aura suggéré aux imaginatifs l’invention de ces navigations légendaires. Mais qu’un essai d’aviation ait été réellement tenté par un homme du XIe siècle, c’est ce que beaucoup de lecteurs apprendront sans doute avec étonnement. Pourtant le fait n’est pas douteux. Il se produisit en 1066, l’année même de la conquête de l’Angleterre par les Normands. Le héros, nommé Eilmer, était un moine de la grande abbaye bénédictine de Malmesbury (Wilts), et son aventure nous est précisément racontée par son confrère, le célèbre chroniqueur Guillaume de Malmesbury († 1143). Eilmer, qui était versé dans les lettres anciennes, avait évidemment lu les Métamorphoses d’Ovide. Voulant renouveler la tentative fabuleuse de Dédale, il se fabriqua des ailes qu’il adapta à ses mains et à ses pieds, et, ainsi équipé, il s’élança du haut d’une tour. Emporté par le vent, il parcourut en volant l’espace de plus d’un stade, mais la violence d’un tourbillon et la conscience de sa témérité, dit Guillaume, causèrent sa perte. Tout à coup, il s’abattit, tout tremblant, sur le sol, et se cassa les jambes dans sa chute. Il resta infirme jusqu’à la fin de ses jours. Il attribuait la cause de son échec au fait d’avoir négligé de se munir d’une queue in posteriori parte, à l’instar des oiseaux. (8)
(1) GERVAIS DE TILBURY, Otia imperialia, II, 10, éd. F. Liebrecht (Hannover, 1856), p. 10.
(2) Op. cit., p. 62. Cf. J. GRIMM, Teutonic Mythology, trad. angl. de J. S. Stallybrass (London, 1883), II, 638-639 ; MONTANUS, Die deutschen Volksfeste, Jahres und Familien Feste (Iserlohn et Elberfeld, 1854), p. 37-38.
(3) Ce poème a été publié par MOMMSEN à la suite de son édition de Nennius (M. G. Chronica minora : Auct. antiquissimi, XIII, p. 222). Mais, le ms. de Paris étant tronqué (il y manque les quatre derniers mots du dernier vers), l’éditeur aurait pu compléter son texte au moyen de l’édition complète de cette pièce, donnée antérieurement par TH. WRIGHT et J. O. HALLIWELL, dans Reliquiæ antiquæ (London, 1841), II, p. 106-107. Sur la date du poème, voir K. MEYER, The Irish Mirabilia in the Norse « Speculum regale » (Eriu, IV, 1908, p. 3).
(4) K. MEYER, éd. citée, p. 12.
(5) Ed. J. H. TODD, The Irish version of the Historia Britonum of Nennius (Dublin, 1848), p. 211. Le texte et la traduction ont été corrigés par K. MEYER, rec. cité, p. 13.
(6) Cf. K. MEYER, loc. cit.
(7) GEOFFROI DU VIGEOIS, Chronica, A. D. MCXXII, éd. Philippe Labbe, Nova bibliotheca manuscripta (Parisiis, 1657), II, p. 299-300. – M. R. FAGE a signalé ce texte à la Société des Antiquaires de France (Voir Bulletin, 1911, p. 102-103).
(8) GUILLAUME DE MALMESBURY, Gesta regum Anglorum, II, ch. 225, éd. WILLIAM STUBBS (Rolls), I, p. 276-277. Reproduit littéralement par VINCENT DE BEAUVAIS, Speculum historiale, XXV, 35 (Bibliotheca mundi, Duaci, 1624, IV, 1014). – M. MASSIP a écrit quelques pages à ce sujet, intitulées Une victime de l’aviation au XIe siècle (Mémoires de l’Acad. des Sciences, inscript. et belles-lettres de Toulouse, 10e série, X, 1910, p. 199-217).
(Dom Louis Gougaud, L’AÉRONEF DANS LES LÉGENDES DU MOYEN ÂGE, Revue Celtique, volume XLI, 1924, p. 354-358)
On voit que Dom Gougaud est bien renseigné, lui qui cite à peu près tout ce que nous avons vu précédemment, sauf les vieilles annales irlandaises.
Mais on voit aussi qu'il récupère le thème du navire aérien, pour promouvoir l'existence d'un authentique engin volant. Or c'est bien ce que va faire H.T.Wilkins, trente ans plus tard. Nous pouvons donc considérer Dom Louis Gougaud comme un précurseur de l'ufologie, "à l'insu de son plein gré".
1938 George G. Coulton expose la mentalité médiévale.
Three centuries later, the chronicler Gervase of Tilbury [ch. XIII ] tells of folk who came out of Mass one morning and saw an anchor let down from such a cloud-ship and grappled to a tomb. They heard the cries of the embarrassed cloud-sailors in the fog, until one came down the rope hand by hand and released the anchor. “When, however, he had torn the anchor from the tomb, he was caught by those that stood around, in whose arms he gave up the ghost, stifled by the breath of our gross air even as a shipwrecked mariner is stifled in the sea. Moreover his fellows above, judging him to be wrecked, after an hour’s delay, cut the cable, left their anchor, and sailed away.”
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Trois siècles plus tard, le chroniqueur Gervase de Tilbury [ch. XIII] raconte l'histoire de gens qui sont sortis de la messe un matin et ont vu une ancre descendre d'un tel navire des nuages et prise avec une tombe. Ils ont entendu les cris des marins des nuages embarrassés dans le brouillard, jusqu'à ce que l'un d'eux descende le long de la corde main après main, et libère l'ancre. "Cependant, lorsqu'il eut retiré l'ancre de la tombe, il fut pris par ceux qui se tenaient autour de lui, dans les bras desquels il rendit l'âme, étouffé par le souffle de notre air grossier comme un marin naufragé est étouffé dans la mer. De plus, ses camarades du dessus, le jugeant naufragé, après une heure de délai, coupèrent le câble, laissèrent l'ancre et s'en allèrent."
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Again he tells us: “It befel upon a time that a native of Bristol sailed to Ireland, leaving his wife and children at home. Then, after a long sea-voyage, as he sailed on a far-off ocean, he chanced to sit banqueting with the mariners about the hour of tierce; and, after eating, as he washed his knife over the ship’s side, it slipped suddenly from his hands. At that same hour, at Bristol, the knife fell in through that same citizen’s roof-window (which men in the English tongue call dormer) and stuck in the table that was set before his wife. The woman, marvelling at so strange a thing, was dumb-founded; and, laying aside this well-known knife, she learned long afterwards, on her husband’s return, that his misfortune had befallen on the very day whereon she had found it. Who, then, will now doubt, after the publication of this testimony, that a sea lieth over this earth of ours, whether in the air or above the air?”
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A nouveau il nous dit: "Il arriva qu'un natif de Bristol partit pour l'Irlande, laissant sa femme et ses enfants à la maison. Puis, après un long voyage en mer, alors qu'il naviguait dans un océan lointain, il se retrouva en banquet avec les marins à peu près à la troisième heure; et, après avoir mangé, alors qu’il nettoyait son couteau sur le flanc du navire, celui-ci lui glissa brusquement des mains. À cette même heure, à Bristol, le couteau est tombé par la fenêtre du toit de ce même citoyen (que les hommes de langue anglaise appellent la lucarne) et se planta dans la table dressée devant sa femme. La femme, émerveillée par une chose aussi étrange, était muette; et, laissant de côté ce couteau bien connu, elle apprit longtemps après le retour de son mari que sa malchance était arrivé le jour même où elle l’avait trouvé. Qui doutera donc maintenant, après la publication de ce témoignage, qu'une mer repose sur notre terre, soit dans les airs, soit au dessus des airs?
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Note: Coulton ne s'arrète pas au détail de l'ancre qui fut abandonnée, alors qu'elle aurait pu être remontée.
La troisième heure ou heure de Tierce ou de Terce (9H du matin) est celle de la prière, dans la liturgie des heures. Elle ne doit pas être confondue avec l'angélus, apparu plus tard, et récité à 6H.
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(George Gordon Coulton, Medieval Panorama, Cambridge, university Press, 1938, p. 107-108)
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1943 Jules Duhem se mélange un peu les crayons.
La constance et la sincérité des témoignages éclatent dans ces drames. À Londres, en 1123, des témoins protestent séparément qu'ils ont vu des navires à l’escale entre les nues. Dans les cas cités par Geoffroi de Breuil (5) et par Gervais de Tilbury (6). la foule voit une corde qui rattache le navire au sol, et il arrive même que l'ancre reste entre ses mains, l’équipage alarmé ayant coupé l’amarre. Les Mirabilia Hiberniae (1) donnent une armée entière avec son roi pour témoins de l'apparition d'un aéronef d’où part un javelot qu'un navigateur vient reprendre à terre en nageant dans l'air. Et les versions norse et irlandaise de la même chronique localisent avec précision le fait de ce plongeur aérien qui vient hardiment détacher l'ancre ou ressaisir le dard à saumons qu'il a lancé, cependant que le chef ou l'évêque du pays ont peine à contenir la furie des spectateurs.
(5) La Chronique de Geoffroi de Breuil va de 996 à 1184. Elle a été publiée par Philippe Labbe dans sa Nova Bibliotheca manuscriptorum librorum historias, Parisiis, Seb et Gabr. cramoisy, 1657, 2 vol. in-fol. ; vol. II, p. 279-342.
(6) Otia Imperialia, publiés par Leibniz dans ses Scriptores rerum Brunswicensium illustrationi inservientes, Hannovera, 1707-1711, 3 vol. in-fol. ; vol. I, p. 881-1004 ; vol. II, p. 751-784.
(1) Manuscrit du XIIe siècle, à la Bibliothèque Nationale (Ms. lat. II 108)
(Jules Duhem, Histoire des idées aéronautiques avant Montgolfier , Sorlot, 1943, p. 47-48)
Jules Duhem nous a déja montré à propos du récit d'Agobard qu'il donnait des références précises qu'il n'avait pas lu. Ici, il semble avoir copié les références chez Dom Gougaud. Mais où a-t-il lu qu'à Londres il y avait des groupes séparés de témoins? Geoffroy du Breuil ne dit rien de tel. Les Mirabilia Hiberniae ne parlent pas d'une armée entière, et la version Norse ne parle pas d'un dard à saumon. Jules Duhem se conduit comme un ufologue.
1952, Dick GIORDANO mélange les récits d'Agobard et de Gervase of Tilbury
1954 Harold Tom Wilkins mentionne des sources qu'il n'a pas lu.
The old Irish manuscripts have some very singular and quite unexplained reference to ‘ships seen in the air,’ and called ‘demon ships.’
The Speculum Regali in Konungs-Skuggsja, and also the Reliquae Antiquae tell queer stories of the visit of ‘demon ships’ over the skies of old Ireland. In the Speculum Regali, the story, related to the dim and shadowy past of old Eire’s heroes and fighting kings, is as follows:
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Les vieux manuscrits irlandais contiennent une référence très singulière et assez inexpliquée aux "navires vus dans les airs", dénommée "navires démon".
Le Speculum Regali dans le Konungs-Skuggsja, ainsi que les Reliquae Antiquae racontent des histoires étranges de la visite de "navires démons" au-dessus du ciel de la vieille Irlande. Dans le Speculum Regali, l’histoire, liée au passé sombre et ténébreux des héros et des rois combattants de l’ancien Irlande, est la suivante: |
Note: Le Speculum Regale, c'est le nom latin du Konungs-Skuggsja
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"There happened in the borough of Cloera, one Sunday, while the people were at Mass, a marvel. In this town is a church to the memory of St. Kinarus (Ciaran?). It befell that an anchor was dropped from the sky, with a rope attached to it, and one of the flukes caught in the arch above the church door. The people rushed out of the church and saw in the sky a ship with men on board, floating before the anchor-cable, and they saw a man leap overboard and jump down to the anchor, as if to release it. He looked as if he were swimming in water. The folk rushed up and tried to seize him; but the bishop forbade the people to hold the man, for it might kill, him, he said. The man was freed, and hurried up to the ship, where the crew cut the rope and the ship sailed away out of sight. But the anchor is in the church, and has been ever since, as a testimony."
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Il arriva une merveille, un dimanche, dans le voisinage de Cloera, quand les gens étaient à la messe. Dans cette ville se trouve une église à la mémoire de St. Kinarus (Ciaran?). Il arriva qu'une ancre fut larguée du ciel, attachée à une corde, et l'une des douves se coinça dans l'arc au-dessus de la porte de l'église. Les gens se précipitèrent hors de l'église et virent dans le ciel un navire avec des hommes à bord, flottant avant le câble de l'ancre, et ils virent un homme bondir par-dessus bord et sauter vers l'ancre, comme pour la libérer. Il avait l'air de nager dans l'eau. Les gens se précipitèrent et essayèrent de le saisir; mais l'évêque interdit au peuple de le retenir, car cela pourrait le tuer, dit-il. L’homme fut libéré et se hata jusqu’au navire, où l’équipage coupa la corde et le navire s'éloigna hors de vue. Mais l'ancre est dans l'église et y est depuis lors, comme témoignage. |
Note: c'est Cloena, probablement Clonmacnoise, et non Cloera. Mais tous les ufologues vont maintenant écrire Cloéra.
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This ‘demon ship’ is also mentioned by Nennius, an Irish chronologist, who lived around 212 or 213 A.D. He says it happened when Congolash was at the fair of Teltown (Tailtin) in Co. Meath.
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Ce "navires démon" est aussi mentionné par Nennius, un chroniqueur irlandais, qui vivait vers 212 ou 213 A.D. Il dit que cela arriva quand Congolash était à la foire de Teltown (Tailtin) dans le comté de Meath.
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Note: Ce qui ferait de Nennius un auteur de l'antiquité. En fait il aurait écrit son Historia Brittonum vers 830.
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This version is told in the Irish Mirabilia (Wonders), cited by the well known Celtic scholar, the late Kuno Meyer (in his Eriu); but he dates Congalach, “son of Maelmithig,” as living around A.D. 956. From the “ship, sailing in the air,” one of the crew “cast down a dart at a salmon; but the dart fell down in the presence of the gathering, and a man came out of the ship to seize the end of the dart from above, which a man on the ground caught from below. The man above said: ‘I am being drowned!’ ‘Let him go,’ said Congalach, and he is let go up and goes from them swimming.”
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Cette version est racontée dans les Irish Mirabilia (Merveilles), citées par le célèbre chercheur celtologue, le regretté Kuno Meyer (dans son Eriu); mais il date Congalach, "fils de Maelmithig", comme vivant vers l'an 956. Du "navire, voguant dans les airs", un membre de l'équipage "lança une fléche sur un saumon; mais la flèche est tombé en présence de la foule, et un homme sortit du navire pour saisir le bout de la flèche, qu'un homme à terre a attrapé par le bas. L’homme du dessus dit : 'Je me noie!' 'Laissez-le partir', dit Congalach, et on le laissa remonter et s'en éloigner en nageant." |
In the Book of Leinster, there are said to have been three ships in the air, seen from the fair at Teltown, when King Domnall mac Murchada was at the fair. (This would be around A.D. 763).
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Dans le livre de Leinster, on dit qu'il y aurait eu trois navires dans les airs, vus de la foire de Teltown, lorsque le roi Domnall Mac Murchada était à la foire. (Ce serait autour de 763 après JC). |
Note: Nous avons vu que ce n'était guère qu'une fable, et l'évènement aurait eu lieu vers 1073, et non 763
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In the Annals, one reads:
“Navies in aerae visse sunt (ships in the air are seen).”
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Dans les Annales, on lit:
“Navies in aerae visse sunt (des navires sont vus dans les airs).”
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Note: Ce n'est pas tout à fait ce qu'on lit, et ces annales, en irlandais, dateraient des années 740, et n'ont rien à voir avec le livre de Leinster
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In Paris MS. in medieval Latin, we read the following story of the Irish demon ships, which ends in the middle of a line:
“The King was at the spectacle (fuit in theatro) of the Scots (or Irish: Scotorum) at a certain time, in a crowd of many sorts of men, with soldiers in beautiful array, when, behold, he suddenly saw sailing in the air a ship from which one cast down a spear at a fish. It fell in the earth, and the same one, swimming, drew it back. The same about to hear .. .” (Here the manuscript suddenly stops short.) |
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Dans un manuscrit de Paris, en latin mediéval, nous lisons l'histoire suivante des navires démons irlandais, qui s'arrète au milieu d'une ligne:
"Le roi était au spectacle (fuit in theatro) des écossais (ou Irlandais: Scotorum) à une certaine époque, dans une foule de plusieurs sortes d'hommes, avec des soldats dans un bel ordre, quand, voici, il vit soudain un navire voguant dans les airs d'où on lança un javelot à un poisson. Il tomba dans la terre, et le même, nageant, le reprit. La même à entendre ... « (ici, Le manuscrit s'arrête soudainement).
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Note: Le roi n'était pas au spectacle. "theatrum" signifie aussi scène, lieu de réunion, public ou auditoire.
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These discrepancies, or uncertainties, about the date of the alleged spectacle of ‘demon ships in the air’ are almost as curious as the story.
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Ces divergences ou incertitudes sur la date du prétendu spectacle de «navires démons dans les airs» sont presque aussi curieuses que l’histoire.
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Note: Elles rendent surtout l'histoire douteuse.
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Another variant of the Irish legend of sky ships —and the old Irish are the nearest to the root stock of the Celts— is that of the “Roth Ramrach,’ or ‘Rowing Wheel.’ It is said to have 1,000 ‘beds’ and 1,000 men in each ‘bed,’ it made sail over land and sea, till it was wrecked by the magic pillar stone of Cnamchoill, an ancient wood near Tipperary. The ‘Rowing Wheel’ is said to have been made by Simon Magus. Simon Magus was the magician who had the misfortune to be double-crossed by St. Peter, in a contest of levitatory flight in the air through a window, and he made the ‘wheel’ with the help of two Irish students of Druidism, Mogh Ruith, the arch-duke of Erinn, and Ruith’s daughter. The ‘wheel’ could sail in the air—and it is certainly strange that some of the strange forms of flying saucers, seen by seamen in the 19th century, in the Arabian Sea and Indian Ocean, have been in the form of a rolling wheel. The Druid and his daughter, named Tlachtga, carried the remains of the ‘Rowing Wheel’ from the continent of Europe to Ireland. It was in two sections, made of rock (sic), and one piece she set up near Rathcoole, or Raith Chumhaill, Co. Dublin. These rocks, or pillars, were said to have the power of striking with blindness all who looked at them, and with death any who touched them. It was said by the old Irish saint Colum of Cille that the ‘Rowing Wheel’ would pass with destructive power all over Europe, because a “student of every nation was at Simon Magus’s school.”
Just what is at the source of this curious legend — a memory of some sort of space ship, or saucer of other days — no one can say.
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Une autre variante de la légende irlandaise des navires du ciel - et les anciens Irlandais sont les plus proches des racines Celtes - est celle du "Roth Ramrach", ou "roue à ramer". On dit qu’elle compte 1 000 "bancs", et 1 000 hommes sur chaque "banc", elle a navigué sur terre et sur mer, jusqu'à ce qu'elle soit détruite par le pilier magique de Cnamchoill, un ancien bois situé près de Tipperary. La "roue à ramer" aurait été fabriqué par Simon le Magicien. Simon le Magicien était le magicien qui avait eu la malchance d'être doublé par Saint-Pierre, dans un concours de lévitation dans les airs à travers une fenêtre, et il fit la "roue" avec l'aide de deux étudiants irlandais du druidisme, Mogh Ruith, l'archiduc d'Erinn et la fille de Ruith. La "roue" pourrait voler - et il est vraiment étrange que certaines des étranges formes de soucoupes volantes, vues par les marins au 19ème siècle, dans la mer d'Oman et l'océan Indien, aient eu la forme d'un disque roulant. Le druide et sa fille, Tlachtga, transportèrent les restes de la "roue à ramer" du continent européen à l’Irlande. C'était en deux parties, faites de rocher (sic), et une pièce qu'elle a installée près de Rathcoole, ou Raith Chumhaill, comté de Dublin. Ces rochers, ou piliers, auraient eu le pouvoir de rendre aveugles tous ceux qui les regardaient et de tuer tous ceux qui les touchaient. Colum de Cille, vieux saint irlandais, a dit que la "roue à ramer" passerait avec un pouvoir destructeur dans toute l’Europe, car un "élève de chaque nation était à l’école de Simon le Magicien".
Ce qui est à l'origine de cette curieuse légende - un souvenir d'une sorte de vaisseau spatial ou d'une soucoupe d'autrefois - personne ne peut le dire.
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Note: Oh que si, qu'on peut le dire: Une roue en rocher, capable de voler en emportant un million d'hommes, ça s'appelle une fable, pas une légende, et il n'y a donc aucune origine à chercher.
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Another story is that, in A.D. 1211, “a ship in the clouds” was seen to drop an anchor whose flukes caught in a churchyard at Gravesend, Kent. The cable was, it is said, seen to rise into the clouds. Seamen’s voices were heard, and a man slid down the cable and tried to free the anchor, but he could not breathe. The cable was cut, and the ship sailed away, leaving behind the anchor, from which a blacksmith beat out ornaments for a lectern. Bristol also has a legend of a sky ship and sailor who dropped his knife from it on to the roof of a house.
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Une autre histoire est qu'en 1211, "un navire dans les nuages" fut vu jeter une ancre dont les douves se prirent dans un cimetière à Gravesend, Kent. On dit qu'on vit le câble monter dans les nuages. Les voix des marins furent entendues et un homme glissa le long du câble et tenta de libérer l’ancre, mais il ne pouvait plus respirer. Le câble fut coupé et le navire s'en alla, laissant l’ancre, dont un forgeron fit des ornements pour un lutrin. Bristol a aussi la légende d'un navire céleste et d'un marin qui en laissa tomber son couteau sur le toit d'une maison. |
Note: En 1843, the History of The town of Gravesend, de Robert Peirce Cruden, qui remonte à l'antiquité et s'attarde sur les vaisseaux du moyen age, ne mentionne pas cette histoire. Même résultat dans Jottings of Kent, de William Miller, dans l'édition de 1864. Il s'agirait donc d'une réactualisation postérieure du récit des Otia imperialia, dont Wilkins ne donne pas la référence.
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(Harold T. Wilkins, Flying saucers on the moon, London 1954, p. 160-163)
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1964 Raymond Drake donne la première traduction de Gervase of Tilbury.
A curious incident
Gervase of Tilbury, a scholarly adventurer, saw service under our Henry II, wandered through Europe and found employment under Emperor Otto IV, for whose delection about A.D. 1211 he wrote his Otia Imperialia or Imperial Trifles, an assembly of marvels, folklore and table-talk of the age. Today this book is extremely rare, no copy is believed to exist in England. There are only two or three in Europe. For the following translation, possibly the first in English, the present writer had to borrow the volume from the University Library at Hanover. In Book I, Chapter XIII, "De Mari," Gervase is writing about “ The Sea ” ; time and place are not specifically mentioned but the subsequent anecdote alleging the teleportation of a knife across the Irish Sea, infers that the incident the chronicler now describes occurred at the beginning of the thirteenth century at Bristol, “an opulent city filled with most wealthy citizens.” In his curious mediaeval Latin Gervase narrates as follows:
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Un incident curieux
Gervase of Tilbury, un aventurier érudit, se mit au service de notre roi Henri II, erra à travers l'Europe et trouva un emploi sous l'empereur Otto IV, pour le plaisir duquel il écrivit vers 1211 ses Otia Imperialia ou Broutilles impériales, un assemblage de merveilles, de folklore et de causeries de l'époque. Aujourd'hui, ce livre est extrêmement rare, on croit qu'aucun exemplaire n'existe en Angleterre. Il n'y en a que deux ou trois en Europe. Pour la traduction suivante, peut-être la première en anglais, le présent auteur a dû emprunter le volume à la bibliothèque universitaire de Hanovre. Dans le livre I, chapitre XIII, "De Mari", Gervase écrit à propos de "La mer"; Le temps et le lieu ne sont pas spécifiquement mentionnés, mais l'anecdote qui suit, citant la téléportation d'un couteau à travers la mer d'Irlande, infère que l'incident décrit maintenant par le chroniqueur s'est déroulé au début du XIIIe siècle à Bristol, "une ville opulente peuplée des plus riches." Dans son curieux latin médiéval, Gervase raconte comme suit:
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Note: Gervase ne dit pas que l'évènement eu lieu à Bristol, mais dans la même région.
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"There are some, who say that the land is in the centre, in the middle of the circumference, with each part equally distant at the extremities, surrounded by sea and encompassed according to the commandments of the Third Day: “He gathered together the waters under the heavens unto one place and there appeared dry land."
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"Il y en a qui disent que la terre est au centre, au milieu de la circonférence, chaque partie étant également distante aux extrémités, entourée par la mer et englobée selon les commandements du troisième jour: «Il rassembla les eaux sous les cieux à un endroit et là apparut la terre sèche"
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Note: Ce n'est pas clair car la terre apparaît à l'endroit des eaux, mais Gervase dit plutôt:
"Il rassembla les eaux sous les cieux en une seule et la terre sèche apparut"
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"There befell in our own times a demonstration from the seas above us, a new revelation anpearing from aloft, quite wonderful. It was truly on the observance of a feast day in Greater Britain, after the people had heard solemn Mass in the church, the crowd were dispersing here and there, at that particular time it was misty because of many clouds and somewhat obscure. Then appeared the anchor of a ship, which after circling around seven times became fastened below a mound of stones with the rope stretched out hanging in the air."
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"Il y a eu à notre époque une manifestation des mers au-dessus de nous, une nouvelle révélation venue d’en haut, tout à fait merveilleuse. C'était vraiment le jour d'une fête en Grande-Bretagne, après que le peuple eut entendu la messe solennelle dans l'église, la foule se dispersait çà et là, à cette heure-là, le temps était brumeux et quelque peu obscur à cause de nombreux nuages. Alors est apparue l’ancre d’un navire qui, après avoir tourné sept fois, s’est accrochée au-dessous d’un amas de pierres avec la corde tendue dans les airs."
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Note: Ces sept tours sont une erreur de traduction. "septa" ne signifie pas "sept", mais est le participe de "sepio", qui signifie, ceindre, entourer.
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"The people broke into clamour, and as some of them were talking of this, they saw the rope move as though someone was striving to free the anchor. However, despite much effort spent, it did not give way, then a voice was heard in the dense air like the shout of sailors to recall the anchor, which had been thrown and stretched out. With no delay, deceived by the promise of the task, they sent one of their own sailors, who climbed down in the way our seamen do by clinging to the anchor rope and descending changing hand over hand. And when he had already released the anchor, he was seized by the bystanders and pushed about from hand to hand as though he were shipwrecked at sea. Suffocated by the mist of our moist atmosphere he expired. But then the sailors above took counsel on their shipwrecked comrade, after the space of one hour, they cut off the anchor rope and leaving the anchor sailed away. In memory of this happening, after careful consideration, from the anchor was wrought that iron grille for the doors of the basilica, which stand open for the public to look at."
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"Les gens se sont mis à crier, et pendant que certains d'entre eux en parlaient, ils virent la corde bouger comme si quelqu'un cherchait à libérer l'ancre. Cependant, malgré beaucoup d’efforts, elle ne céda pas, alors on entendit une voix dans l’air dense comme le cri des marins pour rappeler l’ancre qui avait été jetée et étendue. Sans attendre, trompés par l'importance de la tâche, ils ont envoyé l'un de leurs propres marins, qui est descendu comme nos marins le font en s'accrochant à la corde de l'ancre et en descendant en changeant main après main. Et quand il avait déjà libéré l'ancre, il fut saisi par ceux qui étaient en bas et poussé de main en main, comme s'il faisait naufrage en mer. Suffoqué par le brouillard de notre atmosphère humide, il expira. Mais alors, les marins au-dessus prirent conseil à propos de leur camarade naufragé, après l'espace d'une heure, ils coupèrent la corde de l'ancre et s'en allèrent en laissant l'ancre. En souvenir de cet événement, après de soigneuses considérations, de l'ancre on fit cette grille de fer pour les portes de la basilique, qui reste ouverte pour que le public la voit."
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Gervase of Tilbury does not express astonishment at these sailors from the skies. he relates the incident in terse joumalistic style as though reporting an actual occurrence resisting the temptation to embellish his story with phantasy or to guess details obscured by the mist. He states that the sailor, rather the Spaceman, was of human proportions, spoke an articulate language, behaved with skill but succumbed to our Earth’s dense atmosphere ; the rope and metal anchor were apparently similar to those in use on Earth. The implied competence of the Spacemen may not be very impressive, but this somewhat endears them to us and perhaps supports the stories told by those who allege contact with them today that the Spacepeople are basically much like ourselves.
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Gervase de Tilbury n'exprime pas son étonnement devant ces marins du ciel. il raconte l'incident dans un style journalistique laconique, comme s'il s'agissait d'un événement réel résistant à la tentation d'embellir son histoire avec des fantasmes ou de deviner des détails masqués par la brume. Il affirme que le marin, plutôt l'homme de l'espace, avait des proportions humaines, parlait un langage articulé, se comportait avec talent mais succombait à l’atmosphère dense de notre Terre; la corde et l'ancrage en métal étaient apparemment similaires à ceux utilisés sur Terre. La compétence implicite des astronautes n’est peut-être pas très impressionnante, mais cela nous les rend quelque peu sympathiques et peut-être conforte-t-elle les récits racontés par ceux qui prétendent aujourd’hui être en contact avec eux, le peuple de l'espace nous ressemblent beaucoup.
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Note: Gervase of Tilbury n'a aucune raison de s'étonner: il récupère cette histoire qui lui sert à prouver sa théorie de la mer supérieure. Il n'affirme pas que le marin parlait un langage articulé, ni qu'il semblait venir de l'espace, mais Raymond Drake voyait des extraterrestres partout.
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(W. R. Drake, Spacemen in the middle ages, Flying Sauver Review, vol.10 n° 3, mai-juin 1964, p. 11-13)
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1965 Jacques Vallée reprend la fable du livre de Leinster.
In 763, while King Domnall Mac Murchada attended the fair at Teltown, in Meath County, ships were also seen in the air.
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En 763, alors que le roi Domnall Mac Murchada assistait à la foire de Teltown, dans le comté de Meath, des navires ont également été vus dans les airs.
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Note: Nous avons vu, non seulement que l'évènement aurait eu lieu vers l'an 1073, mais aussi que ce n'est qu'une fable
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(Jacques Vallée, Anatomy of a phenomenon, Ace Books, 1965)
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1966 Donald B. Hanlon cite Drake et Wilkins.
Drake and Wilkins relate rather garbled accounts of "cloud ships" whose "anchors" allegedly caught on some terrestrial snag in either Kent or Ireland (ca. AD 1211 or earlier) according to which account you prefer. The Irish account runs as follows :
"There happened in the borough of Cloera, one Sunday, while the people were at Mass, a marvel. In this town is a church dedicated to St. Kinarus. It befell that an anchor was dropped from the sky, with a rope attached to it, and one of the flukes caught in the arch above the church door. The people rushed out of the church and saw in the sky a ship with men on board, floating before the anchor cable, and they saw a man leap overboard and jump down to the anchor, as if to release it. He looked as if he were swimming in water. The folk rushed up and tried to seize him; but the bishop forbade the people to hold the man, for it might kill him, he said. The man was freed, and hurried up to the ship, where the crew cut the rope and the ship sailed away out of sight. But the anchor is in the church, and has been ever since, as a testimony."
The Kentish account comes from Gervase of Tilbury’s Otis Imperialia, in which it is related that an anchor from a “cloud ship” became fastened in a mound of stones in a churchyard at Gravesend.
Voices from above were heard, and the cable connected to the anchor was seen to move as if an attempt to free the anchor was being made. A man, of human proportions, was observed to slide down the cable, after which he cut the cable and ascended (or died from suffocation as one account has it) leaving the anchor behind.
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Drake et Wilkins relatent des récits plutôt confus de "navires des nuages" dont les "ancres" auraient été prises dans un piège terrestre dans le Kent ou en Irlande (vers 1211 ou avant), selon le récit que vous préférez. Le récit irlandais se déroule comme suit:
"Il arriva un dimanche dans l'arrondissement de Cloera, quand les gens étaient à la messe, une merveille. Dans cette ville il y a une église dédiée à Saint-Kinarus. Il apparut qu'une ancre avait été jetée du ciel, attachée à une corde, et une des douves prise dans l’arceau au-dessus de la porte de l’église. Les gens se précipitèrent hors de l’église et virent dans le ciel un navire avec des hommes à bord, flottant devant le câble de l’ancre, et ils virent un homme sauter par-dessus bord et descendre vers l'ancre, comme pour la libérer. Il semblait nager dans l'eau. Les gens se ruèrent et essayèrent de le saisir, mais l'évêque interdit au peuple de retenir l'homme, car cela risquait de le tuer. L’homme fut libéré et s’est hâté jusqu’au navire, où l’équipage coupa la corde et le navire partit hors de vue. Mais l’ancre est dans l’église et y est resté depuis, en témoignage."
Le récit du Kent provient de Otis Imperialia de Gervase of Tilbury, dans lequel il est rapporté qu’une ancre d’un «navire de nuages» s’était accrochée dans un monticule de pierres dans le cimetière de Gravesend. On entendit Des voix venant d'en haut et on a vu le câble attaché à l'ancre bouger comme si l'on tentait de libérer l'ancre. On vit un homme, de proportions humaines, glisser le long du câble, après quoi il coupa le câble et monta (ou mourut d'asphyxie, selon un récit) en laissant l'ancre derrière lui.
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Note: il semble que l'auteur n'ait pas bien lu ses sources. S'il reprend consciencieusement l'erreur de Wilkins, qui dit "Cloera", au lieu de "Cloena", il choist arbitrairement la localisation de Wilkins, à Gravesend, alors que Drake, situe l'évènement à Bristol.
D'autre part, dans le récit de Gervase, l'homme meurt et ne remonte pas, et dans celui du Speculum Regale, il remonte, mais ce n'est pas lui, mais l'équipage, qui coupe le cable.
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(Donald B. Hanlon, Texas Odyssey of 1897, Flying Sauver Review, vol.12 n° 5, sept-oct. 1966, p. 8-11)
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1966 Frank Edwards enrichit Wilkins sans vergogne
Several of the very old Irish manuscripts which are still extant and still legible contain numerous references to incidents which in our day would be classified with the Unidentified Flying Objects.
From the Speculum Regali in Konungs Skuggsa (and in other accounts of that era, about 956 a.d.) come many accounts of what were called ‘demon-ships” in the skies of ancient Ireland. This one account is particularly interesting:
"There happened in the borough of Cloera, one Sunday while the people were at Mass, a marvel. In this town there is a church to the memory of St. Kinarus. It befell that a metal anchor was dropped from the sky, with a rope attached to it, and one of the sharp flukes caught in the wooden arch above the church door. The people rushed out of the church and saw in the sky a ship with men on board, floating at the end of the anchor cable, and they saw a man leap overboard and pull himself down the cable to the anchor as if to unhook it. He appeared as if he were swimming in water. The folk rushed up and tried to seize him; but the bishop forbade the people to hold the man for fear it might kill him. The man was freed and hurried up the cable to the ship where the crew cut the rope and the ship rose and sailed away out of sight. But the anchor is in the church as a testimony to this singular occurrence."
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Plusieurs des très anciens manuscrits irlandais encore existants et encore lisibles contiennent de nombreuses références à des incidents qui, de nos jours, seraient classés avec les objets volants non identifiés.
Du Speculum Regali dans le Konungs Skuggsa (et dans d’autres récits de cette époque, vers 956), viennent de nombreux récits de ce que l’on a appelé des "navires démons" dans le ciel de l’Irlande ancienne. Ce récit ci est particulièrement intéressant:
"Il arriva une merveille, un dimanche, dans le voisinage de Cloera, quand les gens étaient à la messe. Dans cette ville se trouve une église à la mémoire de St. Kinarus. Il arriva qu'une ancre métallique fut larguée du ciel, attachée à une corde, et l'une des douves saillante se coinça dans l'arc de bois au-dessus de la porte de l'église. Les gens se précipitèrent hors de l'église et virent dans le ciel un navire avec des hommes à bord, flottant au bout du câble de l'ancre, et ils virent un homme sauter par-dessus bord et descendre le long du cable jusqu'à l'ancre, comme pour la décrocher. Il avait l'air de nager dans l'eau. Les gens se précipitèrent et essayèrent de le saisir; mais l'évêque interdit au peuple de le retenir, car cela pourrait le tuer. L'homme fut libéré et se dépêcha de remonter le long du câble vers le navire, où l'équipage coupa la corde et le navire s'éleva et partit hors de vue. Mais l'ancre est dans l'église en tant que témoignage de cet événement singulier.
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(Frank Edwards, Flying Saucers - Serious Business, New York: Lyle Stuart, 1966 p. 5)
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Note: Nous voyons que l'auteur a repris le texte de Wilkins en l'enrichissant un peu pour faire plus vrai: l'ancre est métallique, ses douves sont saillantes et l'arc du porche est en bois.
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1969 Jacques Vallée reprend la version de Don Hanlon... et ses erreurs
According to the Irish story:
There happened in the borough of Cloera, one Sunday, while the people were at Mass, a marvel. In this town is a church dedicated to St. Kinarus. It befell that an anchor was dropped from the sky, with a rope attached to it, and one of the flukes caught in the arch above the church door. The people rushed out of the church and saw in the sky a ship with men on board, floating before the anchor cable, and they saw a man leap overboard and jump down to the anchor, as if to release it. lie looked as if he were swimming in water. The folk rushed up and tried to seize him: but the Bishop forbade the people to hold the man, for it might kill him, he said. The man was freed, and hurried up to the ship, where the crew cut the rope and the ship sailed out of sight. But the anchor is in the church, and has been there ever since, as a testimony.
In Gervasc of Tilbury's Otis Imperialia, the same account is related as having taken place in Gravesend, Kent, England. An anchor from a "cloudship" became fastened in a mound of stones in the churchyard. The people heard voices from above, and the rope was moved as if to free the anchor, to no avail. A man was then seen to slide clown the Tope and cut it. In one account, he then climbed back aboard the ship; in another, he died of suffocation.
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Selon l'histoire irlandaise :
Il arriva, dans le comté de Cloera, un dimanche, alors que tout le monde était à la messe, quelque chose de merveilleux. Il y a dans cette ville une église dédiée à saint Kinarus. Il arriva qu'une ancre fut lancée du ciel, attachée à une corde, et un des becs se prit dans l'arche au-dessus de la porte de l'église. Les gens sortirent en courant de l'église et virent dans le ciel un bateau avec des hommes à bord, qui flottait en avant du câble de l'ancre, et ils virent un homme enjamber la rambarde et sauter jusqu'à l'ancre comme pour l'en détacher. On aurait dit qu'il nageaïit dans l'eau. Les gens se précipitèrent et essayèrent de s'en saisir, mais l'évêque leur défendit d'attraper l'homme, car, dit-il, cela pourrait le tuer. L'homme fut laissé libre, il courut au bateau, où l'équipage coupa la corde et le bateau disparut hors de vue. Mais l’ancre est dans l’église et y est resté depuis, en témoignage..
Dans Otis Imperialia, de Gervaise de Tilbury, on retrouve le même récit d'un incident ayant eu lieu à Gravesend, Kent, Angleterre. Une ancre d'un « bateau de nuages » fut prise dans un monument de pierre d'un cimetière. Les gens entendirent des voix venant de haut et la corde fut agitée comme pour libérer l'ancre, mais sans succès. On vit un homme glisser le long de la corde et la couper. Dans un récit, l'homme remonte à bord du bateau, dans un autre, il meurt de suffocation.
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Note: Vallée n'a pas évidemment pas lu les Otia Imperialia, dont il écorche le nom, et qui ne situait pas l'évènement à Gravesend. Il reprend les erreurs de Don Hanlon.
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(Jacques Vallée, Passport to Magonia, Henry Regnery, 1969)
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1970 John Keel copie la version d'Edwards.
There happened in the borough of Cloera, one Sunday while people were at mass, a marvel . In this town there is a church to the memory of St. Kinarus. It befell that a metal anchor was dropped from the sky , with a rope attached to it, and one of the sharp flukes caught in the wooden arch above the church door. The people rushed out of the church and saw in the sky a ship with men on board, floating at the end of the anchor cable, and they saw a man leap overboard and pull himself down the cable to the anchor as if to unhook it. He appeared as if he were swimming in water. The folk rushed up and tried to seize him; but the bishop forbade the people to hold the man for fear it might kill him. The man was freed and hurried up the cable to the ship, where the crew cut the rope and the ship rose and sailed away out of sight. But the anchor is in the church as a testimony to this singular occurrence.
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Il arriva une merveille, un dimanche, dans le voisinage de Cloera, quand les gens étaient à la messe. Dans cette ville se trouve une église à la mémoire de St. Kinarus (Ciaran?). Il arriva qu'une ancre fut larguée du ciel, attachée à une corde, et l'une des douves se coinça dans l'arc au-dessus de la porte de l'église. Les gens se précipitèrent hors de l'église et virent dans le ciel un navire avec des hommes à bord, flottant avant le câble de l'ancre, et ils virent un homme bondir par-dessus bord et sauter vers l'ancre, comme pour la libérer. Il avait l'air de nager dans l'eau. Les gens se précipitèrent et essayèrent de le saisir; mais l'évêque interdit au peuple de le retenir, car cela pourrait le tuer, dit-il. L’homme fut libéré et se hata jusqu’au navire, où l’équipage coupa la corde et le navire s'éloigna hors de vue. Mais l'ancre est dans l'église et y est depuis lors, comme témoignage de cet événement singulier.
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Note: On voit que Keel reprend le texte d'Edwards, et ses ajouts.
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(John Keel, Operation Trojan Horse, New York, Putnam 1970, ch. The Physical Non-Evidence)
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1971 Robert Charroux enjolive un peu la version du Speculum regale.
LE VAISSEAU AERIEN DE CLOERA
Le manuscrit irlandais Konungs Skiggsa, daté de l'an 950 de notre ère, relate cette histoire extraordinaire (1) :
Note: Il s'agit d'un manuscrit norvégien datant de 1250.
« Il s’est produit un miracle dans la petite localité de Cloera, un dimanche, alors que les habitants étaient à la messe.
Une grosse ancre métallique, attachée à un filin, est descendue du ciel : un de ses bras, pourvu d’un bec très aiguisé, s’est fiché dans le montant de bois de la porte de l’église.
Les fidèles, aussitôt, sont sortis et ont vu, dans 1e ciel, à l’autre bout du filin, un vaisseau qui paraissait flotter sur un océan imaginaire.
A son bord, des hommes se penchaient par-dessus le bastingage et semblaient regarder ce qui se passait au fond de l’eau.
Alors, les habitants de Cloera virent un marin monter sur le bord du vaisseau et sauter dans l'air, qui devait être de l’eau pour lui, et il y eut autour du plongeur comme une auréole de feu.
Note: Auréole de feu qui n'apparait dans aucun texte précédent.
L'homme, incontestablement, voulait aller décrocher l’ancre.
Quand il fut arrivé au sol, les fidèles l’entourérent pour le capturer, mais le curé interdit qu'on le touchât, par peur d’un crime ou d’un sacrilège.
Note: Au XIème siècle, l'interdiction venait d'un roi, au siècle suivant d'un évêque, en 1971 elle ne vient plus que d'un curé.
Le plongeur, qui ne paraissait pas remarquer ce qui se passait autour de lui, essaya de dégager l'ancre et, n'y parvenant point, s’envola curieusement vers son vaisseau toujours comme s’il nageaït la brasse.
Puis l'équipage coupa le filin, et le navire aérien, libéré, vogua et disparut aux regards.
Mais l’ancre demeura pendant des siècles, fichée dans le portail, en témoignage du miracle. »
(Robert Charroux, le livre des mondes oubliés, Robert Laffont 1971, p 453-454)
1975 Michel Bougard fait confiance à H.T. Wilkins
LES OVNI D'AVANT L'AN MILLE
...
J'insiste une fois de plus: lorsqu'on est confronté à des documents anciens faisant mention de phénomènes aériens insolites, on se trouve souvent devant un dilemme. Ces rapports signalent-ils réellement des OVNI ou bien les témoins de l'époque ont-ils tout simplement été trompés par une nature malicieuse qui, on le sait, peut parfois engendrer des phénomènes étonnants ?
Note: Surtout, les prétendus observations qui y sont décrites ont elles réellement eu lieu?
C'est ainsi que l'on trouve dans un « Speculum Regale » qui relate les exploits des héros légendaires du passé de l'Irlande, un passage assez curieux où on peut lire: «... cela est arrivé près de Cloera, un dimanche, pendant que la population était à la messe. Dans cette ville, il y a une église dédiée à St Kinarus ou St Cidran. Il arriva ce jour qu'une ancre fut jetée du ciel, attachée à une corde, et que l'une des pattes de l'ancre resta accrochée dans la voûte au-dessus de la porte de l'église. Les gens se précipitèrent dehors et virent dans le ciel, un vaisseau avec des hommes à bord, flottant au-dessus de la corde reliée à l'ancre, et ils virent aussi qu'un homme passait par-dessus bord et se dirigeait vers l'ancre, comme s'il voulait aller la dégager. Il paraissait se déplacer comme dans l'eau. Il nageait. La foule des fidèles se précipita et essaya de l'attraper, mais l'évêque interdit de se saisir de l'homme car, dit-il, cela pourrait peut-être le tuer. L'homme avait réussi à échapper à la population et rentra précipitamment dans le vaisseau. Pendant ce temps, l'équipage coupa la corde et le vaisseau vogua au loin, hors de la vue des spectateurs. Mais l'ancre est restée depuis lors dans l'église pour servir de témoignage à cette apparition... ».
Note: Le Speculum Regale, est loin de n'être consacré qu'aux héros légendaires de l'Irlande.
Le manuscrit « Konungs Skuggsia » daté de 950 rapporterait les mêmes faits, et Alexandre Gorbovski en parle également dans «les Anciennes Enigmes de l'Histoire». Le « Konungs Skuggsia » appartient à la littérature norvégienne et est attribué à l'Archevêque Einar Gunnarsson de Nidaros. Il s'agit d'un recueil de préceptes de gouvernement composé à l'intention d'un jeune prince et qui s'inspire des « Speculum Regale» si répandus au Moyen Age (et dont l'un des derniers exemples est l'œuvre de Machiavel). On peut donc dire que pour ce qui concerne le « Konungs Skuggsia » il s'agit probablement d'une copie du «Speculum Regale» dont le cas présenté ci-dessus; est extrait.
Note: Dame, Le Speculum Regale, c'est le nom latin du Konungs-Skuggsja.
On retrouve d'ailleurs la même aventure chez d'autres auteurs. Le chroniqueur et historien gallois Nennius qui vécut vers le début du 9e siècle, signale aussi ce « vaisseau du diable ». L oeuvre de Nennius, abbé de Bangor, fut écrite vers 826 en vue de rendre hommage au roi Arthur. Son « Historia Brittonum » (dont il ne fut peut-être que le correcteur) est composée de 35 manuscrits; dans l'un d'eux, on y trouve un récit tout à fait analogue, mais selon Nennius cela se passa lors de la visite du héros Congalash à la foire de Tailtin (Teltown) ville située dans l'ancien royaume irlandais de Meath qui couvrait à l'époque tout le nord de l'actuelle province de Leinster.
Note: Nennius ne parle pas d'un vaisseau du diable, et Congalash fut roi de 929 à 956.
Curieusement, cette version est reprise dans le «Mirabilia », autre recueil de légendes irlandaises. Cette fois on précise que Congalash « fils de Maelmithig » vécut vers 956; une contradiction apparait ici, puisque Nennius qui vivait un siècle plus tôt, cite déjà ce nom. L'aventure décrite est un peu différente de la précédente, mais on y retrouve beaucoup d'éléments communs: « ... du vaisseau qui naviguait dans les airs, un membre de l'équipage lança en bas une sorte de gros hameçon comme pour pêcher le saumon, mais ce trait tomba au milieu de la foule sur le sol. Un homme sortit alors du navire aérien pour saisir l'extrémité de l'hameçon, mais un citoyen essaya de l'attraper et de l'entraîner au sol. L'homme qui était en haut cria: « Je suis pris! » ; « Laissez-le aller, dit Congalash, et on le laissa partir. L'homme les quitta alors comme s'il nageait... ».
Note: L'erreur c'est de croire que cette histoire a été écrite par Nennius. En fait on parle du spseudo-Nennius, un continuateur.
A la lumière de ces extraits, il est clair qu'au-de là de la légende, il s'est passé quelque chose d'étonnant, sans qu'on puisse préciser ni la date ni le lieu exact de l'événement. Il reste néanmoins des traits typiques qui ne peuvent tromper, et le passager de cet étrange « navire des airs » qui semble « nager dans l'espace » n'est certes pas le moins troublant.
Mais ce n'est pas tout, car on trouve d'autres textes qui narrent le même épisode. Ainsi dans le « Livre de Leinster », on signale « trois vaisseaux dans les airs » au-dessus de la foire de Teltown, en présence du roi Domall Mac Murchada (vers 783)1 .
Note: Nous avons vu, que l'évènement aurait eu lieu vers l'an 1073, et que ce n'est qu'une fable
Une autre légende est rapportée par Gervais de Tilbury dans son « Otia Imperialia »2. Gervais (ou Gervaise) était originaire de l'Essex et fut nommé maréchal du royaume d 'Arles vers 1191, alors qu'il était âgé de 40 ans. Son œuvre est dédiée à l'empereur Otton IV de Brunswick, empereur germanique de 1209 à 1214, année où il fut vaincu à Bouvines par Philippe Auguste. C'est dans le livre 1, chapitre XIII, intitulé « De Mari », qu'il raconte quelques anecdotes maritimes et est ainsi amené à parler des « mers d'en haut ». Il existe très peu d'exemplaires de cet ouvrage et voici une traduction due à W.R. Drake d'après une copie qui se trouve à Hambourg: « Il est arrivé dans nos temps une démonstration de l'existence des mers supérieures grâce à une apparition tout à fait merveilleuse. Cela est vraiment arrivé durant un jour de fête en Grande Bretagne3, après que le peuple ait suivi la messe dans l'église, et que la foule se dispersait çà et là. Le temps à ce moment-là était brumeux et de nombreux nuages obscurcissaient la journée. Soudain apparut l'ancre d'un navire qui, après avoir tourné autour d'un muret de pierres sept fois, vint s'y fixer, le filin se tendant à l'extrême et se perdant dans les airs. Les gens s'exclamèrent et quelques-uns d'entre eux en discutaient quand Ils virent que le cordage était agité comme si on voulait libérer l'ancre. Cependant, malgré les efforts qu'on faisait en haut, rien ne bougea, et alors on entendit une voix venir des airs, pareille au cri des marins pour rappeler l'ancre qui descendit le long du filin à la manière de nos marins, en changeant de main. Alors qu'il était presque arrivé à dégager l'ancre, il fut saisi par les témoins au sol et passa de main en main comme on fait avec un naufragé. Suffoqué par les vapeurs de notre atmosphère humide, il expira. Mais alors les marins d'en haut se réunirent pour parler du sort de leur camarade naufragé. Après une heure, ils coupèrent le filin et laissèrent l'ancre en partant. En souvenir de cet événement, après avoir prudemment réfléchi à la question, on décida de fondre l'ancre et d'en faire des grilles pour la basilique, afin que chacun puisse les regarder et se souvenir... ».
Note: C'est Gervase of Tilbury, prononcé "Gervaise", en français. les 7 tours autour du muret de pierres sont une erreur de traduction
Ici l'aventure est plus détaillée, mais il s'agit toujours de la même affaire. D'autres légendes fort similaires se rencontrent à certains endroits d'Angleterre. Ainsi celle où l'on rapporte qu'en 1211, à Gravesend (Kent), on vit un « vaisseau dans les nuages ». Le texte précise qu'on vit « une ancre tomber dans un cimetière; elle était reliée à un filin qui disparaissait dans les nuages; on entendit des voix venir d'en haut et un homme glissa le long du câble et essaya de libérer l'ancre; mais il semblait ne pas pouvoir respirer, comme s'il était étouffé par notre air grossier, ainsi qu'un naufragé est étouffé par la mer; le filin fut coupé et le vaisseau s'en alla en abandonnant l'ancre; plus tard, un forgeron en fit des ornements pour un lutrin ». On voit immédiatement qu'il s'agit là d'une version différente des événements décrits par Gervais de Tilbury, mais à quelques détails près, les faits sont identiques.
Note: Evidemment, puisqu'il s'agit d'un doublon de la même histoire, du à H. T. Wilkins, dont on ne sait où il l'a trouvé.
1. Pour montrer combien il est difficile de se faire une opinion sur de tels propos, signalons qu'un des rois de Leinster et d'Irlande fut un certain Diarmaid Marmurchada (élu en 1126 et mort en 1171). S'agit-il du méme personnage ou d'une erreur de copiste?
2. « Otia Imperialia », publiés par Leibriz dans ses « Scriptores rerum Brunswicensium illustrationi inservientes », Hannovera, 1707-1711, 3 vol. in-fol. vol. 1; pp. 881-1004; vol. II, pp 751-784.
3. Le lieu exact et la date ne sont pas mentionnés, mais tout le contexte porte à croire que cela a pu se passer à Bristol, au début du 13 ème siècle.
Note: plus exactement dans la région de Bristol
(Michel Bougard, La chronique des O.V.N.I., Jean-Pierre Delarge, 1977, p. 47-50)
1977 Christiane Piens tente de sauver l'aspect ufologique
Le roi anglo-saxon, Dornall McMurchada, vit à Teltown en l'an 783 trois vaisseaux (cigaroïdes?) dans le ciel
(Christiane Piens, Les OVNI du passé, Marabout, 1977, p. 44)
Note: Dans tous son livre, Christiane Piens, essaye d'associer la morphologie des prodiges d'autrefois, à celle des OVNI d'aujourd'hui, ce qui ne va pas sans intrerrogations.
1983 Guy Breton pond un roman
fantastique Breton
↑ lire le dossier ↑ |
Sacré Guy Breton! Il avait déjà réussi à écrire un chapitre de quatre pages à propos du vaisseau aérien qui aurait débarqué quatre personnes à lyon, en prétendant s'inspirer du récit d'Agobard, mais en disant tout le contraire.
Voila maintenant que dans Histoires fantastiques, il récidive à propos du vaisseau aérien irlandais, en mélangeant les deux versions, savamment rallongées, mais en n'en ayant pas lu les sources, tout en citant une.
Et de se fendre d'une apologie face à un sceptique... Et on y croit!
1988 Jacques Vallée se répète
Dans son nouveau livre, Dimensions, Jacques Vallée reprend le thème du vaisseau de Cloéra, et de celui de Gervase of Tilbury. Nous ne donnons pas le texte: il est exactement identique à celui de Passport to Magonia, en 1969.
(Jacques Vallée, Dimensions, Contemporary Books, 1988)
2009 Jacques Vallée range l'affaire au rayon des mythes.
44 ans après avoir gobé la fable du livre de Leinster, Jacques Vallée commence à prendre du recul. Il faut dire que ces histoires de vaisseaux aériens pourvus d'une ancre, ressemble étonamment à certains canulars de la vague de 1897. Aussi range-t-il les vaisseaux aériens irlandais avec les mythes, légendes, et autres "chariots of the gods".
Eleventh-century Europe: Astronauts in trouble
A new genre of folktales developed in Medieval Europe between the 11th and the 13th centuries. In these stories, a member of the aerial crew of a cloud ship runs into trouble as he descends to retrieve a lost spear or loosen a trapped anchor. These wonderful tales were told for a long time. Although it is likely they all derived from the same original source, certain details were slightly altered in each retelling.
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Onzième siècle, Europe: Des astronautes en difficulté
Un nouveau genre de contes folkloriques s'est développé dans l'Europe médiévale entre le XIe et le XIIIe siècle. Dans ces récits, un membre de l’équipage aérien d’un navire des nuages se heurte à des problèmes lorsqu’il descend pour récupérer une lance perdue ou pour détacher une ancre coincée. Ces merveilleux récits ont été racontés pendant longtemps. Bien qu'il soit probable qu'ils proviennent tous de la même source d'origine, certains détails ont été légèrement modifiés à chaque récit.
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1211, Britain: Death of a sky visitor
But where is the Alien body?
In later retellings of the above story the motive behind the sailor's descent is a trapped anchor, thus substituting the traditional spear for an object more suited to navigation. Gervase of Tilbury collected a similar tale in his work, Otia Imperialia (1211 AD):
"As people were coming out of church in Britain, on a dark cloudy day, they saw a ship's anchor fastened in a heap of stones, with its cable reaching up from it into the clouds. Presently they saw the cable strained, as if the crew was trying to pull it up, but it still stuck fast. Voices were then heard above the clouds, apparently in clamorous debate, and a sailor came down the cable. As soon as he touched the ground the crowd gathered around him, and he died, like a man drowned at sea, suffocated by our damp thick atmosphere. An hour afterwards, his shipmates cut the cable and sailed away; and the anchor they left behind was made into fastenings and ornaments for the church door, in memory of this wondrous event."
It is not reported whether the dead sailor's body is shipped home in the airship, or whether the deceased is given a Christian burial on earth. In either case, this would be the first account of an aerial navigator that dies in an accident on our planet, some seven centuries before Roswell.
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1211, Grande Bretagne: Mort d'un visiteur du ciel
Mais où est le corps de l'extraterrestre?.
Dans les récits ultérieurs de l'histoire ci-dessus, le motif de la descente du marin est une ancre coincée, substituant ainsi à la lance traditionnelle un objet plus adapté à la navigation. Gervase de Tilbury a rassemblé un récit similaire dans son ouveage, Otia Imperialia (1211 après JC):
"Alors que les gens sortaient de l'église en Grande-Bretagne, par une journée sombre et nuageuse, ils virent l'ancre d'un navire accrochée à tas de pierres, avec son câble remontant dans les nuages. À ce moment, ils virent le câble tendu, comme si l’équipage essayait de le tirer, mais il était toujours bloqué. Des voix ont ensuite été entendues au-dessus des nuages, apparemment lors de débats houleux, et un marin descendit le long du câble. Dès qu'il toucha le sol, la foule s'rassembla autour de lui et il mourut, comme un homme noyé dans la mer, étouffé par notre humide et épaisse atmosphère. Une heure après, ses camarades du navire coupèrent le câble et partirent; et l'ancre qu'ils laissèrent fut transformée en attaches et ornements pour la porte de l'église, en souvenir de cet événement merveilleux."
Il n’est pas rapporté si le corps du marin décédé fut renvoyé à bord dans le vaisseau aérien, ou si le défunt reçut un enterrement chrétien sur terre. Dans les deux cas, ce serait le premier récit d’un navigateur aérien décédé dans un accident sur notre planète, environ sept siècles avant Roswell. |
Note: Il est bien dit dans le récit que les marins du navire s'en allèrent une heure après, ayant coupé la corde, et sans avoir rien fait d'autre que de discuter. Ils ne récupérent donc pas le corps de leur camarade, qui resta sur terre. Et puisque nous sommes en pleine mythologie, nous pouvons au moins remonter à Icare, pour trouver le premier navigateur aérien accidenté.
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1250, Cloena (Clonmacnoise)
A ship with occupants, captured anchor
Some forty years later, the story was repeated by the anonymous author of an influential book written in Old Norse. The Kongs Skuggsjo, better known by its Latin name, the Speculum Regale ["the king's mirror"], was written around 1250 AD. The event took place in Clonmacnoise.
"There happened something once in the borough called Cloena, which will also seem marvellous. In this town there is a church dedicated to the memory of a saint named Kiranus. One Sunday while the populace was at church hearing mass, it befell that an anchor was dropped from the sky as if thrown from a ship; for a rope was attached to it, and one of the flukes of the anchor got caught in the arch above the church door. The people all rushed out of the church and marvelled much as their eyes followed the ropeupward.
"They saw a ship with men on board floating before the anchor cable; and soon they saw a man leap overboard and dive down to the anchor as if to release it. The movements of his hands and feet and all his actions appeared like those of a man swimming in the water. When he came down to the anchor, he tried to loosen it, but the people immediately rushed up and attempted to seize him. In this church where the anchor was caught, there is a bishop's throne.
"The bishop was present when this occurred and forbade his people to hold the man; for, said he, it might prove fatal as when one is held under water. As soon as the man was released, he hurried back up to the ship; and when he was up the crew cut the rope and the ship sailed away out of sight. But the anchor has remained in the church since then as a testimony to this event. "
The strong Christian overtones are noticeable in this version. Here it is not a king but a bishop who is present during the event, and the action occurs in the air above a church?
The fact that the diver is allowed to return to his ship unharmed is another moralistic touch. According to folklorist John Carey, the move from spears to anchors was due in part to the popularity of another legend of the same period, in which the crew are aboard a ship actually sailing in the sea, not in the sky. In this version, the anchor gets stuck in an underwater monastery, to be freed by a blind boy who swims down and finds himself in a subaquatic world.
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1250, Cloena (Clonmacnoise)
un navire et ses occupants, une ancre capturée.
Quelque quarante ans plus tard, l’histoire fut reprise par l'auteur anonyme d’un livre influent écrit en vieux norrois. Le Kongs Skuggsjo, mieux connu sous son nom latin, le Speculum Regale ["le miroir du roi"], a été écrit vers 1250 après JC. L'événement a eu lieu à Clonmacnoise.
Il est arrivé quelque chose une fois dans l'arrondissement appelé Cloena, qui semble également merveilleux. Dans cette ville se trouve une église dédiée à la mémoire d'un saint nommé Kiranus. Un dimanche, alors que la foule assistait à la messe à l'église, il est apparu qu'une ancre avait été larguée du ciel comme si elle avait été jetée d'un navire; car une corde y était attachée, et l'un des douves de l'ancre s'est coincé dans l'arc au-dessus de la porte de l'église. Les gens se sont tous précipités hors de l'église et s'émerveillèrent en suivant la corde des yeux.
Ils virent un navire avec des hommes à bord flotter devant le câble d'ancre; et bientôt ils virent un homme passer par dessus bord et plonger vers l’ancre comme pour la libérer. Les mouvements de ses mains et de ses pieds et toutes ses actions semblèrent ceux d'un homme nageant dans l'eau. Lorsqu'il arriva à l'ancre, il tenta de la desserrer, mais les gens se sont immédiatement rués et tentèrent de le saisir. Dans cette église où l'ancre fut prise, est un siège épiscopal.
"L'évêque était présent lorsque cela s'est produit et interdisit à son peuple de le retenir; car, dit-il, cela pourrait être fatal, comme quand on est sous l'eau. Dès que l'homme fut libéré, il se dépêcha de remonter à bord du navire. et quand il fut en haut, l'équipage coupa la corde et le bateau s'éloigna. Mais l’ancre est restée dans l’église depuis pour témoigner de cet événement."
Les fortes nuances chrétiennes sont perceptibles dans cette version. Ici ce n’est pas un roi mais un évêque qui est présent lors de l’événement, et l’action se passe dans les airs au-dessus d’une église?
Le fait que le plongeur soit autorisé à retourner indemne sur son navire est une autre touche moraliste. Selon le folkloriste John Carey, le passage des lances aux ancres est dû en partie à la popularité d'une autre légende de la même période, dans laquelle l'équipage est à bord d'un navire qui navigue réellement dans la mer, pas dans le ciel. Dans cette version, l'ancre reste coincée dans un monastère sous-marin, pour être libérée par un garçon aveugle qui nage et se retrouve dans un monde subaquatique.
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Note: Cette fois, il est clair que Vallée n'accorde plus de réalité à cette histoire, mais tente d'expliquer comment elle s'est construite
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(Jacques Vallée & Chris Aubeck, Wonders in the sky, 2009)
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21ème siècle. La légende explose sur le web
On ne compte plus les sites d'ufologues webmasters, qui veulent faire l'intéressant en donnant un catalogue d'anciennes apparitions d'OVNI, toutes moins vérifiées les unes que les autres.
Dame, il est tellement facile de recopier le catalogue d'un autre!
Et bien sûr, ils sont incapables de comprendre qu'ils citent plusieurs fois le même cas. Bien au contraire, ils font bon accueil à ces doublons qui enrichissent leur catalogues.
Ainsi une recherche sur Google avec les mots Cloera, anchor, sunday (en recherche exacte) donne des centaines de résultats, dont la plupart correspondent à des listes de cas, donnés sans aucune référence, comme s'il s'agissait d'une litanie à réciter.
Que dire? C'est affligeant, consternant, lamentable, stupide, grotesque, absurde, débile. Non, ne rayez rien, toutes les mentions sont utiles.
Conclusions:
Cette histoire des vaisseaux aériens britanniques aurait du rester confinée dans le petit monde des folkloristes.
Mais curieusement dès 1924, nous voyons Dom Gougaud faire un rapprochement avec l'aéronautique.
En 1952, Dick Giordanao, en s'inspirant peut être de Coulton, mélange les récits d'Agobard, et de Gervase of Tilbury, dans une bande dessinée qui aura peu de suite.
De la suite, c'est en 1954, le livre de H. T. Wilkins qui va en avoir. Bien qu'il ne donne pas ses vraies sources, c'est de lui que vont s'inspirer tous les ufologues, qui vont tous écrire Cloéra, au lieu de Cloéna; et diffuser ensuite cette mythologie sur le web, à la vitesse du copié/collé.
Pourtant, à l'origine, il n'y a guère qu'une observation de navires aériens illusoires à Clonmacnoise, mais elle va être réinterprétée, à travers un réseau de sources, dont la plupart sont perdues, pour nous laisser quelques légendes, dont les ufologues ont fait leurs choux gras.
Le gag, c'est que c'est finalement Jacques Vallée qui a fini par comprendre comment s'étaient construites ces histoires.
Pour une fois, bravo Jacques. Tu a mérité un bonnet de savant, au lieu d'un bonnet d'âne.
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