169 avant JC
Anagnia, Minturne, Réate, Rome, Frégelles, torche céleste, ciel en feu, pluie de pierres, pluie de sang, lance en feu
En réalité: bolide, aurore boréale, renseignements insuffisants, feu St Elme

vers 9 avant notre ère, Tite Live s'excuse de mentionner des prodiges auxquels il ne croit pas:
Non sum nescius ab eadem neclegentia, quia nihil deos portendere vulgo nunc credant, neque nuntiari admodum ulla prodigia in publicum neque in annales referri. Ceterum et mihi vetustas res scribenti nescio quo pacto anticus fit animus, et quaedam religio tenet, quae illi prudentissimi viri publice suscipienda censuerint, ea pro indignis habere, quae in meos annales referam. Anagnia duo prodigia eo anno sunt nuntiata, facem in caelo conspectam et bovem feminam locutam; {eam} publice ali. Menturnis quoque per eos dies caeli ardentis species affulserat. Reate imbri lapidavit. Cumis in arce Apollo triduum ac tris noctes lacrimauit. In urbe Romana duo aeditui nuntiarunt, alter in aede Fortunae anguem jubatum a conpluribus visum esse, alter in aede Primigeniae Fortunae, quae in Colle est, duo diversa prodigia, palmam in area enatam et sanguine interdiu pluvisse. Duo non suscepta prodigia sunt, alterum, quod in privato loco factum esset, - palmam enatam {in} inpluvio suo T. Marcius Figulus nuntiabat - , alterum, quod in loco peregrino: Fregellis in domo L. Atrei hasta, quam filio militi emerat, interdiu plus duas horas arsisse, ita ut nihil ejus ambureret ignis, dicebatur. Publicorum prodigiorum causa libri a decemviris aditi: quadraginta majoribus hostiis quibus diis consules sacrificarent ediderunt, et uti supplicatio fieret cunctique magistratus circa omnia pulvinaria victumis majoribus sacrificarent populusque coronatus esset. Omnia, uti decemviri praejerunt, facta.
Je n'ignore pas que de nos jours on ne croit plus aux présages envoyés par les dieux, et que, par suite de cette incrédulité, on a perdu l'habitude de publier les prodiges et de les consigner dans les annales. Mais en écrivant l'histoire des temps reculés, mon esprit prend involontairement la couleur antique, et je me ferais scrupule de regarder comme indignes de figurer dans mes annales des faits que la sagesse de nos aïeux jugeait dignes de la publicité. On annonça cette année deux prodiges à Anagni: les habitants avaient vu une flamme briller dans l'air, et entendu parler une vache qu'on nourrissait aux frais de la ville. À Minturnes, pendant les mêmes jours, le ciel avait paru tout en feu. À Réate il plut des pierres. À Cumes, la statue d'Apollon placée dans la citadelle pleura pendant trois jours et trois nuits. À Rome, deux gardiens de temples annoncèrent, l'un, que plusieurs personnes avaient vu dans le temple de la Fortune un serpent avec une crête; l'autre, que dans celui de la Fortune Primigénie, situé sur le mont Quirinal, il était arrivé deux prodiges: un palmier était sorti du sol, et il avait plu du sang en plein jour. Il y eut encore deux autres prodiges auxquels on ne fit pas attention, parce qu'ils avaient eu lieu, le premier, dans un lieu privé; le second, dans une ville étrangère. T. Marcius Figulus annonçait qu'un palmier était né dans sa cour, et on disait qu'à Frégelles une lance, que L. Atréus avait achetée pour son fils, alors à l'armée, avait brûlé dans sa maison, en plein jour, pendant plus de deux heures, sans que le feu l'eût endommagée en rien.
(Livius, liv XLIII, ch XIII)
Note: le texte disant que L.Atreus avait acheté la lance pour son fils, peut aussi se traduire:
On disait qu'à Frégelles, dans la maison de Lucius Atréus, une lance, qu'il avait acheté à son fils soldat, avait brulé pendant plus de deux heures, sans que le feu n'en consume rien.
Mais ceci ne change rien à l'explication physique du prodige.
Pour ce qui est du palmier qui pousse dans une cour, souffrez que nous ne nous en étonnassions point: Chez nous un lilas et une fleur de tournesol ont poussé dans un mur, et un arbuste dans une cheminée.


Le pseudo Obsequens copie Tite Live:
Q.Martio Philippo II, Q.Servilio Caepione, Coss.
en marge: DLXXXV. 167.
69 Anagniae fax in coelo conspecta; bos femina locuta; Menturnis per eos dies coeli ardentis species affulsae. Reate pluit lapidibus.
Romae... sanguine interdiu pluit. Fregillis, in domo L. Atrei, hasta quam filio militi emerat, interdiu plus duas horas arsit, ita tamen, ut nihil ejus ambureret ignis.

Année 585 de Rome. 167 avant Jésus-Christ
69 A Anagnia, on observa une torche dans le ciel, une vache parla. à Minturnes ces mêmes jours, les cieux brillèrent d'apparences enflammées, à Réate il plut des pierres
A Rome... en plein jour, il plut du sang. A Fregille, dans la maison de Lucius Atreus, une lance qu'avait gagné son fils soldat, brula plus de deux heures en plein jour, sans, cependant que le feu n'en ait rien consumé.

(Obsequens2, p 78)
Note: Le texte d'Obsequens est perdu. Il s'agit ici de la reconstitution de Lycosthenes.

1557, Conrad Lycosthènes, se cite lui même

ciel en feu (Lycosthenes)

vache parlante (idem)

pluie de pierres (idem)
3797, AC 166
Agnagniae Fax in coelo conspecta, bos foemina loquuta. Minturnis per eos dies coeli ardentis species affulsae. Reate pluit lapidibus.
Romae... sanguine interdiu pluit. Fregillis, in domo L. Atrei, hasta quam filio militi emerat, interdiu plus duas horas arsit, ita tamen, ut nihil ejus ambureret ignis.
Livius Julius Obsequens cap.69

Année de la création 3797. 166 avant Jésus-Christ
à Anagnia, on observa une torche dans le ciel, une vache parla. à Minturnes ces mêmes jours, les cieux brillèrent d'apparences enflammées, à Réate il plut des pierres
A Rome... en plein jour, il plut du sang. A Fregille, dans la maison de Lucius Atreus, une lance qu'avait gagné son fils soldat, brula plus de deux heures en plein jour, sans, cependant que le feu n'en ait rien consumé.
Tite Live et Julius Obsequens ch.69

Lycosthenes, p 160
Note: Lycosthenes se cite lui même en citant Obsequens

1842, Victor Verger, traduit le pseudo Obsequens.
[69] LXIX. Sous les consuls Q. Martius Philippus II et Q. Servilius Cépion (1)
A Anagnie, on aperçut dans le ciel un météore igné, et une vache proféra des paroles; à Minturnes, durant les mêmes jours, le ciel parut embrasé. A Réate, il plut des pierres.
A Rome... Il plut du sang pendant le jour. A Frégelles, dans la maison de L. Atréus, une lance qu'il avait achetée pour son fils, alors soldat, jeta des flammes en plein jour pendant plus de deux heures, sans que le feu lui fît éprouver aucun dommage.
obsequens3 p 83
(1) An de R. 585

(Obsequens3, p 81)

1955 Harold T. Wilkins cite laborieusement Tite Live.
B.C. 168: "At Lanuvium" (16 Roman miles from Rome), "a thing like a torch burned in the sky ... and at Anagnia" (40 Roman miles east of Rome), "the year before, a similar thing was seen in the sky, burning ... "
168 av JC: A Lanuvium (à 16 milles romains de Rome), une chose comme une torche brula dans le ciel... et à Anagnia (à 40 milles romains de Rome), l'année précédente, une chose similaire fut vue, brulant dans le ciel...
Wilkins, p 166
Note: Wilkins cite ici d'abord le prodige de 168 av JC, puis celui de l'année précédente, en faisant référence au premier pour l'apparence, ce qui oblige à citer les deux cas

Analyse:
Le début du texte de Tite Live est hyper important. Il explique clairement qu'il ne mentionne ces prodiges auxquels personne ne croit plus (et donc lui non plus), que parce qu'il veut rendre l'ambiance d'autrefois, quand on y croyait. Alors que d'aucuns lui ont reproché de citer ces billevesées, c'est grace à lui que nous connaissons l'effarante crédulité des romains de la république. Ce n'est d'ailleurs pas qu'il nie la réalité de tous ces phénomènes, c'est qu'il doute qu'ils aient été provoqués par les dieux. Il constate bien plutôt que la crédulité des anciens romains leurs faisaient raconter des histoires de prodiges qu'on ne rapportait plus de son temps.
Il faut rappeler qu'au siècle précédent, Cicéron expliquait, dans De divinatione, que tous ces prodiges, s'ils s'étaient réellement produits n'étaient que l'oeuvre de la nature. Et d'ailleurs l'intelligensia du temps de Tite Live (l'age d'or de Rome) ne croyait plus à tous ces dieux. Passe encore de croire à la divinité, mais en ajoutant les dieux de l'Olympe, romanisés, aux dieux locaux, puis aux dieux lares et pénates, Varron estimait à 30000 le nombre des dieux. Autant que d'habitants à Rome, à la mort de Romulus (qui d'ailleurs fut aussitôt divinisé sous le nom de Quirinus). C'était trop.

Les deux augures
(cliquez pour agrandir)
Cette même intelligentsia ne croyait pas davantage aux devins, augures et autres haruspices. Cicéron cite à ce sujet, un mot célébre de Caton:
Vetus autem illud Catonis admodum scitum est, qui mirari se aiebat quod non rideret haruspex haruspicem cum vidisset.
On connaît depuis longtemps ce mot de Caton, qui s'étonnait qu'un haruspice ne se mette pas à rire lorsqu'il voyait un autre haruspice.
Ciceron2, ch.XXIV
Cette citation, largement déformée, et attribuée aujourd'hui à Cicéron, a inspiré un amusant tableau au peintre Gérome, spécialiste des reconstitutions antiques à grand spectacle, nous montrant deux haruspices devant les cages des poulets sacrés, dont l'un est plié en deux de rire en regardant l'autre.
Il est malheureusement probable que cette situation soit illusoire, et que tous ces devins, augures, haruspices ou decemvirs, se prenaient très au sérieux.

Mais tout ceci ne concerne que l'intelligentsia de l'age d'or. Du temps des guerres puniques, le bon peuple, et même le sénat, n'auraient jamais osé douté des oracles, prodiges, présages, poulets sacrés, livres sybillins et tout ça. Et c'est bien ce que montre Tite Live, qui après cité les prodiges de chaque années, nous montre les consuls, fort occupés, avant d'entreprendre quoique ce soit, d'apaiser la colère des dieux par des cérémonies expiatoires. Et malheur à celui qui passait outre: il était destitué, comme nous l'apprend Plutarque, à propos du prodige d'Ariminium. C'est comme si, aujourd'hui, l'astrologue Elisabeth Teissier pouvait faire tomber le gouvernement, voire faire annuler l'élection du président, à cause d'un horoscope défavorable
A Rome, ce respect des devins et autres haruspices semble remonter à Tarquin l'ancien, dont la femme Tanaquil, versée dans l'art divinatoire, lui prédit avec bonheur qu'il devindrait roi, puis que le petit esclave qu'ils adoptèrent serait roi lui aussi (ce fut Servius Tullius). Si l'on en croit Tite Live, sous son règne, un célèbre devin nommé Attus Navius aurait gagné sa confiance en coupant devant lui, une pierre avec un rasoir. Mais selon Denys d'Halicarnasse, Attus Navius disparut mystérieusement à l'instigation supposée du roi.

Quoiqu'il en soit, des siècles après Tite Live, des ufologues reprendront tous ces prodiges, à coup de copié-collé, en ignorant les mises en garde de la source initiale, qu'aucun d'entre eux n'a lu.
Pourtant, en examinant les prodiges de l'an 214 AC, comment ajouter foi à des gens qui racontaient qu'un enfant avaient parlé dans le sein de sa mère, ou qu'une vache avait parlé? Comment ne pas s'étonner qu'ils aient pu considérer comme un prodige que des témoins voient des choses dont on avait pu vérifier qu'elles n'existaient pas? Il n'y a guère que Tite Live ou Cicéron pour s'étonner. Et ceux qui les copièrent, ne copièrent pas un mot de leur étonnement.
Bien plus, ils leurs firent parfois dire le contraire de ce qu'ila avaient écrit. Ainsi un passage de Cicéron est souvent cité pour cautionner les prodiges. En réalité, Cicéron y met en scène son frère Quintus, qui expose la rumeur de tous ces prodiges, après quoi, Cicéron lui même, les réfute et les explique.

Pour ce qui est des prodiges mentionnés:

A Anagnia, la torche céleste s'appelle aujourd'hui un bolide.

Pour la vache parlante, le septième bovin bavard, le simple canular, ou la mystification par ventriloquie sont assez probables, surtout si à la ventriloquie d'un vacher facétieux s'ajoute la pareidolie des auditeurs.

Les apparences enflammées dans le ciel, sont classiquement celles d'une aurore boréale.

Encore une pluie de pierres, c'est au moins la vingt-quatrième, mais c'est à Réate, qui n'est pas sur des terrains volcaniques.
Et encore une pluie de sang, c'est la quatrième, et c'est à Rome, sans qu'on sache si c'était dans un endroit précis ou sur toute la ville. Force est de classer ces deux cas comme renseignements insuffisants

Enfin, pour le prodige de Frégelles, il s'identifie à simple lecture: une apparence de flammes, pendant deux heures, sur un objet pointu, sans que rien se consume, ça s'appelle un feu St Elme.

Dernière mise à jour: 18/11/2014

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