1990. Stéphane Lecomte croit à Fontana.

DU SATELLITE DE VENUS
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Par Stéphane Lecomte.
(commission d'histoire)

L'évolution des sciences est ainsi faite que de nombreux chapitres de son histoire tombent dans l'oubli une fois la page tournée. Ainsi en est-il de l'histoire du satellite de Vénus. Il fut une époque où son existence était si vraisemblable que le grand Frédéric, roi de Prusse, proposa de le baptiser "d'Alembert".
L'histoire du satellite de Vénus commence le 15 novembre 1645. Ce jour là, Fontana, le découvreur des taches de Mars, observa au-dessus de Vénus une petite étoile présentant la même phase que le planète. Bien qu'il fut sûr de son observation, il ne put jamais revoir le petit astre.
bouton 1645
le 15 novembre
Note: Horreur! Il n'y a rien de vrai dans ce passage. La première observation de Fontana concernant Vénus eut lieu le 11 novembre 1645, et il n'était pas question d'un satellite, ni même d'une petite étoile, mais seulement d'un globule noirâtre. Le 15 novembre, Fontana crut observer deux globules noirâtres. Ces globules n'étaient que de simple points ne montrant évidemment pas de phase, et d'ailleurs plus petits que la résolution de sa lunette. Il fit encore deux autres observations de globules, le 25 décembre 1645, et le 22 janvier 1646. Fontana n'a jamais découvert de taches sur Mars, mais seulement observé une "pilule" noirâtre, qui n'était due, comme les globules, qu'aux défauts de sa lunette. (voir notre étude des observations de Fontana). Enfin le reste vient d'une confusion avec l'observation de Cassini.
Ce n'est que le 25 janvier 1672 que Dominique Cassini aperçut de nouveau près de la planète un astre dont le diamètre était d'environ le quart de celui de Vénus et présentait la même phase (un dessin de cette observation est paru dans l'ASTRONOMIE 1882 P. 201). Il l'observa une dizaine de minutes avant que celui-ci ne s'évanouisse dans les lueurs de l'aurore.
Note: Cassini ne l'aperçut pas de nouveau, puisque personne ne l'avait encore aperçu. Le dessin paru dans l'Astronomie n'est pas de Cassini, mais de Joseph Bertrand, et la phase représentée est fausse. (voir notre étude de l'observation de Cassini).
Puis, le 28 août 1686, au matin, Cassini revit de nouveau, et pendant un quart d'heure, "une lumière informe" imitant la phase de Vénus. Après avoir interrompu son observation, il ne put la revoir dans le jour naissant.
Il fallut attendre près d'un demi siècles avant que James Short, l'un des plus habiles opticiens de son époque, ne revoie l'énigmatique compagnon à l'aide d'un télescope le 3 novembre 1741. Un petit astre, situé à environ 10' de la planète, montrait, à fort grossissement, la même phase que celui-ci pour un diamètre trois fois plus petit. Il fut visible durant une heure avec différents grossissements et divers instruments. Mais Short ne put jamais le revoir.
Note: C'était en 1740 et non 1741.
La fréquence des observations devint alors plus importante. En 1759, l'astronome allemand André Meier l'observa et vérifia que sa position par rapport à Vénus restait inchangée quelle que soit l'orientation du télescope.
Puis, en mai 1761, débuta une série d'observation par Montaigne, astronome à Limoges, qui vit durant quatre jours le compagnon de vénus en des positions légèrement différentes. Son diamètre semblait être le quart de celui de la planète. Détail important, le satellite restait toujours visible en la présence ou en l'absence de la planète dans le champs de la lunette.
Note: Ce ne fut pas 4 jors d'affilée, mais les 3,4,7 et 11 mai 1761: Et Montaigne n'avait vu que des étoiles, qu'il avaient prises comme étant le satellite, parce qu'elle étaient à la distance angulaire attendue de Vénus. (voir notre étude de l'observation de Montaigne).
D'autres observations suivirent en 1764, par Rodkier et Horrebow à Copenhague ainsi que par Montbarron à Auxerre qui le fit voir à plusieurs personnes et put toujours l'observer en variant les conditions d'observation.
Après le passage de Vénus sur le Soleil en 1769 qui ne montra aucun compagnon, Lambert, s'appuyant sur la série d'observations de 1764, calcula une orbites et une éphéméride pour le mystérieux satellite. Ces calculs montrèrent que si le satellite était invisible lors des passages de la planète en 1761 et 1769 (bien qu'un astronome anglais rapporte l'avoir observé lors du passage de 1761), il devait effectuer un transit le ler juin 1777. Cette prédiction fut sans résultat et l'idée même de l'existence d'un satellite à Vénus fut pratiquement abandonnée.
Le 19ème siècle ne compte que trois observations d'un objet mystérieux près de Vénus. Tout d'abord le 22 mai 1823 par T.W. Webb, puis le 3 février 1884 par M. Stuyvaert, astronome à l'observatoire de Bruxelles, qui observa une tache brillante près du limbe de la planète (un dessin de cette observation se trouve dans l'ASTRONOMIE 1884 p. 288).
Note: T.W. Webb n'avait vu que l'étoile Mebsuta (ε Geminorum), et ne révéla son observation qu'en 1876. (voir notre étude de l'observation de Webb). Quant à Stuyvaert, il n'a observé qu'une tache claire sur Vénus.
Enfin, le 13 août 1892, E.E. Barnard observa avec la grande lunette de l'observatoire de Lick une étoile brillante dans le même champ que la planète Vénus et ne correspondant à aucune étoile connue. C'est là la dernière observation connue se rapportant à l'existence d'un hypothétique compagnon de Vénus.
Note: Barnard n'a jamais prétendu avoir observé un satellite de Vénus. (voir notre étude de l'observation de Barnard).
Bien sûr, il peut y avoir plusieurs explications possibles à ces observations mystérieuses, tel le passage d'un astéroïde brillant dans le champ de la planète où bien l'observation d'images fantômes d'un objet lumineux avec des instruments à l'optique imparfaite. Remarquons l'idée de J.C. Houzeau, parue en 1884 dans l'ASTRONOMIE, d'une planète extérieure à Vénus, que son orbite ramènerait périodiquement en conjonction avec Vénus. Il a même baptisé cet objet mystérieux du nom de Neith.
Un siècle après le dernière de toutes les observations, l'idée même d'un satellite de Vénus peut nous sembler absurde. Que penser néanmoins des nombreuses observations réalisées par tant d'astronomes, dont certains de grand talent, durant plus de deux siècles ? Et combien d'observations énigmatiques oubliées appartiennent à notre passé ?
Note: Que penser? C'est simple: il suffit d'avoir lu l'article de Paul Stroobant.

BIBLIOGRAPHIE:

Panorama des Mondes - Lecouturier (1856)
Le satellite de Vénus - Joseph Bertrand (l'ASTRONOMIE 1882 p.201)
Le satellite problématique de Vénus -J.C Houzeau (id. 1884 p.283)
The Moon and the Planets. A catalog of astronomical anomalies - William R. Corliss (1985)


Stéphane Lecomte, DU SATELLITE DE VENUS, S.A.F. commission d'histoire, 1990, p. 55

On s'étonne qu'un membre de la commission d'histoire puisse nous sortir autant d'erreurs, mais on comprend mieux quand on voit qu'il cite Joseph Bertrand, et pas Paul Stroobant. Il a tout simplement fait confiance à Bertrand qui lui même avait confiance aux âneries de Schorr. Il n'empêche que ce n'est pas de l'histoire mais de l'historiographie de bas étage.

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Dernière mise à jour: 11/11/2020