Conrad Lycosthenes et son catalogue de prodiges
Conrad Lycosthenes |
et son livre |
L'alsacien Conradus Lycosthenes, de son vrai nom Conrad Wolfhart (loup vigoureux, soit Lycosthenes en grec), est connu des humanistes pour son recueil de citations, et des érudits et autres ufologues pour son recueil de prodiges.
Né en 1518 à Rouffac, il partit étudier en 1535 à Heidelberg, où il fut Maître es Arts en 1539, il étudia la théologie, puis en 1542, enseigna la grammaire et la dialectique à Bale, où il fut nommé diacre de l'église réformée de Saint Léonard, en 1545.
Touché comme d'autres humanistes par le virus de la prodigiologie, il collectionna les citations de prodiges chez les anciens auteurs et entrepris de reconstituer le Prodigiorum liber de Julius Obsequens. Cet ouvrage, probablement rédigé au IVe siècle de notre ère, devait mentionner les prodiges connus à Rome depuis sa fondation jusqu'au premier siècle avant notre ère, mais le début en était perdu. Remarquant que les prodiges cités par Obsequens semblaient tirés de Tite Live, Lycosthenes compléta l'ouvrage en remplaçant les parties perdues, par des emprunts à d'autres auteurs, d'abord Tite Live, mais aussi des auteurs, comme P. Orosius, qui avaient puisé dans l'oeuvre de Tite Live, à une époque où elle était encore complète.
Frappé d'une attaque d'hémiplégie en 1554, il perdit l'usage de la main droite, mais continua à écrire. Il publia en 1555 Apophthegmatum sive responsorum memorabilium, dont l'érudition fut utile à Montaigne, et en 1557 Prodigiorum ac ostentorum chronicon, qui complétait son recueil de prodiges précédent, en commençant à la création du monde pour se terminer à son époque.
Il publia encore deux ouvrages avant d'ètre emporté le 25 mars 1561 par une attaque d'apoplexie, à l'âge de 43 ans.
Son Prodigiorum ac ostentorum chronicon, est la plus riche compilation de prodiges qu'on eut jamais faite. Dans son Epistola nuncupatoria (une préface explicative), il indique:
Ideo autem haec mea collectanea, quae ex infinitis authoribus graecis simul atque Latinis, veteribus atque recentioribus, ad viginti jam annos congesta:
Voici donc mes collections, rassemblées depuis vingt ans, auprès d'un nombre infini d'auteurs tant grecs que latins, anciens et modernes
On peut quand même se demander s'il avait vraiment commencé ses recherches en 1537, quand il était étudiant à Heidelberg, d'autant qu'il exagère forcément en parlant d'un nombre infini d'auteurs.
. Le livre contient 669 pages, dont 39 pages de monstruosités diverses et 630 pages de prodiges, commençant en 3959 avant notre ère (la date de la création du monde, selon lui) jusqu'à Aout 1557. Aujourd'hui, on peut trouver cette compilation bien naïve, mais la naïveté de Lycosthenes était celle de son époque, une époque où on croyait que la fin du monde était proche, car les prodiges publiés devenaient de plus en plus fréquents. La faute n'en était pas à la proximité de la fin du monde, mais tout simplement aux progrès de l'imprimerie. Pour cela, Lycosthenes fut raillé au XIXe siècle, par des savantasses, ignorant la mentalité de la Renaissance.
Dans son livre, Il additionne les prodiges cités dans la Bible, à ceux trouvé chez les historiens latins ou chrétiens, ou autres chroniqueurs, voire dans des occasionnels. Le problème est qu'il ne se rend pas compte que que ses diverses sources mentionnent parfois le même prodige à des dates différentes, d'autant que lui même se trompe en convertissant les dates d'un calendrier dans un autre. On peut s'étonner de voir parfois le nombre d'années avant Jésus-Christ augmenter avec le temps, au lieu de diminuer, ou de voir certaines dates brusquement décalées d'un siècle. Il lui arrive même de se tromper de quatre siècles. Il est vrai que de son temps, d'autres ont fait pire.
Le livre est illustré de plusieurs gravures par page, au prix d'une petite astuce: La même gravure est réutilisée pour le même type de prodige, quelque soit l'époque. Aussi ne faut il pas s'étonner de voir des personnages de l'antiquité porter des vètements du XVIème siècle.
Ce livre eut droit, la même année, à une édition en allemand, avec les mêmes illustrations par Johann Herold, sous le titre Wunderwerck oder Gottes unergründtliches vorbil.
Il fut traduit en anglais en 1581, par Stephan Batman, sous le titre The Doome warning all men to the judgemente
Ce livre de Lycosthenes, qu'il soit en latin, en allemand ou en anglais, n'a été longtemps consultable que dans les grandes bibliothèques, encore qu'une tentative de la consulter à la biliothèque nationale, dans les années 80, se soit soldée par un échec: l'un des exemplaires était à la réserve et l'autre à la reliure.
Aujourd'hui, les bibliothèques digitales l'ont rendu accessible, mais seulement en mode image. En conséquence, il n'est pas possible d'utiliser un moteur de recherche pour y trouver tel ou tel type de prodiges, puisque ce n'est possible que pour le mode texte. Et bien qu'il en existe au moins un scan à haute résolution, il est quasiment impossible d'en obtenir un texte par reconnaissance optique de caractère, à cause de la typographie incertaine, et de la présence de nombreuses abréviations, remontant à l'époque des manuscrits, sans compter les coquilles et autres bourdons qui font écrire examinati au lieu de exanimati (tués). Pour arranger le tout les tirets signalant un mot coupé en fin de ligne sont parfois omis, et inversement deux mots trop rapprochés semblent parfois n'en former qu'un. Le résultat est que, quand Lycosthenes écrit:
Cum eum regnaret adhuc Romae Tarquinius, Templumque Jovis Capitolini fere ad finem perduxisset, sive vaticinio admonitus, sive quod ei aliter visum esset, currum superne fictilem Thuscis quibusdam ex Veiorum gente figulis fingendum mandarat.
L'OCR lit:
Cumei reenaretadhuc Romg Tarquinius, téplumq Iouis Ca
pitolini feréad finem perduxifTet, fiue uaticinio admonitus, fiue
Qd ci alíter uifum effet,currü fupné fictile Thufcis quibufdá ex
Veiorugetefigulís finpendit mádarat.
Et voici ce qu'en comprend Google:
Cumei reenaretd Romg Tarquin, le temple de Jupiter Ca
pitolini feréad fin
Cela signifie qu'il sera différent de la faïence
Veiorugetefigulis finpendit mádarat.
Une réédition du Prodigiorum fut faite en 1614, inséré dans un ensemble de chroniques. Cette fois la typographie était plus lisible. Une version en OCR est même disponible sur internet. Mais voici ce que traduit Google:
Arquinius se préparait à une seconde guerre en Toscane avec les Romains, et on dit qu'il existait un grand nombre d'arbres. Jupiter Capicolini l'avait amené presque à la fin, averti par une prophétie, ou, comme il semblait autrement, dans le char ci-dessus, un mádarar de poterie en terre a été inventé par des potiers de la tribu de Thulcis de Veiorú.
Cette fois le texte est compréhensible, quoique bizarre, mais malheureusement faux, car il fallait comprendre:
Tandis que Tarquin régnait encore à Rome, et avait presque terminé le temple de Jupiter Capitolin, soit prévenu par les devins, soit par d'autres vues, il avait fait placer au dessus un char de terre cuite par quelques potiers étrusques du peuple des Véiens.
Nous avons donc du reproduire le texte visuellement et manuellement, en étant encore content qu'il soit en latin, et pas en grec ou en caractères gothiques. Nous avons supprimé les abréviations, et utilisé une typographie plus cohérente.
Pour la traduction, nous avons remarqué que Google donne (aujourd'hui) un texte à peu près compréhensible, qui donne une idée du sujet, bien que la traduction soit mauvaise et contienne de nombreux contresens, parfois cocasses. Google nous permet donc de repérer un passage intéressant, méritant d'être mieux traduit. Pour faciliter son travail, nous avons renoncé à couper les paragraphes quand ils étaient coupés par un saut de page. Le texte continue donc sur la même page, et le numéro de page, écrit en gras, correspond à la page du début du texte.
Nous avons néanmoins essayé de maintenir chaque image à coté du texte correspondant, mais nous avons donné la priorité à ce que chaque image soit sur la page où elle est dans l'original.
Pour éviter d'avoir une page interminable, difficile à traiter par Google, nous avons découpé l'ensemble en 15 blocs d'environ 100 kilo-octets.
Le texte complet, en un seul bloc, en mode TXT, donc sans images, mais où les phrases sont souvent coupées par les sauts de page, est disponible Ici
(rappel: AC = Ante Christum = avant notre ère)
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