La fable de la découverte du satellite par Fontana

Depuis la fin du XIXe siècle, d'éminents vulgarisateur ont prétendu que le premier observateur du fabuleux, et illusoire, satellite de Vénus, était l'astronome Napolitain Francesco Fontana. Nous allons voir que c'est une légende: Fontana n'a jamais observé, ni prétendu observer de satellite à Vénus.

1645. Francesco Fontana, initiateur prétendu du satellite de Vénus.

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Les observations de Vénus par Francesco Fontana, qui ne mentionnaient même pas de satellite, n'eurent qu'un écho limité de son temps, et ses dessins ne furent guère reproduits que par Riccioli et Zahn. Les savants de cette époque furent plutôt sceptiques et les observations de Fontana tombèrent dans l'oubli pendant deux siècles, et en particulier au moment où la polémique sur l'existence du satellite battait son plein.
Ses observations de Vénus ne furent retrouvées qu'à l'époque où on ne croyait plus au satellite de Vénus, mais où on croyait que Fontana en avait observé un.

1647. Gassendi s'étonne de n' avoir pas vu ce qu'aurait vu Fontana

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Pierre Gassendi, astronome provençal, puis Parisien, est plus connu comme philosophe et disciple d'Épicure. Ordonné prêtre en 1616, il enseigna la philosophie à Aix de 1617 à 1623. À partir de 1624, il partagea son temps entre Paris et la Provence. Prévôt de la cathédrale de Digne en 1626, il fut nommé professeur de mathématiques au Collège royal à Paris en 1645. Ayant lu les descriptions des observations de Fontana, il s'étonne de n'en avoir jamais rien vu, alors qu'il utilisait l'instrument même que lui avait laissé Galilée, quand, étant devenu aveugle, il n'en avait plus l'utilité.

1651. Riccioli mentionne les observations de Fontana sans trop y croire.

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Le livre de Francesco Fontana était paru depuis cinq ans quand le père Giovanni Battista Riccioli publia son monumental Almagestum novum, où il avait consacré un chapitre à l'aspect des planètes. Riccioli fut donc, bien obligé de citer les observations de Vénus faites par Fontana, mais il ne cacha pas son scepticisme, puisque ni lui, ni les autres observateurs de Vénus, en qui il avait toute confiance, n'avaient jamais vu ces globules noirâtres dont Fontana affublait la planète.

1656. Huygens exprime ses doutes.

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Christian Huygens, le plus grand savant hollandais de son temps, avait la réputation d'un grand astronome après avoir découvert le satellite Titan et démontré la structure exacte de l'anneau de Saturne. Par l'intermédiaire de son ami et correspondant, le poète Jean Chapelain, il était en contact avec le cercle de savants qui se réunissait chez Henri Louis Habert de Montmort, et sera appelée plus tard l'Académie Montmorienne, embryon de la future académie des sciences.
interrogé à propos des découvertes de Fontana, il ne cache pas son scepticisme.

1656. Athanase Kircher rappelle les réserves de Riccioli.

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Athanase Kircher, le savant jésuite touche-à-tout, auteur de 39 livres sur les sujets les plus divers, voire les plus sulfureux, ne pouvait manquer de parler des curiosités de l'astronomie. Aussi écrivit-il l'Itinerarium extaticum, où, à la manière du Somnium de Képler, il décrit les merveilles célestes vues au cours d'un voyage extatique.
Il y fait bondir d'une planète à l'autre, deux voyageurs, se plaçant ainsi parmi les précurseurs de la science-fiction, mais insère aussi des descriptions de savants bien terrestres, ce qui l'amène à parler des observations de Fontana.

1669. Andreas Tacquet croit aux observations de Fontana.

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Cela peut paraître curieux, mais le père Andreas Tacquet, pourtant de la Compagnie de Jésus, donc porté à accorder plus de confiance aux travaux d'autres jésuites, qu'à ceux d'un savant autoproclamé, a osé préférer les affirmations de Francesco Fontana, le prétentieux astronome Napolitain, à celles de ses collègues, les jésuites, Riccioli, Kircher et Grimaldi.
Dans ses Opera Mathematica, il affirme que puisque Riccioli, Grimaldi et Gassendi n'ont pas vu ce que Fontana affirme avoir vu, c'est que leurs instruments étaient moins bons que les siens.
Mais le père Tacquet ne connaissait rien à l'observation astronomique: il était mathématicien.

1685. Johann Zahn reprend ce qu'avait écrit Riccioli.

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Johann Zahn, l'un des plus célèbres savants de l'ordre des prémontrés, est surtout connu pour les Specula physico-mathematico-historica notabilium ac mirabilium sciendorum, qu'il publia en 1696. Mais en 1685, il avait aussi écrit Oculus artificialis teledioptricus sive telescopium, une savante dissertation sur le télescope, et les services qu'il rendait. Dans la troisième partie, Practico-Mechanicum fabrica, il traite des observations déjà faites de la lune et des planètes, et mentionne les observations de Fontana, et ce qu'en dit Riccioli. Il sera le dernier, avant deux siècle, à mentionner Fontana et ses dessins.

Les observations de Fontana seront rappelées, en quelques mots par De Mairan en 1762, puis en 1835 par Littrow, mais seulement pour mentionner leur mauvaise qualité.
Elles à nouveau prises au sérieux par Schorr en 1875, qui semble prendre Fontana pour un grand astronome, puis par Joseph Bertrand, qui les qualifiera de "précises et certaines", puis par Camille Flammarion, et seront dorénavant considérées comme les premières observations du satellite de Vénus, par des auteurs qui n'auront jamais lu le livre de Fontana.
Car c'est un fait: Fontana n'a jamais vu, ni même prétendu voir un satellite à Vénus!

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Dernière mise à jour: 27/10/2020